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When the day bleeds | ft. Roger (PNJ Aurane)

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Vaelle Velaryon
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Vaelle Velaryon

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When the day bleeds
LAMARCK | AN 310, LUNE 2 | @Roger Ryswell

Le dragon survola la montagne avec une facilité déconcertante.

Vaelle leva le nez du plateau de jeu en pinçant les lèvres. D’un mouvement du poignet, Lucerys attrapa le roi, désormais prisonnier.

“Que disiez-vous lors de l’entame ? Les blancs commencent…”

Boudeuse, lady Velaryon s’enfonça dans son siège, le poing fermé appuyé contre la joue.

“Jouent et gagnent,” marmotta-t-elle dans sa barbe.

Un vague sourire apparut sous la barbe mal rasée du marin.

“J’imagine que les blancs devront se passer de leur roi, désormais. Voyons s’ils parviennent à gagner comme ça.”

La situation laissait pourtant peu de place au doute ; les blancs, et donc Vaelle, allaient perdre. La montagne qu’elle avait dressée au Nord, pour défendre son roi, était assaillie de toute part : des lanciers s’agglutinaient aux cols, une catapulte attendait sagement sa forteresse à l’Ouest et son roi venait d’être emporté dans le camp ennemi, derrière une étendue d’eau qu’elle peinait à franchir.
Dans sa tête, elle s’acharnait à imaginer tous les scénarios possibles. “Et si j’envoyais ma cavalerie lourde ici… Non, cela n’irait pas… Si mes trébuchets n’avaient pas été détruits peut-être que… Enfin, avec des si, je serai Impératrice de Yi Ti !”

Après un long moment de silence rythmé par le brouhaha lointain du port, elle capitula :

“J’abandonne !” lâcha-t-elle en levant les mains. “Je déteste ces dragons…”

Elle attrapa sa propre dragonne gravée dans de l’ivoire, qu’elle avait sacrifiée au début de la partie pour sauver son roi. Sacrifice inutile puisqu’il avait fini par tomber, lui aussi.
Lucerys s’autorisa un sourire plus franc, satisfait de sa victoire.

“Il suffit de savoir s’y prendre. Visiblement, vous manquez d’expérience.”

Vaelle éclata d’un petit rire :

“Je suis meilleure aux cartes ! Et je suis certaine que vous trichez…”

Depuis que Vaelle avait retrouvé le plateau de cyvosse de son enfance, enseveli sous des années et des années d’accumulation de robes, de livres et de parchemins en tout genre, elle s’était remise au jeu. Lucerys s’était révélé être un partenaire insoupçonné.
Et un bien meilleur joueur qu’elle.

“Et vous, vous abandonnez trop vite.”

Il reposa son dragon plus durement qu’elle ne s’y était attendue. Elle sourcilla.

“Je crains que nous ne parlions plus de ma technique déplorable au jeu de cyvosse, n’est-ce pas ?”

Elle froissa ses mains dans sa robe légère, enfonçant ses ongles dans ses paumes, comme un combattant peu aguerri qui se préparerait à recevoir un premier coup. Ses muscles se crispèrent et une vague d'angoisse noya sa poitrine ; son grand-père n'avait pas laissé que sa richesse en héritage.

Lucerys soupira, la bonne humeur de sa victoire envolée.

“Un Frey s’agace, et vous courbez l’échine,” déplora-t-il, entre agacement et frustration. “Un Frey.”

“Alors, c’est à propos du tournoi,” songea-t-elle en repensant aux murmures surpris qui avaient fait trembler la foule lorsqu’Aurane avait demandé ses faveurs à la Reine Mère.

“Nous sommes la famille Velaryon, dois-je vous le rap-”

“Je sais que nous so-” tenta-t-elle de l’interrompre.

“Non, vous ne savez pas !” trancha-t-il. “Que pensez-vous qu’on dit de nous ? Dois-je vous faire la liste ? Notre dernière bataille maritime a été un cuisant échec, notre lord sort à peine de l’adolescence, nous nous allions avec les Frey et nous les vexons assez pour supplier leur pardon !”

Comme étranglée, Vaelle restait muette, le visage lavé de toute couleur. “Que vouliez-vous que je fasse ?” voulut-elle lui répondre. “Que je ne dise rien pour préserver une prétendue fierté ?” Elle serra si fort les dents qu’elle crut briser sa mâchoire.

“Nous devons être meilleurs.”

Lucerys pressa le bout de ses doigts contre son front. Soudain, sa barbe parut plus blanche, ses rides plus marquées. Ses yeux, d’un violet presque bleu, baignaient dans le vide, comme engloutis par mille souvenirs.
Il prit une profonde inspiration et ouvrit la bouche avant de se raviser en secouant la tête.

“Nous nous retrouverons avec le contremaître demain matin. Nous devons encore réviser les plans de modernisation de Carène. Bonne nuit, lady Velaryon.”

Il la salua d’un hochement de tête las, avant de se retirer, laissant derrière lui le plateau de cyvosse en suspens, comme attendant le prochain coup qui ne viendrait jamais.
Dehors, la vie du port s’étiolait à mesure que le soleil se couchait.

Vaelle croisa ses bras sur la table pour y laisser tomber sa tête. Elle ferma les yeux, réduisant son monde à l’odeur du bois verni.

“J’aurais dû lui répondre,” murmura-t-elle pour elle-même. Ses mots rebondissaient contre ses coudes, contre son visage. “Qu’aurais-je dû faire ?” dit-elle à voix haute, mais sans public, cette fois-ci. “Nous vous avons insulté, lord Frey, mais voyez-vous, je me fiche bien de ce que vous pensez ! Eh oui, vous n'êtes qu'une bande de parvenus qui ne rivalise aucunement avec l'illustre familly Velaryon !”

Elle avait levé le nez pour faire parler la dragonne ivoire et une pièce de piétaille noire. Se rendant compte du ridicule de la situation, elle laissa échappa un râle sonore avant d’écraser son front contre le bois.
Lucerys avait cependant raison sur un point. Ils devaient être meilleurs. Elle devait être meilleure.

Avec une longue expiration, elle rangea silencieusement les pièces dans leurs étuis respectifs d’ébène et de chêne blanc avant de les recouvrir de leur peau de velours, comme on recouvrirait des corps d’un linceul.

L’air du soir, chargé d’embruns, remua doucement les voilages qui vinrent caresser ses bras nus. Son regard attiré vers l’extérieur remarqua l’ombre distante des bateaux, au large. Son cœur se serra et, d’un geste vif, elle ferma la fenêtre.
Mais il était trop tard. Monford errait déjà dans une partie d’elle, le fantôme de ses bras enroulé autour de ses épaules.
Elle devait s’occuper l’esprit.

Son regard tomba sur son bureau. Des enveloppes décachetées attendaient d'être rangées, des plumes séchaient, des points de broderies commencés et jamais terminés s'entassaient.
Au sommet de ce chaos organisé, trois lettres patientaient. La cire avait séché depuis le début de l’après-midi. Elles n’attendaient qu’à être envoyées. Vaelle s’en saisit, soulagée par cette mission providentielle, et ouvrit la porte à la volée.

Son coeur rata un battement lorsqu’elle découvrit Aurane, prêt à toquer.

“Oh, tu m’as fait peur !” Elle posa sa main droite contre sa poitrine - un geste inutile pour calmer la chamade douloureuse qu’il tambourinait -.



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When the day bleeds
Marée Haute, Lamarck | Aurane Velaryon

J’étais allongé sur mon lit, une boule dans le ventre, une sorte de nausée. Serra faisait les cents pas autour. Je n’en pouvait plus d’elle, de son caractère anxieux, de ses questions, de ses envies. Je n’en pouvais plus de sa personne, elle me dégoûtait. Je soulevais un peu la tête, une boule au ventre, elle me fixait. Je détestais quand elle me fixait comme ça. A l’instant je détestais tout ce qu’il existait d’elle. Je détestais ses cheveux légèrement roux, je détestais ses manières de conflanaise, sa peur, son manque de confiance, je détestais son teint blême, ses yeux qui exprimaient toujours de l'inquiétude. Avait-elle une once de confiance en ma personne ? Je détestais la texture de sa peau, je détestais son odeur, son petit nez en trompette, je détestais le moindre instant à ses côtés, je détestais le bruit de sa respiration. Elle n’en savait rien, créature naïve qu’elle était. Fort heureusement je savais que d’ici demain ce sentiment serait passé et elle me serait à nouveau douce et gentille. Je la trouverais attachante de nouveau, il fallait simplement que le dégoût passe. Mais ce soir, étrangement, elle me dégoûtait encore plus et je n'arrivais pas à supporter sa présence.
Tu es commandant de la flotte, si tu ne t’en occupe jamais ils vont te la retirer. Ils finiront par la confier à un capitaine. Et toi, tu n’auras plus rien.

Fallait-il vraiment qu’elle parle maintenant ? Qu’elle me fasse un reproche ? Un reproche, encore un ? Moi, je n’en avais pas eu assez ? Je serrais mes poings, j’avais terriblement envie de la faire taire par la force. J’avais envie que personne ne puisse me parler.
Tu ne peux pas rester à ne rien faire de tes journées.
SILENCE !” Je m’étais levé d’un coup, je devais être rouge, les yeux exorbités de colère, certainement le visage déformé par une expression de colère qu’il était rare de voir apparaître au grand jour. Aujourd’hui il n’y avait plus de masque, tu as perdu Serra Frey, ce soir Aurane Velaryon est vraiment Aurane.
Espèce de…” Je devais me concentrer pour retenir une insulte que j’aurais certainement regretté. Le pire étant que j’aurais beau lui dire les pires immondices, ce n’était rien en comparaison de son enfance aux Jumeaux. “Je ne veux pas travailler, je ne veux pas sortir, je ne veux pas non plus rester ici !” J’avançais vers elle avec ma colère en secouant la tête de frustration à chaque fin de phrase. “Je ne souhaite pas être ici, dans cette chambre, dans ce putain de château, dans ce putain de lit de merde ! DE MERDE !” J’étais face à elle. Elle ne tremblait pas, elle n’avait jamais eu peur de moi. D’une part elle savait que je ne lui ferait pas de mal et d’autre part elle avait connu bien pire. “Et tu sais ce que je ne veux pas non plus ?” Elle restait silencieuse. “Je ne veux pas entendre ton putain de nom de famille de merde. Je pisse sur ton nom et tes ancêtres, je pisse sur les Frey. Je conchie cette famille de putes et d’arrivistes de merde. Je te jure devant R’hllor…” Elle haussait un sourcil, étonnée, c’est bien la première fois que je parlais de foi devant elle. “... que je brûlerais votre putain de pont de merde, je te jure que j’égorgerais cette raclure de Lothar, cette petite salope, il croit quoi, hein ? Ton cousin de merde…” Elle allait encore me répondre la même chose, sur son nom qui était le mien, sur sa famille qui était nos deux filles. Sauf que même son nom ce n’était pas le mien, mon propre nom n’était pas le mien. J’étais toujours Aurane Waters, au fond et ça rien n’y changerait. J’avais été fou de croire qu’une signature de Tywin Lannister allait faire de moi un homme nouveau.

Elle était imperturbable. Son amour pour moi me dégoûtait profondément, surtout parce que je ne le méritais pas. Je sortais de la pièce brutalement en claquant la porte derrière moi. J’avais terriblement besoin d’air, j’avais besoin de respirer, de vivre autre chose. Il y avait toujours une boule dans mon ventre. Je marchais de long en large dans les couloirs de Marée Haute, je piétinais dans les allées éclairées à la lueur des torches, le visage rempli de sueur. Je croisais quelques domestiques, le visage fermé afin qu’ils ne me dérangent pas. Mais rien n’y faisait, j’étouffais comme je n’avais jamais étouffé, j’avais l’impression de me noyer. Je sentais mon cœur s’emballer, je suais désormais à grosses gouttes, j’avais mal au cœur et le ventre noué. Je me posais un instant à une fenêtre, des larmes commençaient à venir à mes yeux. Qu’est-ce que j’avais fait pour en arriver là ? Qu’est-ce qui m’arrivait ? Pourquoi est-ce que le sort s’anarchait contre moi ? Je respirais lentement et fortement, essayant du mieux que je le pouvais de retenir des larmes. Le besoin de pleurer allait finir par passer mais moi j’étais toujours mal, je ne comprenais plus rien. J’avais besoin d’une béquille sur laquelle me reposer, j’avais besoin de crever un abcès, j’avais besoin d’avancer. Je marchais d’un pas décidé vers la chambre de Vaelle, il fallait que nous parlions, tout de suite. Je courais presque dans les escaliers, j’arrivais finalement devant sa porte et la faible lueur des bougies dans sa chambre dansait à travers la fente de sa porte sur le sol de pierre. Mais avant que je puisse toquer elle ouvrait, surprise, je crois que je lui avait fait peur. Mais qu’importe, je m'engouffrais rapidement dans sa chambre, sans un regard pour elle, si elle pouvait éviter de lire sur mon visage le mal qui me tourmentait c’était bien mieux.

Je venais poser mes mains sur le rebord d’une des fenêtres qui faisaient face à son lit. “Il faut qu’on parle Vaelle.” J’avais tenté de prendre le ton le plus convaincant, le plus sérieux possible. Je n’avais jusqu’ici jamais eu des mots si rêches, prononcés si durement avec elle. Ce soir, il n’y avait pas de numéro, il n’y avait pas de cache-cache, personne n’aurait à deviner ma véritable intention derrière un masque. Je me tournais finalement vers elle, dévoilant mon visage transfiguré par la colère, le ressentiment et toutes les émotions complexes qui me traversaient. “Vaelle Velaryon, Aurane Waters.” J’appuyais consciencieusement sur mon ancien nom. “Parce que oui, je ne suis toujours qu’un putain de batârd hein ? La lettre de Tywin ? Qu’est-ce que ça peut foutre ? Puisque je n’ai rien. On ne m’a rien laissé.” Je désignais mon cœur plus qu’autre chose du doigt. “Je n’ai rien Vaelle, je ne suis rien alors que dois-je faire ? Comment est-ce que je dois exister ? Dis moi, toi qui sais toujours comment tout arranger. Faut-il peut-être que je m’excuse encore ? Que je te dise à quel point je suis une chiasse, une terrible erreur, ô oui, c’est certainement ce que Monford aurait voulu entendre.” Je regardais le lit, ce grand lit vide. “Pardon, lord Velaryon.” Je regardais ce lit vide avec dégoût. Puis je regardais Vaelle, je plantais mes yeux dans les siens comme des poignards, où comme l’on s'agrippe pour ne pas tomber. “Pardon Vaelle.” Je mimais une révérence. “C’est ce que j’ai dû faire devant la Reine ça, c’est ce que j’ai dû faire devant lord Frey, devant Brynden Nerbosc, devant toute la cour.” Je retenais un sanglot. “Des années, tellement d’années à vouloir devenir l’un des vôtres…” Ma main tremblait tandis que je pointais ma belle-sœur du doigt. “... Pourquoi ? Pour devoir ramper comme un chien. Devant les bonnes relations que j’avais mis tellement de temps à me faire, moi qui avait soutenu la princesse Rhaenys, moi qui m'étais entendu avec lord Blount, moi qui ait fait la sale besogne de Tywin Lannister, prenant le risque de MA VIE !” J’hurlais ces deux mots. “Pour pouvoir prendre plusieurs familles de traîtres à la Couronne ! Voilà ! Voilà ! Ma récompense pour avoir mieux servi la Couronne que quiconque !” Des larmes montaient à mes yeux. “Humilié ! Devant ce… Daven Lannister ! Il a fait quoi lui pour la Couronne ?! Tu me le dis ? Humilié devant Jacaerys…” Je crachais presque son nom. J’essayais de cacher mes larmes mais elles embuaient déjà mon regard et je voyais trouble. Toutes les choses que j’avais voulu lui dire à travers les années se mélangeaient dans mon esprit.

Alors oui, Vaelle, je suis désolé, je suis tellement désolé j’aurais mieux fait de crever à la place de ton époux, c’eut été mieux ainsi.” Je portais la main à mes yeux pour cacher vainement les larmes qui coulaient.

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When the day bleeds
LAMARCK | AN 310, LUNE 2 | @Roger Ryswell

Aurane s’engouffra dans les appartements de Vaelle et ce fut comme si tout l’air avait été chassé de la pièce par sa seule présence. Lady Velaryon regarda la fenêtre par-dessus l’épaule de son beau-frère ; elle aurait dû la laisser ouverte.

Depuis leur retour de Port-Réal, le demi-frère de Monford s’était muré dans un silence de religieux, qu’il interrompait seulement pour donner quelques ordres au port lorsqu’il daignait s’y rendre. Il demeurait, la plupart du temps, reclu dans sa chambre. Lady Serra lui avait fait part de ses inquiétudes quant au comportement de son époux, mais Vaelle n’avait pas trouvé le courage d’aller lui parler.
Quel dommage que le courage la déserte encore aujourd’hui.

Les premiers mots qu’il prononça firent tomber son cœur au fond de ses entrailles. Cela n’annonçait rien de bon. Elle venait de se faire gronder par Lucerys comme une enfant aurait été rabrouée par son père. Devait-elle subir la mauvaise humeur d’un autre marin ? Elle était fatiguée de devoir faire le dos rond devant des hommes en colère : lord Frey, Brynden Nerbosc, Lucerys, Aurane… Tous mécontents. Tous mécontents alors qu’elle se désespérait de bien faire. “Laissez-moi tranquille !” eut-elle voulu grogner (ou bien hurler). Elle se tut pourtant, une profonde inspiration prise, prête - à nouveau - à recevoir la vague.

Et elle ne tarda pas à venir, plus virulente encore que la tempête contenue qu’avait fait pleuvoir sur elle son oncle, similaire à ces orages d’été qui semblaient éclater brusquement, mais dont les nuages noirs s'amoncellaient dans notre dos à notre insue.
Aurane fit volte-face. Ses yeux rougis faisaient d’autant plus ressortir ses iris hésitants entre le bleu et le vert. Sa mâchoire était crispée. Ses sourcils froncés. Il était furieux.

“Tu n’es pas qu’un -” voulut-elle l’interrompre d’une petite voix, mais il enchaîna sans l’écouter, sans l’entendre.

Il s'époumonait, s’insurgeait, déversant sur elle des jours de mutisme ; des années d’aigreur, de ressentiment envers Monford. Envers les Velaryon. Car c’était bien ce dont il s’agissait, n’est-ce-pas ?
Le regard qu’il lança vers le lit seigneurial, le regard terrible qu’il laissa courir sur les draps froids, ce fut ce regard peut-être, plus que ses mots empreints de cynisme et de rage qui manqua de la faire pleurer. C’était ici que Monford et elle s’aimaient. Qu’ils se disputaient. Qu’ils se réconciliaient. Il n’avait pas le droit de regarder ainsi. Pas avec un tel dégoût. Pas avec une telle amertume. Ce regard la dépouilla de son intimité, jouait avec ; se moquait, presque. Elle se sentait mise à nue de la plus terrible des manières.

Aurane voulait pleurer, lui aussi. Elle pouvait l’entendre dans le tremblement de sa voix, ce même timbre qu’il avait eu lors des funérailles de son frère. Elle ne l’avait alors jamais vu aussi vulnérable. Maintenant, il menaçait une nouvelle fois de se briser en mille morceaux, sa fierté blessée dissimulant un mal plus profond.
Il se désespérait d’être l’égal de Monford. D’être aimé, admiré, comme lui. Et la moindre de ses erreurs l’éloignait toujours un peu plus de cette figure fraternelle qu’il aimait autant qu’il détestait. Vaelle l’avait rapidement compris puisqu’elle souffrait du même mal. Elle aussi se désespérait d’être aimée.

Il pleurait, le visage enfoui dans ses mains, ses épaules secouées de sanglots.

Avec précaution, lady Velaryon réduisit l’espace entre elle et lui à néant pour l’enlacer. Il sentait la sueur sans le soleil, l’effort sans le labeur. Contre sa joue, elle pouvait sentir la raideur de sa chemise souillée ; les tressautements de sa poitrine, également. Son souffle fébrile effleurant son épaule. De la main, elle caressa les cheveux sur la base de sa nuque. Un mouvement doux, lent, jouant ici et là avec une boucle emmêlée lorsqu'elle s'accrochait. De la tendresse, uniquement.
Comme il était grand et petit à la fois entre ses bras.

Elle serra sa taille, son épaule, plus fort une dernière fois avant de se séparer de lui. Ses mèches argentées tombaient en bataille sur son front. Ses cils blonds étaient mouillés de larmes. Elle scrutait son visage à la recherche de la moindre fissure prête à se transformer en crevasse ; à la moindre menace, à la moindre peine béante, elle serait là pour la guérir. Pour essayer, du moins.

“Depuis quand n’as-tu pas fait laver ce…” Elle attrapa un des lacets défaits qui tombaient sur son torse. “Cette blouse ? Chemise ? Qu’est-ce que c’est au juste ?”

Son sourire gêné se transforma en légère grimace.

“Trop tôt pour essayer de te faire sourire, c’est ça ? Je ne sais pas comment tu peux croire que j’arrange toujours tout… Viens t’asseoir avec moi. Ne restons pas debout comme deux imbéciles.”

Du geste, elle désigna les fauteuils rembourrés. L’épais velours bleu sombre avait été recouvert de tissus de lin clair pour l’été. Au passage, elle ouvrit la fenêtre.
Les voix du port s’étaient faites timides. Le soleil était définitivement couché, à présent. Une lumière bleue pâle s’escrimait à scintiller à l’horizon, luttant désespérément contre la nuit qui s’installait. L’odeur des chaudes soirées envahit la chambre. L’air était respirable à nouveau.

“Comment te sens-tu ?” demanda-t-elle en s’installant. “Mieux ? Je peux encore t’écouter si tu veux ajouter quelque chose.”

D’un geste habituel, elle lissa consciencieusement les plis de sa robe avant de faire rouler son bracelet pour que la pierre centrale - la plus jolie - apparaissent bien au centre de son poignet.

“Je te l’ai déjà dit lors de ses funérailles,” finit-elle par dire dans un souffle après un moment de silence. “Arrête de dire que tu aurais dû mourir à sa place, s’il te plaît. Tu… Ça me brise le coeur.”

Dans les plus profonds méandres de son désespoir, au point le plus bas de son chagrin, elle y avait songé, elle aussi. Et si Monford était revenu et pas Aurane ? Une petite voix malheureuse, mauvaise, lui soupirait mille futurs radieux où Monford se tenait à côté d’elle. La sérénité d’un époux qui prenait les décisions à sa place. La naissance d’un troisième enfant qui la ravirait. Une fille, peut-être ? Comme elle aimerait avoir une fille… Le confort d’une vie toute tracée, rassurante, où elle ne risquerait jamais rien. Où elle pourrait se contenter d’être une poupée contentant les autres.
La petite voix la répugnait. Comment pouvait-elle penser cela ? Comment pouvait-elle être si… si… Elle ne trouvait même pas de mot pour se décrire. Pourtant, cette petite voix, c’était la sienne.
Avec les années, la petite voix avait disparu. Elle s’était habituée au chagrin, l’avait accepté comme une part entière d’elle-même. Alors, de voir Aurane encore tourmenté par les mêmes démons…

“Et tu n’es pas une… une… une chiasse.” Elle rougit de tant de grossièreté sortant de sa bouche. “D’accord ? Mets-toi bien ça dans le crâne.”

Elle soupira. Il se trompait. Monford n’aurait certainement pas apprécié entendre cela. “Peut-être un peu…” se corrigea-t-elle. “Mais pas longtemps.” Car en se dénigrant, Aurane dénigrait les Velaryon. “Tellement d’égo…” Son grand-père n’en avait aucun (il avait essayé de la marier avec un Frey, après tout) et il avait vécu vieux et entouré de ce qu’il aimait le plus : son or. “Je n’arrive pas à croire que je suis en train de penser à mon grand-père comme d’un modèle.” C’était désolant.

Dans son discours, cependant, elle ne pouvait nier une certaine part de vérité. Les réactions profondément outrées et conjointes du Conflans et de Tywin Lannister pour de simples (et innocentes) faveurs lui avaient fait lever un sourcil, et elle était pourtant friande de dramaturgies mondaines. N’y avait-il pas plus important ? Plus grave ? Le Val rebelle qui faisait les yeux doux au Conflans qui se laissait apprivoiser en retour par exemple… Et Aurane avait tant oeuvré pour la Couronne que la réaction du régent était étonnante.
Enfin, désormais l’affaire était passée. Mais elle était plus difficile à digérer pour certains que pour d’autres.

“Ne te tourmente pas pour cette histoire de faveurs,” le rassura-t-elle. “Tu t’es excusé. Moi également. C’est en en faisant toute une histoire que nous nous ridiculisons. Passons à autre chose… Et travaillons main dans la main pour le futur de notre maison.” Elle lui tendit la main pour qu’il la serre. “Nous sommes des Velaryon et nos victoires comme nos erreurs façonneront notre nom. Alors faisons de notre mieux.”

Elle sourit derrière la main qu’elle ne tendait pas.

“Me voilà bien cérémonieuse ! J’en fais trop, peut-être ? Dépêche-toi de me serrer la main, j’ai l’air benêt ainsi.”

Un coup de vent fit claquer la fenêtre. Elle sursauta avant de se lever d’un bond pour l’accrocher.

“Ça souffle,” commenta-t-elle. “Je… Tu sais, je ne t’en veux pas. Enfin, je ne t’en veux plus. Crois-moi, quand je t’ai vu demander les faveurs de la Reine… Je t’aurais bien arraché les yeux. Et j’ai de bons ongles.”

Elle fit gigoter ses doigts aux ongles parfaitement taillés qu’autrefois elle se plaisait à décorer de pierres précieuses. Un luxe dont elle se passait depuis la mort de Monford.

“Je n’ai pas non plus apprécié de devoir courir ventre à terre pour aller demander pardon aux Frey. Moi aussi, j’ai ma petite fierté !” Elle croisa les bras. “Mais elle ne doit pas nous nuire… Enfin,” elle secoua sa main devant elle comme pour chasser une mouche, “c’est de l’histoire ancienne.”

Elle ferma définitivement la fenêtre.

“Est-ce que tu te sens mieux ?” La légèreté avait quitté sa voix. Elle lui avait déjà posé cette question. “Ou souhaites-tu me parler d’autre chose ?”




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