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L'écume des jours | ft. Aemma et Aurane

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Vaelle Velaryon
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Vaelle Velaryon

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L'écume des jours | ft. Aemma et Aurane 7uh8
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L'écume des jours
LAMARCK | AN 305, LUNE 2

Dans la chambre du couple seigneurial, il y avait un lit. Vaelle l’avait toujours trouvé trop large. Même lorsque, il y avait bien longtemps, il n’était marqué, au milieu, que d’un seul vallon moelleux, comme s’il eut été le lit d’un dormeur solitaire. Lorsqu’enlacés et incapables de dormir, elle observait l’ombre fauve de la bougie tracer le mystère de ce visage adoré. Elle avait encore le goût de leurs nuits blanches sur les lèvres.
Autrefois refuge, le lit était devenu pendant des années un océan impossible à traverser. Dos à dos, les centimètres qui les séparaient avaient des allures de frontières infranchissables. Frigorifiée sur ce bout de matelas blanc en proie à la tempête, le mur opposé pour seul horizon, elle ne rêvait que de faire du visage de Monford son seul paysage.

Désormais, le lit du couple seigneurial était mort. Il n’y avait plus nul voilages, nulle couverture, nul oreiller. On avait tendu un drap propre, immaculé, virginal. Aucun corps n’était venu le froisser. Il était impeccable, statufié.
Vaelle avait ordonné qu’on le prépare à l’approche des voiles Velaryon. Elle ne s’y était pas couchée depuis.

“Voilà,” se murmura-t-elle à elle-même en face de sa causeuse.

Elle ajusta ses boucles d’oreilles. Des émeraudes auréolées d’un or travaillé comme de la dentelle. “Pour aller avec vos yeux,” lui avait-il dit de retour d’Essos, il y avait plus de dix ans, en lui tendant le petit paquet. Comme il était beau ! Les cheveux dénoués par les embruns, le visage nimbé de soleil et le sel de l’océan séché sur ses mains immenses. Encore Celtigar à cette époque, Vaelle se souvenait exactement de ce qu’elle s’était dite : “ce sourire, il est pour moi, il est à moi”. Elle avait gardé cette vérité tout contre elle, comme une pie protégeant sa plus précieuse merveille.

“Regarde-toi, à rougir encore comme une jeune fille,” se gronda-t-elle en se poudrant le nez. “N’as-tu donc pas changé depuis tout ce temps ?”

Son reflet répondait pour elle. Les boucles d’oreilles, elles, étaient intactes.

“Oh, mon collier,” souffla-t-elle en effleurant ses clavicules nues.

Elle ne pouvait pas assister aux funérailles sans son collier.

Sur la pointe des pieds, elle peinait à atteindre une de ses nombreuses boîtes à bijoux, en hauteur sur une étagère. Un petit bond pour se donner de l’impulsion manqua de la faire trébucher, mais c’est le coffret qui s’envola pour se renverser avec fracas.
Bagues, tiares, bracelets, papilles et colliers se répandirent sur le tapis comme des coquillages sur le sable, piquant le velours bleu d’or, d’argent et de pierres précieuses.

“Non, non, non, faites que rien ne soit cassé !” paniqua-t-elle.

La jeune femme s’agenouilla pour ramasser ses trésors, mais son geste resta suspendu.

“Qu’est-ce que…”

Une lettre. Roulée rapidement et sobrement. Elle n’avait pas besoin de l’ouvrir pour savoir qui en était l’auteur.

“Ne me faites pas ça maintenant… Pas après tous ces efforts.”

Elle pouvait sentir son visage se fendre. Elle le rattrapa avant qu’il ne s’écrase à ses pieds, recollant les morceaux dans sa paume qu’elle laissa recouvrir sa bouche et son nez. Ses doigts sentaient la lavande.

D’une main tremblante, elle brisa le sceau avant de s’asseoir très doucement sur le rebord du lit aussi froid et vide que le cercueil qui attendait son premier et dernier voyage.


*


C’était un beau soir d’été. Le violent et voluptueux couchant cuisait les briques et les tuiles de Lamarck avant de s’étendre sur l’eau mouvante, la peignant de vifs oranges et de profonds cramoisis. Un nuage effrangé figeait au ciel son sang.

La procession avançait. Les brocards, les soies et les taffetas se froissaient contre le marbre de l’escalier blanc avant de suivre le chemin des jardins. Le pampre suspendait ses grappes sur les roses. Les citrons y verdissaient les pots de terre cuite ornés de lions ou de fruits de pierre à la chair froide et jamais mûre. Sous les feuillages noirs, à chaque branche éclatait une fleur déchiré et sanguinolente. Une odeur de muscat, de rose et de sauge montait dans l’air saumâtre. Le son lointain des cloches tintant dans le ciel désert se prolongeait. L’ombre des cyprès tranchait le sol de noir, comme des tombes creusées et jamais remplies. Derrière, les voix palpitaient encore avant de mourir une à une à mesure qu’ils progressaient impitoyablement vers l’océan.
Un des paons blancs cria.

Fixée sur les falaises, Vaelle s’arrachait à la contemplation des allées fleuries pour refluer les souvenirs qui lui sautaient au visage. “Il m’aime, un peu, beaucoup…” s’entendait-elle murmurer comme un mirage, son souvenir effeuillant les innocentes marguerites. Tout au plus s’autorisa-t-elle à laisser courir une main sur les buissons de verveine et de citronnelle avant de porter ses doigts à son visage. Le chagrin avait une odeur. Le chagrin avait un chemin. Elle le connaissait par coeur ; elle l’avait trop fait.

D’abord lointain, le fracas des vagues se fit de plus en plus bruyant, étouffant, à mesure qu’ils approchaient.
La valyrienne pouvait les sentir, les griffes de l’océan, qui lui serraient doucement la gorge. D’un index tremblant, elle tira légèrement sur son ras-du-cou en guipure noire. L’engourdissement montait. Elle pouvait le sentir s'emparer d’abord de ses jambes, puis de ses bras. Ses muscles se figeaient. “Respire.”

À sa gauche, Monterys avait fermé son visage dans une dignité seigneuriale. Ses joues, encore arrondies par l’enfance étaient blêmes. Dans une pudeur masculine, il dissimulait soigneusement ses yeux mauves rougis par les pleurs par sa frange. Son menton tremblait.
Dans l’intimité de sa cape, sa mère lui serra la main avant de dégager sa figure des mèches argentées que l’été s’appliquait à coller. Les larmes aux lèvres, elle embrassa son front.

La procession s’arrêta. L’océan rugissait sous leurs pieds, plusieurs mètres plus bas. L’écume blanche s’écrasait contre les falaises en hurlant, réclamant un dû qu’elles avaient déjà dévoré. La mer était insatiable ; magnifique et cruelle. Vaelle l’avait toujours détestée.

Quand le cercueil bascula, ses oreilles bourdonnaient tellement qu’elle l’entendit à peine percuter la surface. Elle était sous l’eau, elle aussi. Comme une pierre qui coulait inexorablement. Sa respiration se fit plus hachée. Sa poitrine se comprima. Le masque de bienséance l’étouffait. Elle voulait l’arracher de son visage autant qu’elle préférait s’y cacher.

Avec une pudeur féminine, sa main chercha l’assistance de sa voisine et échoua sur le bras de lady Velaryon. Sous ses doigts, elle reconnut le tracé des arabesques de ses manches. La même robe qu’elle avait porté pour les funérailles de Laenor. Son tout petit, son adorable Laenor. “Respire.”
Comme elle aurait aimé être seule. Comme elle aurait aimé qu’ils disparaissent tous. “Quelle ingrate.”

“Merci à toutes et à tous pour votre présence,” s’adressa-t-elle à l’assemblée alors qu’elle était parvenue en haut des escaliers de marbre. “Je vous en prie, entrez, il fait plus frais à l’intérieur.”

Elle s’effaça pour inviter les invités à pénétrer dans le hall où les attendait de quoi boire et manger. Tout devait être parfait.

Restée seule sur le perron, Vaelle lança un dernier regard à l’océan. “Respire.”



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L'écume des jours
LAMARCK | AN 305, LUNE 2

La journée semblait être un mauvais rêve, j’avais une crampe d’estomac, j’étais crispé, je n’avais pas dormi, je ne m’étais pas remis de notre défaite. J’enfilais une tenue étonnement sobre. Je me regardais dans un miroir. J’avais le visage creusé. Une barbe de quelques jours, argentée comme mes cheveux, avait fait son apparition. Mon apparence n’avait été aussi négligée depuis que j’étais arrivé en haillon ici, amené de force par la garde de mon père. Je passais ma main sur mon visage, maintenant lui aussi était taillé par le sel marin et les vents. On m’avait souvent dit que je ressemblais à Rhaegar jeune, finirais-je par ressembler à Rhogar vieux ? Je caressais du bout des doigts le creux de mes cernes. Ce visage n’était pas celui que j’avais espéré ramener à Lamarck. Mon corps était encore douloureux. Il y avait un ciseau à côté du miroir, je laissais traîner ma main dessus, j’imaginais mon visage avec des cheveux courts. J’avais envie de rire, quelle drôle de situation. J’attrapais le ciseau et coupais rigoureusement mes cheveux. Une domestique qui passait avec une bassine d’eau dans ma chambre me regardait avec un air étonné. J’arrêtais ma coupe absurde. Je la fixais dans le miroir avec mes yeux bleus, elle me rendait mon regard avec cet air étonné scotché à son visage. Ses prunelles étaient grises. Elles me faisaient penser à la mer. Je me retournais vers elle.
Ser ?
C’est un jour difficile aujourd’hui, n’est ce pas ?
Oui Ser, toute la maisonnée est peiné pour Lord Monford.” Je me détournais d’elle pour retrouver mon reflet.
Vous voudriez bien me couper les cheveux ?
Je vais appe..
Non.” Je la coupais brutalement. “S’il vous plaît, coupez moi les cheveux.” Je lui tendais le ciseau.
D’accord Ser.” Elle déposait sa bassine d’eau au sol et faisait une petite révérence timide. Je crois que je ne m’étais jamais fait aux domestiques, c’était si naturel de se faire servir par d’autres ici. Elle était hésitante. Quel âge avait-elle ? Quelques années de moins que moi ? Pas beaucoup. Après encore quelques secondes de doutes, elle passait finalement sa main dans mes cheveux et commençait à couper. Il se passait quelques minutes silencieuses que je trouvais assez gênantes pendant lesquelles elle s’appliquait à sa tâche.
Vous travaillez là depuis longtemps ?
Oui Ser.
Je cherchais vainement à exprimer quelque chose, quelque chose qui dormait en moi. Je n’y arrivais pas, ça ne voulait pas sortir. Je la stoppais au bout d’un moment, j’avais décidé qu’ils étaient suffisamment bien coupés.
Bon merci.
Voulez-vous autre chose Ser ?” Je marquais une pause, je la regardais de la tête aux pieds. Elle avait les mains abîmées par le labeur. “Non… C’est difficile aujourd’hui.” Elle me regardait avec un air vide. C’est vrai, que pouvait-elle me répondre ? Elle n'aurait rien à me dire. Elle restait là, face à moi, sans rien dire. J’avais une boule dans la gorge. Il n’y avait rien qui se passait avec elle.
Allez vous en.”

La cérémonie allait commencer. Je me retenais, c’est tout ce que j’avais à faire. Je me souvenais des propos de mon père “un noble, ça se retient”. Je ne parlais avec personne, pas aujourd’hui. Je voyais bien à leurs têtes qu’ils auraient tous imaginé que j’aurais pu être content de cette situation. Ils me dégoutaient tous. Tous ces invités qui croyaient que le bâtard, cette larve dégoutante allait ramper jusqu’au cercueil de son propre frère pour s’y prélasser d’une quelconque victoire ? Non. Ils me dégoutaient tous, cette bande d’invités. Ces piques assiettes avec leurs mines faussement lugubres. Connaissaient-ils Monford, eux ? Etaient-ils des Velaryon eux ? Avaient-ils le sang du Serpent des Mers ? Rien de ça. Ils n’étaient qu’une bande de petits nobles qui voulaient bien se faire voir. Le moment arrivait. Vaelle, ses enfants, Lucerys, Daella, Jacaerys, ils menaient la danse d’un pas militaire, ils s’avançaient dehors. Les Velaryon allaient rendre leur dernier hommage au chef de la famille. Depuis mon retour je ne leur avais presque pas parler. J’avais honte d’être revenu quand lui, Monford, son corps pourrissait encore au fond de l’océan. Je n’osais pas croiser le regard de Vaelle, pas après tout ce que je lui avais promis avant notre départ. Je ne pouvais pas voir le regard, que j’imaginais rempli de haine de Daella. Monterys, lui, je ne pouvais pas le regarder tout court, plus simplement. J’observais de loin leurs silhouettes. Je n’étais pas des leurs assurément, je ne l’avais jamais été. Monford le savait, je le savais. Mais j’aimais Monford, parce que c’était mon frère, je ne lui avais jamais montré et lui aussi m'aimait et ne me l’avait jamais montré. Il y avait entre nous cette barrière, ce fil de verre fin qui nous empêchait d’être vraiment frères pourtant, au fond il y avait quelque chose.

Je repensais à toutes les fois où j’avais pris ses gestes pour des attaques, du mépris alors que je ne pouvais qu’y deviner des largesses d’un aîné à son cadet. J’aurais aimé lui dire une fois que je l’aimais, malgré tout. J’aurais aimé qu’il sache que je n’en avais pas rien à faire de lui. Je suivais à l’extérieur la foule, jusqu’au sarcophage. Là, sa sépulture, vide, était jetée dans la mer. J’étais le premier à quitter les lieux pour revenir dans l’enceinte de Marée Haute, je retrouvais ma petite domestique de tout à l’heure, mieux apprêtée, elle tenait un plateau de verres. J’attrapais une cruche de vin et je me servais. S’il y avait bien une occasion de se saouler, c’était aujourd’hui. Les premiers convives revenaient. Je les regardais d’un regard noir. Qu’est-ce qu’ils foutaient tous là, ces cons ?
Je me plaçais à côté de ma domestique, ma nouvelle amie pour la soirée.
Il aurait voulu être brûlé.
Ser ?
Aurane. Il aurait voulu être brûlé, conformément à son nouveau rite. En fait je ne sais pas comment ils font avec leurs morts… Mais il aurait voulu un prêtre rouge, comme Stannis. Pas… ça.
Ser Aurane, vous êtes de sa famille et…
Je suis son frère. J’étais son frère. Aurane tout court.” Je plongeais mes yeux dans les siens, je sentais ma gorge se nouer. “Je viens de la même merde que toi.” Je reprenais une gorgée. Je dévisageais l’assemblée. C’était le moment des mondanités, tout le monde avait une tête triste pour l’évènement. Cette boule douloureuse dans l’estomac m’empêchait de tout, je n’arrivais même pas à finir mon verre. Je le posais rageusement sur le plateau de ma domestique. Le fracas avait attiré quelques regards, je croisais celui d’Aemma Massey. Je ne pouvais pas soutenir son regard maintenant.
Ton nom ?
Celia.
Celia… Mh, d’accord Celia. Je suis pathétique ?
Non Se… Aurane. Vous êtes triste.
Oui… Je suis triste, j’en ai bien le droit après tout, c’était mon frère, ce n’était pas un inconnu.” Je déglutissais difficilement. Il avait fallu que ce fût moi qui revienne et pas lui, les dieux étaient cruels. J’aurais peut-être pu mourir à sa place. C’est ce qu’ils devaient tous se dire ici.



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L’écume des jours
Lamarck | An 305, lune 2, semaine 3

Lamarck.


Aemma aurait préféré y retourner en d’autres circonstances. Une vie s’était allumée à Pince-Isle, une autre s’éteignait à Lamarck. Alors que la silhouette de l’île se dessinait à l’horizon, Aemma était sortie de la cabine. Sans être dans ses vêtements de deuil, elle s’était revêtue de sombre, sachant qu’elle arrivait une journée avant le reste de sa parentèle. Eux aussi, elle aurait aimé les revoir en d’autres circonstances. Tout comme Vaelle ou sa tante Daella… Et Aurane, aussi. Le simple fait d’imaginer l’état dans lequel ils se trouvaient lui aurait presque donné le mal de mer. Le corbeau qui avait amené la nouvelle était succinct. Le corps de son cousin Monford n’avait même pas été retrouvé...


Jusqu’aux funérailles, Aemma s’était faite discrète. Elle était arrivée un peu à l’avance, devançant le reste de sa famille. Elle les avait retrouvé peu de temps avant le début de la cérémonie.  Cyrelle avait été la première à la remarquer. Tous les Massey n’avaient pas pu se déplacer. Il y avait là son père, sa mère, son frère Arthur bien sûr. Les enfants étaient restés à Danse-des-Pierres. La petite Alysanne faisait un peu de fièvre. Rien de grave mais elle devait se reposer, apprit Aemma. Ellyn était restée avec elle et veillait sur les enfants de la famille en compagnie de Justin. La jeune Massey fut tout de même heureuse de retrouver ces quelques membres de sa parentèle. En étreignant Cyrelle, une grosseur l’intrigua. Les sourcils froncés, Aemma se sépara de sa belle-sœur, l’interrogeant du regard plus que des lèvres.


Pour toute réponse, Cyrelle posa sa main sur son ventre, alors que l’index de la seconde venait se poser sur ses lèvres. Alors, Aemma comprit. Elle comprit et hocha la tête, comprenant que tout cela devait rester un secret. Une vie s’éteignait et une autre émergeait. Un cycle qui sonnait bien affreusement, au vu des circonstances. Son attention fut finalement accaparée par sa mère, qui l’attira à elle, l’embrassant sur le front. Cela faisait plusieurs lunes qu’elles ne s’étaient pas vus et la mort de Monford semblait avoir réveillé des craintes profondes chez la née Longzeaux. Ses mains, étonnamment froides malgré la chaleur poisseuse de la belle saison, se posèrent sur les joues de sa fille, alors que ses pouces glissèrent sous ses yeux.


C’est à ce moment qu’Aemma se rendit compte qu’elle pleurait et que sa mère essuyait ses larmes.


Sans trop savoir pourquoi, Aemma accepta le bras que sa mère lui proposait, glissant sa main au creux de son coude. Elles étaient toujours côte-à-côte alors qu’ils arrivaient au sommet de la falaise. Au mépris des convenances, Ysabel avait bousculé quelques personnes, sa fille toujours à son bras. Au départ, la Massey n’avait pas compris. Les choses étaient d’autant moins compréhensibles que son père laissa faire, restant en compagnie d’Arthur et de Cyrelle, plus en retrait. Sa mère ne s’arrêta qu’une fois parvenue derrière Daella. Sa sœur. Sa mère voulait voir sa sœur. Alors que le cercueil tanguait vers l’avant, s’apprêtant à sa chute finale, Ysabel avait tendue sa main libre, la posant doucement sur l’une des épaules de sa cadette, la serrant fortement. Une étreinte qu’Aemma répercuta sur le bras qu’elle tenait toujours. Il y eu un bruit sourd. Sourd mais si long. La masse de pierre venait de disparaître dans les flots.


Il semblait à Aemma qu’elle entendait encore ce gargouillis alors qu’ils pénétraient dans le hall. C’était la première fois qu’elle faisait face à une telle situation. Alarra était morte plusieurs années avant sa naissance, tout comme son grand-père. A bien y réfléchir, il s’agissait de ses premières funérailles… Si seulement il pouvait s’agir des dernières... ne peut s’empêcher de songer la jeune femme. Dix-neuf années sans connaître la mort. Elle avait eu de la chance, peut-être. Sûrement. Tout ça n’avait pas la moindre espèce d’importance. Après avoir glissé quelques mots à l’oreille de sa mère, Aemma s’esquiva.


Il y avait quelqu’un qu’elle voulait voir. Qu’elle avait aperçu alors qu’un autre son déchirait l’assistance, chassant de ses pensées le gargouillis de la pierre avalée par l’eau.


Vaelle bien sûr. Sans oublier Daella et Monterys. Mais ils seraient tous au centre de l’attention. Aemma savait qu’elle aurait plus de chances plus tard, le lendemain peut-être. Elle essayerait de leur parler, bien sûr. Elle avait essayé de tisser une sorte de discours à leur tenir. Mais que savait-elle de la mort ? De la douleur qu’elle pouvait provoquer ? Rien. Rien de rien. Elle était une ignorante et ferait sans doute mal les choses. Mais elle était là. Elle essayait. Elle faisait de son mieux. Elle voulait essayer. Elle voulait lui parler, juste quelques instants. Juste une seconde et elle partirait, si c’était son désir. Mais il fallait qu’elle lui dise.


« Excusez-moi un instant. Les paroles s’adressait à la servante qui se trouvait là. Aurane… Je… Aemma esquissa un pâle sourire. Je suis heureuse que tu sois revenu. Si tu as besoin de quoique ce soit, je suis là. »


Puis, avec douceur, Aemma adressa un petit signe de la tête à la servante, déchargeant son plateau d’un verre. Avant de s’éloigner, la Massey offrit un dernier regard à Aurane. C’était tout ce qu’elle pouvait faire. Être là. Pour le reste, elle était sincère. Lorsqu’il avait été porté à sa connaissance l’issue de la bataille, elle avait tout de suite voulu savoir ce qu’il en était advenu des navires Velaryon. La mort de Monford l’avait touchée, profondément touchée. Son cousin avait toujours été là, depuis qu’elle était dans l’enfance. Le visage emplit de larmes, c’était le prénom d’Aurane qu’elle avait prononcé ensuite, craignant qu’il ait subi le même sort que Monford. Mais ça n’avait pas été le cas. Il était revenu. Et cela lui importait.

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┗ The girl who electrified
the storm ┛

ஃ The rain that comes. All of the love that was left behind is gone. When the Riverman runs. Find me the girl who electrified the storm. In a little while she'll be gone ஃ
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L'écume des jours
LAMARCK | AN 305, LUNE 2

Il s'agissait du même hall où ils avaient dansé le jour de leur mariage.
Vaelle pouvait presque encore entendre les rires fantomatiques des invités. Elle pouvait presque encore sentir le sel dans la nuque de Monford tandis qu'elle y avait lové son visage. Elle pouvait presque encore goûter sa peau nue, chauffée par le soleil. Elle pouvait presque encore voir les tresses qu'elle s'était appliquée à lui faire pour dégager son visage. “Je vous aime,” avait-elle pensé si fort à cet instant-là, tandis qu’elle restait éblouie dans l’émerveillement qu’il traînait à sa suite, comme s’il ne s’agissait de rien.
Leur joie avait cueilli toutes les fleurs du jour. Désormais elle devait, seule, les déposer au pied de sa tombe. Elle aussi y fanerait en regardant l’horizon. Car c’était bien là-bas qu’il reposait, dans ce linceul lointain qu’elle ne pouvait atteindre.

De ce jour heureux, la toile de fond était l’unique reliquat qui demeurait identique. Marée-Haute, immuable, restait sourd aux malheurs des hommes. Le château de marbre se contentait de perdurer jusqu'à ce que d'autres prennent leur place. Et que, bientôt, tout cela soit oublié.Comme il était triste et drôle de penser que leurs vies, leurs grandes tristesses et leurs petites joies, ne deviendraient bientôt plus que des histoires qu'on conterait avec détachement depuis des bouches inconnues. Et cela avant de disparaître à tout jamais.

Assise à la table d’honneur, à la droite de Monterys, lady Velaryon observait les invités sans les voir. Ni son frère, ni ses cousins, ni ses oncles, ni Aurane, ni personne. Son regard guettait la grande porte laissée ouverte pour profiter de la fraîcheur salvatrice du crépuscule. Combien de fois avait-elle attendu Monford, à cette même place, alors qu’il rentrait d’expédition ? Elle aurait reconnu le rythme de ses pas contre les dalles du hall ; le bruit de ses pieds nus qui glissaient sur le parquet de leur chambre, l’écho de son souffle et même la musique de son sourire. Elle l’aurait reconnu, peu importait le temps qui passait. À présent, elle était condamnée à toujours essayer de se rappeler, avec la crainte sourde qu’un jour, l’éclat de sa voix ne trouve plus son chemin jusqu’à elle. Car il ne mourrait vraiment que quand elle serait morte ; c’était à la fois son plus grand réconfort et sa plus grande peur.

Les mets et les mots avaient un goût de cendre dans sa bouche. Elle l’avait adorée pourtant, autrefois, la nourriture. Jusqu’à s’en rendre malade, jusqu’à s’en rendre hideuse ; simplement pour combler l’espace qu’avaient laissé ses parents derrière eux. Mais aujourd’hui, rien n’avait de sens. Elle se sentait vide, comme un temple où tout culte avait cessé. Un autel inutile déserté par son idole. Un feu qui dansait dans un âtre abandonné. Un brasier qui ne réchauffait plus rien. Que pouvait-elle bien faire de tout cet amour, désormais ?
Près des portes, en retrait, Aurane discutait avec Aemma.

“Lord Velaryon. Vaelle.” Vaemond s’était approché pour poser une main sur l’épaule de sa sœur.

Monterys hochait gravement la tête. Sa bouche dissimulait une grimace qu’uniquement sa mère pouvait voir. Ses joues, autrefois rondes comme des pommes et roses comme des pêches étaient devenues creuses et blanches.
Vaelle s’était acharnée à offrir à ses fils une enfance parfaite, une enfance dorée. Et voilà qu’elle échouait, encore. Monterys n’était qu’un garçon à qui on demandait d’enfiler le costume trop grand de son père. Et Aethan ne le connaîtrait jamais. “J’aurais dû lui demander de rester. Le supplier. J’aurais dû…”
Elle leva la tête pour regarder son aîné, un triste sourire sur les lèvres. “Quel malheureux parallèle,” songea-t-elle. “Les Dieux se jouent bien de nous.”
Elle serra la main de son frère. Un geste d’affection rare entre le frère et la soeur qui, en dépit de leur personnalité avenante, n’étaient jamais parvenus à se retrouver depuis l’enfance. Mais le gouffre en elle était si profond que Vaelle penait à voir les autres.
En dépit de son chagrin, le visage de la jeune femme demeurait impassible, semblable à ceux des statues qui peuplaient les jardins de Marée-Haute.

“Je suis heureuse de vous voir ici. Comment va Falyse ? Et votre fils ? Et je ne vous ai même pas demandé si le voyage avait été bon ?”

Les doigts de Vaemond se crispèrent contre son épaule. Il rit d’un rire désabusé en secouant la tête. De minuscules rides plissaient le coin de ses yeux mauves.

“Bien. Et ils vont bien tous les deux. Je - ”

Il s’interrompit, le regard fuyant et la langue claquant contre son palais. Un invité s’était lancé dans un conte sur Essos ; l’action avait lieu à Myr, semblait-il.

“Qu’y a-t-il ?” l’encouragea Vaelle.

Il retira sa paume pour lisser sa chemise de lin brodé. La main de sa cadette retomba sur ses genoux.

“Je suis désolé,” finit-il par murmurer. “Je sais à quoi vous pensez.”

La jeune femme s’autorisa un sourire mouillé, comme du bois humide qui ne parviendrait pas à prendre feu.

“Bien sûr que vous le savez. Vous avez toujours été le plus malin de nous trois.”

Lord Celtigar acquiesça avec un rire sans humour :

“Je vais prendre congé. Nous parlerons mieux demain. Vaelle, lord Velaryon.”

Monterys tressauta à ses côtés. Ses yeux étaient rouges de larmes et de fatigue. Vaelle aurait aimé pouvoir embrasser son front à nouveau, avec l’espoir vain d’apaiser un peu sa peine. Mais ils étaient en représentation. Tandis que Vaemond s’éloignait, elle attrapa la main de son aîné, encore petite dans la sienne, qu’elle secoua doucement. Son fils pinça les lèvres.

“Va te coucher,” l’encouragea-t-elle avec un sourire. “Je resterai jusqu’à être la dernière à table, sois rassuré.”

Il s’obstina quelques minutes, avant de rendre les armes. Monterys salua chaque invité avant de se retirer avec sa peine que sa mère se désespérait d’observer, impuissante.
Daella en profita pour s’éclipser à son tour, retirée dans sa tour de silence depuis trois jours.

L’obscurité tombait comme une neige noire ; à gros flocons. Un vent frais, fugace, s’engouffrait comme un murmure dans Marée-Haute pour ne laisser derrière lui que la moiteur humide de l’été. Un nouveau regard vers les portes. Les ombres des cyprès, silencieuses, se couchaient toujours plus loin dans le château. Aucune silhouette ne venait troubler leur avancée.
Certains invités avaient suivi le mouvement de Vaemond et étaient déjà partis. D’autres demeuraient à table. On poursuivait les histoires d’exploration, de capitainerie, au centre desquelles le héros était toujours le même. Le coeur de la jeune femme se serrait parfois, en découvrant des aventures qu’elle aurait aimé écouter contées par une autre voix.

Vaelle ne voulait pas partir ; pas encore. Car lorsque le dernier hôte aurait déserté, alors tout cela serait vraiment fini. Et que resterait-il ?
Elle se désespérait d’être seule et pourtant, la solitude la terrorisait. Elle n’avait pas encore compris que la nuit la cernait déjà. Mieux valait parler, parler encore, étirer le moment, combattre l’éternité. Plutôt se noyer, s’enivrer de paroles que de penser. Mais sa bouche était pleine d’eau et ses appels affligés se taisaient, engloutis par une marée inerte.

Petit à petit, pourtant, les invités disparaissaient à mesure que la nuit tombait, comme avalés par les ténèbres. Les efforts de la jeune femme étaient vains. Peu importait l’attention qu’elle portait à son interlocuteur, peu importait ses questions pour relancer la conversation, on finissait par quitter la table avec un hochement de tête respectueux.

Jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle et le silence.

Au loin, on pouvait entendre le ressac des vagues. C’était bien connu, la nuit accentuait aussi bien les sons que les malheurs. Les odeurs, aussi. Un vent tiède charriait avec lui les parfums lourds et entêtants du jardin ; lavande, verveine, citronnelle.

Le hall était vide. Le même hall où ils avaient dansé le jour de leur mariage. Maintenant, c’était également celui où elle l’avait enterré. Ses yeux se poseraient et y verraient danser les deux jeunes gens qu’ils avaient été, mêlés l’un à l’autre comme l’air et la flamme ; dorénavant, ils verraient aussi la veuve dévorée par la nuit qu’elle était devenue.

“Que dois-je faire, maintenant ?” La question ne s’était pas imposée à elle avant. Il avait fallu préparer la cérémonie, la réception, s’accabler de travail pour ne pas entendre, ne pas voir, ne pas sentir.

Et désormais ?

Les grandes portes étaient fermées. Elle le savait pourtant ; elle le savait, mais l’idée demeurait obscurcie par un voile noir. La solitude le creva comme une flèche et déversa sur elle les torrents d’une réalité qu’elle n’osait regarder en face.  

Ils n’échangeraient plus de baisers le matin. Elle ne trouverait plus de réconfort dans le port doré qu’étaient ses bras. Il ne serrerait plus son bras comme une ceinture autour de sa taille.

Monford était mort.

Elle avait peur.

Honteuse, brisée, elle retint un sanglot dans sa main. Elle n’avait pas pleuré depuis le retour des navires Velaryon. Les derniers mots qu'il lui avaient adressés dans sa lettre résonnaient avec l'éclat de sa voix.

Des pas résonnèrent. Ses yeux se fermèrent plus fort avant qu’elle ne déglutisse difficilement. Elle ne parvenait pas à rassembler son visage ; elle ne se rappelait plus comment faire. “Ne pleure pas,” s’ordonna-t-elle. “Que vont-ils penser ?”
Sa voix, tremblante, s’échouait mollement contre ses lèvres.

“Je suis navrée,” s’excusa-t-elle sans se retourner vers l’invité. “Je pensais que tout le monde était parti. Avez-vous besoin de quelque chose ?”

De l’index et du pouce elle effleura sa boucle d’oreille gauche ; simplement pour sentir quelque chose. Simplement pour ne pas perdre pied.



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Aemma Massey
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L’écume des jours
Lamarck | An 305, lune 2, semaine 3

C’était étrange de voir que gaieté et tristesse se mêlaient en ce jour. Pour la première fois, Aemma se trouvait muette devant tout ce monde. Devant ces souvenirs qui remontaient à une période qu’elle n’avait pas connue, ou très peu. Devant ce chagrin qu’elle ressentait sans vraiment le comprendre. Marée-Haute avait été le lieu de doux souvenirs. Savoir que la disparition de Monford serait le premier reliquat de tristesse que la Massey trouverait en ces lieux rendait sa présence ici bien plus pénible encore. Était-il vraiment mort, au fond ? N’était-il pas possible de l’imaginer revenir, à l’instar du roi Viserys II, que tous pensaient morts au sortir de la Danse des Dragons ? Aemma ne savait pas, n’avait jamais su. Il y avait de ces apprentissages qui se faisaient dans la peine, celui de la Mort en tête de liste.


La Massey avait fini par laisser Aurane à son chagrin, après avoir recueilli une partie de ses larmes et de ses confidences. Il avait aimé son frère et s’en voulait d’être revenu sans lui, Aemma le savait. Leur relation avait été tumultueuse au possible mais la Vie rendait la réconciliation pleine et entière possible. La Mort balayait cet espoir. En cette soirée, Aurane devait faire le deuil aussi bien de son frère, que de la seule fratrie qu’il avait eu au sens propre. La jeune femme lui avait assuré son concours dans les jours à venir, le temps de sa présence à Lamarck. Son dernier acte de bienveillance avait été de demander à une servante de s’assurer que son camarade garderait les idées claires, quitte à mêler de l’eau à son vin. Les Velaryon avaient déjà connu un drame et personne ne supporterait un second.


Aemma avait passé une partie de la soirée entre sa mère et Cyrelle, trouvant un grand réconfort dans leur présence. La Massey avait toujours nourri une grande volonté, pour ne pas dire un réel besoin, d’indépendance. Et pourtant, durant ces quelques heures, elle avait cherché les bras de sa mère plus qu’en plusieurs années de vie, lui semblait-il. Ysabel n’en avait rien dit, l’accueillant contre son sein, la berçant doucement parfois comme l’enfant qu’elle était encore il y a peu. Elles parlèrent peu, toutes les trois. En cette soirée, tous les mots sonnaient creux, vides comme ce cercueil qui avait été offert aux flots. Le silence valait peut-être mieux.


Ysabel s’était finalement éclipsée en voyant sa sœur faire de même. Aemma la laissa faire, n’ayant pas besoin de trésors d’imagination pour comprendre ce qui se jouait là. Sa mère avait eu une vie avant elle, avant ses frères et sœurs. Et sa tante Daella en avait fait partie. Qui de mieux qu’une mère pour comprendre la peine d’une autre ? Alors, Cyrelle et elle restèrent là, échangeant de vagues nouvelles, de vagues souvenirs pour meubler ce silence. La fatigue eut cependant raison de sa belle-sœur, qui de par son état, se devait de prendre congé plus tôt qu’elle. Aemma la salua, plongeant dans une sorte de mutisme dont elle ne sortie qu’au moment où une main se posa sur son épaule.


« Il est tard, Aemma. »


Une poigne douce et ferme. La jeune femme renifla doucement, essuyant une nouvelle fois ses yeux du revers de la main. La main de son père quitta son épaule, l’aidant à se lever. Il semblait à la Massey que ses jambes étaient de plomb, tant et si bien qu’elle manqua de trébucher en sortant de table. Nulle remarque ne fut faite, pourtant. Son père se contenta d’un pauvre sourire avant de la confier aux bons soins de son frère aîné, qui l’attendait plus loin. Triston serait le dernier Massey à s’esquiver ce soir-là, permettant aux autres de se retirer pour éponger aussi bien leur fatigue que leurs prunelles.


Du moins, les choses auraient du se dérouler ainsi. Peut-être même que tout cela aurait été préférable. Aemma s’était assoupie une petite heure, rien de plus. Puis, le sommeil l’avait fuie pour de bon, malgré ses efforts pour le rattraper. Vaincue, la Massey s’était donc levée, cheveux défaits, se chaussant à nouveau, s’enveloppant dans ce châle que sa mère lui avait laissé à son départ pour Pince-Isle. Elle avait ensuite quitté la pièce qu’elle partageait avec d’autres jeunes femmes bien-nées, se glissant dans le couloir froid. Quelques torches rythmaient son avancée. Au moins ne déambulait-elle pas dans le noir, les fantômes n’en auraient été que plus réels encore.


Ses pas légers l’avaient menés jusqu’au hall. Tous les couloirs y menaient, il n’y avait rien d’étonnant à cela. Aemma n’aurait pas été contre un peu d’air frais mais son esprit perturbé peinait à se souvenir du chemin à emprunter pour cela. La légère obscurité n’aidait en rien. Aussi fut-elle rassurée en voyant une lumière plus vive émaner de la pièce qu’elle avait quitté plus tôt dans la soirée. Quelques serviteurs devaient encore s’y trouver, afin de réunir les reliefs du banquet. Si on lui indiquait le chemin, la Massey ne doutait pas de pouvoir se rendre seule là où elle le souhaitait.


Rassérénée par cette idée, la jeune femme s’était glissée dans la pièce par une petite porte. Une porte de service, sans doute. Les plus grandes avaient été fermées et il lui avait fallu tâtonner afin d’en trouver d’autres. Aussi, comme prise sur le fait, Aemma sursauta lorsqu’une voix parvint de derrière elle. Une voix connue, de surcroît. A croire qu’elle n’avait pas été aussi discrète qu’elle n’avait bien voulu le croire.


« Ce n’est que moi. » bredouilla Aemma, prenant la parole pour la première fois depuis plusieurs heures.


Avec délicatesse, la Massey renferma la petite porte. Vaelle ne voulait pas être vue ainsi, sa cousine ne le savait que trop bien. Les serviteurs et autres servantes avaient déjà été renvoyés. Sa propre présence était peut-être déjà de trop. Mais Aemma ne pouvait quitter les lieux. Pas alors que sa cousine était au plus mal et seule de surcroît. Si Monford avait disparu depuis un moment, ce devait être la première fois que Vaelle se rendait compte de l’aspect définitif de son absence. La première fois qu’elle passerait une nuit seule tout en ayant conscience que son époux ne serait pas de retour au port dans quelques jours ou semaines.


Pour toutes ces raisons, Aemma savait que sa place était ici.


Toujours enveloppée dans le châle de sa mère, la Massey se glissa jusqu’à sa cousine, venant s’asseoir à côté d’elle. Dans un premier temps, aucun mot ne dépassa la frontière de ses lèvres. Elle était juste là, encore quelque peu ensommeillée, cherchant des mots qui persistaient à la fuir. Quelle traîtrise de leur part, elle qui aimait tant les manier ! Ce soir, ils ne lui seraient d’aucun secours et elle le savait. Vaelle avait entendu bien assez de paroles creuses pour une année entière. Aussi, tout comme sa mère avait pu le faire au cours de la soirée pour elle, Aemma tendit ses bras en direction de sa cousine, l’enveloppant doucement, l’attirant vers elle, posant sa tempe contre la sienne.


« Je suis là. »

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L'écume des jours
LAMARCK | AN 305, LUNE 2

Vaelle enfila à nouveau son masque. Toujours plus fissuré, toujours plus douloureux. “Jusqu’à quand tiendra-t-il ?” s’angoissait-elle. Peut-être, ce soir, lorsqu’elle serait seule dans leur grand lit. Oui, peut-être ce soir pourrait-elle le retirer sans risquer d’être vue. Cette promesse la réconforta autant qu’elle la terrifia.  
Dans un soupir tremblant, elle se retourna pour accueillir sa cousine.

Aemma se tenait là, incertaine et maladroite, au milieu du grand hall désormais vide. Ses cheveux argentés étaient défaits par la nuit, son châle jeté nonchalamment sur ses épaules. Ses yeux, rougis par les larmes, étaient lourds de chagrin. Elle pleurait ; Vaelle en était incapable.
La dernière née des Massey ne connaissait pas Monford, pas comme sa femme le connaissait. Avant leur rencontre, elle n’avait été qu’une ombre. Une ombre qui marchait, se nourrissait, et se baignait dans les flots. Mais rien qu’une ombre… Monford avait chauffé ses os gelés de sa chaleur, illuminé sa carcasse vide de sa lumière, attisé son coeur de son regard.
Personne ne le connaissait comme elle le connaissait. Personne n’avait le droit de pleurer. Ils ne méritaient pas. Ils ne savaient pas. Ils ne savaient rien.

“Regarde ce que le deuil fait de toi,” songea-t-elle. “Regarde.” Mais tout ce qu’elle voyait était le visage désemparé de sa cousine qui avançait jusqu’à elle. “Laissez-moi !” voulait-elle hurler. “Que je me brise en mille morceaux ! Que je disparaisse, moi aussi, dans mon chagrin ! Que je m’y noie ! N’y ai-je pas le droit, moi aussi ?” Cette pensée l’effraya. Que l’attendrait-il en haut, dans sa chambre ?
Elle demeura silencieuse et s’assit aux côtés d’Aemma, elle aussi mutique.

Lorsqu’elle l’enlaça, lorsqu’elle tenta de la réconforter, Vaelle se laissa faire.

“J’avais l’habitude de regarder la mer en craignant demain. Que faire s’il y a une tempête ? Que faire s’il lui arrive malheur ? Que faire s’il ne rentre pas ?”

Sa voix n’était qu’un chuchotement dans le silence du hall.

“Maintenant, je crains aussi aujourd’hui.”

Elle laissa échapper un rire lugubre. Un écho de celui, rempli d'allégresse, qui hantait encore les murs, derniers vestiges d’un bonheur douloureux. “Je vais vous dire un secret,” lui avait dit Monford, le jour de leur mariage. “Vos Dieux, nos Dieux… Ils nous envient. Ils nous envient parce que nous sommes mortels. Parce que chaque moment pourrait être le dernier. Parce que nous ne revivrons jamais cet instant. Tout est plus beau parce que nous sommes condamnés.”

Il s’était trompé.

Les Dieux ne les enviaient pas. Les Dieux étaient cruels. Comme la mer, ils prenaient, insatiables, affamés. Ils se jouaient d’eux. “Je ne suis pas juste envers les Dieux,” se reprit-elle. “Ce sont les hommes.” Les hommes, hantés par l’immensité de l’éternité. Les hommes qui ne cessaient de se demander si leurs actions auraient un écho à travers les siècles. Si des étrangers entendraient leurs noms longtemps après leur mort, s’ils se demanderaient qui ils avaient été, avec quel courage ils s’étaient battus, avec quelle férocité ils avaient aimé.

C’était bien cela qui motivait la guerre ; chacun voulait sa part d’immortalité. Tous oubliaient que la gloire était la rançon de ceux qui n’avaient rien.
L’éternité, Vaelle l’avait trouvée dans les bras de Monford, dans la justesse de son regard, dans l’arc de ses lèvres.
Les hommes s’étaient trompés.

Et les femmes payaient le prix de leurs erreurs. Mortelle, désormais, l’épouse chercherait pour toujours ce qu’elle avait perdu en sachant pertinemment que jamais elle ne pourrait regoûter à un tel bonheur. Monford n’était plus ; elle, demeurait.
Maintenant, elle devait être assez forte pour garder le souvenir de son mari, pour chanter sa chanson dans son cœur jusqu'à ce qu'elle le rejoigne aux Enfers.

Le masque se scella à son visage.

“Comment vont tes frères, tes soeurs ?” s’inquiéta-t-elle. “Je n’ai pas eu le temps de parler à Arthur.”

Elle se redressa finalement, puis hocha sobrement la tête.

“Je vous remercie, à toi et à ta famille d’être venue aujourd’hui. Cela m’est d’un grand réconfort.”

Rien n’aurait pu la réconforter. Rien n’aurait pu l’aider à se sentir mieux. Toutes les larmes qui n’étaient pas celles de Daella, de Monterys ou d’Aurane étaient hypocrites ; ils pleuraient un inconnu. Tellement enfoncée dans son désespoir, Vaelle était aveugle à celui des autres.
Mais elle disait ce que tout le monde souhaitait entendre.
C’était ce qu’elle faisait de mieux.


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L’écume des jours
Lamarck | An 305, lune 2, semaine 3


Comme il était horrible de ne pouvoir rien faire, malgré toute l’affection qu’elle lui portait. De lire tant de malheur dans sa voix, dans ses gestes, sur son visage, jusque dans son rire. L’espace d’un instant, Aemma fut prise d’une peur profonde, d’une panique qui se mit à lui ronger jusqu’à l’âme. Et si… Vaelle pourrait-elle songer à rejoindre les flots, elle aussi ? A se laisser choir jusqu’aux étoiles de mer, au plus profond des abysses ? De nouvelles larmes lui venaient à cette idée, alors que le sang quittait son visage pour de bon. Non, elle ne pourrait agir de la sorte. La jeune fille ne voulait pas le croire. Même pour tout l’or du monde, Vaelle ne pourrait pas les quitter.


N’est-ce pas ? Ce n’était pas possible, aurait-elle voulu demander à sa propre mère.


Il fallait qu’elle s’en assure. Qu’elle retrouve, elle aussi, de sa contenance. Car tout ce noir Aemma ne pouvait déjà plus le voir. Ce noir d’encre qui avait englué son âme, avait enveloppé jusqu’à ses cheveux et ses pieds. Ce noir de colère, au-delà d’être de tristesse, qui obscurcissait aussi bien son horizon que ses rêves. Ce noir de peine, de désespoir, de cette nuit qui ne semblait pas vouloir la quitter. Son étreinte se fit plus forte, bien que toujours douce, autour de la Velaryon. Elle préférait de loin imaginer le vert de lierre des yeux de Vaelle. Ses bras ne remplaceraient jamais ceux de Monford, Aemma avait l’impression de n’être qu’un charlatan, mais au moins pouvaient-ils être forts pour ce soir.


« Rien ne pourra le remplacer. murmura Aemma, sans savoir si elle parlait pour elle-même ou à sa cousine. Un jour, peut-être, aujourd’hui sera moins douloureux... »


Elle n’en savait rien. Rien du tout. Tout juste pouvait-elle haïr ce hasard qui leur avait pris Monford. A moins que cela ne soit les Sept ? Si tel était le cas, ils étaient encore plus cruels qu’elle n’avait pu l’imaginer jusqu’à présent. Aemma releva la tête en direction de sa cousine. Quelque chose semblait avoir changé, chez elle. On aurait dit que Vaelle, à moins qu’il n’ait s’agit de la Dame de Lamarck plutôt, avait retrouvé la mine qu’elle affectait dans les salons. Cela glaça la plus jeune. Ne pouvait-elle pas accepter son chagrin devant elle ? L’espace d’un instant, Aemma s’imagina lui dire tout ce qu’elle pensait. La secouer, la gifler peut-être pour lui faire perdre ce masque digne de cette pièce désormais burlesque qui se jouait là ! Rire furieusement à son tour, lui demander si tout cela avait vraiment de l’importance pour elle, si elle était la seule idiote à pleurer de tout son saoul dans ce monde de faux semblants.


Mais son propre chagrin était trop lourd. Il se déversait encore en elle comme un torrent sans fin, comme une tempête que son frêle esquif ne parvenait pas à affronter. Aemma dénoua ses bras, se redressant à son tour, tapant de la pointe de ses pieds sur le sol. Elle avait besoin de sentir que tout cela était réel. Qu’elle pouvait planter ses racines quelque part après tout ces cauchemars. Aux mots de Vaelle, sa jeune cousine se contenta de légèrement incliner la tête sur le côté, se ménageant quelques instants dans ses pensées. Elle venait de ravaler ses larmes et n’était guère capable de parler des siens avec légèreté. Même la grossesse de Cyrelle lui semblait bien dérisoire comme raison de se réjouir.


« Arthur… Le connaissant, il viendra à ta rencontre demain. Aemma avait baissé la tête, incapable de tenir ce jeu plus longtemps. Ils vont bien, je pense. Cela fait plusieurs lunes que je ne les avais pas vus, Falyse avait besoin de moi. »

A cet instant, Aemma aurait tout donné pour être loin de toute cette peine, que cela soit à Pince-Isle ou à Danse-des-Pierres. Des lieux où elle ne retrouverait que de doux souvenirs, une réelle chaleur aussi. Il lui faudrait du temps pour retrouver de semblables sentiments à l’égard de cet endroit.


« … Veux-tu que je reste encore un peu, cousine ? Aemma avait l’impression que les titres se mélangeaient dans son esprit, à un point tel qu’elle ne parvenait pas à les démêler même pour la dame de Lamarck. Je… Est-ce toujours comme ça ? »


Cette question lui avait brûlé les lèvres toute la soirée. Tout le monde parlait paisiblement. Il y avait même eu des rires. La Mort, Aemma ne l’avait encore jamais connue. Pas d’aussi près, pas de cette manière. Elle ne faisait que tâtonner dans l’ombre et avait cruellement besoin de lumière pour retrouver un semblant de fil dans ses pensées.

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