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La traque de la frontière [PV Valena]

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Réveillé depuis déjà une bonne heure, Orys obligea sa monture à passer à un trot un peu plus rapide. La piste était fraîche, la battue lancée depuis peu. Il était probablement sur le point de réussir à atteindre son objectif, et ce avant même d'atteindre les territoires où il redoutait de poursuivre sa tâche. Non pas que les terres de Dorne l'effrayaient, il y était né et il les connaissait, mais il préférait éviter d'avoir à sortir du Bief. Il avait parcouru bien des lieues depuis quelques jours, pourchassant sans relâche celui qu'il avait à rattraper et ramener. Celui qui tentait d'échapper à la justice de son seigneur. Un dénommé Drickel.

Paysan de son état, il n'avait pas grand chose pour lui. Trop maigre, avec un air de rat et des cheveux comme de la paille, il ne brillait pas vraiment par son intelligence ou ses manières. Non, la seule qualité qu'on pouvait lui reconnaître, c'était sa capacité à se débrouiller. Sans pour autant réussir à être un génie, il n'était pas le plus démuni des hommes face à l'adversité, trouvant toujours un moyen quelconque de s'en sortir, même s'il devait y laisser des morceaux. A ses trousses, Orys, qui était de plus de mauvaise humeur. La veille avait été une journée pluvieuse sans aucune halte, car il avait été obligé de chevaucher à vive allure à la suite du paysan, ce dernier ayant également trouvé un cheval. Volé serait sûrement plus exact, bien qu'il n'ait pas été vérifier. Non, le seul grief dont il avait connaissance, c'était l'absence de paiement à Owen Tyssier. Il avait refusé de lui donner sa redevance, ce qui avait irrité le seigneur. Il avait envoyé Orys le ramener à la raison.

Il arrêta son cheval, lequel semblait soudainement un peu inquiet. Regardant tout autour de lui, fronçant les sourcils, le Dornien lui-même sentait que quelque chose n'allait pas. Il maudit intérieurement le ciel assombri qui menaçait de l'enfermer pour une nouvelle nuit. Il avait perdu la trace du fugitif, il en était certain. Et il risquait par conséquent d'échouer. Il mit pied à terre, et avança de quelques pas. Un bruit sur sa droite l'alerta, dans les feuillages. Il ne dut sa survie qu'à des réflexes longuement aiguisés par les années. Une hache, mal taillée et de mauvaise facture, frôla son nez, tandis qu'il se dégageait et sortait son épée.

 « Tu oses m'attaquer, paysan ?! Tu aggraves la charge contre toi, mon gars ! »

Il resta planté là quelques instants, attendant une nouvelle attaque. Mal lui en pris : il entendit le hennissement d'un cheval, puis le galop. Il jura, sauta en selle l'épée toujours dans sa main droite, et il s'élança lui aussi. Heureusement pour lui, il n'était pas loin derrière le criminel, qui galopait à vive allure le long de la route.

Les minutes défilèrent, la nuit tombant, de plus en plus noire. Il serait bientôt trop tard pour pouvoir espérer le rattraper sans risquer de percuter un arbre. Mais alors que la poursuite s'éternisait une fois de plus, Orys stoppa net son cheval, laissant filer l'autre. Il avait reconnu, aux abords du chemin, un lieu où il était passé bien des années auparavant, avec son épouse. Bien des années, oui. La frontière entre Dorne et le Bief, symbolisée ici par un autel dédié aux Sept. Il connaissait l'endroit.

 « Il y a une auberge de passage, à environ une lieue d'ici en continuant sur la route. De la nourriture, et du repos pour nous. Ca te convient, mon grand ? » dit-il en tapotant l'encolure du cheval.

Il le poussa alors doucement au trot. Inutile de se presser, car Drickel allait lui aussi devoir s'arrêter. Il avait encore moins de facilité qu'Orys pour s'y retrouver, car lui n'avait pas d'argent, il n'était qu'un fugitif, et le premier noble venu avec un sou de jugeote ferait en sorte qu'il soit réexpédié à Froide-Douve. Alors pourquoi, en arrivant à l'établissement ironiquement nommé « Le Bief dornien », Orys ressentait-il une inquiétude grandissante ?
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Some saw the sun, some saw the smoke. Sometimes the wire must tense for the note. Caught in the fire, say oh, we’re about to explode. Carry your world, I’ll carry your world. Some far away, some search for gold, some dragon to slay. Heaven we hope is just up the road. Show me the way, Lord because I'm about to explode. Carry your world and all your hurt.
Orys & Valena


Noirmont était si loin. Si loin. Pourquoi, par les Sept et par les anciens dieux du Rhoynar, pourquoi cette famille avait-elle dû se terrer si profondément dans Dorne, au fin fond des Montagnes Rouges ? Et pourquoi devais-je leur rendre visite seule ? Mon père avait insisté. « Pour ton enseignement, Valena. Tu le sais, tu es l’héritière Allyrion et la politique ne t’est pas étrangère, n’est ce pas ? Maintenant, prouve moi que tu as mûri et que tu es prête à me décharger d’une partie du fardeau qui pèse sur mes épaules. » J’imaginais encore sa voix sèche et posée m’ordonnant, de façon pesante et dissimulée, de rendre une petite visite à Lady Larra Noirmont. Je grimaçais en levant les yeux au ciel. Pourtant, je comprenais sa démarche. Et il aurait été enfantin et puérile de refuser. En agissant de la sorte, il m’offrait ce que j’attendais le plus, une pauvre de confiance inébranlable. Je m’y rendant en tant qu’héritière de la Gracedieu, au nom de mon père et je n’aurais pu espérer plus beau présent. Car, après tout, il aurait très bien pu envoyer Daemon à ma place… Ragaillardie par cette pensée, j’étais partie de la forteresse des Allyrion déterminée, confiante et pas peu fière de la tâche qui m’incombait.

Évidemment, le voyage m’avait rapidement faite déchanter. Il était de notoriété commune que les chevaux m’appréciaient autant que je les appréciais et je ne manquais jamais une occasion pour glisser le long de ma selle, me faire éjecter du dos de ma monture ou tout simplement m’ampouler les doigts et les paumes à force de tirer sur mes rennes pour tenter -en vain- de contrôler mon destrier. Bref, une véritable partie de plaisir. Heureusement, je n’avais pas fait l’erreur fatidique de couper par le désert et passer par Denfert pour réduire ma route. En effet, peut-être serait-elle moins longue, mais ô combien plus pénible. Je n’avais aucune envie de voyager des semaines à travers le désert et suer sang et eau des heures durant dans l’espoir d’arriver plus rapidement à Noirmont. Je n’étais pas folle. Aussi, même si je mettais quelques jours de plus, j’avais choisi d’emprunter la route littorale. Je m’étais arrêtée au Tor, fief de la maison Jordayne, que je connaissais comme ma poche, ayant presque grandi là-bas, en compagnie de Jalan. J’étais presque contente de ne pas le voir arpenter les couloirs. L’imbécile m’avait laissée dans l’embarras, à rompre nos fiançailles comme un malpropre et à quitter à nouveau Dorne, dans l’espoir de fuir ses devoirs d’héritier. Je ne souhaitais pas devenir sa femme, mais je lui en voulais terriblement. Mon orgueil était piquée et je le trouvais presque ridicule à ainsi fuir ce qui l’attendait. Enfin, son père me reçut comme une reine, surement pour faire pardonner l’affront de son fils aîné.

Puis, j’avais tranquillement longé la côte, profitant des embruns et de la mer que je n’avais que trop peu vue. J’avais toujours été fasciné par le Fléau, le Voi et la Sang-Vert, mais les rivières et le fleuve n’avaient rien à voir avec l’étendue d’eau salée qui se profilait devant moi. Je n’étais jamais montée sur un bateau destiné à naviguer jusqu’à l’horizon. Il y avait quelque chose de reposant à admirer ainsi le soleil brulant scintiller sur l’eau profonde de la mer de Dorne. Enfin, j’avais dévié de ma route, quitter le rivage, pour m’attarder deux jours dans ma famille maternelle. Les Ferboys m’avaient très bien accueillie entre les brimades de mon oncle Cletus et la douce timidité de Gwyneth, la soeur de ma mère, qui ne devait pas avoir plus de douze ans. Je les avais quitté en leur faisant la promesse de rester plus longtemps lors de mon voyage retour jusqu’à la Gracedieu et empruntait un chemin bordant un bras de mer à travers les Montagnes Rouges et mon calvaire en compagnie de ma jument recommençait de plus belle.

Après plus de quinze jours éreintants et que j’associais presque affectueusement à « l’enfer sur terre », j’arrivais enfin à Noirmont, le visage brulé par le soleil, les muscles endoloris et les jambes meurtries, dévorées par les moustiques. Même si je devais faire peine à voir, je gardais cet air impétueux et fier qui m’était si propre. Lady Larra m’attendait. Comme les Dorniens des montagnes, elle avait le teint clair et ressemblait un peu à ma mère, avec ses longs cheveux blonds et ses mains de porcelaines. D’ailleurs, je trouvais que tous ceux des familles nobles des Montagnes Rouges se ressemblaient. Ils était plus proches du Nord de Westeros, après tout. Mais ils n’en restaient pas moins Dorniens. La chef Noirmont avait d’ailleurs ce même air sévère et fougueux que l’on trouvait chez nombre de jeunes femmes dorniennes et qui manquait terriblement dans le Nord. Sa fille, Jynessa, assise à côté d’elle, se montrait tout aussi revêche et incontrôlable, malgré ses fausses apparences de bieffoise effarouchée.

Nous discutâmes longuement de divers problèmes, de Doran Martell et de son inaction, des Targaryens et de troubles actuels à Westeros avant d’arriver au pourquoi de ma visite, les accords commerciaux. Car la famille était une des maitresses de la Passe du Prince qui reliait Dorne au Bief et donc, au reste du continent. Les négociations se déroulèrent sans heurts, même si les voix et les esprits s’échauffèrent quelques fois. Je n’avais pas l’âme d’une marchande et laissais peu de place aux concessions, cependant il me fallu courber l’échine lorsque l’accord atteint me semblait plausible.

Je restais trois jours à Noirmont, ravie de l’hospitalité de Lady Larra et, plutôt contente de mon travail, rédigeais le rapport que je rendrais à mon père, de retour à la Gracedieu et quittais les Montagnes Rouges.

Rapidement, le soleil orangé de Dorne vira au rouge et jeta ses rayons ensanglantés sur les montagnes cramoisies. Le ciel vira d’une clarté éblouissante à une chape plus sombre en un battement de cil. J’étais pressée de rentrer, mais pas au point de voyager de nuit et surtout pas dans la Passe du Prince, chemin escarpé le long du col. Les routes taillées à travers la roches étaient escarpées et peu praticables, aussi, pour ne pas m’y rompre le cou, je décidais de m’arrêter. Les soldats m’accompagnant m’indiquèrent la présence d’une auberge, à quelques lieues de l’endroit ou nous nous trouvions. Passer une nuit à la belle étoile de me dérangeait pas vraiment, mais je craignais surtout les crotales et autre serpents qui sortaient la nuit, de sous leurs pierres brulantes de soleil, pour se rafraichir. En plus, mon ventre commençait à crier dangereusement famine et je ne voulais pas déjà entamer les ressources prévues pour le voyage retour.

Alors que nous marchions au pas -et que je maugréais contre ma monture qui tirait sur les rennes-, en contrebas des chemins rocailleux et que la nuit noire tombait, j’entendais tout un tas de bruissements et de craquements qui, je devais bien l’avouer, n’avaient rien de très rassurants. Pourtant, je gardais la tête haute, faisant mine de ne rien avoir entendu et apparaissant presque sereine devant mes gardes au regard impassible. Pourtant, il n’était pas difficile de constater qu’ils étaient aux aguets, eux aussi.

Une forme sombre, filant à travers les rochers, me fit subitement lever le nez. Un coyote ? Il n’était pas rare d’en croiser dans les montagnes. Pourtant, ses déplacements n’avaient rien de ressemblant à ceux d’un animal. Un crissement sourd me fit frémir. « Il fait s’ébouler les roches ! » beugla l’homme à côté de moi. Il tapa d’un main gantée sur la croupe de mon cheval qui partit au quart de tour tandis que je hurlais comme une damnée, mon cri se répercutant en écho contre les parois. Ce n’était pas tant l’hypothétique éboulement qui m’inquiétait, mais bien ma monture, partie au triple galop, zig-zaguant comme un fou à travers les obstacles et les cailloux. Dans un grand fatras, un caillou au moins aussi gros qu’une penderie vint s’écraser. J’osais me retourner et constatais avec horreur qu’il se trouvait là où mes soldats et moi étions une seconde avant. D'ailleurs, à travers la nuit, je constatais qu'un de mes soldats était à terre. Je sifflais entre mes dents, la surprise et la peur laissant place à la colère. Qui était le maraud osant s’attaquer à ma petite escorte ?

Pourtant, je ne ralentis pas pour autant et lorsque j’aperçus les torches de l’auberge dont nous parlions quelques instants plus tôt, je la bénis. Je sautais maladroitement de la jument et poussais brusquement la porte du « Bief dornien ». L’endroit n’était pas bien rempli et une faible lueur éclairait leur visage hagard. Je tentais de me redonner une contenance. « Il y a eu un éboulement, un peu plus haut, » tonnais-je, « mes hommes et moi avons été attaqués car, croyez moi, il n’y a rien de naturel là-dessous ! » Une brusque rage m’envahit à nouveau tandis que je tempêtais en levant les mains au ciel.   

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Après avoir placé son cheval à l'écurie de l'auberge, prit commande d'un repas chaud et s'être installé confortablement dans le fond de la salle commune, Orys put enfin se détendre. Il n'avait certes pas encore retrouvé son fugitif, mais il savait qu'il n'aurait pas à le chercher bien longtemps. Il allait finir par venir ici, quand il se serait rendu compte qu'il n'était plus poursuivi et que la nuit était trop avancée. Orys le savait, c'est tout. Une sorte d'intuition qui l'avait convaincu de cet état de fait. Aussi, il fut assez surpris lorsque, mangeant son ragoût – même s'il n'était pas bon – ce fut une femme et non un homme qui entra en trombe dans l'auberge.

Il se leva aussitôt, laissant tomber son maigre repas. Car là, ça l'intéressait forcément. Un éboulement, ça n'avait rien d'anodin en soi, mais là encore son instinct lui dictait la bonne solution, il le savait. Le fugitif avait du sang sur les mains, désormais, et il allait falloir régler cette histoire. Une simple fuite, si on peut dire, n'était pas trop alarmante. Mais là... On était en territoire dornien, et cet homme risquait une vendetta de la part de la moitié des gens d'ici, s'il les offensait. Alors en tuer quelques uns, même sans le faire exprès...

 « Quand est-ce arrivé ? Que s'est-il passé ? Qui vous a attaqué ? » lui demanda-t-il en se levant et en s'approchant d'elle.

Il ne perdit cependant pas de temps à attendre sa réponse. Il se dirigea vers le patron, l'homme qui tenait l'établissement. Un dornien du sud, à la peau bien mat.

 « L'homme que je recherche est potentiellement celui-là même qui vient de provoquer cet incident. Il est blond, les cheveux comme de la paille, assez courtaud et plus paysan que lui tu meurs. Si vous le voyez, vous le neutralisez et vous m'attendez. C'est un fugitif important à mes yeux. Oh, et il y aura une récompense si vous m'aidez. »

Il fit signe à la jeune femme fraîchement arrivée de le suivre. Son impulsivité le poussa d'un pas vif à l'extérieur, dans la sombre nuit, et il entreprit directement de regarder autour de lui, comme s'il pouvait distinguer quelque chose dans l'obscurité. Bien sur, il ne pouvait rien y voir, et il se contenta donc d'aller en direction de l'écurie. Il en avait presque oublié la présence de la jeune femme, à qui il avait fait signe de venir. Il se tourna alors vers elle, maîtrisant sa précipitation.

 « Je mettrais ma main à couper que celui qui a provoqué l'éboulement est l'homme que je recherche. J'aurais volontiers attendu que la nuit passe pour le traquer, mais je crains que ce ne soit plus possible. Aussi, si vous avez quelque chose à me dire avant qu'on se mette en route, c'est maintenant. »
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Orys & Valena


Les nuits dans le désert et dans les montagnes étaient dangereuses. Mortelles. Tout un tas de bestioles arpentaient les roches et les grains de sables et n’avaient qu’une idée en tête : se nourrir. Or, vous, tas de viande inerte et endormie, sans défense, vous étiez la proie parfaite. Un coup de croc et on n’en parlait plus. C’était ce que ma grand-mère, Delonne Allyrion, avait l’habitude de dire. « Dans le désert, tu te couches le soir, Valena. Et quand tu te réveilles le lendemain matin, tu es morte. » Enfant, je m’étais souvent moquée de cette phrase. Non seulement parce qu’elle ne voulait rien dire -comment vouliez-vous vous réveiller et être mort en même temps ?-, mais aussi parce que je n’avais pas encore appris à avoir peur des dunes et surtout, des dangers qui se tapissaient dans leurs ombres. Aujourd’hui, j’avais appris à craindre ses immenses étendues brulantes, même si j’étais toujours prête à y vivre quelques aventures. J’avais également appris qu’il existait plus mortel que les petits chacals des sables, les hommes. Or, j’avais été imprudente lors de notre passage à la Passe du Prince. J’aurais dû me méfier. Nous étions en contrebas, il était aisé de nous faire tomber dans une embuscade, en particulier à la nuit tombée. Je m’en voulais légèrement de ne pas avoir été attentive, mais j’étais bien trop fière pour l’admettre. À cet instant là, alors que je rentrais comme une bourrasque bouillonnante dans la petite taverne, je savais comment ma grand-mère m’aurait toisée si elle avait été assise parmi les clients. Un sourire narquois et un haussement de sourcil, un air de « je te l’avais bien dit ». Je frissonnais.

L’auberge sentait le sable et la sueur, le tout agrémenté d’un léger fumet d’urine chaude. Pourtant, je ne fronçais pas le nez alors que j’étais là, pantelante, à observer les pauvres hères, attablés derrière leur soupe insipide ou un jeu de cartes, tout aussi insignifiant. Le serveur, que j’estimais être le propriétaire de l’auberge, leva le nez de son vin et me fixa, à la fois blasé et surpris. C’était d’ailleurs bien la première fois que je voyais un regard aussi vide sur un être encore vivant. Un bigorneau aurait sûrement eu plus de vie et d’entrain pour l’animer. Face à eux, j’avais sûrement l’air d’une furie, à beugler comme un chat qu’on égorgeait, perturbant le silence de septuaire qui régnait dans les lieux. Agacée par leur mutisme et surtout enragée suite à ma mésaventure, je mis mes mains sur mes hanches en tapant du pied. Derrière moi, j’entendis un de mes hommes rentrer à son tour dans l’auberge. Il était sûrement allé dissimuler le corps du soldat, pour éviter d'attirer les charognards.

Puis, tout se passa très vite, un homme, assis au fond de la salle se dressa d’un seul coup. Je ne l’avais pas remarqué, dissimulé de la sorte dans l’ombre. Il s’approcha de moi, abandonnant son repas derrière lui. Peut-être lui avais-je également sauvé la vie en lui épargnant une bouchée supplémentaire de cette bouillie noirâtre qui, ma foi, aurait bien pu empoisonner le premier chaland. Il me dépassait d’une bonne tête et demie et je dus lever le nez pour pouvoir le regarder. Je ne me démontais pas pour autant. « Je viens de vous dire ce qu’il s’était passé ! Un éboulement ! » grondais-je. « Un peu plus haut, sur la Passe du Prince, en direction de Noirmont. J’ai aperçu un homme, se terrant dans les rochers, juste au-dessus de nous. Je suis persuadée que c’est lui ! De sa faute ! Il s’en est fallu de peu avant que notre sang soit sur ses mains ! » Les yeux voilés par la colère, je n’avais pas vu l’homme tourner les talons et harponner le patron, à la recherche d’informations. Je laissais un petit grognement offensé franchir le seuil de mes lèvres et je croisais les bras sur ma poitrine. Un fugitif donc ? Et ce drôle d’homme était à sa poursuite ? Nous nous partagerons sa tête.

Sans me regarder, le client du « Bief Dornien » me fit signe de le suivre. Je grinçais des dents, pas vraiment ravie que l’on me traite de la sorte, mais également remontée contre le malfrat qui se terrait sur la Passe du Prince. L’homme s’arrêta dans les écuries et sembla se rappeler de ma petite personne. Même s’il apparaissait concentré et calme, ses gestes brusques trahissaient son appréhension et son impatience. « Je ne peux vous l’assurer, » maugréais-je, « vous le dites blond et de petite taille, mais il faisait trop sombre pour que je puisse y voir nettement. » Je haussais les épaules. « Mais allons, mettons nous en route. Je vais vous guider. » Me rappelant les mises en garde de ma grand-mère, je n’avais guère envie de repartir au coeur des montagne, mais je voulais coûte que coûte mettre la main sur le pendard qui avait osé s’en prendre à moi.

Ma montée sur la jument fut on ne peut plus gracieuse et je dû demander l’aide d’un de mes hommes pour me pousser. J’avais conscience d’être légèrement ridicule, mais je ravalais ma fierté devant l’inconnu qui était déjà à cheval alors que je gigotais comme un asticot sur ma selle. Puis, faisant mine de rien et levant le nez, j’ouvris la marche.

Dans la quiétude de la nuit, tous les sons semblaient exacerbés et le moindre bruissement sonnait comme un coup de tonnerre. En alerte, l’oreille tendue et l’oeil rendu à moitié aveugle par l’obscurité, j’étais sur mes gardes, comme j’aurais dû l’être quelques minutes avant. Le soleil avait eu bien vite fait de se cacher pour laisser la place à sa soeur la lune. En silence, nous trottions pour éviter un vacarme et ainsi, être piteusement repéré par le fou-furieux qui jouait dans les cailloux rouges de la montagne.

Enfin, au beau milieu du sentier en terre battue, nous aperçûmes un énorme rocher échoué. Toujours à cheval, je me plantais devant, juste à la place où je m’étais trouvé lors de l’accident. « Voilà, » annonçais-je en baissant d’un ton. « C’était ici. » Je pointais du doigt l’endroit où j’avais aperçu le brigand. « Il se trouvait par ici et la pierre est tombée de là. » Je lui indiquais comment elle avait dévalé et manqué de nous écraser. À dire vrai, je n’étais pas vraiment rassurée, coincée dans une petite cuve, encerclée de montagnes. On aurait aisément pu nous tirer comme des lapins. « Pensez-vous qu’il rejoignait des camarades ? Une sorte de bande ? Mais d’ailleurs, d’où vient-il ? » Je le bombardais de questions alors que ce n’était pas vraiment le bon moment. « Enfin, j’imagine que seul le dernier des idiots serait resté ici après son méfait. Il se sera sûrement caché après nous avoir manqué, » grondais-je en distillant du venin dans chacun de mes mots. Je pinçais les lèvres, mauvaise. Je me crispais sur les rennes de ma monture. J’avais la désagréable impression d’être observée.   

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Sans se préoccuper du manque d'expérience, en matière de chevaux, de la jeune femme, Orys la suivit de près, la main droite tenant les rênes tandis que la gauche ne s'éloignait pas de la garde de son épée. Il n'avait pas la moindre confiance en l'obscurité pour le protéger – les protéger plutôt – d'une attaque. Non pas qu'il craignait d'être encore surpris par le fugitif qu'ils recherchaient, mais il n'était peut-être pas la seule menace des environs. Les bandits pouvaient eux aussi se trouver par ici. Il aurait été bien malchanceux de tomber sur certains, mais au point où il en était...

Les minutes défilèrent tandis que la jeune femme, dont il ignorait tout sauf qu'elle était bien une Dornienne, le menait à travers les sentiers pour regagner le lieu où elle avait, semble-t-il, était prise de panique, et où il s'était passé l'événement regrettable de la mort d'hommes. Enfin, ils arrivèrent à l'endroit en question. Descendant de son cheval, Orys poussa un soupir de soulagement : la lune venait de projeter sa clarté sur la scène, et il put donc distinguer quelques éléments. Sans répondre à la jeune femme, il s'accroupit auprès du rocher, examinant toutes les traces que ses yeux pouvaient apercevoir sur le sol sableux.

Il mit un peu de temps avant de répondre aux questions qu'elle lui posait. A la fois parce qu'il réfléchissait à ce qu'il pourrait lui répondre – la vérité ou non – et aussi parce qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il cherchait vraiment. Il essaya tant bien que mal de voir quelque, en hauteur, là d'où était partie la pierre. Avait-elle été poussée, ou simple accident ? Orys avait poursuivi le fugitif, mais il s'était arrêté à partir d'un moment. Drickel avait très bien pu partir en avant, se demander si le groupe de la femme n'était pas lui aussi à sa recherche et décider de faire tomber la pierre. Mais quelque chose ne collait pas.

Il devait cependant répondre aux questions, quand même.

 « Il se nomme Drickel, c'est un fugitif que je pourchasse depuis plusieurs jours déjà. Il est très probablement seul, je ne lui connais guère d'amis susceptibles de l'avoir suivi jusqu'ici, alors des Dorniens qui l'aideraient... »

Orys monta précautionneusement vers l'endroit d'où provenait la pierre. Effectivement, elle avait dévalé la pente pour pouvoir s'écraser en contrebas. Avec la force qu'elle avait ainsi acquise, elle aurait aisément pu détruire une bâtisse, s'il devait y en avoir une en bas. Cyniquement, il estima heureux qu'il n'y en ait pas eu, même s'il y avait tout de même eu des victimes. Il se tourna vers la jeune femme, en bas, et essaya d'attirer son attention dans l'obscurité. Voyant qu'il échouait, il parla d'une voix forte, oubliant toute prudence.

 « Je ne saurais pas dire si ça a été fait volontairement ! Prenez les chevaux et avancez un peu, je vais voir plus en avant dans les hauteurs ! »

Il s'avança donc, repérant quelques traces. Il n'y voyait pas clair, cependant, et il dut donc plus d'une fois s'arrêter et se pencher très près du sol. Après un moment, il réapparut sur les bords. Il distinguait vaguement les chevaux et la Dornienne en bas. Il s'apprêta à dire quelque chose quand un mouvement derrière lui attira son attention. Il tenta de dégainer son épée, mais ne fut pas assez rapide et dut se contenter de frapper son adversaire du poing. Innarrêtable, ce dernier le poussa, et il bascula sur la pente, en arrière.
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Orys & Valena


Dans la quiétude des lieux, il était difficile de croire que la mort avait frappé. Qu’elle avait revêtu son manteau de nuit et profité de la fourbe obscurité pour attirer quelques âmes égarées dans ses filets. Dans sa terrible toile, avant de l’entrainer vers les tréfonds d’un monde inconnu, froid et terrifiant. Quand je regardais cet énorme rocher, laissé là, presque par hasard, impossible d’imaginer le drame qui se cachait derrière celui-ci. Un de mes protecteurs était mort. En regardant la terre battue, pourtant remuée par les pas de mes deux hommes restants, je distinguais encore les traces noirâtres dans le sable. Du sang. On avait surement entrainé son corps à l’écart pour l’enterrer à la va-vite, sous un tas de terre. On avait récité quelques prières insignifiantes, puis on l’avait laissé là, à l’abri des vautours et des mammifères. Pourtant, il finirait tôt ou tard par se faire dévorer par les vers. La vie avait, après tout, si peu d’importance. Il était mort à mon service. C’était son devoir, après tout. Il avait signé pour cela. Son décès ne m’attristait pas, mais m’emplissait de colère. Mais plus que je ne le vengerais lui, j’allais me venger, moi. Le coupable allait apprendre qu’on ne s’attaquait pas à la famille Allyrion sans le payer de quelques hurlements bien sentis.

L’encre noire du ciel nous recouvrait comme une chape d’ombre d’où quelques étoiles osaient poindre. Heureusement, nous pouvions compter sur la lieur fantomatique de la lune pour éclairer la scène. Mes deux hommes flanqués derrière moi, je fis le tour du rocher, les sourcils froncés, comme si j’allais en tirer quelque chose. L’homme fit de même. Il bondit de sa monture et vint se coller le nez dans le sable, probablement à la recherche de traces. Alors qu’il avait les yeux rivés au sol, je guettais, nerveuse, les flancs de la montagne rouge. Il suivit mon regard, nos iris accrochant à chaque roche, surveillant la moindre ombre.

Il prit son temps pour me répondre. Je n’appréciais pas vraiment que l’on me fasse patienter. Pire, il semblait me jauger. Étais-je digne de confiance ? Lui paraissais-je honnête ? Je pinçais les lèvres. Enfin, il m’avoua du bout des lèvres l’identité du brigand qu’il recherchait. Je notais qu’ils nous désignait comme des « Dorniens ». Son hors-la-loi n’était donc pas d’ici. Pourtant, je croyais l’inconnu originaire de la région. Ne serait-ce que par son rythme de phrase et son allure. Je m’étais peut-être trompée. J’acquiesçais. Drickel, donc. Le nom de celui qui avait -peut-être- été l’assassin d’un de mes hommes. Très bien.

L’homme suivit mes indications et s’en servit pour grimper en direction de l’origine du caillou. Il sembla poursuivre son enquête en hauteur tandis que je restais en contrebas, vissée sur la selle de ma monture, zieutant les rochers. J’avais toujours le sentiment désagréable d’être observée par des yeux invisibles. Et je me sentais toujours vulnérable, offerte de la sorte aux flèches, coincée en contrebas. Je ne regardais pas l’étranger lorsqu’il se mit à hurler pour me faire tourner la tête. Je grimaçais d’entendre le silence ainsi rompu. Les montagnes étaient d’autant plus dangereuses la nuit et voilà qu’il nous désignait comme des proies potentielles en indiquant notre position. Son cri se répercuta contre les flancs des collines, comme un écho. Je me mordis férocement les lèvres pour m’empêcher de protester tandis que ma jument s’impatientait de rester immobile. Elle semblait stressée. Je plissais les yeux.

Je levais la main en direction de l’inconnu pour lui indiquer que j’avais compris. Pourtant, de le savoir à courir sur les roches ne m’enchantait guère. L’imbécile aurait vite fait de se prendre les pieds dans une crevasse et tomber. Ici, la moindre erreur pouvait être fatale. Et je ne voulais pas me sentir coupable de la mort de deux hommes lors de mon retour à la Gracedieu. Et surtout pas d’un étranger dont je ne connaissais même pas le prénom. J’indiquais à mon premier homme d’attraper les rennes du cheval laissé seul. Je ne me sentais pas d’avoir à diriger deux bêtes. Un seul me suffisait amplement. J’avais déjà du mal à tenir droite sur son dos alors… D’un mouvement de tête, j’intimais à mon deuxième garde de se rapprocher de moi. « Cet homme se prend pour une chèvre qui voit dans le noir, » sifflais-je à son intention en glissant un regard vers l’inconnu qui gambadait dans les rochers, « Je ne voudrais pas qu’il se rompe le cou. Longe donc la pente et surveille ses pieds qui ne sont décidément pas des sabots. » Il hocha la tête et obéit à mes ordres.

Nous progressions doucement et je ne cessais de jeter des regards de-ci, de là, à la recherche d’une bande de voleurs, dissimulés, prêts à nous trancher la gorge. Je n’avais pas peur, non. Au contraire, j’étais prête à en découdre. Je n’étais pas une fine guerrière, mais je savais me défendre. On m’avait enseigné le maniement des lames courtes et j’en avais d’ailleurs une, cachée sous les plis de lin de mon manteau de voyage. Le fou qui m’attaquerait se trouverait bien étonné de me voir lui planter un couteau au travers de la gorge. Mais je gardais également un oeil sur l’homme-chèvre qui avançait, prudent, quelques mètres au-dessus du sol. Je ne me faisais pas tellement de soucis pour lui, c’était un grand garçon. Mais s’il venait à glisser et à perdre la vie, je perdrais un allié dans la recherche du prétendu hère qui avait probablement fait s’écrouler ce tas de rochers. Et je ne tenais pas tellement à me trouver seule à la recherche d’un homme dont je ne savais rien sinon qu’il s’appelait Drickel. À bien y réfléchir, j’aurais largement préféré jouer à la chèvre, moi aussi, et cheminer à pied dans les crevasses plutôt que de rester à cheval.

Alors que le silence nocturne était simplement perturbé par les sabots de nos chevaux, les cliquetis métalliques des armures et le son lointain et étouffé des pas de l’inconnu au-dessus de moi, cette étrange harmonie fut brusquement interrompue. Un bruit de lutte suivit d’un grognement me fit lever les yeux. Grâce à la lune, je distinguais clairement l’inconnu aux prises avec un autre individu. Je laissais un soupir surpris franchir le seuil de mes lèvres tandis que ma jument tira sur ses rennes, manquant de me faire tomber en avant. « Mors ! » m’écriais-je. Mais le soldat était déjà en bas de la parois rocheuse, prêt à parer toutes éventualités.

Dans un souffle, mon nouvel allié bascula en arrière, bousculé par son attaquant. « Oh, par les Sept ! » jurais-je en talonnant mon cheval alors que le brigand tentait de s’enfuir à nouveau. L’étranger avait glissé dans la pente, entrainant derrière lui un torrent de poussières et de sable. Mors avait juste eu le temps de faire quelques pas pour pouvoir le réceptionner. Malheureusement, le voyageur avait déjà fait une chute de quelques mètres et je n’aurais pas été étonné de le récupérer plus mort que vif. J’aurais voulu m’attarder pour voir comment il allait, mais déjà le fou-furieux se transformait en ombre et commençait à s’enfoncer dans la montagne.

Ni une, ni deux, je sautais de ma jument et remontais mes jupes pour gravir à mon tour la paroi inclinée. « Mors occupez-vous de notre jeune ami s’il est encore en vie ! » hurlais-je. « Trebor laissez les chevaux et venez avec moi ! » Je n’allais certainement pas laisser l’homme filer alors qu’il venait de passer sous mon nez. C’était un étranger. Il ne connaissait pas Dorne. Il ne connaissait pas encore les dangers de la montagne. Pensait-il réellement semer une dornienne sur son terrain de jeu ?

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Le visage en sang – il était certain de s'être écorché toute la moitié droite – Orys se débarrassa rapidement de l'homme qui l'avait aidé à rester sur la pente. Il n'avait pas besoin d'aide pour pouvoir se relever, du moins le pensait-il. Il trébucha sur les premiers pas, manquant de rouler à nouveau dans le sable et les graviers. Il sentit une douleur dans sa jambe droite, ainsi que dans son bras gauche. Cela allait le ralentir, mais il ne pouvait pas s'arrêter. Répondant à son impulsivité et à une sourde colère, il voulait attraper celui qui l'avait propulsé, manquant de le tuer. Question de vengeance et de priorité.

Il rattrapa tant bien que mal la jeune femme, qui elle-même se mettait à courir. Malheureusement pour tous les deux, le fugitif avait une longueur d'avance. Orys lui-même finirait par se laisser distancer, blessé comme il était. D'autant qu'il n'avait plus l'habitude des montagnes de Dorne. Mais ce ne serait sûrement pas le cas de la jeune femme. Elle, elle pouvait le rattraper. Mais savait-elle se battre ? Cela, il l'ignorait. Arrivé à sa hauteur, il parla d'une voix essoufflée.

 « Partons chacun de notre côté. Il ne connaît pas ses montagnes, vous si. Moi j'arriverais peut-être à me souvenir. »

Il la laissa là, et partit de sorte à pouvoir prendre davantage de hauteur, sans attendre de réponse. Etait-ce son habitude à voir des gens lui obéir, à Froide-Douve, qui le faisait agir ainsi, sans attendre que la jeune femme réponde ? Il était à Dorne, il ne devait pas l'oublier. Ici, les femmes pouvaient être encore plus dangereuses que les hommes. Pas comme dans le reste de Westeros, où la plupart ne cessaient d'être plus ou moins soumises. Hormis peut-être sa propre épouse, mais c'était une volantaine de naissance, qui avait ensuite vécu à Dorne avant de partir sur les routes avec lui. Y repenser lui fit mal, quelque part dans sa poitrine, mais une éventuelle blessure physique n'y était peut-être pas étrangère. Il se secoua, mentalement et physiquement, et se reconcentra sur son but.

Le calme retomba dans la montagne, pour quelques minutes. Cela commença par inquiéter Orys, avant qu'il ne se rappelle qu'il n'y avait personne d'autre que lui, un paysan et une Dornienne dans les parages. Chacun savait qu'ici, les bruits allaient se répercuter en écho, et qu'il valait donc mieux réussir à se faire discret. Par précaution, il sortit quand même son épée, dont la pâleur ne pouvait pas se refléter avec ce manque de lune. Tant mieux, se dit-il. Au moins, un reflet ne trahirait pas sa présence.

Il chercha la jeune femme du regard, mais s'immobilisa soudain. Il venait d'entendre un cri apeuré, perçant, mais qui n'était pas féminin. Le fugitif s'était sans doute fait peur tout seul, trahissant sa présence. Les échos, malheureusement, empêchaient de savoir s'il était ou non à proximité.

Il finit par le dénicher, coincé contre un rocher massif. Devant lui se trouvait la raison pour laquelle il avait crié : deux serpents qui sifflaient et se tortillaient de façon menaçante devant lui. Un sourire mauvais étira les lèvres d'Orys : sa cible était coincée. Il aperçut son alliée, et il lui fit signe de la main. Espérant qu'elle le voyait, il indiqua le contrebas, où se trouvait leur adversaire. Il préféra ne pas descendre lui-même, sachant qu'il risquait une nouvelle chute. Qui aurait pu cette fois être fatale.
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Some saw the sun, some saw the smoke. Sometimes the wire must tense for the note. Caught in the fire, say oh, we’re about to explode. Carry your world, I’ll carry your world. Some far away, some search for gold, some dragon to slay. Heaven we hope is just up the road. Show me the way, Lord because I'm about to explode. Carry your world and all your hurt.
Orys & Valena


Gravissant la petite bute, mes sandales de voyage en cuir glissant sur les graviers, je dus m’aider de mes mains pour parvenir au sommet, m’écorchant les paumes et la pulpe des doigts. Par chance, j’étais habillée plutôt légèrement : une veste de voyage en lin beige couvrant une robe de soie ocre et bordeaux. Mon voile transparent qui avait, quelques minutes avant, couvert mes cheveux noirs était tombé sur mes épaules. Par chance, en quittant la demeure des Noirmont, j’avais pris grand soin de retirer tous mes bijoux pour les dissimuler dans une besace, maintenant accrochée à la selle de ma jument boudeuse. J’avais crains quelques brigands ne nous attaque. Et j’avais bien fait. Mais pas pour les mêmes raisons. Si j’avais crains un vol, je me remerciais de les avoir enlever car gravir une dune de cailloux et de sable aurait été encore plus compliqué, lestée de bracelets de cheville, de bagues, de colliers et de boucles d’oreilles.

Comme un fennec, je m’étais hissée en haut en un temps record. Pourtant, derrière moi, j’entendais Trebor souffler comme un buffle. Le pauvre homme était en effet alourdi par une armure de cuir épais, d’un fouet et d’une épée. S’il était plus musclé que moi, il n’était pourtant pas plus rapide, malgré son entrainement de soldat. Lorsque l’on m’avait appris à me défendre, nous avions tout misé sur la célérité et la surprise, ayant bien vite compris que je serais un petit gabarit. Certaines femmes pouvaient tenir tête aux plus féroces des hommes dans sourciller grâce à leur force physique et leur endurance. Moi, en revanche, n’était pas de cette trempe. Pour mettre à terre mon adversaire, les vingt premières secondes étaient ma chance. Une fois ce délai passé, je ne donnerais pas cher de ma peau.

Si le truand courant quelques mètres devant moi semblait me hurler de me jeter à sa suite, j’eus la malheureuse idée de me retourner pour m’assurer que le garde suivait bien la cadence. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’aperçus l’inconnu apparaitre sur le rebord de la bute en même temps que Trebor ! Si la chute aurait pu le tuer, j’avais espérer sans trop grande conviction, qu’il s’en était sorti. Mais je l’imaginais assommé, inconscient ou tout du moins sonné. Pourtant, voilà qu’il rattrapait le soldat. Cet homme n’était peut-être pas une chèvre, mais il était drôlement résistant. Le visage en sang et titubant, il parvint quand même à ma hauteur où je pus constater l’ampleur des dégâts. Ses vêtements déchirés laissaient apparaitre de vilaines blessures et une peau tailladée par les pierres pointues. Sa face, à moitié brulée par le frottement, était pleine de crasse. D’ailleurs, une poussière beige s’était collé sur les plaies de ses mâchoires. Son sang luisait sous la faible lueur de la lune, le faisant apparaitre comme fait d’onyx et d’argent.

Il me parla d’une voix rauque et sifflante qui aurait facilement pu appartenir à un mort. Lorsqu’il parla de se séparer j’aurais voulu m’opposer à cette idée saugrenue. Mais le fou était déjà parti. Était-il stupide ? Ou alors inconscient ? C’était la pire des choses à faire ! Un accident fatal était si vite arrivé ! On se perdait ici. On mourrait ici. Et si jamais il disparaissait de ma vue et qu’il tombait dans une crevasse, jamais je ne pourrais retrouver son corps. J’aimais le danger, certes. Mais je n’étais pas stupide. Il avait parlé de se souvenir de ces montagnes. Était-il déjà venu à Dorne ? Était-il dornien, d’ailleurs ? Ce qui aurait validé ma première impression sur lui. Si cela était le cas, il aurait dû savoir. Savoir que ce qu’il proposait était une terrible option. Autant pour lui que pour moi. Car, moi aussi, je risquais de m’égarer. Il faisait nuit. Ma vision n’était pas aussi nette et précise qu’en plein jour. On avait tôt fait de se tromper de chemin, de glisser sur une pierre et de s’évaporer à tout jamais. Sa chute lui avait détraqué la cervelle ! « Êtes-vous foncièrement stupide ?! » sifflais-je à son intention. Malheureusement, il était trop loin pour m’entendre.

Rongeant mon frein, je décidais de le suivre quand même. À une distance correct tout de même. Oui, je voulais autant que lui mettre la main sur le fugitif, mais non, je ne tenais pas à mourir dans les Montagnes Rouges. Il progressait lentement, sûrement à cause de sa chute. À côté de moi, Trebor était devenu aussi silencieux qu’un fantôme. J’avais sorti une dague que je tenais fermement dans ma main droite, dissimulé sous les plis de mon manteau. Au loin, j’entendis un de nos chevaux hennir. Le voyageur ne sentit pas ma présence, quelques mètres derrière lui, progressant sur un chemin le surplombant légèrement.

Enfin, un hurlement de terreur me fit tourner la tête. Les échos jouèrent contre les parois, nous envoyant des informations dans tous les sens. Je tournais ma tête à gauche puis à droite, tentant d’en saisir la provenance. L’inconnu fit de même. Puis, nous semblâmes saisir en même temps l’origine du son et nous mîmes tout deux à courir. Je restais plus rapide, mais mon nouvel allié était également affaibli et il était aisé de voir, même dans le noir, que sa démarchage était chancelante. Il boitait.

L’homme s’arrêta subitement et tournait furtivement son visage, probablement à ma recherche. Il finit par m’apercevoir, juchée sur le fin chemin de terre, au-dessus de lui. Il m’adressa un petit geste, m’invitant à le rejoindre. Je dévalais la pente en prenant garde de rester la plus silencieuse possible. Derrière moi, Trebor en fit de même. Il m’indiqua, dans une cuve, un homme acculé contre une paroi rocheuse. Je l’attrapais par la manche, lui intimant de se tapir pour que nous ne soyons pas découverts. Je plissais les yeux pour distinguer ce dont il avait peur. Deux reptiles se dandinaient devant lui en sifflant. Nous étions trop loin et il faisait trop sombre pour que je puisse examiner les taches et les couleurs sur leurs écailles. Mais ici, aucun doute que les animaux se terrant entre les roches chauffées par le soleil n’avaient rien d’amical et se montraient presque toujours, mortelles. Le vaurien était pris au piège et semblait vouloir ne faire qu’un avec le mur de pierres derrière lui. Son apparence correspondait avec la description que mon allié en avait fait. Il ne semblait pas armé, bien que j’imaginais quelques couteaux cachés dans ses bottes. J’aurais pu le tuer, là, en visant l’espace entre ses yeux avec ma lame. Pourtant, il m’apparaissait probable que le voyageur souhaitait l’attraper vivant. Quant à moi, je n’étais même pas sûre de son implication dans l’éboulement qui avait ôté la vie à un de mes gardes. Cependant, au fond de moi, j’en étais intimement persuadée. Ma dague me brulait les doigts et je dus me faire violence pour ne pas céder à ces pulsions.

« Nous allons le capturer, » murmurais-je d’une voix vibrante d’excitation. Comme un fantôme, je bondis silencieusement sur mes pieds. Je me laissais glisser le long de la paroi, utilisant mes réflexes de danseuse pour ne pas m’étaler. Je laissais derrière moi un sable argenté voler sous les lueurs lunaires. Trebor me suivait comme mon ombre.

Le dénommé Drickel sursauta de me voir ainsi apparaitre et bégaya des mots que je ne pouvais comprendre. D’une main experte et avant que les serpents n’aient eu le temps de se mouvoir, j’attrapais les deux reptiles, en prenant bien soin de serrer fermement mon pouce et le reste de mes doigts de part et d’autre de leur tête. Ils n'étaient finalement pas bien gros. Tyerne m’avait appris comment les saisir, plusieurs années auparavant alors que nous nous prélassions dans les jardins aquatiques et qu’une vipère inopportune nous avait causé du souci. Ainsi immobilisés, ils étaient inoffensifs. Le chemin ainsi libre, Trebor dégaina son épée et colla la lame sous le menton du paysan blond. Il frémit en tremblant de tous ses membres. Je fichais sur lui un regard de feu. Je m’approchais tranquillement de lui, tout en gardant une distance appréciable. Menaçante avec mes deux serpents, j’aurais pu donner l’ordre de lui ouvrir la gorge. Pourtant, malgré l’envie, je n’en fis rien. « Est-ce vous qui avez provoqué l’éboulement ? » grondais-je d’une voix sourde. Sans attendre sa réponse, je hélais mon compagnon. « Que devrions-nous en faire ? » énonçais-je d’une voix forte.

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Il fallait l'admettre, cette alliée dornienne était douée. Avec grâce et une agilité subtile, elle était parvenue à descendre sans risquer la moindre blessure, contrairement à lui et sa chute brutale de tout à l'heure. Il grimaça à cette pensée, comme si le fait de s'en rappeler ravivait la douleur sourde et lancinante qui le tiraillait. Il savait qu'il n'avait rien de cassé, mais de nombreuses coupures, écorchures et autres blessures superficielles. Il s'en remettrait. Mais il avait le corps bien amoché pour le moment, et il allait lui falloir rapidement un peu de repos. Mais pas avant d'avoir réglé cette affaire.

Il se laissa alors glisser tout doucement aussi, prenant soin de ne pas refaire une chute dangereuse. Non pas qu'un peu d'adrénaline lui déplaisait, mais il était déjà blessé. Inutile donc de risquer une mort aussi douloureuse que stupide dans les terribles montagnes de Dorne. Bon sang, ce qu'il avait pu être imprudent ! Bon, à sa décharge, il avait été surpris par l'individu qu'il pourchassait, et la chute n'était donc pas de son fait. Ce n'était pas lui qui avait choisi de dégringoler. Arrivé en bas sans problème cette fois, il s'approcha de la jeune femme et du fugitif. La lune choisit ce moment pour éclairer un peu la scène, de manière à ce qu'ils y voient davantage. Il reconnut immédiatement l'homme qu'il cherchait. Boitant légèrement, il s'approcha.

Instinctivement, il eut un mouvement de recul en voyant l'un des serpents siffler à son approche.

 « Tout doux, petit. Reste avec ta nouvelle maîtresse. » murmura Orys.

Il se tourna alors vers le fugitif, lequel sembla s'apercevoir de l'état généralement pitoyable de son vis-à-vis. Ce dernier, avant même qu'il put dire un mot, dut se reculer. Car Drickel s'était jeté à ses pieds, tremblant et implorant.

 « Ser Orys ! Messire Santagar, ayez pitié ! Je... je ne voulais pas ! Je ne vous ai pas reconnu dans l'obscurité, sinon je ne vous aurais pas bousculé ! Et... l'éboulement... noble dame ! C'était un accident ! Je... Aïe ! »

Brutalement interrompu par le coup de pied d'Orys dans ses côtes, il roula sur le sol, les serpents furieux sifflant dangereusement. Quant au chevalier, il grimaça, se rendant compte que le coup violent ne faisait qu'accroître la douleur de sa jambe. Cela dit, les aveux qu'il faisait ainsi confirmaient au moins la question de la Dornienne.

 « On va le ramener avec nous, déjà. En gardant bien sur un œil sur lui. Je ne tiens pas à ce qu'il nous file entre les doigts. »

Orys se pencha, affichant un air menaçant, vers le paysan apeuré.

 « Tu veux pas filer, pas vrai ? Tu préfères que je te ramène à Froide-Douve, hein ? Je pourrais aussi te tuer, cela dit. Laisser mon amie ici présente te présenter ses reptiles. T'en dis quoi ? »

 « Non, non ! Pitié ! Je vous suivrais. Oui, je le jure messire ! »

Dégoûté, Orys se redressa, son corps meurtri lui arrachant de nouvelles grimaces. Il jeta un coup d’œil vers le ciel, où la lune ne semblait pas vouloir disparaître derrière un nuage. Parfait, ils y verraient déjà un peu mieux. Laissant le soin de s'occuper du prisonnier au garde de la jeune femme, Orys entama sa marche pour retourner vers leurs montures. Un bon repos lui ferait le plus grand bien, désormais. Oui, il en avait besoin. S'il ne s'effondrait pas de fatigue ou à ses blessures avant, bien sur.
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Orys & Valena


L’homme s’éraflait les paumes contre la roche. Ses semelles abimées crissaient sur le sable et les cailloux qui jonchaient le sol. Le dos plaqué contre la paroi rocheuse, il détournait le regard en tremblant de tous ses membres. Quelques fois, il osait un rapide coup d’œil et ouvrait imperceptiblement les paupières pour surveiller les serpents, enroulés et crachant autour de mon bras. Il refermait les yeux alors aussitôt et pinçait les lèvres. Aucun doute, il était mort de peur. D’ailleurs, je me demandais combien de temps mettraient ses jambes avant de flancher et de défaillir sous son poids. Sûrement pas bien longtemps. La lueur blafarde de la lune projetait sur son visage des ombres inquiétantes et agrandissaient les creux de son visage anguleux. Ses cernes se trouvaient alors à dévorer ses joues maigres et ses iris luisaient comme des pierres d’onyx. Trebor, à côté de lui, ne bougeait pas d’un cil et continuait de plaquer sa lame aiguisée contre sa gorge frémissante. Drickel savait que s’il se relâchait d’un pouce, l’épée l’entaillerait. Peut-être était-ce cette peur de mort instantanée qui le maintenait debout. Il n’osait même pas regarder mon homme de main. De grosses gouttes de sueur glissaient le long de ses tempes, telles des larmes le long de son visage.

Impassible, je le toisais, dure et sévère. L’homme était si insignifiant. Tout en faisions des tonnes alors qu’un petit coup de lame bien placée et l’histoire se terminerait ici. Nous n’avions pas à nous encombrer l’esprit avec des futilités. Il était recherché par l’inconnu qui m’accompagnait et je le soupçonnais fortement de meurtre. Pourquoi prenions-nous des pincettes pour traiter avec lui ? Pourtant, je voulais être sûre de sa culpabilité. Je voulais l’entendre dire. S’il avouait, il me faudrait exercer la justice de la Gracedieu. Il aurait tué un dornien et je ne pourrais le laisser filer. Il lui faudrait répondre de ses actes, ici, dans la Principauté de Dorne. Peut m’importait qu’il soit recherché ailleurs. Les crimes qu’il avait commis avant seraient toujours moins grave que celui-ci.

L’inconnu se laissa à son tour glisser prudemment le long de la petite dune de terre. Je l’observais du coin de l’œil, pour m’assurer qu’il ne tombe par une fois encore. Arrivé en bas sain et sauf, il boitilla jusqu’à mon niveau pour observer à son tour le paysan. Il sembla le reconnaître une bonne fois pour toutes. Il s’éloigna prudemment des vipères qui s’agitaient de voir ce nouveau venu débarquer. Trebor eut juste le temps de baisser son épée avant que le fugitif ne se jette à genou, devant l’aura que dispensait le voyageur sur lui. Il n’avait pas eu besoin de parler pour exercer son influence et son autorité sur le malfrat. Je sourcillais. Santagar avait-il dit ? Je ne m’étais donc pas trompée. Cet homme était dornien. Que faisait-il hors de notre région à traquer des paysans étrangers ? À moins qu’il ne traque le brigand depuis Bois-moucheté ? Cela lui avait fait faire un sacré détour. Pour qu’il se trouve ici, il était peut-être passé par les Terres de l’Orage ou le Bief. Quand bien même, ce n’était pas son devoir de partir à la poursuite de chaque manant. Il était lord ou fils de lord et ne devait qu’exercer la justice, non la traque. A moins que cela soit un sport qui lui plaisait. Je lui lançais une œillade suspicieuse.

Pourtant, mes préoccupations sur mon nouvel allié furent coupées courtes. Je grinçais des dents et raffermis ma prise sur les serpents. Il avait avoué. Ma gorge se serra et mes prunelles lui lançaient des éclairs. J’en étais sûre. Un accident ? Pah ! Sa tête tranchée serait aussi un accident ! J’irais dire à mon homme qui avait eu la tête écrasée par une pierre, répandant sa cervelle dans le sable que l’imbécile ayant écourté sa vie était désolé ! Cela lui ferait une belle jambe. Ou alors, j’irais présenter ses excuses à sa famille. Son épouse, ses fils et sa fille seraient ravis. Je m’y voyais déjà. « Comprenez-vous, son visage a été complètement ravagé par un éboulement. En fait, personne n’aurait pu dire que c’était lui si nous ne l’avions pas vu, une seconde avant ! Mais enfin, l’homme responsable m’a assurée que c’était un accident et qu’il était désolé. Nous l’avons donc laissé filer. » Je grimaçais. Ils voudront sa tête. Et en tant qu’héritière de la Gracedieu, fille ainée de l’actuel lord, je me devais de leur apporter satisfaction.

Le Santagar le faisant rouler sur le côté d’un coup de pied dans le côtes était un maigre réconfort. « Ne vous inquiétez pas. Il ne filera pas, » sifflais-je en chœur avec les reptiles. D’ailleurs, ceux-ci réagirent lorsque le dornien parla de les laisser s’occuper du paysan. Mais je ne les laissais pas filer. En revanche, je tournais la tête, furieuse, lorsqu’il parla de ramener le fugitif à Froide-Douve, dans le Bief. C’était donc de là qu’il venait. Cependant, je ne le laisserai jamais revoir le Bief. Il n’irait même pas jusqu’à la frontière. D’un coup d’œil, j’ordonnais à Trebor de s’occuper de Drickel qu’il bourra sans ménagement devant lui, le menaçant toujours de sa lame, s’enfonçant dans sa tunique matelassée, dans son dos. Je le laissais passer devant moi. Le voyageur l’ouvrirait, malgré son boitillement et je la fermerai, emprisonnant le brigand entre nous. Prudemment, je laissais les vipères filer entre les roches. Elles sifflèrent, mécontentes, mais ne demandèrent pas leur reste.

Notre épopée retour fut moins marquée par l’inconnu et l’angoisse. Nous connaissions le chemin maintenant et, éclairé par la lune, il était beaucoup moins dangereux. Nous savions désormais où poser nos pieds et prendre appui. Pourtant, mon visage portait un masque de colère dont je ne pouvais me débarrasser. Je gardais les prunelles rivées sur la tête de Drickel, de ses cheveux blonds et ternes qui oscillaient sous le vent. Il devait être puni. Il devait être puni ici. L’homme de Bois-Moucheté prenait son temps et se glissait le long des chemins avec un lenteur mesurée. Il avait appris que gambader de nuit dans les Montagnes Rouges n’était pas la meilleure des idées. Pourtant, en tant que dornien, il aurait dû le savoir. Enfin, son rythme me convenait désormais, même si l’ire qui me rongeait aurait voulu me faire courir jusqu’en bas, pour accomplir mon devoir plus rapidement.

Enfin, je vis au loin Mors qui piétinait près de nos montures. Il semblait s’impatienter et s’inquiéter. Je m’emportais et le rejoignis rapidement, ma précipitation me faisant trébucher arrivée en bas de la bute. Je me trouvais à quatre pattes, paumes contre le sol, mais me relevais bien vite en m’époussetant. J’avais ruiné mes jupes, déchirées et pleines de poussière. Mon escapade dans la montagne de les aura pas laissées indemnes. « Nous sommes de retour, Mors, » grondais-je. « Et avec une petite surprise. » Il sembla comprendre alors que Trebor le traina devant lui. Je n’avais pas besoin de la présenter. Le Santagar arriva derrière nous en boitant.

Je fis volte-face. « Je ne peux le laisser partir avec vous, » crachais-je en jetant un regard de dégout au malfrat. « Il a tué un dornien. Un de mes hommes. Vous l’avez entendu vous-même. Il doit répondre de la justice dornienne. » Comme pour acquiescer mes dires, Trebor enfonça un peu plus son épée dans le dos de l’assassin, sans percer sa peau. Juste assez pour lui arracher un hurlement de terreur, faisant écho dans les roches des Montagnes Rouges.


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Chaque mouvement lui arrachant un grognement, Orys suivit tant bien que mal la Dornienne et son serviteur, lequel menait le prisonnier à la pointe de son épée. Il aurait aimé pouvoir lui-même se plaindre d'être dans une sale situation, de part la douleur qui le lançait et le fait qu'il avait grandement envie d'un repas – ayant abandonné le précédent – et de repos – il n'avait pas pu dormir avec tout ça. Bon, c'est sûr, il y avait désormais un grand et bon avantage à tout ça : Drickel était bel et bien prisonnier maintenant. Il ne risquait plus de s'échapper à travers Dorne pour fuir le courroux du chevalier Santagar.

Il ne souffla donc mot durant le voyage de retour vers leurs montures, pas plus qu'il ne dit quoique ce soit lorsqu'ils arrivèrent. Dabord parce qu'il n'avait pas grand chose à dire, et ensuite parce qu'il devait reprendre son souffle avant de pouvoir dire quoique ce soit. Sa chute semblait, décidément, l'avoir privé de plus de ses forces qu'il ne l'avait pensé en premier lieu. Il allait donc devoir faire encore plus attention. Il ne pouvait cependant rester sans voix, ou sans réaction, devant ce que la jeune femme venait de lui dire. Car cela entrait en contradiction avec ses propres plans. Et il avait horreur de ça.

 « Hors de question. Première parce qu'il est censé être mon prisonnier, et non le vôtre. Ensuite parce que même si je suis blessé, et qu'il n'a tué personne dans ce que je lui reprochais jusqu'à maintenant, il ne vous appartient pas de le juger. Pour vous, il s'agit de vengeance. De fierté, d'honneur. La loi ne passe qu'après. Pour moi, il s'agit de la loi avant tout, il n'est pas question d'une quelconque vengeance à payer dans le sang. Si je vous le laisse, je doute pouvoir ramener ne serait-ce que sa tête. Navré, ma Dame, mais il est à moi. »

Peut-être en avait-il trop dit, peut-être pas, il s'en fichait. Il se fichait pas mal des façons de faire de Dorne, pour l'instant. La douleur à ses côtés lui rappela qu'il n'en avait cependant pas fini avec elle, aussi préféra-t-il éviter que la femme ne réplique et il poursuivit donc.

 « Nous devrions rentrer à l'auberge, et nous reposer. Nous reprendrons cette discussion quand tout le monde aura mangé, bu et sera bien plus frais. D'autant que j'ai quelques égratignures à regarder. »

Avec gaucherie, il parvint à remonter en selle, et il se dirigea le premier vers l'endroit d'où ils étaient partis. La lune se masqua en partie derrière un nuage, mais il restait suffisamment de clarté pour qu'ils distinguent encore le chemin à suivre. Et puis, s'il chutait à nouveau, au moins il pouvait presque être certain qu'il ne sentirait rien, car il était trop endolori pour sentir quoique ce soit.
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Some saw the sun, some saw the smoke. Sometimes the wire must tense for the note. Caught in the fire, say oh, we’re about to explode. Carry your world, I’ll carry your world. Some far away, some search for gold, some dragon to slay. Heaven we hope is just up the road. Show me the way, Lord because I'm about to explode. Carry your world and all your hurt.
Orys & Valena


L’imbécile couinait comme une bête qu’on égorgeait. Il me fixait sans me voir de ses gros yeux ronds et révulsés par la peur. Le blanc de son œil était strié de rouge et ces multitudes de petites veines, d’ordinaire invisibles, gonflaient tellement que je ne craignais qu’elles ne s’épanouissent, telles des pétales de coquelicots. L’homme manqua de tomber à genoux et je n’aurais pas été étonnée de le voir se rouler dans la poussière, pris de folie, tellement il hurlait. Tout cela juste parce que Trebor avait un peu enfoncé sa lame entre ses omoplates. J’étais persuadée qu’il ne lui avait même pas fait si mal que ça. Je voulais simplement l’effrayer. Le torturer un peu. C’était maigre récompense que de le faire crier comme une pucelle aux abois alors qu’il avait ôté la vie d’un de mes hommes « par accident ». L’hystérie qui le dévorait m’aurait presque fait de la peine. Mais, même si mon cœur avait pour habitude de s’emballer et de s’enflammer facilement, il ne se troublait point face à pareille décision. Je me savais en mon bon droit et je ne faillirais pas. Une certitude de justice me brulait les tempes.

Cependant, l’homme qui était resté muet durant tout le trajet venait d’ouvrir la bouche. Je ne le regardais pas et écoutais cette voix sévère et inflexible qui s’échappait de ses lèvres. Ce Santagar croyait-il m’apprendre la loi de Dorne ? Ce Santagar qui vivait maintenant dans le Bief… Il avait délaissé le sable pour préférer les vertes contrées et les fioritures des Tyrell et encore, il me faisait la leçon ? Un mauvais sourire se glissa sur mes lèvres. Nous nous disputions le malheureux Drickel comme des vautours autour d’un quartier de viande rassie. Et c’était à qui s’imposerait le plus.

J’entrouvris les lèvres pour répliquer, mais il me coupa la parole avant de clopiner jusqu’à son cheval, ayant décrété qu’il ne parlerait de cette sale histoire qu’une fois reposé. Je restais à le toiser, interdite et coite de stupeur alors qu’il grimpait sur le séant de son destrier et de le diriger à travers le chemin terreux, éclairé par la faible clarté lunaire. Le voyageur avait cette sale habitude de prendre des décisions et de placer son mot comme s’ils étaient paroles divines et cela avait le don de m’agacer. Il m’avait fait le coup plusieurs fois et si j’avais fait preuve d’indulgence au début de notre petite aventure, ma patiente –d’ordinaire très courte- commençait à me faire défaut. Je pinçais les lèvres, soudain exaspérée et fusillais du regard l’homme qui me tournait maintenant le dos. Mors ou encore Trebor aurait très bien pu l’estropier un peu plus, cela ne lui aurait pas fait de mal, trébuchant et boitillant comme il était. Mais c’était un Santagar. Un homme de Dorne. Et je ne pouvais pas attenter à sa vie comme cela, parce que l’envie me prenait. Pour le paysan bieffois, c’était différent. J’avais toutes les raisons du monde de m’en prendre à lui. Et ce n’était pas les jolies paroles que mon allié d’un soir avait apprises au Bief, enroulées de miel et bien glacées de sucre, qui allait me faire passer l’envie de convoquer le fugitif devant la justice de la Principauté.

D’un claquement de langue sec, j’ordonnais à Trebor d’attacher le manant à la selle de son étalon tandis que nous grimpions à notre tour sur nos montures, en direction de l’auberge. D’un haussement de sourcils, je permis à mon soldat de faire trotter un peu son cheval, que le paysan ait du mal à suivre et s’écorche un peu les jambes à force de tomber. D'ailleurs, qui s'en occupait en ce moment de "son" prisonnier ? « Et pour tes blessures, Santagar, il fallait y regarder à deux fois avant de gambader à travers les montagnes de nuit et de jouer au donneur de leçons à trois sous, » chuchotais-je pour moi même, mauvaise, le tutoyant soudain.

La petite taverne était telle que nous l’avions laissée : terne, minuscule, sombre, sentant l’urine et le vieux ragoût. Le propriétaire, accoudé derrière son bar sourcilla de nous voir de retour en un seul morceau. « Trebor, reste avec notre prisonnier et occupe toi de nos montures. Veille bien à ce que cet imbécile ne se faufile pas dans le noir, je ne tiens pas à repartir à sa poursuite. » Il acquiesça et obéit en se dirigeant vers les écuries. Drickel pendait mollement contre les flancs de l’étalon sombre du garde, l’air affolé et les jambes lasses. Mors, le dornien et moi nous installâmes à une table en retrait. Encore pleine de colère à l’encontre du voyageur, je ne le regardais pas et commandais de quoi boire et de quoi manger, sans grande conviction. J’espérais simplement que cette bouillie noire qu’ils avaient pour habitude de servir ici ne me ferait pas défaut cette nuit.

Une fois nos mets forts peu ragoutants étalés sur la table, j’aplatis mes paumes sur la table poisseuse et rivais mon regard noir dans celui du Santagar qui était tout aussi sombre. « Nous voilà assis, prêts à manger et à boire. Ces conditions vous conviennent-elles pour discuter ? » lui demandais-je avec un air faussement narquois. « Prenez le temps de regarder vos égratignures. Je ne voudrais pas que vous souffriez. » Certes, je ne voulais pas converser à propos du sort d’un homme avec un moribond, mais je souhaitais que ses plaies le démangent un peu, histoire de faire la morale à cet homme qui parlait peu et qui, de ce fait, croyait bien parler. Je lui laissais quelques minutes pour avaler et boire avant de repartir à l’attaque. « En ce qui concerne le fuyard, ce Drickel comme vous l’appelez, je n’ai jamais dit que je voulais le tuer. Je ne souhaite pas le faire payer dans le sang. Je ne souhaite pas le juger par moi même. Il y a des personnes capables ici, à Lancehélion ou à la Gracedieu capables de démêler la justice. Des conseillers, des mestres, que sais-je encore. Tout à l'heure, mon homme de main a simplement voulu le faire frémir un peu. Il le mérite, après tout cela. » Je mâchonnais un morceau de viande trop cuit avant de l’engloutir. Tranquille, je faisais rouler mon couteau entre mes doigts habiles. J’avais l’avantage du nombre. Mors était à mes côtés et Trebor avait fait démonstration de ses talents. Si le Santagar voulait avoir le dernier mot, il devrait user de tout son verbe pour me convaincre. Et j’étais assez têtue. Les plus mauvais disaient bornée et obtus. « D’ailleurs, pourquoi le voulez-vous tant, cet animal ? Vous l’avez dit fugitif, mais pourquoi fuit-il donc ? Que pourrait-il avoir commis de plus grave que le meurtre ? » J’insistais bien sur le dernier mot de ma phrase et continuais de le toiser sans ciller.



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Pas un mot ne fut prononcé durant le voyage de « retour ». Orys n’avait rien à ajouter, et il grimaçait de plus en plus au fur et à mesure que sa monture faisait frotter ses blessures. Il avait sous-estimé certaines de ces marques rouges, sous ses vêtements en partie déchirés. Loin de lui l’idée de jouer aux héros qui ne sentaient pas leurs blessures, mais il était forcé de paraître en partie insensible. Quelque chose lui disait qu’il était loin d’en avoir fini avec les Dorniens, et s’il avait à les affronter…

Soyons réaliste, il n’avait pour l’instant aucune chance. Les deux hommes d’armes ne lui auraient posé aucune difficulté s’il avait été indemne, mais le problème venait de la femme. Il lui était impossible d’évaluer sa capacité à combattre, avec ou sans épée, mais la démonstration de maîtrise avec les serpents ne lui inspirait que de la méfiance. Elle lui faisait penser au genre typique du combattant sournois, trop souvent sous-estimé par l’adversaire : pas forcément impressionnant, mais capable de vous avoir en un seul coup bien placé. La plupart du temps, par derrière. Et donc avec une bonne chance de succès. Toutes ces pensées n’étaient pas réjouissantes, et il devrait donc se montrer méfiant. Et prudent dans les paroles qu’il prononçait. Il n’avait pas manqué le regard se renfrognant de plus en plus quand il parlait, chez la femme.

Ils arrivèrent finalement en vue de l’auberge, ce bâtiment miteux servant de passage pour les voyageurs entre le Bief et Dorne. Un début de plan, consistant à dérober le prisonnier et s’enfuir à toute allure vers l’ouest, lui vint en tête. Plan qui n’avait aucune chance de réussir, et il l’abandonna aussitôt. Il était trop blessé pour tenir une course poursuite. Surtout avec un prisonnier. Aussi fit-il ce que tout voyageur aurait fait : il descendit de son cheval, puis se dirigea vers la sombre bâtisse.

Il aurait été inutile de céder à la provocation, et il se contrôla donc suffisamment pour cela. Il se savait impulsif, prompt à réagir de manière irréfléchie en certaines occasions, et il devait donc éviter tout débordement dans son état général. Il se contenta ainsi de s’asseoir là où la femme les guida, prendre son repas comme tous les clients du coin et de manger la bouillie infâme qu’on lui avait servi. Il eut la farouche impression que cette jeune femme avait une vipère pour génitrice, car ses paroles étaient si chargées de venin et de colère qu’elle aurait pu le tuer sur place avec. Une phrase imagée qui n’était pas si éloignée de la vérité, vu qu’il était blessé et pas tellement en état de combattre. Il conserva le silence un bon moment avant de répondre enfin. D’une voix calme, pour bien montrer qu’il ne souhaitait pas se battre.

« Je le concède, le meurtre fait désormais parti des charges contre ce vaurien. Mais même si vous ne voulez pas le juger, et que Lancehélion en est capable, je ne souhaite pas vous le laisser. Je peux en revanche vous promettre une chose, si vous y tenez : qu’il paiera pour ce meurtre. Je peux interférer pour ça. »

Il devait proposer autre chose, s’il voulait qu’elle accepte. Il avait bien une idée, mais sans réelle garanti qu’elle accepte, ou même le prenne bien.

« Au pire, si vous mettez ma parole en doute, venez avec moi. Vous aurez peut-être même le plaisir de le tuer vous-même, là-bas. Qui se soucierait d’un vaurien malencontreusement tué par des gens sur un chemin ? »
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Orys & Valena



Autour de nous, les autres clients continuaient à parler dans leur barbe et à aspirer bruyamment leur ragoût noir. On pouvait entendre le bruit des cartes mélangées dans des mains rugueuses avant d’être abattues sur les tables branlantes. Nous ne nous mêlions pas dans la masse. Ils étaient des paysans, des mercenaires de passage, des commerçants qui ne faisaient qu’une halte d’une nuit ou deux au Bief Dornien pour se reposer et se remplir la panse. Si mon manteau de voyage ne payait pas de mine, il était pourtant de qualité supérieure et un tisserand ou un marchand d’étoffe le voyait au premier regard. Les hommes qui m’avaient encadrée pourtant le blason de ma famille sur l’épaule ou la poitrine. J’espérais ne pas avoir l’air d’une roturière. Et l’homme qui se trouvait en face de moi n’était assurément pas le dernier des miséreux. Il était certes éprouvé par son voyage et notre traque, mais il était bien bâti et portait une armure robuste, d’excellente manufacture. Nous sortions du lot et les manants qui nous jetaient des regards en coin l’avaient bien compris. Nous étions, après tout, l’origine d’un sacré remue-ménage dans cette taverne qui devait, d’ordinaire, être calme et morne.

Une légère fumée brune et sentant trop fort la viande cuite faisait office de voile entre le regard noir du Santagar et le mien, tout aussi sombre que le sien. Nous nous jaugions, nous nous estimions, tels deux chiens bâtards, errant dans les rues et tombant sur le le même os. Fallait-il se montrer rusé ? Puissant ? Imposant ? Violent ? Je partais avec l’avantage. À côté de moi, un autre canidé montait la garde et un autre de membre de ma meute m’attendait patiemment à l’extérieur, veillant sur le précieux os à ronger. Os qui s’avérait pourri de l’intérieur, pourtant. Si le dornien apparaissait inflexible et retors, j’étais sans l’ombre d’un doute la plus agressive et montrais sans honte aucune les crocs. J’étais également persuadée que je partais avec les meilleurs arguments. Ce paysan bieffois avait tué un soldat portant le blason des Allyrion sur les terres de la Principauté des Martell. Qu’aurait-il pu commettre de plus terrible que cela dans le nord ? Rien, assurément.

Enfin, le voyageur ouvrit la bouche. Je fronçais un peu plus les sourcils lorsqu’il refusa une nouvelle fois de me voir emporter le vaurien. N’avait-il pas encore compris ? Il avait beau être dornien de naissance et de famille renommée et importante, je ne concéderais pas cette fois de voir mes décisions remises en question. La justice pour la mort de mon garde était primordiale. J’en faisais une question d’honneur. Quelle héritière ferais-je si mes propres hommes ne me faisaient plus confiance ? Je devais me montrer digne d’eux et de leurs aspirations. Si l’on acceptait de me suivre, je devais me montrer assez honorable pour être suivie. Et tant pis si cela ne plaisait pas au Santagar. Je m’apprêtais à rétorquer, serrant le manche de mon couteau si fort que j’en fis blanchir mes jointures, mais il me proposa une nouvelle porte de sortie. Ma fougue retomba comme un soufflé. Franchement étonnée, je restais pantoise. Moi ? Aller dans le Bief ? Je n’étais jamais sortie de Dorne et voilà qu’on me proposait d’assister au jugement d’un paysan chez nous voisins enrubannés de dentelles !

Le nord avait toujours été un grand mystère. Bien sûr, je m’étais renseignée et l’on m’avis appris, dans ma jeunesse, les mœurs et les coutumes, les maisons, les alliances et les blasons. Mais je n’avais pas très bonne mémoire et ces royaumes s’étaient si bien mélangés dans ma tête qu’ils ne ressemblaient qu’à un immense flou artistique pour moi. Je n’en avais pas peur, loin de là, mais cela retardait mes projets de retour. Mon père m’attendait pour que je lui fasse un compte-rendu de nos affaires avec la maison Noirmont. Pouvais-je me permettre de rebrousser chemin et dépasser la frontière pour m’assurer qu’un vaurien se voyait frappé de justice pour ses actes ? Je n’avais jamais été une femme réfléchie et j’avais conscience que cela m’empêchait de pleinement m’accomplir. Faire des efforts était ardu. Or, dans le cas présent, mes méninges étaient en marche. Je finis par avoir un petit rire. « Ce Drickel nous cause bien du souci, » reniflais-je, mauvaise, en pensant au paysan. « Vous souhaiteriez que je vous suive pour m’enquérir du sort de ce minable ? C’est drôle comme nous nous plions face à la destiné d’un mécréant de cette envergure. » Lui qui était négligeable, ridiculement petit et se voyait chargé de crimes plus gros que lui, voilà qu’il commandait à des personnes comme le Santagar ou moi à observer les conséquences de ses actes. Un comble.

Je méditais encore ses paroles, bizarrement mal à l’aise avec cette proposition. Que faire ? Je pinçais les lèvres, énervée de me sentir esclave d’un paysan. J’étais à deux doigts de lui dire d’aller se faire voir, que j’emporterais l’assassin quoiqu’il en dise. Mais pouvais-je me permettre de me mettre en froid avec les Santagar qui étaient avant tout dornien, malgré leur présence dans le Bief ? Et devais-je lui faire confiance, rentrer à la Gracedieu et prier pour que Drickel soit puni ? Que dirais-je à la famille du soldat ? Je fis claquer ma langue contre mon palais. Oh, j’étais cernée. Je repoussais ma soupe d’un revers de main, l’appétit coupé. « Je vous suivrais, » maugréais-je. « Cela me coûte, mais je vous suivrais. » Je lui jetais un regard glacial avant de me redresser sur mon siège, droite comme un « i ». « Mais vous ne m’avez toujours pas répondue, » continuais-je. « Qu’a-t-il fait à Dorne pour que vous le poursuiviez de la sorte ? » répétais-je, lassée d’avoir à poser encore et encore la même question. « Et d’ailleurs, qu’est ce qu’un Santagar fait dans le Bief ? Vous avez parlé de… » Lorsque nous avions attrapé le bandit, il avait dit un nom de château. J’en étais persuadée. Qu’était-ce, déjà ? Je ruminais un instant avant d’être frappée d’illumination. Pourtant, je tâchais de rester aussi sévère que possible. « Froide-Douve ? Pourquoi est-ce vous, un fils de Dorne et homme d’une famille de chevaliers fieffés qui poursuivez un paysan ? » D’ailleurs, s’il se disait Santagar, je ne l’avais jamais vu. À aucune réception, à aucun banquet, à aucune joute. J’étais loin d’être curieuse, simplement très suspicieuse. « Je ne connais même pas votre nom, » tranchais-je.




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Orys prit soin de terminer son maigre repas avant de répondre. Ce ragoût infâme ne valait pas le prix qu’il recevait ici, et la boisson était à peine plus comestible. Mais qu’importe, ça lui tiendrait au corps. Ainsi rassasié, le chevalier s’installa plus confortablement, et se mit à examiner ses blessures. Maintenant que la pression était retombée, et qu’il se trouvait mieux installée, il put constater qu’il y avait plus de peur que de mal. En effet, la plupart étaient des égratignures, même si certaines saignaient plus d’autres. Mais dans l’ensemble, il avait été étonnamment chanceux. Il fit signe à l’aubergiste, qui arriva, de mauvaise humeur.

« Apporte-moi un linge propre, et une bassine d’eau très chaude. Et tu n’es pas en position de négocier, je donne les ordres ici. »

Ce qui était faux, bien sur, alors que le patron s’éloignait, songeur. Il ne contrôlait rien, mais il préférait garder une apparence d’autorité. Et peu importe ce qu’en pensait la jeune femme en face de lui. Il avait d’ailleurs des réponses à lui donner. Encore. Décidément, elle aimait poser des questions. Et probablement pas répondre, également. Cela ne l’aurait pas surpris le moins du monde.

« J’en conviens, il nous mène la vie dure, à nous disputer ainsi comme des charognards. Mais il a refusé de payer son dû au seigneur et maître de Froide-Douve, et en tant que son épée-lige, il m’a chargé de ramener cet homme à la raison. Comme vous avez pu le constater, la sentence et les charges ont considérablement changé. Et cela ne me plait pas plus qu’à vous. »

Il marqua une pause, le temps que l’aubergiste arrive. Le linge était assez propre, mais l’eau parfaitement chaude. Il le congédia d’un geste, puis se servit du linge mouillé pour l’appliquer sur ses blessures. Restant impassible aux démangeaisons, il ne put cependant retenir un soupir de soulagement au contact de l’eau chaude.

« Voilà qui est mieux. Où en étais-je ? Ah oui, mon nom. Ne me faites pas croire que vous ne le connaissez pas, vous l’avez entendu auparavant. Moi en revanche, je ne connais véritablement pas le vôtre. Donc, si vous vouliez bien avoir l’amabilité de me le donner, je vous en serais gré. La conversation n’en sera que plus simple. Quant à ce paysan… que dire de plus ? Un pauvre type sans histoire, qui n’a jamais fait de mal à personne. Qui s’enfuit en volant un cheval alors que j’approche de sa maison pour lui rappeler son devoir. Les circonstances m’ont obligé à venir ici, à Dorne. J’aurais préféré éviter, d’autant qu’un homme en est mort. Toutes mes condoléances, par ailleurs. »

Il était sincère. Mais maintenant, il fallait passer au problème suivant : le voyage jusqu’à Froide-Douve. Il n’avait pas confiance dans ces Dorniens pour traverser sans mal le Bief.

« Je ne vous demanderais qu’une chose, si vous m’accompagnez. Vous pouvez refuser, mais notre voyage n’en sera que moins ardu si vous y consentez. Veillez à ne pas sortir vos armes à la moindre rencontre ou provocation. Elles seront nombreuses, car les gens n’aiment guère les Dorniens. J’ai moi-même mit du temps à m’adapter, et ce n’est pas toujours facile. Il en va de même pour eux cela dit. Un non-Dornien dans la région, ça se remarque tout de suite. Et si ça ne dérange personne, on ne partira que demain à l’aube. J’aimerais me reposer, et vous en aurez besoin aussi. »

Restait plus qu’à savoir si elle allait le tromper ou non, emportant en douce le prisonnier. Ce n’était pas impossible, il le savait, et ne pourrait malheureusement pas l’en empêcher. Mais il emporterait au moins l’un des membres du trio avec lui, s’il le fallait.
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