Prendre le temps de savourer la vie

Sacha n’était-elle pas la femme parfaite qu’il fallait à Ashter ? Le chevalier se répétait tout le temps, tous les jours que si. Elle était parfaite. En apprenant l’histoire avec la servante, qui n’était pas de son fait par ailleurs, elle conseilla simplement à son mari de changer la servante de service. Elle ravala sûrement son envie de la décapiter ou en faire son quatre heure. Ashter lui sourit tandis qu’elle se blottit contre lui. Elle lui avait laissé une nouvelle marque, plus visible cette fois-ci. Cela le fit rire et dans un doux silence, il s’allongea, Sacha dans les bras et tous deux s’endormirent aisément. La nuit fut courte mais reposante pendant laquelle Ashter rêva de Sacha. Pas de rêve plutôt osé cette fois mais un rêve romantique. Pas de contrainte. Pas de responsabilité. Ashter et Sacha vivaient en liberté dans un coin reculé de Westeros. Ashter faisait souvent ce rêve. Et pourtant, il ne voulait pas forcément qu’il devienne réalité. Il était bien dans sa vie, il était heureux malgré les contraintes, malgré les responsabilités.

Le lendemain matin, il se leva, se prépara. Il avait encore un peu de temps devant lui avant le départ imminent. Son cheval, son armure, son épée étaient déjà prêts. Il fallait qu’il le dise à Sacha. Il ne l’avait toujours pas prévenu de son départ. Impardonnable. Il l’attendait comme convenu au terrain d’entraînement. Il n’avait ni son épée, ni une épée d’entraînement. Aussi, quand elle arriva, il la prit dans ses bras et prit un air désolé. Cette déception qu’il allait lui faire ne serait que courte durée à côté de ce qu’il préparait en secret. Derrière lui, était planté là un jeune chevalier de Bolwark. Ashter fit les présentations et dit à Sacha que c’était avec ser Robert qu’elle allait s’entraîner. Il devait partir rejoindre Beren. Il la rassura de suite en disant qu’il serait probablement revenu au début de l’après-midi, voire à midi même si tout se passait bien. Il l’embrassa une dernière fois puis se dirigea vers son cheval et quitta Bulwark.

Ce n’est que quatre heures plus tard qu’il revint à Bulwark. Il n’était pas seul. Beren l’accompagnait ainsi qu’un chariot sur lequel il y avait une femme et des enfants. Beren semblait fatigué au même titre que les convives qui débarquaient à Bulwark. Ashter descendit de son cheval, aida à faire descendre les enfants âgés entre quinze et huit ans à vue d’œil, voire un peu plus ou un peu moins, c’était difficile à deviner. Il se précipita alors vers Sacha qui venait de sortir. Il lui prit la main et la mena jusqu’au milieu de la cour. Tout sourire, il fit les présentations avec la jeune femme présente. Ashter n’avait pas retenu son nom mais c’est elle qui s’occupait des enfants devant lesquels il mena Sacha.

- Mon amour… tu les reconnais ?

Ashter ne comptait plus le nombre de fois qu’il entendait Sacha parler de sa famille, de ses petits frères. Ils habitaient dans la Conflans, vivaient dans la pauvreté. Ashter avait ainsi missionné Beren de les retrouver. Ce fut un travail difficile et de longue haleine mais les deux hommes réussirent. Ashter avait envoyé Beren auprès de Marianne, une amie. Ainsi, ils avaient retrouvé la famille de Sacha. Ashter s’était du coup empresser de tout faire pour les ramener à Bulwark, faire en sorte qu’ils aient une meilleure vie qu’au fin fond du Conflans. En les rejoignant ce matin, il avait pu faire en sorte qu’ils soient propres et avec de beaux habits. Les enfant semblaient si heureux bien qu’un peu timides par tout ce remue-ménage et fatigués par le voyage bien sûr. En tout cas, Ashter n’attendait qu’une chose, la réaction de Sacha face à cette immense surprise qu’il venait de lui faire. Lui ramener sa famille, celle qu’elle n’avait pas vu depuis des années maintenant. Ashter montrait une nouvelle fois à sa femme qu’il serait prêt à déplacer des montagnes pour elle tellement il l’aime.

Sacha était heureuse. C’était tout ce qui comptait pour Ashter. Tout sourire, il prit congé de la salle à manger laissant Sacha profiter de sa famille. Il se rendit dans les écuries où il retrouva Beren qui soignait son cheval. Il vint s’installer auprès de lui, tout sourire, tout heureux de sa vie. Beren était heureux pour lui. Ashter l’aida à s’occuper des chevaux qui avaient fait la route depuis le Conflans. D’habitude, des serviteurs auraient fait le boulot mais Beren y tenait et cela détendait Ashter. Il pensait à trop de choses en ce moment. Il se perdit dans ses pensées, oubliant alors les chevaux, oubliant Beren. C’est ce-dernier qui le ramena au présent en lui mettant sa main sur son épaule. Ashter le regarda, prit un regard quelque peu triste et sans un mot, tandis que Beren comprenait, il monta sur son cheval et disparut au loin. Il quittait Bulwark. Personne ne savait où il allait. Personne ne l’avait vu partir. Tout Bulwark tomba dans l’inquiétude quelques heures après le départ d’Ashter. Beren se doutait où Ashter pouvait se trouver et il en toucha quelques mots à Sacha.

Ashter Yarwyck semblait heureux. Il avait tout. Une femme qui l’aime. Un peuple qui l’adorait. Une mère aimante. Une fille adorable. Un meilleur ami présent et protecteur. Et pourtant, Ashter Yarwyck venait de fuir son fief pour un endroit plus calme, plus tranquille. Il s’agissait de la petite crypte où il s’était rendu avec Sacha. C’était un endroit à eux, c’était l’endroit où il a appris qu’il était père. Seulement là, Ashter ne se sentait pas bien. Il avait été surmené ces dernières lunes et tout d’un coup, soudainement, sans qu’il ne s’en rende compte, il tombait petit à petit dans la dépression. Il avait remarqué plusieurs symptômes et pensait que ça allait passer. Il faut croire que non. Alors, il décida de rester seul un instant, de rester seul pour faire le point. Il aurait pu prévenir, en effet mais cela lui parvint si soudainement qu’il ne prit pas le temps de mettre au courant sa femme qui devait être morte d’inquiétude. Mais Ashter connaissait Beren. Il avait dû sûrement lui en parler. Le seigneur en eut la confirmation assez vite lorsqu’il entendit des bruits de pas. Un cheval approchait.

Il savait qu’il ne serait pas seul bien longtemps. Il hésitait encore sur le fait que ça soit Sacha ou Beren. L’un et l’autre connaissaient cet endroit. Personne d’autre. Il regardait l’horizon, inexpressif, la mine basse, presque recroquevillé sur lui-même. Son état s’était détérioré en un instant. Ce fut si rapide qu’il ne comprit pas lui-même ce qui lui arrivait. Le surmenage. Il y avait tellement à faire. Même si la vie à Bulwark et les terres rattachées était paisible et plutôt bonne ces derniers temps, il y avait toujours un tas de choses à faire, à traiter. C’en était trop. Ashter n’en pouvait plus. Il fallait que ça stoppe mais est-ce qu’un seigneur peut faire une pause dans sa charge seigneuriale ? Non. C’est son devoir de mener à bien la baraque. Alors la seule solution qu’il avait entrevu était de fuir, fuir loin du château et réfléchir à une solution pour concrète seul, à tête reposée. Faire le point était son objectif en venant ici. Mais il semblerait qu’une personne n’ait pas voulu attendre le retour d’Ashter pour lui parler. Ashter s’allongea alors dans la sable et mit ses bras sur son visage, dans une posture défensive, attendant que la personne ne daigne se manifester.

Ashter avait vu juste. Sacha ne serait jamais restée à Bulwark alors que son mari était porté disparu. Surtout que Beren avait lui dire qu’il était parti, qu’il sentait que ça n’allait pas et qu’il avait sûrement suggéré à Sacha un endroit où le seigneur avait pu se réfugier. Cela ne faisait aucun doute qu’Ashter avait choisi cet endroit dans l’unique but de se retrouver seul avec Sacha et pouvoir faire le point. Il était là, étendu de tout son long dans le sable, les bras sur le visage tandis que sa douce s’installait à ses côtés. Le silence régnait en maître sur eux. Ashter n’osa pas dire un mot de peur d’éclater, de craquer, de se montrer brisé. Pourtant, ce n’était pas n’importe qui à ses côtés. C’était sa femme, son amour de toujours, cette sauvage et belle conflanaise qui l’avait fait craquer et pour qui il soulèverait des montagne et décrocherait la lune. C’est alors qu’il consentit à enlever ses bras, dévoilant un visage fatigué, des yeux remplis de larme, un regard désespéré. Il ne savait vraiment pas par où commencer.

Il croisa son regard. Elle était inquiète. Cela se voyait. Ashter se dit qu’il abusait. Il l’avait fait partir de Bulwark, une nouvelle fois loin de sa famille alors qu’il l’avait ramené pour elle. Se redressant, le regard plongé dans les vagues incessantes au loin, le chevalier se pensait égoïste. Il avait tout. Sa vie était merveilleuse et il trouvait le moyen de la gâcher par des réflexions futiles. Sa dépression ? D’où elle sortait ? C’était idiot. Il avait tout. Il ne comprenait pas. Il secoua la tête, sécha ses larmes puis revint se blottir contre Sacha. Après un énorme soupir, une idée lui traversa l’esprit et brisa alors le silence lourd qui pesait sur eux.

- Et si on partait ?

Partir. Ashter voulait partir, quitter Bulwark, abandonner son titre de seigneur, quitter le château avec sa famille et trouver un coin tranquille. Il savait que c’était difficilement possible mais Ashter était un homme très réfléchi. Il pensait à tout, anticipait les choses. Il était déterminé et quand il avait une idée en tête, rien ne pouvait l’arrêter, en témoigne son mariage avec Sacha quelques années plus tôt. La vie de seigneur l’épuisait, il songeait à laisser la charge depuis quelques temps déjà mais il ne se l’avouait juste pas. Que dirait son père s’il était là ? Que dirait sa mère quand il lui annoncera ? Quelle image de lui aurait sa sœur ? En pensant à Alerah, il sentit les larmes couler toutes seules. Il se sentait faible, déchu. Il avait échoué. Pour Ashter, il avait échoué dans cette tâche seigneuriale que son père lui avait confié quand il est mort. Quel piètre seigneur de Bulwark il faisait ! Il se releva de nouveau, cette fois debout face à l’horizon immense qui se présentait devant lui. Il avait honte. Il n’osait même pas la regarder dans les yeux. Que penserait-elle de lui maintenant ?

Du repos, Ashter en avait plus que besoin. Mais il était hors de question pour lui de partir. Partir impliquait de s’éloigner de Sacha et ça, il ne le pourrait pas. Aussi, lorsqu’elle lui proposa de faire le tour de Westeros et la regarda. En un regard, il lui fit comprendre que ce n’était pas du tout ce qu’il comptait faire finalement. Car en effet, après tout cela, il venait d’en arriver à une solution plutôt convenable, suggérée par Sacha elle-même. Il l’embrassa, se leva, lui prit la main et tous deux se dirigèrent vers leurs chevaux. Il l’enlaça une nouvelle fois, regardant alors vers l’horizon, l’embrassa de plus belle, daignant enfin lui décrocher le sourire qu’elle attendait. Il monta sur son cheval, attendit qu’elle fasse de même et lui dit le sourire aux lèvres.

- Rentrons à la maison !


Depuis maintenant une lune, Sacha était la nouvelle maîtresse de Bulwark en attendant que son mari soit rétabli. Ashter s’occupait de leur petite Amaryllis. Elle était si adorable, elle était son rayon de soleil. Bien évidemment, chaque jour, Ashter demandait à Sacha si elle ne voulait pas d’aide. Bien sûr que non. Elle lui interdisait formellement d’entrer dans l’office ou de s’occuper des affaires de Bulwark. Même sa mère le sermonnait à propos de cela. Pour ça, la belle-mère et la bru s’entendaient à merveille. Cela faisait rire Ashter. Le soir venu, Ashter était dans la chambre et attendait sagement sa femme qui devait être exténuée par la journée qu’elle venait de passer. Le chevalier lisait une lettre de Beren. Le roturier et meilleur ami d’Ashter était parti en voyage pour plusieurs lunes. Il se rendait à Dorne pour des affaires familiales. La lettre provenait du Bief, il ne devait donc plus tarder. Lorsque Sacha entra dans la chambre, Ashter posa la lettre sur la table de chevet, fit une place pour sa femme et afficha son plus beau sourire.

- Alors, mon amour, cette journée ? Ça a été ?

Diverses questions lui brûlaient les lèvres mais Ashter s’abstint. S’il posait ne serait-ce qu’une question sur les affaires de Bulwark ou les rendez-vous de la journée ou bien tout autres questions en rapport avec ce pour quoi il était tombé en dépression, Ashter allait passer un mauvais quart d’heure. Au lieu de cela, il accueillit sa douce femme dans le lit dans le creux de ses bras, lui apportant soutien et réconfort après une dure journée de labeur. Il espérait néanmoins qu’elle lâche quelques informations sur quelques sujets dont Ashter s’intéressait. On ne sait jamais, avec la fatigue et les yeux doux du beau blond, Sacha pourrait lâcher quelques bribes d’informations.

Robert et Norbert étaient deux gardes du château de Bulwark. Ils étaient en charge de la porte principal habituellement mais depuis peu, ils étaient postés devant le bureau de Lady Yarwyck. Ils avaient ordre ne laisser sans aucune façon entrer Ashter. Pendant plusieurs semaines, il essaya et bien que les gardes semblaient facilement manipulables, ils avaient plus peur de Sacha que d’Ashter. Si bien que le chevalier se vit refuser l’entrée à de nombreuses reprises. Il les félicita de faire un si bon travail et partait, réessayant une heure plus tard puis le jour suivant. En vain. Robert et Norbert étaient catégoriques.

- Vous n’être pas autorisés à passer Lord Ashter. Nous sommes désolés mais ce sont des ordres directs de Lady Sacha.


Ashter n’insista pas. Sacha n’allait rien lui dire sur les affaires de Bulwark. Il n’était plus en charge, il n’avait plus à s’en préoccuper. D’ailleurs, le mestre lui avait demandé qu’il se repose, qu’il se vide l’esprit et qu’il chasse les mauvaises qu’il avait de lui-même. Ils finirent par s’endormir dans les bras l’un de l’autre, calmement, en toute sérénité. Dans les jours qui suivirent, ils allèrent aider pour les récoltes. Les gens apprécièrent que le seigneur et sa femme viennent les aider. C’était inhabituel. Quelques gardes avaient été missionnés tels que Robert et Norbert qui ne semblaient pas très à l’aise. Mais ils réussirent le boulot tant bien que mal. Ashter avait par la suite laissé tomber son éternelle quête de remettre le nez dans les affaires du château. Il passa du temps avec sa fille, sa mère. Ils se rappelaient tous les deux le bon temps avec Arthur et Alerah. Leur enfance avait été si heureuse. Malgré l’autoritarisme de leur père, les trois Yarwyck avaient été heureux et bien éduqués. Désormais, il ne restait qu’Ashter et il se sentait bien seul par moment. Alerah avait été sa confidente pendant des années. Cela lui manquait tellement. Sa sœur lui manquait. Néanmoins, il lui restait sa mère, son meilleur ami, sa femme et sa fille, la petite Amaryllis. Le soir, il n’avait qu’une hâte, c’était de retrouver les bras de sa Sacha adorée.

Les journées passèrent et se ressemblèrent. Ashter tentait de s’occuper. Il s’entraînait une bonne partie de la matinée, donnait des cours à de jeunes écuyers. Il s’occupait de sa fille qui allait sur ses quatre lunes déjà. Elle était si mignonne. Ashter gagatisait totalement. C’était un papa poule. Et il adorait ça. Lors d’un matin, il s’entraînait avec Beren. Cela faisait plusieurs jours qu’il s’entraînait avec son meilleur ami le matin. Et il n’avait jamais remarqué qu’il était observé. Ashter ne faisait guère attention aux servantes, gouvernantes, et pourtant, il aurait dû faire plus attention, surtout ces derniers jours. Le soir-même, il déposa Amaryllis dans son lit et se dirigea vers les cuisines afin de s’octroyer un petit frichti avant d’aller dans sa chambre pour dormir. Il marchait dans les couloirs sombres. Sacha devait déjà être dans la chambre. Il avait à peine ouvert la porte qu’il sentit une douleur piquante dans le flan qui le fit quelque peu flancher. Se tenant à la poignée de la porte, il fit du coin de l’œil le visage de la servante qui en pinçait pour lui. Ses yeux trahissaient son effroi. Elle se rapprocha de lui et lui chuchota dans l’oreille.

- Si je ne peux vous avoir… personne ne pourra vous avoir.

Elle enfonça un peu plus le poignard dans le flan d’Ashter avant de le lâcher et fuir le couloir. De son côté, Ashter, ne pouvant dire un seul mot, se tenait contre la porte qui s’ouvrit. Son regard se porta sur Sacha, il retira le poignard, le jeta au sol. Il se sentait partir. Il tomba à genou, le sang de sa blessure ayant tâché sa chemise blanche. Il s’écroula au sol sur lequel le sang commença à se propager. Et Ashter sombra dans l’inconscience, murmurant le nom de Sacha avant de complètement sombrer.

Devant la porte de la chambre du couple seigneurial se tenaient deux gardes. Depuis la tentative de meurtre sur Ashter, ils avaient été missionnés à la protection de celui-ci. Robert et Norbert, bien qu’étant de piètres soldats selon les dires de certains gardes, étaient chargés de ne laisser entrer personne dans cette chambre hormis Sacha, Ellyah et le mestre. Toute la journée, les deux gardes faisaient très attention à occuper leur poste avec le plus de sérieux possible. Ils étaient assidus mais si on y regardait de plus près, ils étaient surtout très cons.

- Quelle heure il est, Rob ?

Exaspéré, Robert regarda son comparse, roula des yeux et rétorqua.

- Tu rajoutes deux minutes à l’heure que je t’ai donné il y a deux minutes, SOMBRE IDIOT !

Nor resta fixe tandis que le mestre sortit en trombe de la chambre d’Ashter. Il les engueula d’une force que même les servantes dans les cuisines l’avaient entendu. Le mestre avait fini d’ausculter Ashter. Son état était stable. Il était toujours inconscient depuis le jour où il fut attaqué. Sacha avait retrouvé la servante, et l’avait enfermé en attendant de voir l’avancement de l’était d’Ashter. Plus les jours avançaient, plus l’espoir s’estompait. Le mestre ne pouvait rien faire de plus. Sacha veillait à ce que son mari soit bien traité. Ellyah venait lui rendre visite tous les jours, priait les Sept tous les jours. Elles espéraient toutes deux qu’il leur reviendrait, plus fort qu’avant. Elles ne voulaient pas qu’ils soient vaillant jusqu’à la mort. Elles voulaient qu’il vive. Pour Bulwark, pour son peuple, pour sa mère, pour Sacha, pour Amaryllis ! Cela devait être si horrible de le voir allonger là, respirant mais demeurant inconscient. Une semaine après, il était toujours dans cet état mais le mestre semblait plus confiant. Il n’y avait pas eu de complications. Il allait survivre. Il fallait désormais qu’il se réveille.

Pendant ce temps, dans un endroit inconnu, en dehors du temps et de l’espace, Ashter luttait entre la vie et la mort. Il avait cru se réveiller mais avait vite compris où il était. Il avait vu les Sept, il les avait confronté. Il avait insisté auprès d’eux pour qu’ils le renvoient auprès de sa femme et sa fille. Ils lui répondirent que ce n’était pas de leur ressort. Il ne comprit pas jusqu’à ce que sa sœur fonce sur lui pour lui faire un câlin. Ashter se demanda bien évidemment comment c’était possible. Alerah, toujours aussi perspicace posa son doigt sur son front. Tout était dans sa tête. Un genre de rêve disait Alerah. Une hallucination pensait plutôt Ashter. Il était si heureux de revoir sa sœur qu’il s’en moquait bien d’où il était, quand il était, pourquoi il était. Elle était si belle. Sa petite-sœur. Son petit rayon de soleil. Elle lui manquait tellement. Ils avaient tellement de choses à se dire et si peu de temps pour le faire. Alerah lui dit qu’elle était fier de lui. Qu’il était un homme bon, courageux, vaillant comme tous les membres de la famille Yarwyck. Sur ces mots, ce fut son frère qu’il vit. Arthur. Son grand frère. Son pilier. Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre. Arthur était tellement fier du chemin qu’avait parcouru son petit frère. Ashter était ému, il ne cachait plus ses larmes. Cela ne servait à rien de faire semblant. C’était son frère et sa sœur. Tous les trois, ils avaient formés un trio inséparables quand ils étaient petits. Arthur et Alerah dirent à Ashter que maintenant il était le seul vivant mais pas tout seul. Ils étaient présents, avec lui, dans son cœur. Le trio était toujours là, en lui. Ils lui donnèrent la force de se battre. Ashter était prêt à revenir. Il le fallait. Pour sa sœur. Pour son frère. Pour sa mère. Pour Sacha. Et pour son...

Mon fils. Tu n’es pas comme moi. Tu ne le seras jamais mais tu seras meilleur. Tu as réussi là où j’avais échoué. Je suis si fier de toi. Va, mon fils. Rejoins ta famille. Elle est là-bas et elle a besoin de toi.

Et alors qu’Ashter voulut se jeter dans les bras de son père, il se sentit aspirer en arrière. Il criait, pleurait, hurlait à son père qu’il l’aimait, que tout ça il l’avait fait pour la famille, pour lui. Ses yeux furent aveuglés par la lumière blanche éclatante et ses larmes qui n’en finissaient plus de couler. Il sentit alors que tout s’était arrêté. Brusquement. Il faisait noir mais il sembla entendre quelque chose. Il se concentra, ouvrit ses oreilles et entendit bien une voix. Une voix de femme. Et il ne mit pas longtemps à la reconnaître. Sacha. Ashter hurlait qu’il était vivant mais elle ne semblait pas l’entendre. C’est alors qu’il entendit ces mots : « Ashter… S’il te plaît… Reste avec moi, t’as pas le droit de me quittes et de mourir. T’as pas le droit… ».

- S.. Sa.. Sach… Sacha ?

Allongé sur son lit, dans sa chambre, Ashter Yarwyck, trois semaines après avoir été poignardé, se réveilla tranquillement, sentant une légère douleur là où la servante l’avait frappé. Son regard se porta directement sur Sacha. Sa belle et douce Sacha Yarwyck. Sa femme. Son amour. Son âme-sœur. D’une voix faible, il tenta de lui parler.

- J’esp… J’espère que… tu as… travaillé… ton… jeu de jambes… Demain… matin… entraînement…

Ne quittant pas son regard, il sentit le sien s’humidifier et il lui fit un faible sourire, serrant alors faiblement sa main qui tenait la sienne. Si la belle conflanaise faisait bien attention, elle pourrait lire sur les lèvres d’Ashter : « Je t’aime… mon amour… ».

Le réveil fut des plus difficile. Ashter émergea doucement. Il souriait, c’était déjà exceptionnel. Le mestre, Ellyah et Sacha étaient à ses côtés. Il était encore faible et ne comprenait pas trop ce qu’il se passait autour de lui mais il était vivant et allait s’en sortir. Il avait besoin d’énormément de repos et de calme. Aussi, personne n’avait le droit d’entrer hormis le mestre, Ellyah et bien évidemment Sacha, très souvent accompagnée d’Amaryllis, leur petite-fille. Ashter mit des semaines à s’en remettre. De longues semaines durant lesquelles il devait rester alité. Il ne voyait que le mestre, sa mère ou sa femme. Parfois, il s’occupait de sa fille, ce qui le faisait sourire. Hormis cela, Ashter était fatigué, déprimé. Il était temps que ça change. Au bout de deux semaines, il décida d’aller mieux. Il allait persévérer dans cette voie compliquée et semée d’embuches. Au bout de trois semaines, il avait réussi à sortir un pied. Il pouvait s’asseoir sans problème. Marcher ? C’était beaucoup trop tôt. Il devait s’aider d’une chaise roulante que lui avait confectionné Beren. Ashter réapparut aux yeux des gens au moins deux lunes après tous ces événements. Cela faisait du bien de sortir de sa chambre, de voir du monde autre que ses proches.

- Il a l’air en pleine forme, qu’est-ce que t’en penses ?

- Il est vrai. Cela fait du bien de le voir.

Robert et Norbert n’étaient pas futés mais ils avaient raison. Cela avait fait du bien aux gens de Bulwark de revoir leur seigneur même si Sacha gérait à merveille les affaires. Mais il avait encore besoin de repos. Il mit encore une semaine et demie avant de pouvoir marcher comme il faut et ce, à l’aide d’une canne. Il siégeait désormais aux côtés de Sacha. Il avait décidé de l’assister. Il lui fallait du repos, Sacha n’était pas trop d’accord mais Ashter ne lui avait pas tellement laissé le choix. Ils travaillaient désormais ensemble et cela leur allait plutôt bien pendant qu’Ellyah s’occupait de la petite Amaryllis qu’ils avaient plaisir à retrouver le soir avant d’aller se coucher. De nouveau dans leur chambre, Ashter se mit dans le lit et attendait Sacha. Il souriait. Il sentait le bonheur de nouveau revenir en lui. Il était heureux. Il se sentait heureux. Il voulait être heureux.

- Je t’aime !

Cela lui était sorti si naturellement. Il s’était relevé lorsqu’elle était rentrée dans la chambre. Il arrivait à tenir debout sans canne, sans aide. Il la prit dans ses bras, passant une main sur son visage si doux. Il l’embrassa tendrement avec passion sentant cette agréable sensation parcourir son corps. Il recommença encore et encore jusqu’à la mettre sur le lit et se retrouver au-dessus d’elle. Elle était si magnifique. Elle était si belle. Leurs regards ne se quittaient plus. Il laissa alors glisser sa main sous elle et il lui retira sa robe, la jetant à terre. Retirant sa chemise, il laissa entrevoir son flanc sur lequel était encore posé un pansement. Le mestre l’avait examiné plus tôt dans la journée et avait trouvé la cicatrice plutôt belle.

- Le mester m’a dit que je pouvais reprendre les exercices physiques…

Ashter sourit grandement avant de plonger dans le cou de Sacha et la dévorait en lui faisant des baisers tendres et passionnés. Il en profita pour enlever le reste de ses vêtements et ils se retrouvèrent tous deux nus sur leur lit. Ashter replongea son regard dans le sien. Elle représentait tellement pour lui. C’était bien plus que sa moitié, son âme-sœur, c’était son monde, son univers. Ensemble, ils ne faisaient qu’un. Ils étaient la moitié d’un tout et l’un ne pouvait vivre sans l’autre. Ashter, laissant ses mains parcourir son corps, l’embrassa longuement et tendrement.

- Tu sais ce dont j'ai envie, là, maintenant ?

D'un bain... Ashter était intenable. Intenable.