Ce n'est pas être pessimiste, c'est être réaliste
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J’étais arrivée il y avait pas une semaine… Mais au moins j’étais loin de tout, des Kenning et des Harloi… Snöfrid me manquait tellement… J’en avais envie de pleurer. Mais je préférais ne rien dire, ne pas ébruiter ce qu’il s’était passé… Je me mordis les lèvres sans rien dire avant de quitter ma chambre où je passais le plus clair de mon temps, même à Cormartel j’en sortais pas beaucoup, sauf pour me défouler ou manger. J’esquivais les gens beaucoup trop nombreux, les Bonfrère étaient trop nombreux, trop d’enfants… trop de tout. Je secouais la tête avant de descendre prendre à manger. Il était tôt, je me pris de quoi déjeuner avant d’aller m’installer dehors à l’écart, sur les murailles pour voir la mer. J’arrachais une bouchée de pain et de fromage, jouant avec ma hache machinalement. J’avais jamais eu la haine… comme je pouvais l’avoir aujourd’hui. Je me mordis la joue un instant avant de reprendre mon repas.
Des bruits de pas. Putain… qui allait m’emmerder ? Je me retournais avant de soupirer de soulagement en voyant mon cousin préféré. Symond. Je lui fis un petit signe de tête et de main. Je finis par reprendre mon repas avec hargne. À part dessiner ou mettre au point des navires… C’était la seule manière de me calmer un peu.
« Salut Symond. Comment tu vas ? »
Autant être polie, lui il n’avait rien demandé à personne. Quoi que… beaucoup n’avaient rien demandé à personne. Ça ne m’avait pas empêché d’essayer de cogner Gran de toutes mes forces. Gormond avait dû me tirer en arrière, ce qui m’avait encore plus énervé, et seule ma jumelle avait réussi à m’empêcher de sortir ma hache pour aller en frapper quelques-uns. Agressive Moi ? Pas beaucoup plus que d’habitude.
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Ce n'est pas être pessimiste, c'est être réaliste
ft @Grayce Bonfrère & Symond Bonfrère
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L’air marin s’engouffrait dans ses poumons d’une manière apaisante et si enivrante. L’iode avait cette exquise faculté d’apaiser les tourments, de les contrer par le biais de ce rappel si vivifiant d’une appartenance commune : celle de la Mer sous tous ses états. Ce qu’il avait pu en passer du temps à admirer la beauté de l’horizon imprenable, à calquer ses ardeurs sous la houle déchaînée, et à mesurer les gravités de son existence à travers les profondeurs qu’il arpentait. Le mystère l’avait toujours repris là où le scepticisme l’avait perdu. Pareil au morceau de bois flotté happé par-ci par-là sous les simagrées et exigences d’une force qu’il ne pouvait contrôler. Il vivait simplement, baigné par les aléas de ce que beaucoup décrivaient comme douloureux. La douleur avait fait son chemin aujourd’hui pour laisser place à ce calme intérieur. Peut-être en était-t-il finement contrôlé ? La question ne venait en rien troubler le reste de son attitude tant il s’en fichait. Il préférait vivre présentement, profiter de ce que le Dieu Noyé lui avait offert : deux enfants. Dont l’un participait activement à l’héritage qu’il se plaisait de lui transmettre. Bien sûr, les erreurs s’enchaînaient et serait-t-il mauvais père que d’affirmer qu’il n’en avait pas faites dans sa jeunesse. Sylas se devait d’apprendre par lui-même, par son propre sens de l’observation, mais surtout en se forgeant par ses propres expériences. Une part de fierté s’éveillait en lui à chaque fois qu’il le surveillait du coin de l’œil. Dès lors qu’il pouvait vérifier de ses bons ouvrages quant aux nœuds marins qu’il effectuait avec plus ou moins de brio. Son fils serait un bon capitaine. L’intuition le gagnait de jour en jour à mesure que les rapports le concernant lui venaient jusqu’aux oreilles et l’obligeaient à sourire. Au moins, avait-t-il réussi dans sa vie. Ce sentiment baignait en lui, grâce à Nahra, et à tout ce qu’elle avait pu lui offrir par son amour et sa fidélité. Jamais plus il ne pourrait lui témoigner sa reconnaissance, et pourtant, le Dieu Noyé lui laissait croire qu’il effectuait cette tâche aussi simple soit-t-elle par le biais de ses actions quotidiennes. Le retour sur le port d’Orkmont avait marqué une nouvelle phase dans l’apprentissage de leur fils. Changé par la mer, le jeune garçon était à présent un jeune homme qui éveillait les curiosités des filles et qui cherchait également à les attiser. Amusé par la situation, Symond préférait lui laisser l’intimité nécessaire à son âge, non sans lui lancer quelques boutades moqueuses, typiques, des Bonfrère. Lui, préférait rejoindre sa sœur afin de prendre des nouvelles de son plus jeune fils, encore trop petit pour rejoindre son équipage. Ce ne fut qu’une fois les nouvelles prises et les quelques subrogations faites qu’il se mit à profiter le plus simplement du monde de bonheur de retrouver son chez soi.
Aussi et pour parfaire ses intentions, le blond s’enquit de commencer une marche dans les alentours. Prêt à retrouver des visages connus, les saluant à son passage, les enserrant d’une poigne fer-né, il cherchait toutefois le visage de l’une de ses cousines, dont la présence lui avait brièvement glissé. Assez curieux quant à en connaître les véritables raisons, Symond connaissait assez la jeune Grayce pour savoir qu’elle ne venait pas ici simplement pour s’aérer les esprits, ou même leurs rendre visite. Il y avait forcément autre chose. Et bien décidé à découvrir ce qu’il en était, le blond laissait ses yeux vagabonder par-ci-par-là afin de reconnaître la stature fine et familière des Bonfrère. Il ne lui fallut qu’une vingtaine de minutes pour parvenir à ses fins. Ses sourcils se froncèrent, signe de sa curiosité, au moment où il reconnut également les carrures imposantes de gardes. Trois ? Il devrait lui spécifier que si elle désirait rester invisible et ne susciter aucune question, ce n’était pas avec trois gardes qu’elle y parviendrait. Amusé par la découverte, le jeune homme se mit à sourire en coin avant de finalement agir comme si rien n’était et retrouver sa cousine. Pain en bouche, regard hagard, la jeune blonde éveillait quelques soupçons supplémentaires dans son comportement. « C’mme quand on r’vient d’mer. » débutait-t-il avec son air jovial alors qu’il prenait place à ses côtés et se mettait lui aussi à admirer l’horizon. « Ah qu’ça fait d’bien d’rentrer à la maison ! » Son commentaire était sincère et réel. Même si il adorait prendre la mer et glisser sur l’horizon, il n’en restait pas moins qu’il appréciait également les retours au sein de son foyer.
« Et toi, p’tit bouchon, comment va ? » D’un air malicieux, le jeune homme détourna ses yeux afin de les poser sur le profil de sa cousine, appréhendant les éventuelles réactions qui veillaient à le faire rire d’ordinaire. « J’parie qu’t’as b’soin d’air parce t’es en train de cogiter sur un nouveau boutre, j’me trompe ? » déclarait-t-il en affichant cette fois-ci un regard beaucoup plus curieux quand à la réponse qu’elle lui rapporterait. Il n’était pas dupe, loin de là, et savait que là n’était pas la raison. Néanmoins, il préférait attendre que les confidences viennent d’elles-mêmes. « Ou alors t’as volé un truc et t’es en sursit..., d'où les gardes... » Un rire lui échappait avant qu’il ne lève les yeux au ciel et qu’il ne se mette à souffler du même amusement. « Faut toujours qu’Sig en fasse des tonnes… » commentait-t-il afin de lui prouver qu’il était de son côté et qu’il n’était pas là pour la juger non plus. A vrai dire Symond était bien plus le genre d’homme à agir plutôt que juger. Et dans ce cas de figure précis, il n’était pas sans dire qu’il attendait des réponses.
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« J’suis contente d’te voir. Et j’te crois sur parole. »
Comment j’allais ? J’avais des envies de meurtres approximativement toutes les trois minutes, je ne dormais plus, j’avais envie de sauter des murailles… Je ne savais même plus où j’en étais… Harren… crois-moi je me vengerais de ce que tu m’as fait subir. Je dessinais le visage de Snöfrid dans mon esprit pour m’apaiser. Je haussais un sourcil à sa remarque. « P’tit bouchon » ? Sérieusement ? J’eus un vague sourire.
« Je suis en vie. C’déjà ça. »
Comment j’allais ? Mal. Très mal. Entre les cauchemars, ne plus supporter le moindre contact, migraine… Non, je n’allais pas bien. Mais je ne voulais pas en parler. Moins j’ébruiterais ce qu’il s’était passé, mieux c’était. Je retiens un soupir en finissant ma bouchée. Un nouveau boutre ? Ouais. Ça me faisait tourner et survivre les bateaux. Je hochais la tête.
« Ouais, j’pense qu’aux bateaux. J’aim’rais créer un nouveau type d’bateau, mais j’ai pas l’connaissances qu’y faut… F’rait qu’j’parte faire l’tour des îles d’fer pour apprendre plus. Voir qu’j’quitte les îles d’fer… »
Fin bon… j’en avais entendu parler des bateaux cygnes et de leur magie. Est-ce que c’était vraiment vrai ? Ou pas. Les gardes ? Je jetais un regard aux gardes. Je secouais la tête.
« C’pas Syg. C’est mon père. Gorold. Il est… sur les nerfs avec moi… »
Pouvais-je lui en parler à Symond ? Ou pas ? Je ne savais pas quoi lui dire. Une demie-vérité ? Peut-être que son frère le savait mais pas lui ? Je haussais les épaules en repoussant les miettes dans le vide.
« Disons… qu’j’ai eu… d’gros problèmes avec Harren Kenning y quelque temps… De… gros, gros soucis… Et… mon père veut pas qu’ça s’reproduise. Et moi non plus. »
Je soutiens son regard. Est-ce qu’il avait compris ? Ou pas ? J’en savais rien. Je passais une main sur mon visage en regardant les gardes. C’était discret au moins, ils étaient à bonne distance, mais ils étaient là. C’était déjà ça. Je soupirais un peu.
« Fin… bon… et tes gosses ? Ils vont comment c’garnements ? »
Je ne savais pas si j’aurais des enfants, peut-être ou pas. Je m’appuyais sur le créneau en silence, la tête lourde de souvenirs ou d’image de bateaux.
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La bise marine caressait leurs visages maculés de stigmates de sécheresse. Apaisante, encourageante, elle leur offrait ce luxe de pouvoir croire en ce quelque chose de serein qui éveillait leurs instincts : la mer. Alliée fidèle, ennemie redoutable, personne n’était en mesure de la contrôler. Ce qui les amenait à lui vouer une fascination supplémentaire, dans le même temps qu’elle leur rappelait les bienséances d’une mère. Alors le sourire qui en découla lui montrait déjà que le ton serait grave, que les silences n’en deviendraient que plus énigmatiques et sources de questionnement. Parce que Grayce n’avait pas pour habitude de rester aussi sceptique, pas elle. C’était généralement lui, qui, demeurait sous cet état et qui observait en restant en retrait. La petite blonde à ses côtés était, habituellement, source d’énergie comme sa sœur, Gysella, encline à la bonne humeur par le cynisme qui l’habitait. Mais en cet instant, rien de tout cela n’était palpable, rien si ce n’était cet enfermement duquel elle s’isolait encore et encore depuis son arrivée à Orkmont. Néanmoins, il répondit à son sourire de la même manière, avant de défiler ses yeux d’acier pour les confondre à l’opale devant eux. L’appel de la mer demeurait omniprésent et bien entendu la réponse ne fit que grandir un peu plus son sourire tant ils se comprenaient. Il s’attendait déjà à entendre une remarque quant au surnom qu’il avait laissé échapper. D’ordinaire, la jeune fille ne l’aurait pas épargné mais la surprise les gagnait une fois de plus devant ce mutisme continuel. Haussant à son tour l’un de ses sourcils, le jeune homme lançait un regard en biais en direction du profil de sa cousine afin de mieux appréhender ses réactions. Au moins, il constatait qu’elle souriait, même si cela n’avait pour effet que de l’isoler un peu plus. De plus, la suite de ses dires l’obligeait à s’interroger intérieurement. Bien sûr, il avait appris que sa présence faisait suite à une demande de la part de Gorold, toutefois il ne disposait pas encore des tenants et aboutissants de cette décision. « C’c’qu’on appelle joie d’vivre cousine ! » enchaînait-t-il tout en levant les yeux au ciel.
Voilà pourquoi, il se hasardait à se lancer sur le chemin des boutres. Une motivation pour la jeune fille, un crédo qui l’avait mené jusque là où elle était aujourd’hui. Attentif quant à sa réponse, Symond notait les signes distinctifs d’une colère refoulée sur certains mots de son intonation. Colère noire, incontrôlée, qui n’avait de cesse de grandir au fil des mots et renvoyait des messages cachés visant à vouloir lui faire quitter les îles du Dieu Noyé. « Et c’quoi qui t’en empêche ? Me dis pas que l’fait d’être une fille va t’retenir ici, me la fais pas à moi celle-là. » Son ton demeurait neutre alors que ses attentions se portaient tout droit vers le courage de sa sœur Gysella et bien entendu vers Asha Greyjoy. S’il y en avait bien deux qui avaient prouvé qu’une condition n’était en rien signe de retenue c’étaient bien elles. « T’as pas d’équipage ? » se hasardait-t-il à renchérir alors qu’il reportait une fois de plus son attention vers l’horizon. Ce fut à cette occasion qu’il se laissa aller vers un peu d’humour afin de pouvoir apporter ne serait-ce qu’une once de légèreté dans les attentes de sa cousine. Toutefois, l’attente souhaitée n’en fut que plus déviée vers cette colère, ce tempérament espiègle visant à culpabiliser la petite blonde plutôt que la soulager. Attentif quant à sa réponse, le fer-né n’en fut pas moins surpris d’apprendre que Gorold était le décisionnaire, comme à son habitude. Et visiblement le bourreau dans le même temps. Car en entendant cette nouvelle remarque, Symond reconnaissait bien les agissements du chef de famille et ses responsabilités. « Soit tu dis tout, soit tu t’tais. T’peux pas me laisser comme ça maint’nant ! » rétorquait-il au tac au tac alors qu’il fronçait ses sourcils devant l’évocation du nom de Kenning. Que lui avait-t-il fait ? Symond connaissait le brun pour ses côtés colériques et sanguinaires et il se méfiait des agissements de ce dernier sur sa cousine. « Il a cherché à t’faire du mal ? » Sa question restait en suspend alors que son regard se tournait en direction de la petite blonde pour observer ses réactions.
Colère, crainte paraissaient se mêler l’une à l’autre, ce qui attisait un peu plus sa témérité quant à savoir les fins de cette histoire. « J’sais qu’il a des tendances violentes, s’il t’a fait quelqu’chose il a attaqué tout’la famille, Grayce. Faut nous l’dire. » Et il en était certain, Sigfrid ne devait pas être au courant de cette histoire, auquel cas, il aurait réagit comme lui venait de le faire à l’instant. Son frère, tout comme lui, n’était pas dupe. « J’te racont’rai comment vont, quand tu’m’auras dis c’qui s’passe. » Là encore, aucun jugement n’était à noter dans le timbre de sa voix, seulement une volonté d’en apprendre plus pour agir en conséquence. Mais surtout pour comprendre
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- Spoiler:
- Je suis désolée, c'est vraiment nul et décousu . J'espère que ça pourra t'inspirer pour la suite, j'ai fais comme j'ai pu .
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« Nan, c’pas l’fait qu’j’sois une fille. Mais j’pas d’équipage surtout… Et j’suis pas sûre qu’beaucoup accepteraient d’me mener là où j’voudrais. »
Peut-être Asha ? Si j’arrivais à lui parler un jour ou l’autre ? Je me mis à ouvrir un peu. J’avais confiance en lui. Il pourrait bien me comprendre. Symond était mon cousin préféré… Je lui faisais confiance… Est-ce que je pouvais lui parler de tout ça ? Je baissais la tête pour regarder le créneau, les restes de mon déjeuner. J’eus un ricanement à sa remarque. S’il n’avait que cherché. Je sentis les larmes me monter aux yeux. Je ne voulais pas pleurer. La seule avec qui j’avais pleuré, j’avais pleuré toute une nuit dans les bras de ma sœur jumelle. Gwendys m’avait bercé longtemps. Je ne voulais pas pleurer. Il avait attaqué ma famille ? Nan… Personne saurait. Je secouais la tête, serrant mes poings à m’en enfoncer les ongles dans la chair, à m’en faire saigner.
« Symond. C’est pas… qu’voudrait m’faire d’mal. »
J’inspire profondément pour chasser un peu les larmes de mes yeux, je les relevais vers lui, plantant les miens dans les siens.
« C’que j’te dis, c’est sous l’sceau de la confidence. Si t’en parles à quelqu’un… Jure-moi sur la tête d’tes gamins qu’t’en parleras à personne. »
J’attendis qu’il me le jure sur la tête de ses enfants. Je savais qu’il y tenait à ses enfants. Je voulais qu’il jure et que plus jamais il en parle à d’autres. J’inspirais profondément en regardant la mer.
« Il m’a fait d’mal. Pendant deux lunes, m’a gardé sur son bateau. J’crois j’ai pas b’soin t’expliquer c’qu’il m’a fait. Il a… une fois qu’la finit d’s’amuser… si on peut dire ça… j’pus rentrer sauf qu’l’a balancé à mon père un s’cret qu’il avait sur moi… qu’j’voulais pas qu’père apprenne. Et j’me suis servie d’ça… comme punition d’Noyé pour l’secret. C’qui m’vaut les gardes… Mais… personne doit savoir. À part… Toi, mon père et Gwendys. J’veux plus jamais en entendre parler. Ou qu’d’autres soient au courant. T’as compris ? »
Je fronçais les sourcils et mon regard se fit plus dur. S’il parlait, c’était mort. Je refusais que d’autres soit au courant de ce que le Boiteux m’avait fait.
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ft @Grayce Bonfrère & Symond Bonfrère
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Les murmures marins n’avaient de cesse que de refléter l’état d’âme furieux de sa cousine. Sifflant à ses oreilles, comme des hurlements incontrôlables, désireux de fuir plus loin encore que là où ils se perdaient. L’horizon ne paraissait ne pas être à même de les arrêter. Tout comme le regard qui le fuyait en continu. Le jeune homme le remarquait à chacune de ses tentatives d’humour, ou plutôt de légèreté desquelles naissaient ordinairement des chamailleries qui se terminaient toujours sur des notes de rires. Mais pas cette fois. Non, cette fois, le murmure grondait à l’intérieur de la petite blonde assise à ses côtés et donnaient lieu de grandir sous les rythmes des flots incessants des questions auxquelles elle devait se confronter jour après jour. Symond n’était pas une exception, il en avait pleinement conscience et n’osait croire en une autre place. Alors, il se contenta de garder le silence encore un peu, d’observer, comme à son habitude, afin d’essayer de comprendre ce que les gestes étaient à même de lui révéler. Et à en juger par la manière dont le regard de Grayce fuyait en direction des vagues, il n’était pas nécessaire d’être érudit pour comprendre que la gravité était sans conteste lourde. Et encore ignare quant au sujet que cela impliquait, le fer-né se hasardait à emprunter le chemin dont il connaissait les bienfaits sur les actes et pensées de sa petite cousine. Il espérait, à tort, lui voir au moins l’esquisse d’un sourire, mais à la place le mutisme semblait persévérer. Mutisme mais également fausse déroute qui eut tôt lieu de lui faire relever l’un de ses sourcils, signe de sa crédulité quant à cette vaine tentative qu’elle avançait. « C’est quoi c’t’excuse qu’tu m’donnes là ! » Sa réaction l’entraîna vers une secousse frénétique négative de son chef, alors qu’il laissait ses épaules se redresser de haut en bas. « Comm’si t’allais avoir du mal à trouver d’gens pour naviguer. Celle là, on m’l’avait jamais faite. » Un rire à la fois amusé mais également attristé par cette situation échappait de ses lèvres. Et tandis qu’il surveillait du coin de l’œil les réactions de sa cousine, Symond trouvait la situation de plus en plus triste. Triste parce qu’il recevait en plein visage le manque de confiance qu’elle lui portait, mais surtout ce désir qu’elle gardait depuis trop longtemps de vouloir s’isoler des autres.
Néanmoins, il se tut une fois de plus. Attentif, patient, quant à la situation vers laquelle Grayce avait le choix des tournures. Le jeune homme n’avait jamais été insistant de quelque manière qui soit, surtout lorsque cela impliquait l’un des membres de sa famille. Et même s’il l’invitait à lui révéler ce qui la tourmentait, le fer-né saurait s’arrêter dans l’éventualité où les choses lui seraient trop difficiles. Mais ce serait mal connaître Grayce Bonfrère que d’oser croire que quelque chose lui soit difficile. Aussi déterminée que sa sœur, Gysella, Symond avait pu voir en elle nombre de qualités qui avaient su l’amener à devenir la fer-née respectable qu’elle était devenue aujourd’hui. Toutefois, ses yeux vert-gris se mirent à se réduire sous l’effort du plissement de ses sourcils devant les ébauches des récits entendus. Kenning. Rien qu’à l’entente du nom, Symond s’attendait déjà au pire. Et à en juger par le comportement soudainement anxieux et meurtris de sa cousine, quelque chose l’incitait à croire qu’il avait raison de le faire. Le timbre de la voix de Grayce lui révélait combien il lui était difficile de placer des mots sur leurs rencontres. « Dépend d’c’que t’me dis. T’sais bien qu’si c’est grave va falloir qu’il paie. » Au moins, il n’était pas malhonnête et plaçait ses vérités entre les mains de Grayce. Il ne pourrait pas se taire en fonction de la gravité des évènements. S’il s’agissait d’un règlement de compte entre eux, certainement qu’il ne dirait rien… Mais le récit qui s’en suivit était sans compter assez confus à sa compréhension. « Y a d’raisons pour qu’il t’fasse mal ? »
La suspicion était palpable dans le timbre de sa voix, mais une fois encore, Symond préférait obtenir tous les éléments pour savoir si il devait entamer quelque chose. « C’est quoi c’secret ? » rajoutait-t-il alors qu’il regardait sa cousine avec toute son attention et un grand sérieux qu’on pouvait connaître sur le visage des Bonfrère. Les questions se mirent à traverser son esprit avec un intérêt particulier alors qu’il tentait de remettre de l’ordre dans le peu d’informations qu’il venait d’obtenir. Mais pour l’heure, rien n’y faisait. « T’sais qu’plus tu n’veux pas entendre parler d’un truc et plus ça va v’nir sur la table. » Tentait-t-il de lui conseiller alors qu’il soupirait dans ce vain espoir de comprendre le sens des révélations. « J’sais pas exact’ment c’qu’il en r’tourne, mais c’peut pas être si grave qu’ça c’secret non ? Tu lui as chipé un truc et l’a pas aimé ? » l’interrogeait-t-il toujours dans cette quête qui l’amenait à croire que l’envergure allait le dépasser à un moment donné.
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« D’accord. J’le dirais pas. P’tre que j’te piquerais l’tiens d’équipage, ou c’lui d’mes frères. »
Ou de Gysella ? Peut-être qu’il vaudrait mieux que je me tire des Îles de Fer pour toujours ? Est-ce que ça protégerait Snöfrid ? Les autres autour de moi ? J’en savais trop rien. Et lui qui voulait des informations… J’essayais de lui expliquer, de lui raconter… Ce qui hantait mes nuits, mes journées… Ma vie. Pour combien de temps j’allais vivre avec a en tête. Je voulais voir Snöfrid… Alors je racontais… j’essayais de raconter. Qu’est-ce que je devais dire ? Faire ? Penser ? Le secret ? Des raisons ? J’enfouis ma tête sous mes bras un long instant. Je revoyais les regards dégoûtés des hommes d’Harren… mais aussi celui de mon père. Je me mordis la lèvre à en sentir le goût du sang dans ma bouche. Merde ! Qu’est-ce que je devais dire ? Qu’est-ce que je devais faire ?
« Ouais… en quelque sorte… »
Ce secret… Le regard… Je fermais les yeux pour essayer de les chasser. Je ne voulais pas honte d’aimé Snöfrid. Je l’aimais encore. Je ne voulais pas honte d’elle ni de moi… J’avalais ma salive, la tête toujours enfouie dans mes bras.
« J’suis… amoureuse d’la même femme qu’lui… Ça lui a pas plu… M’l’a fait payer… Deux fois ce… cette… »
Je n’avais pas les mots, ils étaient coincés dans ma gorge. Je relevais la tête en inspirant profondément pour chasser les larmes et la colère. Je regardais l’océan, pour ne pas voir lui, le regard de Symond qui dans, dix secondes, allait devenir méprisant et il allait se détourner et fuir…
« Et… Disons… qu’c’est pas… aux goûts d’ici… J’voulais pas qu’mon père l’sache… J’ai… réussis à l’empêcher d’me marier sur l’coup, ou presque… En f’sant passer l’truc d’Harren pour une punition d’Noyé… Ça m’permet d’rester libre… Ou presque. »
Les trois me collaient au train mais c’était déjà ça… C’était pour ça aussi que j’étais là. Être éloigné de tout, qu’on me fiche la paix, que je me calme… Qu’on m’oublie dans un coin ? Peut-être. J’en avais plus rien à faire… Snöfrid me manquait… Gwen me manquait. Gy me manquait… Ma vie au chantier naval me manquait…
« Mais, t’sais Symond, j’veux qu’personne s’mêle de ça. Ni toi, ni père, ni la famille. C’est entre moi, et , d’Harren. T’comprends ? »
Si je voulais sa mort, je voulais que seules mes mains soient couvertes de son sang. Les miennes et personne d’autre.