it's myself I don't trust (solo)

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Daria Gargalen

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Morne journée que celle ci, songea la dornienne en observant la mer depuis la fenêtre de sa chambre. Cette dernière brillait sous un soleil qui se réchauffait mais les hivers dorniens n'avaient rien d'aussi glacials que ceux du reste de Westeros. Depuis le rebord de sa fenêtre, Daria regardait l'horizon, jouant machinalement avec le système d'ouverture d'une boite en bois précieux dans lequel se trouvait, coincé entre deux petits coussins de velours rouge, un bijoux en or que sa mère lui avait offert quelques jours auparavant. Le symbole qu'elle devenait une femme, une vraie, aux yeux de la famille et de la société, avait-elle dit avant que l'héritière n'argumente être déjà une femme au vu de son âge. Cependant, la présence de ce bijoux troublait Daria bien plus qu'elle n'aurait voulu le dire. Ce n'était rien d'autre qu'un ornement pour sa chevelure, une chainette d'or fin se terminant par des gouttelettes ornées de perles nacrées, censé venir mettre en valeur sa peau hâlée. Elle 'n'avait rien contre le bijou en lui même: il était d'une délicatesse exquise et elle avait toujours aimé les perles, mais ce qu'il représentait faisait naitre, au creux de son ventre, une boule d'inquiétude. Elle n'était pas certaine d'être prête pour cela, pas certaine de le vouloir, pas certaine que cela soit une bonne idée. Elle savait que, dans cette affaire, l'on attendait nullement son consentement mais elle l'avait donné face au sacrifice auquel Nymor avait consenti malgré sa promesse, malgré l'assurance que jamais il ne pourrait oublier sa première épouse. Comment pouvait-elle voir son frère accepter cela et jouer les fortes têtes ? Comment pouvait-elle refuser à Salrivage, et au Gargalen, l'assurance que leur lignée perdurerait si elle ne prenait pas un mari ? Elle n'était pas certaine que connaitre l'homme aurait changé quoi que ce soit à son sentiment actuel: ce n'était pas Tobin Le Voi qu'elle redoutait, c'était les chaines matrimoniales, et ce qu'elles impliquaient. Nymor n'aurait jamais choisi un homme qui pourrait lui faire du mal, mais elle demeurait septique, espérant que son jumeau ait pu lire dans le regard de son fiancé, l'honnêteté et non qu'il se soit fait berné par un homme avide de pouvoir qui tenterait de lui ravir Salrivage lorsque l'heure serait venue. La fierté de Daria ne le supporterait pas et, embrassant la boite du bout des lèvres, elle se promettait de ne pas céder. Non, elle ne devait plus être aveuglée par l'admiration ou l'affection, elle devait devenir le phare de sa maison, le pilier de sa famille. Maintenant que Nymor n'était plus là, rien ne la protégeait d'elle même, de sa propre faiblesse envers les êtres humains, de son optimisme parfois dangereux.  

Dans un mouvement d'étoffes, Daria quitta son rebord de fenêtre, appréciant le toucher délicats des tapis précieux sous ses pieds nus tandis qu'elle traversait la pièce vers la petite table où se trouvait, mêlés, ses bijoux et affaire des beautés, et de quoi écrire. Trempant sa plume dans l'encrier, elle rédigea quelques mots, ceux qu'elle aurait dit à son frère s'il avait été là. Elle écrivit sa peur la plus profonde, son manque de courage, sa crainte de faillir. Elle écrivit combien il lui manquait, combien la vie lui semblait terne sans lui, combien elle se sentait vide de son absence. Retenant les larmes qui montait dans ses yeux noisettes, Daria mit un point final à son envolée lyrique, reniflant peu gracieusement tandis qu'elle ouvrait un tiroir et y glissait le parchemin, sur une pile d'autre. Depuis qu'elle était rentrée à Salrivage, c'était son seul moyen de ne pas devenir folle, songea-t-elle en grimaçant face à l'épaisseur de la pile de lettre non envoyées qui s'accumulaient dans ce tiroir. Elle ne les enverrait jamais. Elle le savait. Ces mots étaient son âme, étalée sur des feuilles blanche, contenue dans l'encre sombre. Ces mots étaient sa peine et cette peine ne pouvait que faire du mal à son frère, s'il percevait combien son absence lui pesait. Elle ne le voulait pas. Nymor avait un devoir à présent, une vie loin d'elle qu'il se devait de respecter, d'honorer et de chérir. Elle, ne pouvait qu'attendre et apprendre à vivre sans lui, comme ils l'avaient déjà fait du temps ou le Gargalen était ecuyer. Des coups à la porte attièrent son attention et elle ferma brusquement le tiroir renfermant ses plus intimes pensées. Une jeune servante entra, inclinant la tête face à l'héritière, lui rappelant qu'elle devait assister au retouche de sa robe. Daria hocha la tête, la servante quitta la chambre. La brune se leva à son tour, enfilant de quoi être présentable et, posant la main sur la poignée de la porte, inspira profondément. Elle ne devait pas flancher. Sous aucun prétexte.  

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Elle écoutait, d'une oreille inattentive, la servante lui faire un état des lieux des préparatifs restant avant l'arrivée de la délégation Le Voi. Daria, elle, s'était perdue lorsqu'elle avait mentionné la chambre de Ser Tobin, sur laquelle la jeune héritière aurait vue depuis sa fenêtre. Dès lors, l'esprit de la Gargalen s'était empressé d'imaginer l'homme, son physique, son esprit, sa famille. Il s'agissait là, certes, d'un mariage matrilinéaire, mais les relations entre Le Voi et Salrivage dépendait également de cette union: sa maison avait besoin de Tobin Le Voi. Elle avait besoin de Tobin Le Voi. Au delà de la simple continuité de sa lignée, ce mariage permettrait à Salrivage, tout comme à Le Voi, de profiter d'un commerce riche et vaste entre, d'un côté la côté sur laquelle était installée la maison Gargalen, et de l'autre, les échanges fluviaux nombreux que gérait la famille de son promis. La réussite de cette alliance était capitale et plus Daria y pensait, plus elle sentait le poids dans son estomac, s'intensifier. Ses parents avaient-ils connus pareille appréhension, à quelques semaines du grand jour ? Elle ne se permit pas d'en parler et arborait, devant sa mère, la mine fière et heureuse d'une future mariée. Si ses pensées dévalaient les montagnes de son esprit, lorsqu'elle était seule, Daria semblait en tout point ravie de ce mariage en public, oubliant sa faiblesse quelques jours auparavant. La lettre qu'elle avait écrite à Nymor n'avait rien de celle qu'elle avait finit par lui envoyer à Lancehélion, dans laquelle elle s'impatientait de pouvoir juger si, oui ou non, il avait fait bon choix. L'humour était la seule manière qu'elle avait eut de pouvoir aborder ce sujet, ne voulant pas provoquer l'inquiétude de son jumeau dont le devoir était maintenant envers son épouse. Sa soeur était venue la voir, l'interrogeant un peu sur ce promis dont ils ne savaient rien et, comme à Nymor, Daria n'avait eu de cesse de vanter les qualités que le Gargalen lui avait évoqué: sa valeur en tant qu'homme, la justesse de ses propos et la loyauté indéfectible que lui inspirait sa famille. Sylvenna avait hoché la tête, le regard dans le vide avant de lui poser la question fatidique. Est-ce qu'il était beau ? L'héritière s'était figée face à cette demande, simple et pourtant si complexe à la fois. Elle aurait pu répondre qu'il n'y avait de véritable beauté que les qualités qu'on reconnaissait chez une personne. Mais cela aurait été oublier l'importance des attirances physiques et Daria y était bien trop sensible pour se réjouir d'épouser un homme qui, potentiellement, ressemblait à un crapaud malade. Elle aurait aussi pu dire qu'il l'était, sans en avoir la moindre idée, se basant sur la connaissance que Nymor avait d'elle, de ses gouts, et sur la certitude qu'il ne la donnerait pas à n'importe qui. Mais elle savait aussi que son frère lui désirait un homme gentil, doux et loyal qu'une beauté froide et cruelle.  

Toutefois, Sylvenna avait aiguisé, plus encore, la curiosité de son aînée. Depuis ce jour, la simple mention de son fiancé laissait Daria en pleine réflexion. Ses rêveries lui valaient des sourires entendues de la part de sa mère et des taquineries de la part d'Alvar mais si la jeune femme répondait par des grimaces ou l'assurance, à son frère, que son tour viendrait bien assez tôt, elle ne pouvait s'empêcher de penser au mystère qui entourait son promis.
 

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Alvar lui lança un coussin avec une précision et une vitesse qui la dérouta. Prise par le choc de l'impact et la surprise du geste, Daria se laissa tomber en arrière, riant aux éclats tandis que Sylvenna étouffait un rire discret derrière sa main. A demi allongée sur un amas d'autre coussins, Daria calma son fou rire, retrouvant un contrôle modéré sur sa respiration, ses éclats ponctuant par moment son souffle que quelques quintes de toux perturbèrent. Avec un un sentiment étrange dans le creux du ventre, Daria se rendit compte du léger tiraillement qu'elle percevait dans le muscle de ses joues: voilà longtemps qu'elle n'avait pas rit de la sorte mais par les Sept que c'était bon ! Prenant une moue vexée, Alvar tentait de ne pas regarder sa soeur aînée, grommelant tout en fronçant ses sourcils noirs. On frappa deux coups à la porte et cette dernière s'ouvrit sur une servante à la tenue colorée: on réclamait la benjamine auprès de la Dame de la Maison. Sylvenna se releva, tira la langue à l'héritière, et disparue derrière la porte, peu désireuse de faire attendre sa mère. A quelques semaines du mariage, Daria sentait que la dame de Salrivage était tendue: elle avait fait refaire trois fois les appartements des invités, avait ordonner qu'on revérifie l'inventaire des bouteilles de vin du château ne cessait d'organiser des séances d'ajustement des robes que Daria et sa cadette porterait lors du grand jour. L'héritière se demandait si c'était réellement l'arrivée imminente des Le Voi qui mettait sa mère dans un tel état, ou si elle redoutait que le mariage de sa fille aînée, l'héritière des Gargalen, ne soit aussi réussi que celui, quelques lunes auparavant, du jumeau de la jeune femme. Daria, elle, s'en moquait bien: elle avait confiance en les préparatifs qu'elles avaient effectué. Des fleurs choisies jusqu'au plus rare des fils de sa robe de mariée, tout était, à ses yeux, parfait: et si Tobin Le Voi n'était pas capable de l'apprécier, il pouvait tout aussi bien retourner chez lui ! C'était d'autre raison qui attisait la nervosité et l'impatience de l'aînée de la fratrie. Tout d'abord, le retour de sa moitié: il lui semblait que Nymor n'arriverait jamais alors même qu'il lui avait promis d'être là pour le jour j ! Ensuite, être au cœur de l'attention l'angoissait légèrement et si elle cachait son anxiété sous son sourire éternel, elle redoutait la déception. Ser Tobin arriverait d'ici quelques jours et l'idée qu'il puisse être laid ou stupide commençait à la hanter. Pis ! Il pourrait bien être laid ET stupide ! Si tel était le cas, elle se promettait de noyer Nymor dans la première fontaine qu'elle croiserait.

Sans s'en rendre compte, le rire de Daria s'était tut et ses yeux enjoués par les taquineries précédentes laissèrent place à un voile de préoccupation. Elle sursauta en sentant une main sur la sienne, ses yeux glissant du plafond vers le propriétaire de la main. Alvar l'observait de ses yeux sombres, inquiet sans doute, de ce brusque changement d'humeur. Elle se redressa dans un mouvement vif, ramenant l'une de ses jambes vers l'intérieur de ses cuisses entrouverte dans une position que sa mère n'aurait guère approuvé mais que le large et fluide pantalon qu'elle portait rendait plus acceptable. Lui offrant un sourire bienveillant, Daria glissa son bras derrière la nuque de son petit frère, l'attirant à elle avec force et douceur, sentant les mains du jeune dornien dans son dos. Ses absences étaient de plus en plus nombreuses à mesure que la révélation s'annonçait prochaine. Bientôt, tout ceci ne serait qu'un mauvais souvenir: elle retrouverait son dynamisme et cesserait d'imaginer un inconnu qui serait alors son mari. Tout irait bien, se dit elle avant de chuchoter à l'oreille de son cadet, quelques paroles rassurantes, en contraste avec leur amusement précédent. Elle ignorait si l'attention soudaine d'Alvar était du au désarroi de sa soeur aînée ou s'il redoutait d'être amené à la laisser comme son grand-frère avait pu le faire. Et elle voulut le rassurer: elle voulut lui dire qu'Arianne était la meilleure chose qui pouvait arriver à leur frère. Elle voulut lui dire que, même s'il n'était plus là, avec eux, cela ne voulait pas dire qu'il les oubliait. Elle voulut lui dire qu'un jour, lui aussi trouverait femme à ses côtés, mais que jamais elle ne le chasserait de son coeur ou de leur maison. C'était ça, une famille. Et elle voulut lui dire que, malgré son mariage et les enfants qu'on attendait que Tobin et elle offrent aux Gargalen, tout comme Nymor, tout comme Sylvenna, jamais elle ne cesserait de l'aimer. Mais elle ne dit rien. Alvar était un homme. Un jeune homme, certes, mais un homme tout de même. Respectant sa pudeur, ils demeurèrent ainsi, silencieux, s'accrochant l'un à l'autre, profitant d'un de ces derniers moments où ils pouvaient encore oublier qu'ils étaient des adultes.
 

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Elle entendit son nom, crié de l'autre côté de la cloison. La voix aiguë de sa cadette pourrait percer n'importe quel mur, songea Daria en grimaçant. Le jour tant redouté était enfin arrivé: le convoi de Le Voi avait été repéré à quelques heures de route de Salrivage, précédé par l'un des messagers de la maison qui permettait à tous les Gargalen de se réunir pour accueillir leurs invités. Daria, le coeur serré par l'anxiété, ne parvenait à quitter sa chambre. Après un énième cri, elle souffla longuement, avant de se relever. Suite à l'arrivé du premier homme Le Voi juste après le déjeuner, Daria avait laissé sa mère ordonner en vitesse le changement de toilette de toute la famille, et elle finissait d'ajuster le tombé du tissus de sa robe. Retenant son soupire, elle observa sa servante avec un regard complice, laquelle retint un rire tout en terminant d'attacher de riches bijoux de perles et de pierre qui ornait son vêtement. Elle se sentait étrange. A quelques mètres de la porte de Salrivage se trouvait l'homme qui avait été choisi pour le restant de ses jours. Au poids de son coeur s'ajoutait celui des nombreux ornements destiné à la présenter sous son meilleurs jours: un lourd collier de perles de différentes forme habillait le décolleté de sa robe aux couleurs orangées dont les manches laissait apparaitre ses bras sur lesquels apparaissait des arabesques plus foncées, dessiné quelques jours auparavant par Sylvenna et leur mère. Cela mettait en valeur les bijoux argentés qu'elle portait autour des poignets et aux doigts. Ses longues mèches noires avaient été tressées en une natte sage que surplombait un ornement capillaire rappelant, en forme et en couleur, le collier à son cou. La perle froide contre sa peau, Daria sentait chacun des composant des bijoux, chaque mouvement de l'air contre son bras tandis que sa servante achevait son travail.

Alvar vint la chercher, frappant deux coups à la porte en attendant qu'on l'invite à entrer. Il lui offrit son bras, l'accompagnant jusque dans la cour intérieur de la demeure où Sylvenna et leurs parents se trouvaient déjà. Sa mère lui offrit une oeillade appréciative et hocha la tête pour marquer son contentement. Tendue par l'appréhension, elle ne lui offrit, en retour, qu'un sourire crispé. Le sentiment des battements de son coeur s'amplifièrent: elle en était certaine, son coeur ne manquerait pas de sortir de sa poitrine avant que Tobin Le Voi n'entre dans cette courette ! Elle avait espéré l'arrivée de Nymor avant celle de son promis mais la grossesse de la princesse Arianne avait ralentit le convoi de Lancehélion et bien qu'Alvar tenta de se donner des allures rappelant celle de son aîné, il n'était pas son jumeau. Elle entendit les roues d'un carrosses, les sabots des chevaux, les pas des soldats à pieds, tandis qu'il ne restait que quelques secondes avant que n'arrive son fiancé face à elle. Daria sentit sa mâchoire se crisper, l'un de ses doigts jouait avec l'un de ses bracelets, le laissant tinter doucement contre celui du dessous, le regard fixe sur la route qui lui faisait face. C'était l'heure de vérité. Après une année à se demander à quoi ressemblait son promis, après treize lunes d'attente à s'interroger sur ce qu'il aimait, elle allait avoir sa réponse.

Ce n'était qu'un petit convoi: ser Tobin n'était accompagné que de quelques proches, le reste de la famille arriverait plus tard, pour le jour des noces. Le carrosse s'arrêta, une femme de l'âge de ses parents en descendit, accueillit par son père, ils échangèrent quelques mots. Le regard de Daria, lui, scrutait les cavaliers. Ser Tobin était un chevalier, bien portant, du même âge qu'elle: jamais il n'aurait partagé un carrosse si le temps lui permettait d'être à cheval. Un homme descendit de cheval. Puis un autre. Et un troisième. Le quatrième s'approcha de la dame et du couple Gargalen, s'inclinant poliment en guise de salutation. C'était lui. Elle en était certaine. Les autres portaient une livrée à l'effigie de la maison Le Voi, mais lui, portait une tenue bien différente. Son père lui fit signe et, malgré un sentiment de lourdeur, Daria le rejoint. « Lady Daria. » dit le chevalier, prenant sa main dans la sienne avant d'en embrasser le dos. C'était ses premiers mots. Leurs premiers mots. « Ser Tobin. » lui répondit-elle d'une voix semi-assurée. Il était beau. C'était indéniable. Il était au delà de ce qu'elle avait pu imaginer. Décidément ... Nymor la connaissait plus que bien.
 

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Daria Gargalen

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Daria était agenouillée sur les dalles d'une petite courette, dessinant des formes courbes à l'aide de sable coloré. C'était un passe-temps dont elle usait trop peu, songea-t-elle, mais elle ne pouvait nier l'aspect chronophage de son activité. Cependant, depuis l'arrivée des Le Voi, elle n'était parvenue à s'isoler, pressée par sa mère de faire la conversation à leurs invités ou de faire découvrir à Ser Tobin, les plus beaux points de vue de la demeure. Cette présence quasi perpétuelle de quelqu'un à ses côtés l'empêchait de réfléchir à ce qu'elle pensait de Lord Tobin et elle avait finit par soudoyer sa cadette pour occuper mère et invités. Cela ne lui coutait qu'un vieux bracelet sur lequel Sylvenna louchait depuis des années et lui offrait quelques heures de solitude bien mérité afin de mettre de l'ordre dans ses idées. Cela faisait plus d'une heure qu'elle dessinait son motif éphémère sur le sol de la cour, alternant des lignes roses, jaunes et orangées avec du remplissage vert et bleu turquoise. Le tout, rappelait des fleurs exotiques dans un esthétisme symétrique. Chaque grain s'écoulant emmenait avec lui une pensée. La manière dont les yeux de Ser Tobin pétillait lorsqu'il souriait ou le timbre de sa voix en faisaient partis, mais les questions autour de l'organisation du mariage, et de ce qu'il se passerait une fois celui ci célébré, en faisait parti. Nymor conserverait-il son avis sur Ser Tobin ou changerait-il d'avis ? Avait-il été si avenant avec son jumeau ou jouait-il un jeu de séduction autour de sa personne ? Qu'attendait-il d'elle ? Elle n'arrivait pas à trouver des réponses à toutes ses questions, mais parvenir à mettre des mots sur ce qui la taraudait l'aidait à se détendre. C'était autant de questions qu'elle pourrait poser à Nymor lorsqu'il arriverait à Salrivage.  

« Lady Daria ? » Elle sursauta, ratant la ligne qu'elle était en train de dessiner. Levant les yeux vers l'intrus, elle rencontra le regard sombre de son promis, lequel finit par observer le dessin, la poussant à faire de même. La vue de son ouvrage gâché par la ligne ratée l'a fit soupirer et elle reposa le flacon de sable rose qu'elle tenait jusque là. « Je ne pensais pas que vous étiez si concentrée, pardonnez moi. » lui dit-il en se rapprochant doucement tandis qu'elle rangeait les fioles de sable dans une boite de bois. « Ce n'est rien. » répondit-elle sobrement, s'apprêtant à faire disparaitre le dessin. Elle aimait l'aspect éphémère de cet art, les heures passées qui s'envolaient avec le vent, emportant autant le sable que les questionnements de son auteur. Tandis qu'elle soufflait sur le motif, Daria remarqua le silence du dornien dont le regard était toujours fermement fixé sur elle. « Puis-je vous aider en quoi que ce soit, Ser Tobin ? » finit-elle par lui demander tout en reprenant sa place sur le sol afin de dégager, d'un frottement de la main, les derniers vestiges colorés de son activité passée. A sa grande surprise, Tobin l'y rejoint, d'asseyant par terre avec un mélange d'élégance et de nonchalance. « Votre soeur danse à merveille mais ... Je m'inquiétais de ne pas vous voir. J'ose espérer que vous vous sentez bien ? » Elle fut touchée par sa prévenance et son agacement de le voir débarquer finit par se tarir. Il était agréable à regarder, mais se présentait également comme agréable à vivre. Lui qui la connaissait si peu s'était mis à sa recherche en constatant son absence. C'était une délicate attention. « Sylvenna sera heureuse de savoir que vous appréciez son talent. Je crains de ne pas avoir autant de grâce à la danse malheureusement ... » Elle dansait tout juste ce qu'on attendait d'elle mais elle finissait rapidement par tomber dans des mouvements et des déhanchement peu conventionnels qui finissaient toujours en vifs éclats de rire. Une particularité qu'elle gardait pour elle pour l'heure. « Mais tout va bien, je vous l'assure. J'avais juste besoin de ... » Elle ne savait trop qu'en dire. Ne serait-il pas vexé de savoir qu'elle ne parvenait à déterminer ce qu'il provoquait chez elle ? D'être le centre de son envie de solitude et de réflexion ? « Toute cette agitation est fatigante n'est-ce pas ? » dit-il sans lui laisser le temps de trouver les mots pour finir sa phrase. Elle eut un léger sourire et hocha la tête. Se pouvait-il qu'ils partagent ce sentiment d'oppression qu'apportait la date toujours plus proche de leur union ? « Je vous aurai pensé plus enjoué à l'idée de nos noces ... » lui dit-elle d'un ton taquin auquel il répondit par un rire. « Je suis le neveu d'un seigneur qui a déjà une grande descendance. Je ne pensais pas être amené à me marier un jour, Lady Daria. Pas sans que cela soit de mon propre chef. » Elle hocha la tête, songeant à ce qu'il venait de dire. Elle ne s'offusqua guère d'entendre la deuxième partie de son propos: il était vrai que plus on s'éloignait du siège seigneurial, plus souples étaient les exigences, notamment au niveau du mariage. « Vous êtes un parti auquel je n'aurai même jamais songé mais ... Je suis heureux que Ser Nymor m'ai trouvé digne de votre personne. Vous êtes bien plus belle qu'il ne l'avait laissé sous-entendre. » Ses joues rosirent sous le compliment, le choix de son jumeau revêtant soudainement une nouvelle signification. « J'espère que les années nous permettront de saluer ce choix et d'apprécier la présence l'un de l'autre. J'aime à penser que si vous n'étiez héritière, si nous avions pu nous rencontrer avant, dans d'autre circonstances, peut être en serions nous là également. » finit-il par dire avec un sourire enjôleur. Daria demeura énigmatique, se levant, sa boite en bois entre les mains. « Vous êtes bien flatteur, Ser Tobin. J'espère que ce n'est pas la seule qualité que mon frère bienaimé vous a trouvé. » répondit-elle d'une voix neutre, désireuse de voir la réaction du jeune homme. Tobin Le Voi rit à nouveau. « Je vous le montrerai, ma dame. » répondit le Le Voi sans en dire plus. Elle hocha la tête sans un mot, prenant la direction de l'intérieur de la demeure, tête haute. Il lui avait dit qu'il la trouvait belle, mais qu'au delà de cela, et de son héritage, il espérait plus. Peut être plus qu'elle pourrait jamais lui donner. Toutefois, Daria s'arrêta à la lisière de l'ombre fraiche de la demeure. « Si cela vous intéresse ... J'aime dessiner dans la fraicheur du petit matin. Demain. Nous pourrons parler davantage. » lui dit-elle sans pour autant se retourner, manquant le nouveau sourire de son promis tandis qu'elle le quittait, encore rose des flatteries dont il l'avait gratifié.
 

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Daria Gargalen

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L'obscurité était tombée à l'extérieur et un grand nombre de bougies illuminaient à présent la grande salle de récéption décoré pour l'occasion. De là où elle se trouvait, Daria pouvait apprécier la présence de personne qui avaient été cher à son coeur de jeune femme et qui l'accompagnaient, en ce jour, dans sa vie d'épouse. Elle savait Nymor non loin, auprès de son épouse tandis que ses yeux tombèrent sur les cheveux blonds élégamment relevé de Lady Qorgyle ou sur les couleurs chatoyantes des vêtements du prince Oberyn. Une main se posa sur la sienne, attirant son attention et son regard sur celui qui, à présent, était son époux. Il était particulièrement beau tandis que les bougies accentuaient les reflets gourmands de sa peau, ses yeux brillants sans doute des émotions du jour et de l'alcool des festivités qui avaient suivis.  « Êtes vous saoul, Ser Tobin ? » lui dit-elle à voix basse, lui arrachant un petit rire. « Certainement pas. Je ne manquerai cette soirée sous aucun prétexte. » répondit-il d'un ton amusé. Un peu isolés, ils avaient une vue d'ensemble de l'intégralité de la fête et recevait, par moment, les félicitations de leurs invités pour leurs noces. Les semaines, les lunes passées à s'inquiéter de ce jour avait épuisé l'héritière qui découvrait à présent que ses craintes infondées. Elle n'aimait pas Tobin Le Voi, il n'y avait pas eut de coup de foudre, d'amour au premier regard. Mais les journées qu'ils avaient eut pour apprendre à se connaitre avant le mariage lui permettait d'apprécier l'homme. Il avait de l'humour, une conversation agréable et un désir de les voir devenir amis. Il n'exigeait rien et cela avait rassuré la Gargalen. Ainsi, voilà ce que Nymor avait vu chez lui, s'était-elle dit quelques jours auparavant, baignant dans un bain aux effluves fleuries. Elle n'était peut être pas amoureuse de Ser Tobin, mais elle était optimiste pour leur avenir.

Une main se posa sur son épaule, arrêtant son rire tandis qu'elle faisait face à sa mère. Une moue gênée se dessina sur ses traits tandis que l'instant fatidique arrivait enfin. Tobin l'observa sans un mot, comprenant de quoi il s'agissait, et lui offrit un signe de tête, tel un salut, un au revoir alors qu'elle quittait sa place dans un tintement métallique du au très nombreux ornements qu'elle portait sur sa robe et sur son voile. Elle lança un dernier regard, cherchant Nymor et le courage que lui seul savait lui donner, mais elle ne le trouva pas. Tant pis, songea la dornienne en inspirant profondément, elle ne pouvait plus se cacher derrière lui dès qu'elle était terrifiée par quelque chose. Aujourd'hui, elle devait faire face seule à ce qui l'attendait et demain ... Demain, Tobin serait le bras la protégeant du monde. Elle refusait de penser qu'il remplacerait Nymor. Personne ne remplacerait jamais Nymor dans son coeur ou son esprit. Mais elle était à présent prête. Prête à faire une place à cet homme, prête à s'ouvrir à lui, prête à quitter le confort de sa position pour partager un peu de ce soleil avec lui. Si cérémonie du coucher il y avait, celle ci avait été négocié afin de préserver l'intimité de la future Dame de Salrivage : puisqu'il s'agissait d'une union matrilinéaire, Daria avait estimé pouvoir demander cette faveur lors de l'organisation des noces. Elle refusait d'être déshabillée par une assemblée ivre et menée à son mari, en revanche, en vertu de la coutume, elle savait que cette première nuit serait observée et pour s'assurer qu'on accepte sa condition, elle n'avait rien dit concernant ce point précis. La chambre lui paraissait différente maintenant qu'elle savait devoir la partager avec un époux. Quelques unes de ses affaires avaient, d'ors et déjà, étaient amené ailleurs pour permettre d'installer celle du chevalier Le Voi. Les servantes commencèrent à ôter les très nombreuses couches de tissus rouge et or, aux couleurs de la maison, tandis que Nymella lui retirait ses bijoux. Après quelques minutes supplémentaires pour détacher son épaisse chevelure noire, les servantes quittèrent la chambre laissant la mère et la fille. Nymella posa une main tendre sur la joue de sa première née et Daria s'y laissa aller.

Quelques instants plus tard, elle entendit du bruit, indiquant qu'entraient les personnes chargées de témoigner de la consommation du mariage: elle sentie la boule dans sa gorge prendre de l'ampleur. Tobin fit son entrée, dépourvu de sa veste brodée aux couleurs de sa nouvelle famille mais décoré des léopards noirs des Le Voi. Elle se sentit soudainement toute petite, dans sa chemise de nuit blanche, ses cheveux sombre cascadant sur ses épaules, ses mains et de ses bras encore agrémentées d'arabesque tels des bijoux ancrés dans sa peau. Il s'approcha d'elle, son éternel sourire aux lèvres et, désireuse d'éviter de lui montrer son visage troublé, Daria détourna le regard, tombant sur les bras croisés de certains spectateurs. Tobin posa ses doigts sur son menton, ramenant son attention à lui tout comme son regard, oscillant désormais entre la panique d'une nuit convenus et l'auditoire qui les regardaient faire. « S ... Ser Tobin, je ... » balbutia-t-elle tout en se demandant si Nymor se trouvait dans cette chambre ou si on lui avait épargné cette peine. « C'est juste Tobin, Daria. Juste Tobin. » lui dit-il avant de l'embrasser. « Ne les regardez pas, regardez moi, Daria. Il n'y a que moi. » lui murmura-t-il, ses lèvres frôlant encore les siennes, tandis qu'il la guidant lentement vers le lit. Ce ne fut que lorsqu'on tira pudiquement les voilages blancs qui entourait le lit qu'elle s'autorisa à se détendre, oubliant qu'ils n'étaient pas seuls, oubliant que c'était sa nuit de noces pour se consacrer corps et âme à lui.
 

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Daria Gargalen

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Le soleil déclinait lorsque Daria le trouva. Il regardait l'horizon lointain avec tant de détermination que l'héritière se demandait s'il parvenait à voir l'attroupement des siens parti plusieurs heures auparavant. « Tobin ? Tout va bien ? » demanda-t-elle avec prudence. Le jeune homme se retourna vers elle. Elle portait un sari simple dans des tons mauves et brodé, par endroit, d'arabesques argentées formant des fleurs à quatre pétales. Les mains jointes dans le dos, elle se pencha sur le côté comme si quelque chose l'empêchait de le voir. Les boucles noires de sa chevelure détachée cascadèrent sur son épaule. Un sourire enfantin sur les lèvres, elle l'observait cependant avec une réelle inquiétude dans le regard. Il força son sourire et secoua la tête. « Ce n'est rien. » assura-t-il alors qu'elle s'approchait de lui, ses orbes chocolat fixant le paysage qui s'étalait devant elle. A l'opposé du rivage, auquel ils tournaient le dos, tout n'était que sable une fois passé la magnifique oasis de verdure qui constituait les jardins de Salrivage. La plupart de leurs gens vivaient près de la mer, là où la pêche était facile et où les embruns marins venaient rafraichir l'air en fin de journée. Elle demeura silencieuse à ses côtés, regardant au loin et il lui sembla saisir ce qui le rendait si mélancolique aujourd'hui. Quelques jours auparavant, elle était monté ici également pour regarder le navire d'Arianne et Nymor partir vers Lancehélion. Elle était reconnaissante envers le couple pour avoir fait le déplacement malgré la grossesse de la princesse et l'idée d'être tante pour la première fois lui avait tiré des cris de joie et des rires tandis qu'elle faisait promettre à Nymor de lui envoyer un corbeau dès que l'enfant serait né. Tobin soupira et elle sortit de ses pensées. « Vous n'allez pas partir, n'est-ce pas ? » dit-il sans réellement poser de question. Daria étouffa un rire et secoua négativement la tête. « Non. » dit-elle simplement. Il y eut un silence. Tous deux regardant dans la même direction, celle prise par les Le Voi quittant Salrivage pour regagner leur château. Puis il y eut un rire. Daria se tourna vers Tobin, vérifiant que ses oreilles ne lui jouaient de tour, pour voir son mari rire, lui arrachant alors un sourire satisfait.

Quelques lunes auparavant, elle avait connu cet étrange sentiment. Elle avait lancé de réguliers coups d'œil vers Lancehélion en se demandant si Nymor la regardait du haut d'un balcon. « Sylvenna m'a dit qu'on nous avait amené une grande quantité de crevettes aujourd'hui. » dit-elle comme si de rien n'était. Tobin étouffa un nouveau rire. Le décalage entre la solitude qu'il devait ressentir à cet instant, alors que sa famille quittait le fief des Gargalen sans lui, et la conversation qu'elle tentait d'installer n'y étaient sans doute pas étranger. « Des crevettes, hein ? » dit-il tout en gardant le regard fixé vers le lointain. Elle hocha la tête à nouveau. Le silence s'installa à nouveau. Daria se mordit la lèvre, son regard cherchant Tobin dans sa vision périphérique tandis qu'elle n'osait faire un mouvement pour ne pas briser le moment. Après plusieurs minutes, qui lui semblèrent une éternité, elle ouvrit la bouche.  « Quand Nymor a rencontré sa première épouse, j'ai crains qu'il ne m'oublis pour ne penser qu'à elle. Et puis j'ai appris à la connaitre, à comprendre pourquoi il ne pouvait que l'aimer. Et lorsqu'elle nous a quitté, j'ai cru que sa disparition l'emporterait également. » dit-elle d'une voix grave et solennelle qui fit tourner la tête du Le Voi. Daria, elle, continuait de fixer l'horizon. Ce n'était pas qu'une impression, si elle était arrivée quelques minutes plus tard, les choses auraient pu être dramatiquement différentes.  « Quand il a été annoncé qu'il épouserai la princesse Arianne, j'ai pensé que c'était là une chance pour lui de pouvoir à nouveau gouter au bonheur. Qu'à défaut de l'amour, il aurait quelqu'un pour lui apporter ce que je ne pouvais lui donner, quelqu'un à qui il pourrait parler, avec qui il pourrait rire et envisager un avenir. Quelqu'un qui ne soit pas sa soeur. Mais lorsque nous sommes arrivés à Lancehélion ... Et lorsque nous en sommes partis, ce fut comme être amputé d'une partie de moi. » poursuivit-elle avant de tourner la tête vers lui, un sourire triste sur les lèvres.  « Les au revoir sont toujours les plus tristes, mais ils impliquent de se revoir bientôt. Ce ne sont pas des adieux. Le Voi n'est pas si loin. Peut être pourrions nous y faire une visite d'ici quelques temps ? » dit-elle sur un ton encourageant. Il hocha la tête. Ils demeurèrent silencieux plusieurs minutes avant qu'elle ne glisse sa main dans celle du Le Voi. Il soupira et plongea son regard dans celui de l'héritière. Après quelques secondes, son sourire en coin revint.  « Donc ... Des crevettes ? » rappela-t-il, arrachant un rire à la Gargalen. Tandis qu'elle vantait les mérites des crustacés, elle sut qu'ils s'étaient compris : s'il voulait parler, elle l'écouterait. Elle prêterait une oreille silencieuse à ce qu'il pouvait avoir à dire. Mais si sa pudeur lui faisait garder pour lui ses sentiments, elle respecterait son silence. Peut être était-ce la le premier pas vers cette confiance qu'ils voulaient se donner l'un à l'autre ?
 

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Daria Gargalen

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Des crampes l'avait gardé au lit plus tard ce jour là. Le sommeil avait été long à venir, la veille, et à l'aube, Daria s'était réveillée avec la désagréable sensation d'avoir les cuisses poisseuses. Lorsqu'un peu plus tard, somnolente, elle avait senti Tobin quitter leur lit et la chambre, elle avait repoussé les couvertures pour constater la teinte écarlate qu'une tâche avait dessiné sur sa chemise de nuit. Avec le mariage, les invités et leur départ, Daria avait eut du retard. Un retard de quelques semaines qu'elle avait commencé à interpréter comme une heureuse annonce à faire à sa famille mais la tâche rouge venait contredire ce qu'elle avait imaginé. Elle n'était pas enceinte. Pas encore. Après s'être nettoyée et changée, Daria s'était recouchée, attendant que son ventre cesse d'être douloureux comme il l'était régulièrement à cette époque du mois. Sa servante avait prévenu la Dame de Salrivage de l'indisposition de sa fille, laissant à la jeune femme un peu d'intimité et de solitude. Le soleil était haut lorsque Tobin revint auprès d'elle, la surprenant tandis qu'elle ressassait la présence de ses menstruations. Daria fut surprise de l'inquiétude qu'elle lisait sur les traits de son époux -le qualificatif était toujours difficile à employer- mais elle le rassura rapidement, assurant qu'elle allait bien que sa fatigue n'avait rien d'inhabituel. Tobin sembla comprendre de quoi il s'agissait et Daria ne sut si ce fut ses paroles ou un coup d'oeil vers le linge humide et rosé demeuré sur le rebord du bol d'eau qui le mit sur la piste. « N'êtes-vous pas déçu ? » finit-elle par demander après plusieurs minutes de torture qu'elle s'infligea à elle-même pour s'empêcher de parler. Tobin s'assit sur le lit et étouffa un rire dans un sourire bienveillant. « Pas vraiment. » répondit-il simplement, arrachant à sa femme un haussement de sourcil qui accentua la courbe de ses lèvres. « Daria, je n'ai jamais caché que je ne m'imaginais père dans l'immédiat. En réalité, je n'ai jamais pensé avoir des enfants un jour ... » admit-il en repoussant une mèches brune qui venait de glisser sur le front de l'héritière. « Je sais quel est notre devoir envers Salrivage, envers votre ... Notre famille. » Se corrigea-t-il presque tout de suite. Daria esquissa un sourire. Il s'habituait petit à petit à cette vie et était de fort bonne compagnie et le voir considérer ses proches comme sa famille lui réchauffait le coeur. « Mais j'apprécie que nous ayons le temps de nous connaitre, de partager des instants à deux avant qu'un enfant ne vienne vous ravir à moi. » Elle ne put s'empêcher de sourire, retrouvant dans ses mots, la douceur et la flatterie de leurs premiers échanges. Il était vrai que leurs premières conversations avaient mis au jour l'étrangeté qu'il ressentait d'être prochainement marié.

Prise dans ses pensées, Daria en fut arrachée par le bruit des bottes que Tobin retirait, lui arrachant une nouvelle mine interrogative avant de le voir s'allonger à ses côtés dans le lit. « Que faites-vous ? » lui demanda-t-elle tout en se décalant pour le laisser prendre place sur les oreillers, bras croisé derrière la tête, agacée par le sourire satisfait qu'il arborait. « Ne le voyez-vous pas ? Je vous tiens compagnie, bien sur. » rétorqua-t-il le plus naturellement du monde. Daria cligna les yeux, surprise de la manière qu'il avait de se montrer aussi franc et impulsif et laissa un gloussement s'échapper de sa gorge. « Ah bien ! Le voilà, ce rire que je voulais entendre. » commenta le Le Voi avec un rictus moqueur qui lui fit gagner une tape sur le bras. Ils rirent quelques secondes avant de demeurer dans un silence brisé uniquement par le son de leurs respirations et, reprenant sa place, Daria vint déposer sa tête contre l'épaule de son mari. « Prenez garde, je pourrais m'y habituer. » l'avertit-elle, fermant les yeux quelques secondes. Un rire secoua le jeune homme et arracha une grimace à la dornienne. Ils demeurèrent ainsi quelques instants, silencieux, pensifs. « Parlez moi de Salrivage, Daria ... Racontez-moi ce que vous avez vécut ici. » lui demanda-t-il. Elle se redressa sur un coude, l'observant de ses orbes sombres mais aucune trace d'humour ne transparaissait sur ses traits. « Me parlez-vous de Le Voi en échange ? » lui demanda-t-elle. Il hocha la tête. Elle se réinstalla contre son épaule, les mains jointe sur son ventre encore douloureux, bien que de penser à autre chose sembla estomper la force de ses crampes. « Très bien. » répondit-elle dans un faux soupire qui secoua une nouvelle fois Tobin.

Et elle se mit à lui raconter.
L'histoire du jour de sa naissance. Ses jeux avec Nymor dans la cour du palais. L'arrivée d'Alvar dans ce duo gémellaire soudés sans pareil. Le départ de son jumeau pour son écuyage. Sa proximité avec Elmar. Elle lui raconta tout.
 

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« Je m'attendais à ce que vous vous cachiez pour pleurer et je vous retrouve en train de ... » Tobin l'observa d'un oeil interrogateur, scrutant le parchemin qu'elle avait déroulé contre le bois de la table. « Que faites-vous d'ailleurs ? » demanda-t-il tout en se laissant tomber face à elle sur une chaise, son menton trouvant une place naturelle dans la paume de sa main. Daria, qui avait tenté d'oublier l'intrusion de son époux dans son activité présente soupira et, non sans lever les yeux au ciel, fixa ses orbes sombres dans celle du dornien. « J'écris une lettre, cela ne se voit-il donc pas ? » rétorqua-t-elle sans plus de précision. Tobin afficha une mine ennuyée tandis qu'il la regardait gratter le parchemin de sa plume délicate, les multiples bracelets dont son poignet était parsemé, tintant en rythme régulier. Tobin soupira et remarqua la légère crispation des doigts de la jeune femme. Après quelques seconde, Daria l'entendit réitéré le soupire tandis qu'un froissement d'étoffe signalait qu'il changeait de position. Au bout du cinquième, elle poussa un léger cri et reposa brutalement sa plume pour braquer une oeillade assassine sur l'intrus. « Qu'y-a-t-il donc ?! » lui dit-elle, l'agacement perçant dans sa voix. Il eut un sourire en coin qui lui donnait envie de lui arracher les yeux. La plupart du temps, il s'entendait bien, mais lorsque le chevalier désirait se montrer taquin, c'était bien souvent sa femme qui en faisant les frais. « A qui écrivez-vous donc ? » demanda-t-il simplement, arrachant un hoquet de surprise et d'indignation à la Gargalen. Avait-il toujours été aussi ... Aussi ... « A votre avis ! A Nymor pardis. » railla-t-elle comme si c'était l'évidence même. Son jumeau l'avait quitté depuis quelques jours, quelques semaines et déjà il lui manquait. De plus, elle se devait de le tenir informer de ce qui advenait de Salrivage, quand bien même il aurait eut l'annonce officielle de la main de leur père.

Leur grand-mère s'était éteinte dans son sommeil. D'un âge respectable, elle avait rejoint ses ancêtre apportant une vague de deuil sur la maison Gargalen. Daria doutait, avec la naissance prochaine de son enfant et la distance à parcourir alors même qu'il venait de rentrer à Lancehélion, que Nymor puisse être présent aux funérailles, mais cela n'empêchait pas la douleur de la perte d'être présente. Et même à des lieues l'un de l'autre, elle voulait toujours lui offrir son oreille attentive et son épaule bienveillante. Tobin garda le silence jusqu'à ce qu'elle déposa la fine poudre assurant à l'encre de ne pas baver et ne souffle dessus pour en ôter le surplus. « Vous êtes une étrange personne Daria ... » dit-il, l'empreinte de sa paume dessinant une marque plus foncée sur sa peau hâlée. Daria leva un sourcil, interrogative mais dans son silence, elle l'invitait à expliciter. « Je n'arrive pas à savoir si vous être triste ou détachée. » confia-t-il, arrachant un sourire contrit à l'héritière. Elle prit le temps de cacheter sa lettre et de la déposer dans une petite coupelle d'or où on viendrait la chercher avant de reporter toute son attention sur son mari. « Je suis triste. C'était ma grand-mère et je lui ai toujours voué un grand respect et une profonde affection. Mais ... Il y a une chose que j'ai appris cette année entre nos noces et celles de mon frère : nous avons un devoir. » commença-t-elle en posant une main sur l'épaule du chevalier. « J'ai un devoir en tant qu'héritière mais également en tant que soeur. Nous avons tous deux décidé que reporter la conception d'un héritier était ce qu'il y avait de plus intelligent à faire à cette heure mais ... Que ce soit en tant qu'héritière ou en tant que Gargalen, je ne peux m'effondrer à la moindre tristesse. » Poursuivit-elle avec gravité. Dès lors qu'il avait été évident que les relations avec la Couronne n'étaient plus ce qu'ils étaient et que la guerre ne tarderait pas à éclater de l'autre côté des montagnes rouges, ils avaient choisis d'attendre des temps plus propices à la naissance d'un enfant. Après tout, Daria avait un frère pour lui succéder si, d'aventure, ni Tregar, ni elle, ne survivait et la famille était loin d'être au bord de l'extinction. Mais la brune gardait cependant un sens du devoir qu'elle se forçait à écouter, à servir. Elle était un soleil brulant, une joie de vivre personnifié et elle ne voulait pas que les repères de ses cadets soient bouleversés, si tôt après la mort de leur grand-mère, par les états d'âme de l'héritière. « J'ai promis à mon frère que je prendrais soin des autres et je m'y tiendrais. Mais cela ne veut pas dire que le deuil m'est plus facile. » conclut-elle avant de quitter la chambre, résolue à retrouvé sa cadette pour la soutenir dans sa tristesse.
 

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