Port-Lannis avait beau être une des villes les plus riches de Westeros, elle n’en comptait pas moins des quartiers misérables dans lesquels s’entassaient les pauvres de façon sordide. Des enfants qui mendiaient dans les rues, le visage dévoré par la faim, des gens se faisant dépouiller au vu et au su de tous, de la manière la plus éhontée. Les gardes des Lannister, la milice de la ville, les manteaux rouges, arpentaient le quartier des plaisirs en tabassant avec leur lance les importuns qui troublaient trop l’ordre public. Le bordel le plus infâme était une cabane en adobe au toit presque effondré. Une allure de taverne à l’intérieur, mais en vérité une auge semblable au bordel de la Mole dans le Nord. Les clients jouaient à chasse-chagatte avec les catins et allaient dans les chambres pour s’embourber avec. On y trouvait aussi des hommes recherchant des hommes.
A une des tables se trouvait un colosse au physique de lutteur et aux bras puissants. Encadrés par deux mignons car son goût se portait pour les hommes, il faisait des parties de bras de fer contre de l’argent avec le tout venant. Les joueurs défilaient à la table, à tenter de le vaincre sans succès au bras de fer contre une bourse d’argent qui était en jeu. Abandonnant tous au fur et à mesure des pièces qui venaient gonfler la bourse. Le colosse s’esclaffait tout haut :
« Bande de mauviettes, pas un seul d’entre vous n’est capable de venir à bout de mon bras ! Tavernier ! Du vin ! Ce soir je vais juter dans un beau garçon, il me faut des forces pour tenir toute la nuit ! Ah ah ah ! »
C’est alors qu’apparurent des frères mendiants allant pieds nues et vêtues de robes de bure. Ils avaient gravé sur le front l’étoile à 7 branches de la Foi. Le colosse ébahis demanda à un de ses gitons :
« Que foutent-ils là ? Je croyais que les moineaux ne supportaient pas ces endroits ? »
« Ces temps-ci ils se baladent souvent dans les bordels à essayer de convaincre les gens de ne pas copuler, tout ça… »
« Mouahaha ! Quelle perte de temps ! »
Le groupe de religieux s’avança vers la table, ils étaient guidés par Lancel Lannister qui parla :
« Bonjour à toi. Nous avons besoin d’argent. Une veuve qui a perdu son mari récemment est venue au Septuaire pour nous supplier de l’aider, elle a 5 bouches à nourrir. Les dieux dans leur compassion aideront cette femme. Il nous faut cette bourse sur la table. Nous savons que tu l’as bien mal acquise en jouant à l’épreuve de force avec ton bras. Les dieux réprouvent le jeu. »
« Ah ah ! Vous voulez la bourse ? Faîtes comme les autres ! Défiez-moi ! On verra si vous êtes capable de vaincre mon bras ! »
Et il exhiba son bras dénudé en jouant des muscles pour leur montrer son impressionnant biceps.
« C’est ce que nous allons faire, les dieux sont avec nous, ils nous donneront la force. Le bon droit est juste. La veuve aura cette bourse. »
« Hi hi ! Et où est le champion qui me terrassera au bras de fer ? »
« Ça sera moi. »
« Quoi ? Mais tu es maigre comme une trique ! »
Lancel prit place face à lui à la table et déposa une pièce dans la bourse.
« Qu’importe, les dieux me soutiennent. Ils me donneront la victoire. Ma piété est ferme et ma cause est juste, je ne peux pas perdre. »
Les gens se réunirent autours de la table pour assister à ce bras de fer entre ce religieux stupide qui croyait pouvoir battre ce colosse et le monstre hilare assis en face de lui. Evidemment cela ne dura qu’un bref instant et Lancel fut battu à plate couture. Lancel se releva indigné, tous comme ses frères de la Foi qui avaient été persuadés comme lui qu’il gagnerait car soutenus par les 7 dans leur noble cause.
« C’est impossible ! Les dieux ne peuvent tolérer ceci. Je ne comprends pas. »
Lancel aperçut alors dans le bordel un individu qui tranchait totalement avec les autres gueux par son apparence. L’individu en plus d’être habillé avec goût, semblait bien fait de sa personne. Lancel murmura à ses comparses :
« Regardez mes frères, c’est un signe du guerrier. Aucun homme riche ou puissant ne s’aventure dans ce cloaque. S’il est là c’est qu’il nous a été envoyé par les dieux. C’est un signe. »
Lancel et les moineaux s’approchèrent vivement de Lyn Corbray (car évidemment c’était lui) et l’encerclèrent en lui jetant des regards admiratifs.
« L’ami, vient avec nous, en vérité nous te le disons, ce sont les dieux qui t’envoient. Tu apparais au moment même ou nous luttons pour une juste cause, ce n’est pas un hasard. »
Et sans même écouter l’avis de Lyn sur la question (car ils n’en avaient strictement rien à faire) les religieux le poussèrent, l’agrippèrent par les manches et le trainèrent tous en même temps de force vers la table.
« Votre attention ! Voyez la volonté divine s’accomplir ! Le guerrier nous inspire par cet homme. Il va terrasser le sodomite et remporter la bourse pour la veuve ! »
Les badauds s’attroupèrent autour de la table alors que Lancel déposait une pièce dans la bourse, tous excités à l’idée de voir le prochain bras de fer. Les frères mendiants assirent Lyn de force face au colosse qui s’amusait de la situation. Puis ils dénudèrent le bras de Lyn sans lui demander son avis. La foule contempla le biceps du nouvel adversaire. Les murmures coururent dans toute la taverne et tout le monde se mit à prendre les paris sur qui gagnerait le prochain bras de fer. Des catins firent les yeux doux à Lyn, Lancel les chassa. Un frère mendiant chuchota des prières dans l’oreille de Lyn. Lancel lui chuchota dans l’autre oreille.
« Les dieux t’ont choisis, ce n’est pas un hasard tu es marqué par la grâce. »
Mais les paroles des deux religieux étaient noyées dans le brouhaha des cris autours de la table :
« 1 pièce sur le beau-gosse ! »
« Paru tenu ! »
« Tu plaisantes ! Le grand va lui démonter le bras ! »
« Mais non, tu n’as pas entendu ce que le frère a dit ? C’est le guerrier qui l’envoi ! »