Prendre le temps de savourer la vie

Un fils. Ashter et Sacha avaient eu un fils. Cela le ravissait tellement. Ils formaient désormais une vraie petite famille. Il l’avait appelé Arthur, comme son défunt frère. Cela avait été un événement à Bulwark. Cela faisait aussi la joie d’Ellyah, la grand-mère, plus que ravi de connaître la descendance de son fils. Maintenant qu’il se sentait mieux, Ashter reprit les affaires, toujours conjointement avec sa femme. Ils travaillaient tous les deux ensemble désormais. Ils se partageaient les affaires. Le petit couple qu’ils formaient étaient plus qu’heureux maintenant. Rien ne pourrait briser ce cocon agréable qui les enveloppait. Pas même le mauvais temps, pas même les problèmes que pouvaient rencontrer les paysans, les petits nobles, etc. Les Yarwyck étaient heureux et Ashter se disait qu’il était temps. Il était temps pour lui de prendre conscience de ce bonheur et d’en profiter.

- Je suis si heureux, Sacha. Avec toi. Avec les enfants. Je n’aurai pu rêver une meilleure vie que celle que je vis à vos côtés.

Dans les moments intimes, ils étaient intenables, surtout Ashter. Mais ce soir, le seigneur de Bulwark se voulait romantique, comme autrefois, comme au début de leur relation. Il était assis sur le lit quand elle était rentrée dans la chambre. Sur le rebord de la fenêtre, quelques fleurs fraîchement cueillies étaient mises dans un petit pot. Il lui avait également écrit un petit poème qu’il lui lut. Il était si heureux de pouvoir encore lui faire ce genre de petit surprise. Il vint ensuite se coucher, et il la prit dans ses bras, l’enlaçant tendrement. Il l’embrassa tendrement et ils restèrent là tous deux, s’endormant comme souvent dans les bras l’un de l’autre, prêts à mettre fin à cette journée et en commencer une autre le lendemain.


- Amaryllis ?

- Arthur ?

Des années s’étaient passées. Amaryllis, l’aînée, avait désormais 12 ans. Arthur, lui, allait sur ses 11 ans. Tous deux s’amusaient à se cacher dans les recoins du château tandis que les gardes Norbert et Robert les cherchaient. Les deux gardes étaient chargés de les surveiller pendant qu’Ashter et Sacha n’étaient pas au château. Les deux comparses de toujours flippaient de plus en plus. Au bout de deux heures, ils n’avaient toujours pas retrouvé les enfants qui se jouaient bien d’eux. C’est lorsqu’Ashter et Sacha apparurent dans la cour sur leur monture respective que les deux jeunes enfants décidèrent de sortir de leur cachette. Robert et Norbert ne les avaient pas vu et ils se présentèrent aussi rouges que des tomates devant leur seigneur.

- Puis-je savoir où sont mes enfants ?

C’était un Ashter plus mûr qui descendit de cheval. Il avait les cheveux plus courts et une barbe ornait son beau visage. A sa ceinture, trônait toujours Dent-de-Lion, son épée valyrienne. Il imposait de sa carrure face aux deux gardes tout penauds. Il savait très bien où se trouvaient ses enfants. Il les voyait d’ailleurs de là où il était. Se retenant de rire, Ashter tentait de garder son air sérieux, attendant une réponse des deux gardes et surtout un soutien de sa femme.

- Messieurs ? J’attends.

- Euh… c’est-à-dire que… euh…

- Lord Ashter. Nous… euh… comment dire…

Quelques minutes avant que le couple seigneurial n’arrivent dans la cour, les deux gardes Norbert et Robert fustigeaient toutes personnes qu’ils croisaient de sobriquets. Ils pensaient que les deux bambins étaient intenables, insupportables et qu’à chaque fois qu’ils devaient les garder, ils disparaissaient. Et c’est comme ça qu’ils se retrouvèrent sans savoir où se mettre devant Ashter et Sacha. Et ils comprirent bien vite que les deux enfants s’étaient moqués d’eux, une fois de plus. Sacha les fit s’excuser auprès des gardes qui ne voulaient pas que les bambins en arrivent là. Ils comprenaient finalement que les enfants s’amusaient. Ils repartirent donc à la porte, leur poste suivant. De leur côté, Ashter et Sacha calmèrent leurs enfants qui voulaient absolument s’entraîner. C’est ainsi qu’Ashter décida de donner les affaires à gérer à Ellyah et au mestre le lendemain matin. Les enfants étaient prêts bien avant les parents.

- Ser Ashter, en garde !

Ashter se mit à rire. Il venait de descendre sur le terrain d’entraînement. Arthur et Amaryllis étaient en tenue. Ils tenaient leurs épées d’entraînement. Seulement, Ashter avait prévu autre chose avant d’entraîner ses enfants : une démonstration. En effet, depuis quelques années déjà, l’élève avait dépassé le maître. Sacha avait réussi à battre Ashter et elle en était fière. Le seigneur de Bulwark voulait donc sa revanche, encore et toujours. Et puis, ils ne s’étaient pas entraînés ensemble depuis un petit moment déjà. En attendant sa femme, Ashter expliqua à Amaryllis et Arthur qu’ils devraient regarder leur parent se battre en premier et qu’après, la leçon pratique commencerait. Il caressa la joue de sa jolie petite fille, fit une petite tape à son fils et se plaça sur le terrain, faisant quelques mouvements d’épée en attendant que Sacha ne le rejoigne pour prendre une branlée.

- Lady Sacha ! J’espère que vous avez travaillé votre jeu de jambes !

Robert et Norbert étaient à la porte de Bulwark. C’était leur poste principal et ils le tenaient à merveille. Ils faisaient du bon boulot malgré leur bêtise. Plantés là depuis bien deux heures maintenant, ils discutaient de leur vie respective. Ils étaient meilleurs amis depuis bien des années maintenant. Ils étaient fidèles aux Yarwyck et côtoyaient souvent la famille seigneuriale. Ils étaient également friands de ragots et potins çà et là. C’était un de leurs défauts. Deux vrais commères. Ce jour-là, ils discutaient à propos du seigneur de l’Ouest, Tyrion. Il s’en était dit des choses sur lui et les deux gardes n’étaient pas les derniers au courant. Tandis qu’ils débattaient sur le fait que Tyrion ne serait pas le père de ses enfants, l’un d’eux vit au loin un cheval galoper vers eux. Sur le moment, rien de grave ne semblait se présenter. Ils reconnurent d’ailleurs la jument de Sacha. Et c’est là qu’ils comprirent.

- Nor, va chercher Lord Ashter, je m’occupe d’elle !

Le second, débile comme il était, n’avait pas tout compris mais alla quérir son seigneur. Ce-dernier se trouvait avec ses enfants. Il leur faisait la leçon. Ils étudiaient la succession des Targaryen depuis Aegon le Conquérant. Cela en faisait des rois et des reines. La leçon s’interrompit, Ashter confiant les enfants à une servante. Il demanda à Norbert d’aller chercher le mestre tandis que le seigneur se rendit dans la cour. C’est au même moment que Robert rapporta la jument portant Sacha, inconsciente, saignant fortement. Le sang d’Ashter ne fit qu’un tour. Il la porta jusqu’à leur chambre, dégagea les couverture, l’installa et arracha sa chemise, dévoilant une blessure plutôt sérieuse. Le mestre demanda à Ashter de le laisser travailler mais cela ne plaisait guère au seigneur qui ne resta pas loin de la porte de la chambre, frappant parfois dans le mur, en témoigne le haut de sa main éraflé. Lorsque le mestre sortit une première fois, Ashter l’attrapa presque par le col. Le mestre le comprenait. Il lui annonça que Sacha s’en remettrait, qu’elle était forte mais que ce serait long. Il lui faudrait du repos, beaucoup de repos et pas trop de chahuts d’enfants.

- Entendu.

Les jours qui suivirent, Ashter était intenable. Il allait et venait dans la chambre toutes les heures pour voir si elle allait bien. Entre temps, Beren avait mené son enquête. Il semblerait que Sacha se soit confrontée à des esclavagistes. C’était un vrai massacre mais il semblerait qu’il y ait un survivant. Ashter ne se fit pas prier. Il confia Bulwark mais surtout Sacha à Beren et partit en chasse de cet homme. Ashter partit pendant des jours. Il croisa plusieurs personnes. Il était en pleine chasse et il ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aura pas trouvé ce malfrat.

Ce ne sont pas des cadavres qui furent découverts dans une grotte non loin de Bulwark. Ashter avait retrouvé plusieurs esclavagistes. Sacha ne les avait pas tous eu. De rage et de colère, il les avait tous tué. Et encore, « tuer » était un terme faible. Leurs corps étaient en charpie. Et au milieu de cette boucherie, se trouvait un homme, inexpressif, une épée valyrienne à la main, couvert de sang de la tête au pied. Lorsqu’une main se posa sur son épaule, Ashter eut une réaction vive. Heureusement, il ne blessa pas la jeune femme qui était venue l’aider. Il se laissa faire et suivit la jeune femme jusqu’à sa maison. Là, on le déshabilla, le lava, nettoya ses affaires. C’étaient de simples paysans. Un couple et leurs deux filles. Le seigneur de Bulwark était toujours dans un état de choc. La femme lui donna un remède pour calmer ses nuits. Il y resta plusieurs jours jusqu’au moment où il reparla enfin. Son regard était rempli de larmes à chaque mots qu’il prononçait. La nuit, les deux jeunes filles du couple l’entendaient crier, hurler et murmurer le prénom de Sacha. Un matin, Ashter se posa devant la maison, le regard plongeant vers l’horizon. Il souriait.

- Il est là depuis combien de temps ?

Le paysan répondit à Robert, le garde de Bulwark, que le seigneur était là, tout sourire, depuis déjà deux heures. Il semblait aller mieux. Lorsque Robert et son acolyte Norbert se placèrent devant Ashter, ce-dernier leva son regard vers eux. Le sourire avait laissé place à de nouvelles larmes et à des excuses. Les deux gardes ne lui en tinrent pas rigueur et l’aidèrent à monter sur son cheval. Ils remercièrent tous deux la famille paysanne d’avoir sauvé la vie de leur seigneur, leur donnèrent une bourse et partirent en direction du château. Le seigneur devait rentrer auprès de sa femme. Ashter et Sacha étaient dans deux chambres différentes. La santé de Sacha semblait s’améliorer. Celle d’Ashter également. Il reparlait normalement, était sorti, grâce au mestre, de l’état de choc dans lequel il avait été plongé pendant des jours. Ce n’est qu’une semaine après son retour qu’il fut autorisé à retourner dans leur chambre, auprès de sa femme. Lorsqu’il entra, il fut stupéfait de voir qu’elle était attachée. Il fit immédiatement quérir le mestre et lui demanda des explications.

- Je peux savoir pourquoi ma femme est attachée de la sorte.

C’était pour son bien semble-t-il. C’est que le mestre lui avait dit tout en mentionnant les ordres de Beren. Ashter faisait confiance en son frère de cœur. S’il pensait que c’était nécessaire alors il n’allait pas aller à l’encontre de ce conseil. C’est ainsi que le seigneur de Bulwark s’assied au chevet de sa femme, espérant chaque jour qu’elle allait revenir à lui. Il espérait que toute la famille serait bientôt réunie. Que Sacha se réveillerait et que tous deux, ils allaient s’occuper d’Amaryllis et d’Arthur ensemble. Les élever, les entraîner, les former, les aimer. Ensemble.

Lorsqu’Ashter, assis sur la table centrale de la grande salle de Bulwark, dînait en famille avec ses enfants, ses petits-enfants et tous ses sujets, il ne pouvait pas une seule seconde laisser de côté le passé. Il était passé par tellement d’épreuves, tellement d’obstacles, tellement de choses dans sa vie. Aujourd’hui, il bénissait les Sept de l’avoir épargné tant de fois. Il bénissait les Sept d’avoir sauvé sa Sacha. Il se souvenait de ce jour-là, il y a bien des décennies. Alors que le seigneur était rentré dans un état second suite au massacre d’esclavagistes, Sacha était inconsciente, gravement blessée. Il était resté à son chevet pendant des jours jusqu’à ce qu’elle se réveille et qu’elle se blottisse tout contre lui. Elle heureuse qu’il soit là à son réveil. Lui, heureux de pouvoir encore contempler le monde à travers ses yeux. Ils s’aimaient tellement ces deux-là, ils étaient devenus inséparables. Ils en avaient vécu des choses et s’étaient toujours relevés. Ils avaient deux beaux enfants : Amaryllis et Arthur. Ils grandissaient plus vite qu’ils ne l’auraient voulu. Assis là, parmi toute sa famille réunie, Ashter se replongea alors dans sa jeunesse, oubliant ses cheveux blancs, sa barbe vieillissante, ses enfants plus que trentenaires et ses petits-enfants bruyants. Et c’est ainsi qu’il se retrouva aux côtés de Sacha, émergeant d’un long sommeil réparateur… ou presque.

- Au moins trois semaines, mon amour. Il y a eu des complications. Ta blessure ne guérit pas correctement. Mais le mestre m’a assuré que tes jours n’étaient pas en danger.

Et il valait mieux pour le mestre vu dans l’état dans lequel était Ashter depuis son retour. Il voulait que Sacha se remette. Il restait à son chevet, la nourrissait, la bordait, lui amenait les enfants en leur faisant la leçon de ne pas être trop brute. Amaryllis savait se tenir. Arthur un peu moins mais un rappel à l’ordre suffisait à la calmer. Sacha avait besoin de beaucoup de repos. Le mestre venait quatre à six fois par semaine pour voir si la blessure guérissait. Il semblerait que ça aille mieux mais il ne fallait pas perdre le rythme installé par Ashter, félicité par le mestre. Les affaires du château, Ashter s’en occupait en parallèle, avec l’aide de sa mère. Mais Ellyah se faisait vieille et était de plus en plus fatiguée. Ainsi, Beren fut mis à contribution. Ashter avait une confiance aveugle en ce frère de cœur. Des jours passèrent, des semaines passèrent. Trois lunes après le réveil de Sacha, son état s’était nettement amélioré. Elle était presque guérie. Ashter lui laissait de plus en plus d’espace. Et quelques semaines après cela, ils reprirent leurs vies, durcissant les lois seigneuriales concernant l’esclavage. Ils gouvernèrent tous deux sur Bulwark, ensemble, s’aimant encore plus jour après jour.

- Tu te souviens du jour de notre rencontre ?

C’était la question que posait un Ashter vieillissant à sa Sacha toujours aussi ravissante. Ils semblaient épuisés de cette journée. Elle n’était pourtant pas finie et ils avaient tous deux pris congés de leurs deux enfants et leur famille. Ils avaient pris les chevaux et s’étaient rendus dans leur endroit, dans leur refuge. Cette petite crypte, là où un Ashter vigoureux était allé se baigner nu comme un ver. Là où une Sacha heureuse et enceinte avait annoncé la bonne nouvelle pour Amaryllis. Là où les deux amoureux s’étaient retrouvés de nombreuses fois, s’isolant du reste du monde et ne se retrouvant que tous les deux. Ashter Yarwyck, le beau chevalier blond, non destiné à devenir seigneur. Sacha, la farouche roturière conflanaise, non destinée à devenir une dame. Et pourtant, leur histoire avait démontré tout le contraire.

Ashter Yarwyck est né il y a soixante-cinq ans à Bulwark, le fief des Yarwyck, une maison mineure de l’Ouest, vassale des Lannister et fidèle à cette maison depuis bien des décennies. Le jeune Ashter n’était pas destiné à devenir l’héritier de la famille. Il fut donc élever normalement, sans qu’on lui apprenne ce que c’était que d’être seigneur. Il passait beaucoup de temps avec sa sœur Alerah et son frère Beren. Il devint écuyer d’Arthur, son grand frère, son modèle. Il se montra très habile à l’épée et s’entraînait tous les jours soit avec Arthur, soit avec Beren. Malheureusement, Ashter fut contraint de faire bien plus que s’entraîner et devenir chevalier. Arthur mourut faisant de son petit frère l’héritier et l’avenir de la famille. Weslar eut beaucoup de mal à l’accepter. Ashter partit alors pour Castral Roc, assista au conseil des Lannister, prit conscience des responsabilités qui l’incombaient. Et qui dit être héritier, dit être marié. C’est ainsi que le jeune Ashter, tout juste chevalier, tout juste héritier, fut fiancé à Melleah Payne, une jeune dame oustrienne. Seulement, cela ne se passa pas comme les Sept l’auraient voulu. Le jour où le jeune Yarwyck devait rencontrer Melleah, il rencontra une autre femme.

- Laisse-moi deux petites minutes et je te rejoins dans l’eau, mon amour.

Sacha. C’était le nom de la jeune femme qu’il rencontra ce jour-là. Il avait vingt-et-un ans, était chevalier depuis à peine un an, commençait à peine à comprendre comment sa vie allait fonctionner à partir de ce moment. Il tomba directement sous son charme. Il espérait seulement aller s’entraîner quelques minutes avant que son père ne daigne le convier à une réunion dont il ignorait le contenu. Au lieu de ça, il fit la rencontre de la jeune et farouche Sacha qui maniait l’épée comme personne. Dès lors, ces deux-là se rapprochèrent tant bien que mal au fur et à mesure de leurs rencontres, de leurs entraînements. À chaque regard posé sur elle, Ashter tombait de plus en plus amoureux de Sacha. Il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait mais il était sûr d’une chose : Sacha était la femme de sa vie. Dans les lunes qui suivirent leur rencontre, il fit tout pour se rapprocher d’elle. Il l’entraîna, la courtisa, tenta de lui faire comprendre ses sentiments. Un an plus tard, Ashter n’y tenant plus, il dévoila ses sentiments à Sacha qui s’avéraient être réciproques. Ashter et Sacha entretinrent alors une relation secrète, conscients que leur relation était interdite. Mais le destin était de leur côté. Après de nombreuses manigances et de stratégies en tout genre, Ashter et Sacha purent se marier à Bulwark. Peu de temps après le mariage, Weslar disparut et le jeune marié devint le seigneur de Bulwark. Aidé par sa mère, accompagné par Beren, soutenu par Sacha, Ashter devint un seigneur bon et loyal envers les gens qu’il gouvernait. Les enfants ne tardèrent pas à pointer le bout de leur nez. Amaryllis tout d’abord puis vint le tour d’Arthur. Une fille et un garçon. Ils étaient si heureux. Ils avaient eu des hauts et des bas comme toute famille mais ils s’aimaient tellement. Plus tardivement, le couple accueillit un troisième enfant. C’était une petite fille qu’ils appelèrent Alerah, en hommage à la sœur défunte d’Ashter.

- Je t’aime, Sacha...

Ashter avait eu une belle vie. Jeune cadet, il avait été aimé par sa mère et choyé par sa petite sœur trop mignonne. Jeune écuyer, il marchait dans les pas de son frère Arthur, écoutait les conseils de Beren et espérait gagner la confiance de son père. Jeune chevalier et héritier, il avait peur, comptait sur Beren pour l’épauler, sa mère et sa sœur pour le conseiller. Jeune marié et seigneur de Bulwark, il avait Sacha à ses côtés et tout allait bien. Beren et sa mère étaient toujours là pour le conseiller et l’épauler. Ashter se sentait si bien. Jeune père, il adorait ses enfants, il les chérissait chaque jour que les Sept faisaient. Quand ils furent en âge, il les entraîna avec Sacha, il les fit monter à cheval, apprendre le tir à l’arc, chasser le gibier dans les forêts alentours. Il avait eu en effet une belle vie, remplie autant de bonheur que de malheur. Il avait perdu bien des gens, son père, son frère, sa sœur, sa mère, mais il savait qu’un jour, il les rejoindrait et ils se retrouveraient tous ensemble, comme une famille, une vraie famille.

Allongé sur le sable, Ashter regardait Sacha s’éloigner et aller se baigner. Elle était nue. Elle était si belle. Il savait que tous deux avaient vieilli mais lorsqu’il la regarda plus attentivement, il revit alors la jeune fille de seize ou dix-sept ans dont il était tombé amoureux. Il se passa une main sur son visage mais la jeune Sacha ne voulait pas partir. Il lui souriait d’un sourire dont lui seul avait le secret. Il venait de repenser à toute la vie qu’ils avaient mené jusqu’ici. Il était si fier de lui, d’elle, de leurs enfants, de leurs petits-enfants. Il savait qu’il pouvait partir en paix, que Bulwark ne tomberait pas, que la famille Yarwyck ne sombrerait pas dans l’oubli. Ils étaient forts et puissants, plus puissants que jamais. Weslar devait être fier de voir que sa famille avait perduré, fier que ce fils dont il dénigrait les talents avait réussi à hisser les Yarwyck très haut. Ashter se tourna alors vers sa fidèle épée. Une épée valyrienne du nom de Dent-de-Lion. Il était si fier d’avoir parcourant tout ce chemin avec elle. Il attacha un petit mot à la garde adressé à son fils Arthur. Il pensait également confier sa monture à sa fille, Amaryllis, qui montait si bien à cheval et serait sûrement fier d’avoir le cheval de son père. Quant à Alerah, il avait gardé précieusement la robe préférée de sa défunte sœur dans sa chambre. Il souriait en repensant à ses trois enfants, ses petits-enfants. Et il reposa ses yeux, une dernière fois, sur Sacha. Toujours assis dans le sable, le seigneur de Bulwark afficha son plus beau sourire, prit son épée dans les mains et se laissa ainsi prendre par le repos éternel.

Sur Ashter, il sera possible de trouver un morceau de papier destiné à Sacha sur lequel il est écrit : « La folie est celle de te quitter sans te dire que je t'aime. La raison est de t'embrasser pour que cesse la douleur. La faiblesse est de renoncer à toi. La force est de t'aimer malgré le poids du secret. »