Ce n'est pas être pessimiste, c'est être réaliste

Ce n'est pas être pessimiste, c'est être réaliste

ft @Grayce Bonfrère & Symond Bonfrère

◊ ◊ ◊

Au regard devant lequel il se confrontait, le blond comprenait qu’il venait de faire mouche. Peut être pas comme il l’aurait espéré, mais il venait de se passer quelque chose dans l’aura de sa cousine. Une chose qui l’amènerait surement à songer à tout ce qu’elle venait de lui confier, peut-être même, dans le meilleur des cas à reconsidérer l’ensemble de ses propos pour en ressortir plus forte. C’était là tout le mal qu’il pouvait lui souhaiter, celui là mais également celui de savoir exactement vers quelle direction elle désirerait se rendre dans l’avenir. Être perdu s’avérait toujours une épreuve qui menait vers le doute et les tourments. Un état d’âme que beaucoup connaissait mais dont très peu en ressortait indemne. Dire qu’il faisait parti de ce petit nombre serait un mensonge, surtout depuis la perte de Nahra. Alors oui, Symond souhaitait à sa cousine de se relever de ce tourment, d’affronter à nouveau le vent pour songer à un autre avenir que celui qu’elle lui dépeignait. Elle n’avait jamais été égoïste et il n’arrivait pas à admettre que cela puisse commencer aujourd’hui. Alors parler mariage s’avérait, en l’état, une contrainte bien plus qu’une solution, mais il fallait qu’elle parvienne à voir plus loin que l’instant T, qu’elle s’imagine dans quelques années et qu’elle en retire des enseignement qui pourraient la conduire là où elle avait toujours rêvé être : sur les flots. Gysella l’avait compris, elle leur avait prouvé à tous en agissant comme elle avait pu le faire jusqu’à aujourd’hui, en acceptant tout de ce qu’elle était et en s’imposant comme telle. Et un jour, il le savait, Grayce parviendrait à agir de la même manière que sa sœur ainée. Mais en attendant, elle devrait affronter des démons. Des jugements, des remarques, et ce qui l’effraierait le plus ne serait pas réellement les autres comme elle le pensait, mais elle-même. « J’sais qu’t’es perdue, faut qu’tu t’laisses du temps. » Et ça, lorsqu’on s’appelait Bonfrère, c’était assez difficile à envisager. Mais il n’y avait pas d’autre solution que celle-ci. Parce que comme la tempête, seul le temps était à même de l’apaiser pour mieux calmer la houle, seul ce dernier était en mesure d’arrêter les ardeurs du Dieu Noyé pour lui permettre de s’endormir pendant un temps. Qu’il soit minime ou au contraire plus prononcé, il n’en restait pas moins que la solution resterait toujours dans cette constante.

Il lui lançait un nouveau sourire en coin, se mit à hausser amicalement ses épaules en signe de cette incompréhension qu’ils partageaient. Il n’était pas nécessaire de répéter les mots qu’il venait tout juste de lui confier, tant ils devaient faire leur chemin tout seul. A présent, il pensait que le seul remède à cette conversation pour sa cousine serait le recul, la considération de ce qu’il avait pu lui dire. Qu’il soit de bons ou mauvais conseils, Symond n’avait pas la prétention de croire que sa parole était louable, mais au moins elle pouvait se faire sa propre idée sur un nouveau point de vue. Et il la savait assez intelligente pour parvenir à prendre ce recul nécessaire. Il la laissa faire, au moment où il percevait cette confiance mutuelle se réinstaller entre eux. Au moment où elle fermait les yeux pour inspirer l’air iodée. Ainsi, il savait qu’elle puisait des forces marines pour se ressourcer, pour peut être même essayer de se retrouver ne serait-ce qu’un peu. Et lorsque les explications débutèrent, il ne put s’empêcher de sourire pleinement. Ce discours lui rappelait tellement Gysella à une époque, au moment où elle désirait attraper dans ses mains l’horizon. Un trait de caractère que toutes les Bonfrère ou presque partagées et qui lui rappelait combien il avait de la chance de faire parti de cette famille. La description du bateau en question parvenait à se dessiner doucement dans son esprit, même s’il ne connaissait exactement les détails qu’elle lui peignait, Symond osait l’imaginer. Et quelque part, il fut rassuré de l’entendre lui détailler de cette manière, lui confier ce nouvel objectif qu’elle s’apprêterait à un moment donné à réaliser. Il espérait avoir l’occasion de l’admirer une fois terminé, parce qu’elle était assez douée et surtout avant-gardiste sur leur temps. « Et tu l’as dessiné ce bateau ? Parc’qu’c’serait l’occasion d’le faire et présenter ton idée à Asha. J’sais qu’elle a toujours c’te soif de découvrir le monde et là tu lui offres une sacrée occasion. » Ce but, elle pourrait s’y raccrocher, et il lui permettrait probablement d’aller de l’avant.

Mais une fois de plus le manque d’assurance vint semer le doute et porter un poids injustifié qui eut l’opportunité de le faire réagir. Son bras passa par-dessus l’épaule de sa cousine afin de la rapprocher de lui et il ne put s’empêcher de la secouer délicatement pour lui montrer son soutien. « T’as fini oui ! C’pas l’manque de connaissances qui vont t’arrêter. Dessine, calcule, teste à plus p’tite échelle, comment t’fais d’habitude ? » Il secouait sa tête et la relâchait afin qu’elle ne se sente pas prise au piège, surtout vu ce qu’elle avait du vivre. « Lance-toi ! » concluait-t-il alors qu’il se redressait sur ses jambes parce qu’il savait que sa journée à lui avait déjà débuté. « Allez j’te laisse là-d’ssus. Réfléchis à c’que j’t’ai dis et lance toi dans c’bateau. J’veux le voir. » Il se mit à sourire, ce sourire encourageant sur lequel elle savait qu’elle pouvait se reposer parce que toute cette conversation resterait entre eux. Symond n’était pas d’une nature bavarde et il souhaitait simplement que sa cousine recouvre ses forces pour affronter à nouveau le monde et qu’elle y trouve sa place, parce que comme n’importe qui elle avait sa place ici.

(c) oxymort