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Whispers in the Leaves [ft. Byron Flint]

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Whispers in the leaves
@Byron Flint & Kylis Omble


An 302, lune 12, semaine 1 | Bois sacré de Winterfell
Winterfell fourmillait d’une effervescence anxieuse. Partout, on s’affairait à préparer la terrible bataille qui s’annonçait. Kylis n’apercevait Robb qu’au dîner, et encore, celui-ci était souvent interrompu par l’arrivée de tel banneret ou de tel stock de nourriture. Elle aidait du mieux qu’elle le pouvait, tachant d’assister lady Catelyn dans les divers préparatifs ; on la congédiait souvent, lui conseillant plutôt de prendre du repos. C’est vrai que lady Omble n’avait pas fière allure : des cernes violacées se dessinaient sous ses yeux gris verts, et elle était d’une maigreur maladive. Les cauchemars la tenaillaient durant les longues nuits hivernales, et elle s’éveillait souvent avant l’aube, transpirante et tremblante, les larmes coulants sur ses joues creusées.

Ce matin-là ne l’avait pas épargné. Kylis se réveilla en sursaut, ses boucles brunes collant à sa peau fiévreuse. Elle se leva prestement, enfilant une robe chaudement doublée de fourrure, une paire de gants, et les épaisses chaussures que les Nordiens connaissaient bien. Elle acheva sa toilette en passant un immense châle duveteux, s’en servant comme d’un capuchon pour éviter de recevoir de la neige dans ses cheveux encore emmêlés. Le soleil n’avait pas encore commencé à poindre derrière les carreaux : elle aimait ce moment entre chien et loup, où elle croisait peu de monde. Certes, la plupart des serviteurs s’affairaient déjà, mais certains recoins du château demeuraient calmes. C’était le cas du Bois Sacré de Winterfell, un endroit qu’elle affectionnait particulièrement. Celui d’ Âtre-lès-Confins faisait pâle figure à côté de la magnificence tranquille de l’antre des Anciens Dieux de la forteresse au loup-garou. Dès qu’elle en passa l’entrée, elle se détendit humant l’odeur agréable d’humus qui s’en dégageait. Depuis son arrivée, elle s’y rendait presque tous les jours, comme elle le faisait déjà dans la demeure de ses aïeux. Elle s’agenouillait dans la neige en face de l’immense barral, laissant le froid la pénétrer et la figer telle une statue de glace. Là, immobile et les yeux clos, elle priait longuement ces dieux qui semblaient s’acharner sur son peuple. Elle leur demandait de lui ramener Jonothor, son aîné devenu frère juré de la Garde de Nuit, dont elle ne savait s’il était vivant où s’il avait rejoint la terrible armée des morts prête à s’abattre sur eux. Elle les suppliait d’épargner le reste de sa famille, ceux que les sauvageons ne lui avaient pas déjà violemment pris. Elle se répétait sans cesse la même litanie : pas un de plus, je vous en prie, pas un de plus… Et se trouvait même à ressentir de la colère envers ces forces qui leur envoyaient des ennemis presque invincibles, la mort personnifiée, pour anéantir leurs rêves et leurs espoirs.

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Whispers in the leaves


« Winterfell | An 302 lune 12, semaine 1 »
A l'heure où l'aube blanchissait le ciel nocturne de ses premiers rayons, le campement s'éveillait doucement. S'éveillait... Le terme était bien inexact car, pour tous, plus les jours passaient plus l'imminence de notre rencontre avec les créatures de nos légendes tenaillaient les consciences et les tripes et rendait tout sommeil difficile, voire impossible. Pourtant du repos, nous n'en aurions jamais assez face à ces ennemis qui ne se fatiguaient pas. L'humeur, ce matin, était morose parmi nos hommes, cela pouvait se ressentir aussi sûrement que le froid qui pénétrait nos corps malgré nos épaisses couches de cuir et de fourrure.

Moi aussi, j'avais peu dormi, et mal encore même pour ce peu là. Mon cœur était lourd de cet éloignement forcé avec les miens restés là-bas, près de la côte. Ceux que j'avais laissé depuis maintenant plusieurs lunes, sans certitudes de retrouvailles. Nos adieux n'avaient pas été tristes, car la menace d'alors n'était pas celle d'aujourd'hui. J'avais promis un retour rapide et ce matin, je n'avais plus aucune certitude de pouvoir honorer cette promesse. Ce vague à l'âme, il me fallait le taire pourtant, le dissimuler et l'enfouir dans les tréfonds de mon être car il n'était sûrement pas différent de celui des hommes que j'avais sous mon commandement. Quel meneur d'hommes serais-je si je laissais mes doutes et mes angoisses leur apparaître en plein jour? Pour eux, je me devais d'être un chef de guerre solide et fiable et croire en nos forces et en nos chances de vaincre.
Aussi, je m'étais extirpé de ma tente avant même que le soleil ne rougeoie à l'est, m'assurant ainsi de ne croiser le regard de personne. Car ce matin, je pressentais que je serais bien trop mauvais comédien et ne parviendrait que difficilement à donner le change... Je cherchais le refuge d'un endroit que je savais calme et bien souvent désert, loin du tumulte du camp.

En pénétrant dans le bois sacré de Winterfell, accueilli par la quiétude et le silence, je sentis un poids s'envoler de mon cœur et le nœud qui serrait ma gorge la libérer peu à peu. Je trouvais une pierre, un peu à l'écart, et m'y assis. Ce fut seulement à ce moment que j'osais sortir cette précieuse relique de l'écrin de mes vêtements, que je conservais tout contre mon cœur.
Elle me dévisageait avec un sourire et un regard rieurs, sa peau douce effleurait mes doigt comme une caresse et j'arrangeais ses cheveux en bataille d'un geste tendre. Il y a quelques instants, poser les yeux sur elle m'aurait inévitablement fait refouler des larmes que je voulais étouffer en même temps que ma peur. Mais à présent, dans ce sanctuaire, les souvenirs qu'elle faisait remonter à la surface étaient paisibles et sereins, et n'avaient plus rien de douloureux.

Mina veillait bien sur moi. Serena serait si heureuse de savoir que son propre sacrifice -celui de sa poupée de chiffon, le seul qui ait véritablement un sens pour une petite fille de trois ans- n'avait pas été vain. Se pensant suffisamment grande pour ne plus en avoir besoin, ou en tout cas pas plus que son père qui se trouverait si loin de chez lui dans la rigueur de l'hiver, elle me l'avait cédée avec instance et une petit lueur de fierté dans le regard. Je portais la poupée jusqu'à mes narines pour en inspirer l'odeur. Par chance, celle, enfantine, de ma fille était toujours imprégnée dans le tissu et je la laissais emplir mes poumons tandis que je fermais les yeux. Comme elle me manquait. Comme ils me manquaient tous. Comme j'espérais avoir la chance de la lui rendre.

Enveloppé dans mes souvenirs, je n'avais pas entendu les pas dans la neige, en revanche les échos feutrés d'une douce voix qui répétait sans fin la même litanie encore et encore vinrent me tirer de ma contemplation. Je devinais que le tronc du barral nous dissimulait l'un à l'autre et rasséréné par ce bref moment de solitude, je songeais à me retirer du bois, afin de laisser la dame qui venait d'arriver après moi seule avec les Anciens.
En contournant l'arbre sacré, je vis sa silhouette frêle, agenouillée et recroquevillée, toute entière à la ferveur de sa dévotion et un élan de compassion me saisit. J'osais briser ses prières en desserrant les lèvres, d'une voix tout juste assez forte pour être entendue sans pour autant effrayer l'inconnue:

"Demoiselle, vous ne devriez pas rester ainsi dans la neige. Allons, vous allez attraper la mort..."

Une expression bien étrange alors qu'elle se trouvait presque à nos portes. J'esquissais quelques pas en sa direction, puis m'inclinais pour lui offrir ma main à saisir pour se relever. Au regard qu'elle levais sur moi, je sentais toute la détresse de cette jeune âme qui était moins vieille que celle de mes deux aînés. J'ignorais tout de ses tourments et de cette litanie qu'elle adressait aux Anciens, mais il m'était difficile de rester insensible à la douleur que j'entendais crier dans la profondeur de ses prunelles. Aussi, j'affirmais doucement:

"Et les prières deviennent bien moins audibles en cas de refroidissement..." Un sourire de compassion s'esquissa entre mes joues broussailleuses et dessina deux fossettes. "Songez à toutes celles qu'ils ont à entendre par les temps qui courent..."

Oui les Anciens avaient fort à faire. A l'aube d'une rencontre avec la mort elle-même, beaucoup d'entre nous se trouvaient une foi qu'ils n'avaient plus eu depuis longtemps et je ne faisais pas exception.
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@”Byron Flint” & Kylis Omble


« An 302, lune 12, semaine 1 | Bois sacré de Winterfell »
La foi des Nordiens était quelque chose de difficilement définissable. La religion des Anciens Dieux ne s'enorgueillissait pas de rituels pompeux, de formules litaniques ou de représentants sacrés. Chacun avait sa propre conception de la chose, et si Kylis ne s’était jamais considérée comme particulièrement pieuse, elle ressentait le besoin de communier solennellement avec l’étrange visage de l’arbre-coeur, qu’il s’agisse de celui d’ Âtre ou de celui de Winterfell. Depuis que la dimension prophétique de ses rêves s’était confirmée, elle voulait croire qu’il s’agissait d’avertissements divins. Quand à Leurs objectifs, son coeur balançait au gré de son humeur : dans ses bons jours, la jeune fille pensait qu’Ils voulaient lui permettre d’éviter ce funeste destin ; dans les mauvais, elle y voyait une malédiction, un malheur de plus ajouté à la liste de ses tourments. Alors elle se rendait au Bois Sacré, et se sacrifiait au froid pour supplier leur miséricorde.

La morsure du froid l’avait pénétré jusqu’à l’os. Elle ne grelottait plus, désormais habituée à l’exercice. Les sons alentours ne parvenaient plus à ses oreilles : ni le brouhaha lointain du camp qui s’éveillait, ni le léger bruit de la neige qui tombait paresseusement, ni le murmure du vent. Une voix, cependant, vint la tirer de sa prière. Elle en sursauta presque, arrachée à sa sourde douleur, mais le ton se faisait prévenant :

Demoiselle, vous ne devriez pas rester ainsi dans la neige. Allons, vous allez attraper la mort...

Kylis ouvrit les yeux et découvrit alors à qui appartenait cette voix douce et grave. Un homme, qu’elle jugea comme étant un Nordien au vu de son physique, se tenait à quelques pas d’elle. Il était vêtu comme un guerrier, mais sa posture comme le choix de ses mots indiquait qu’il appartenait à la noblesse. Elle ne le reconnut point ; pourtant, elle en avait découvert, des visages, depuis qu’elle et sa famille s’étaient réfugiés à Winterfell. Il s’approcha d’elle et lui offrit sa main pour l’aider à se relever, et elle la saisit, tremblante, ses doigts blafards semblables aux osselets avec lesquels elle s’amusait tant, enfant. Alors qu’il l’aidait à se mettre debout, ses prunelles grises vinrent trouver celle de l’inconnu. Elle aurait voulu le remercier, justifier son étrange comportement, faire preuve de toute la politesse qu’on lui avait enseigné : mais tous les mots du monde ne pourraient expliquer ce que son regard trahit à cet instant. L’aimable Nordien le comprit aussi et reprit :

Et les prières deviennent bien moins audibles en cas de refroidissement… Songez à toutes celles qu'ils ont à entendre par les temps qui courent…

L’homme afficha un sourire compatissant. Lui aussi devait être ici pour se recueillir. Kylis se mit à grelotter, son corps engourdi par son inactivité. Elle détourna le regard, hocha lentement la tête et répondit :

Elles doivent toutes demander la même chose.

Pas un de plus, songea-t-elle avec amertume. Combien mourraient, dans quelques jours ? Combien seraient arrachés à leurs familles par ces monstrueuses créatures qui hantaient ses rêves ? Elle releva la tête et dévisagea un instant l’homme aux yeux clairs comme le ciel d’hiver.

Priiez-vous aussi les Anciens Dieux, messire ?

Après tout, c’était l’apanage de presque tous les Nordiens. Là-bas, au delà des murailles de la forteresse des Stark, certains priaient les Sept, d’autres encore un dieu de la lumière au nom obscur. Tous ces dieux suffiraient-ils à vaincre la volonté de la mort elle-même ? Ou n’était-ce là que le dernier rempart de l’homme contre le désespoir à l’idée d’une bataille d’un tel enjeu ?

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« Winterfell | An 302 lune 12, semaine 1 »
Je dénouai la pelisse que je portais autour des épaules et j'en enveloppais l'inconnue. Le geste était naturel, sans calcul, comme j'aurais pu le faire envers l'un de mes propres enfants ou comme j'aurais aimé qu'on le fasse envers l'un d'entre eux. Par sa frêle constitution, la jeune fille que j'avais devant moi, le bas de ses jupes imbibé de neige fondue, le corps secoué de tremblements, les doigts et les lèvres bleuies, me semblait en avoir plus besoin à cette heure. Après des semaines passées à l'intérieur du camp, le voyant se grossir chaque jour un peu plus de soldats venus de toutes les contrées du continents, j'en étais venu à oublier que Winterfell était également devenu le refuge de tous les exilés forcés des terres les plus septentrionales. Femmes, enfants, vieillards...
Cette prise de conscience n'en rendait la perspective des combats à venir que plus cruciale encore. Parce que, boucliers du Nord, ceux que nous devions défendre ne se trouvaient pas que des milliers de lieux plus au Sud, visages inconnus et étrangers. Ils seraient là, derrière des murs qui, seuls, n'arrêteraient pas la Mort et ceux qui l'apportaient avec eux. Cette pensée, autant que le visage juvénile qui se tenait devant moi, m'étreignit d'émotion et d'empathie. J'avais peur, mais je savais me battre et me défendre. Lorsque mes doigts se refermaient sur la garde de mon épée, lorsque je sentais son poids dans ma paume, alors je ne me savais plus seul face à la mort. Mais qu'en serait-il pour elle si nos défenses devaient tomber? A sa question, je répondis par un hochement de tête:

"J'aime à croire qu'aucune de nos pensées profondes ne leur demeurent inconnues. J'étais simplement venu chercher la solitude et le recueillement de celui qui se trouve loin de chez lui et des siens."

J'avais toujours considéré la présence des Anciens comme d'agréables fantômes, invisibles aux yeux des Hommes mais les accompagnant sous diverses formes tout au long de leur existence.  Et si je n'étais pas des plus pieux, ni n'avais la manière de les murmurer comme l'inconnue, mon cœur abritait pourtant bien des prières adressées à nos dieux. Pour ma femme, afin qu'elle ne devienne pas veuve trop tôt, ni privée d'un fils aimé. Pour notre ainé, ici avec moi, afin qu'ils me laissent faire le don de ma vie plutôt que la sienne. Pour notre fils cadet, afin qu'il ne se trouve pas accablé d'un titre d'héritier dont il n'avait jamais souhaité. Pour ma fille, afin qu'elle ne se perde pas dans les chemins de la vie si je n'étais plus là pour la guider. Pour mes deux plus jeunes, afin que les événements qui allaient se jouer ici ne les privent pas d'avenir. Et pour eux tous, que nous ne faiblissions point. Je désignais avec un sourire la poupée de Serena serrée entre mes doigts:

"Heureusement, ma compagne n'est pas des plus prolixes..."

Oui, c'était une bien étrange mais bien douce compagne en ces temps tourmentés, sa seule présence portait en elle toute la chaleur de notre foyer, ainsi que les rires et la tendre affection de ma petite dernière et suffisait à m'en sentir un peu moins privé.
Mon attention se reporta sur la jeune fille qui semblait reprendre un peu de couleurs. Elle aussi était sûrement venue chercher la solitude, pour épargner aux siens l'angoisse qui devait lui serrer le cœur, et qui ne trouvait alors d'autres interlocuteurs que les dieux. Je me souvenais suffisamment de mes jeunes années, et j'avais assez vu faire mes enfants, pour savoir combien les jeunes gens savaient dissimuler leurs états d'âme pour protéger ceux qui leur sont chers alors même que ce devrait être naturellement l'inverse. Je lui assurais doucement:

"Je n'ai aucun pouvoir mystique, ni la capacité d'accéder à aucune prière, mais si vous voulez vous libérer un peu le cœur de vos tourments, mon oreille vous est attentive..."
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HJ:
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@”Byron Flint” & Kylis Omble


« An 302, lune 12, semaine 1 | Bois sacré de Winterfell »
Sorti de sa torpeur, le corps de Kylis tremblait comme une feuille aux prises avec le vent glacial de l’hiver. Elle sursauta presque en sentant les mains de l’homme ajuster la pelisse qu’il venait d’ôter autour de ses frêles épaules. Elle remercia ce geste bienveillant du bout des lèvres, sa voix enrouée par les pleurs et les prières. Elle se sentait ridicule, surprise dans son rituel insensé et masochiste, et n’osait donc fixer l’inconnu dans les yeux, son regard se perdant dans les flocons qui tombaient paresseusement sur l’herbe givrée. Il fit un mouvement de la main qui attira son attention, et la jeune dame découvrit entre les mains épaisses de l’homme une délicate poupée de chiffon.

Heureusement, ma compagne n'est pas des plus prolixe...

C’était visiblement là le jouet d’une jeune enfant, confié à son père avant le départ de celui-ci. Kylis releva les yeux vers l’homme, lui offrant un sourire triste, un sourire qui en disait bien plus long que la plupart des discours. Ce seigneur qu’elle ne connaissait point devait bien évidemment avoir une épouse, des enfants, des gens qui l’attendaient et priaient pour lui dans le Bois Sacré de son fief qui ressemblait certainement à celui dans lequel ils se tenaient en cet instant. Et il lui était difficile de ne pas reconnaître cette compassion toute paternelle dans ce sourire qu’il lui adressait quand il reprit :

Je n'ai aucun pouvoir mystique, ni la capacité d'accéder à aucune prière, mais si vous voulez vous libérer un peu le cœur de vos tourments, mon oreille vous est attentive...

Cela lui fit une drôle d’impression : Kylis n’avait pas vraiment pour habitude de s’épancher sur ses malheurs. Elle préférait toujours s’occuper des autres, se distrayant ainsi de ses propres soucis. Elle soupira longuement et souffla :

Lorsque les sauvageons ont passé le Mur, j’ai perdu un frère et un grand-oncle. Et désormais, c’est la mort elle-même qui nous attend…

Elle se mordit la lèvre quand l’image qui hantait ses songes lui revint à l’esprit. Les orbites vides du mort en décomposition qui la fixaient tandis qu’il brandissait sa hache…

Je les ai vus, avoua-t-elle avec précipitation, les larmes lui montant aux yeux. Je les ai vus en rêve...

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« Winterfell | An 302 lune 12, semaine 1 »
Père de cinq enfants, j'en avais consolé des pleurs et des angoisses nés d'un mauvais rêve, bordé des couvertures pour épargner des petits doigts et pieds de se faire croquer par quelques monstres imaginaires. Au matin, je les leur faisais me le raconter en détails et aussitôt que les mots parvenaient à donner forme à ces chimères, elles perdaient toute consistance, rendues ridiculement triviales par la magie de la parole et les lumières du jour. Mais je pressentais qu'il en faudrait plus pour chasser la terreur que je lisais dans les yeux baignés de larmes de l'inconnue.
La jeune fille que j'avais devant moi avait, depuis longtemps, passé l'âge des cauchemars d'enfants et quelque chose me disait qu'il faudrait plus qu'une chandelle allumée pour les chasser de ses nuits. Le Nord regorgeait de légendes auxquelles j'avais toujours prêté une oreille attentive sans être crédule et ces rêves qui avaient l'apparence de la réalité et le don de révéler l'avenir ne m'étaient pas inconnus. Enfant, j'avais soupçonné ma sœur Beth d'en être la proie, sans en avoir jamais eu ni la preuve, ni la certitude. Je la considérais avec sympathie:

"Et ces rêves vous sont familiers, n'est ce pas?"

Oui, c'était ce qu'il se disait... Que les Sauvageons n'étaient que l'écume d'une vague bien plus grosse, bien plus meurtrière, charriant des Morts revenus à la vie ou en tout cas animés d'une force destructrice. Et à voir la terreur agrandir ainsi les pupilles de l'inconnue, je préjugeais que notre imagination était encore bien loin du compte et ne nous préparait qu'à peine à cette rencontre. Outre l'effroi, je pouvais lire une profonde tristesse dans son regard liée à la disparition de deux êtres chers dans cette guerre qui n'était pourtant pas encore à nos portes. Les premiers d'une longue série de pertes auxquelles il faudrait bien tous nous accoutumer.

"Ce frère et cet oncle... Ils étaient Frères Jurés c'est cela?"

Il n'y avait pas une seule famille du Nord qui n'avait pas ou eut un de ses parents qui avait pris le noir, gardant ce Mur dont les légendes avaient bercé notre enfance. Nous savions à quel prix ils défendaient notre sécurité et si beaucoup de ceux que le gardaient n'étaient pas là par choix des Sudistes pour la plupart, peu de Nordiens s'engageaient dans cette voie sans tenir ce rôle en haute estime.
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@Byron Flint & Kylis Omble


« An 302, lune 12, semaine 1 | Bois sacré de Winterfell »
A peine avait-elle prononcé sa confession que Kylis la regretta. Le seigneur inconnu pourrait très bien la railler, ou adhérer à la rumeur qui faisait d’elle une sorcière. Jusqu’alors, celle-ci n’avait circulé que parmi les roturiers, surtout ceux pour qui une femme érudite et en proie à des visions nocturnes était forcément maléfique. Elle se mordit nerveusement la lèvre, certaine d’en avoir déjà trop dit, quand la réponse de l’homme arriva, sans la moindre once de moquerie ou d’inquisition :

Et ces rêves vous sont familiers, n'est ce pas?

Elle acquiesça, toujours muette, bien que la sollicitude du Nordien eut apaisée son inquiétude vis-à-vis de son aveu. Il ne semblait pas plus surpris que cela, mais pouvait-on encore s’étonner de ce genre de chose, alors que des squelettes ambulants envahissaient le royaume ?

Ce frère et cet oncle... Ils étaient Frères Jurés c'est cela?

N-non, répondit-elle, soudain prise d’un tremblement. Elle ajusta la cape prêtée par son interlocuteur sur ses frêles épaules et reprit : Ils vivaient avec nous, à Âtre, mais ils sont partis combattre les sauvageons. Mais Jonothor, lui, c’est un Frère Juré. Elle en parlait comme si l’homme était familier des membres de sa famille, oubliant que celui-ci était un parfait inconnu. Nous n’avons pas de nouvelles depuis que… qu’ils ont franchi le Mur…

Un nouveau frisson la parcourut, mais ce n’était pas le froid qui l’assaillait. Ses doigts se resserrèrent nerveusement sur les pans de la cape.

S’ils sont passés, interrogea-t-elle avec un trémolo dans la voix, c’est qu’ils sont venu à bout de la Garde de Nuit ? Mon frère est peut-être mort et…

Elle se figea, incapable de terminer sa phrase. Elle imaginait Jonothor, ou plutôt ce qu’il restait de son frère aîné, pâle comme la mort, les orbites d’un bleu glacial et les mains noircies par la nécrose. S’il était mort, alors, il avait rejoint l’armée qui fondait sur eux, et cette idée lui fut si insupportable qu’elle fondit en sanglots.

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« Winterfell | An 302 lune 12, semaine 1 »
Bien que désormais réchauffée par ma pelisse, le visage de l'inconnue demeurait pâle et son corps semblait tétanisé. Non pas de froid, mais bel et bien de peur. Une terreur telle que je n'en ai jamais vu. Sans doute était-ce là la même expression que j'arborerai moi aussi, quand je me tiendrai devant ce qu'elle a vu et dont chacun d'entre nous peinait encore à prendre la juste mesure. Cette terreur pourtant, elle ne la nourrissait pas tant pour elle-même plutôt que pour les siens.

Alors qu'elle évoquait plus particulièrement le sort de frère qui avait pris le noir, la gorge et la voix nouée par l'émotion, je baissais le regard. Comment la réconforter sans vaines paroles? Ses doutes et ses peurs étaient légitimes et j'aurais menti si je les avais balayé d'un revers de main, sans autre forme de procès. Malgré tout, lorsque son chagrin trop longtemps contenu explosa dans un sanglot, lorsque les larmes jaillirent et ruisselèrent sur son visage encore juvénile, je n'eus pas le cœur de lui dire la vérité crue.

"Le Mur est vaste, my lady. Et les tâches à y accomplir, nombreuses. Son devoir pouvait se trouver dans un autre fort à ce moment-là et quant aux nouvelles... bien des corbeaux ont dû être réquisitionnés depuis ce jour..."

Ce n'était pas un mensonge en soi, car non, tout le Mur n'avait pas dû tomber sous cette vague meurtrière. Mais c'était sûrement faire preuve d'un optimisme démesuré et déraisonnable... Qu'importe... Il y avait bien des raisons de se sentir accablés par le poids des événements qui se jouaient, nous n'aurions jamais trop d'espoir. J'enveloppais ses épaules de mes mains, comme j'aurais pu le faire avec ma propre fille qui n'était pas beaucoup plus vieille, pour soutenir ce corps frêle fragilisé par tant d'émotions et je me penchais doucement pour capter son regard:

"Allons, je suis certain que votre frère n'aimerait pas vous voir ainsi, je me trompe, lady Omble?" Il ne m'avait pas échappé qu'elle se disait originaire d'Atre. Les Omble, qui vivaient presque dans son ombre, n'avaient jamais été avares de payer leur tribut en hommes au Mur. "C'est un noble destin qui attend celui qui prend le noir, quel qu'il soit. Votre frère le savait et il a eu le courage d'y faire face. Nous devons être courageux à notre tour, pour lui, prêts à le seconder."

Comme je recherchais sur ses traits fins un léger regain de force, je l'interrogeais:

"Le connaissez-vous, le serment des Frères de la Garde?"

Il était rare qu'on attende des petites filles qu'elles le connaissent, mais les garçons du Nord eux jouaient souvent à incarner ces héros aux couleurs sombres, veillant ces contrées sauvages et mystérieuses, sans pour autant comprendre tout des tenants et aboutissants d'une telle existence. Comme tous, j'avais nourri en mon temps des rêves de batailles et de fraternité, et il est probable que si la vie n'en avait pas décidé autrement, j'aurais pu être de ceux que les Spectres avaient déjà pris.
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« An 302, lune 12, semaine 1 | Bois sacré de Winterfell »
Cela faisait plusieurs semaines que la jeune lady Omble était en proie à un boulversement grandissant : ses cauchemars, l’invasion des sauvageons, la mort de son oncle et de son frère, ses visions des marcheurs blancs, la fuite d’ Âtre-lès-Confins pour trouver un court moment de répit entre les murs de Winterfell… Tout cela avait une répercution sur son physique - elle était plus maigre que jamais, tendue et tremblante, les yeux rouges et cernés - mais surtout sur sa psyché. L’angoisse ne semblait pas la lâcher, la transformant en une boule de nerfs hypersensible prête à exploser de douleur ou à fondre en larmes à tout instant. C’est d’ailleurs ce qui arriva fatalement quand elle évoqua son incertitude quant au sort de Jonothor, l’émotion la submergeant telle une puissante avalanche de douleur. L’inconnu qui lui faisait face eu quelques paroles rassurantes à son égard mais celles-ci sonnèrent creusent à son oreille. Non pas qu’elle doutât de la sincérité du Nordien ; après tout, il avait fait preuve de sollicitude à son égard, et il était libérateur de pouvoir confier ses doutes et ses craintes à quelqu’un d’autre que les membres de sa propre famille.

L’homme s’approcha d’elle, posant ses mains sur ses épaules en un geste paternel. Elle renifla, tentant de contenir ses larmes, et releva ses iris verts d’eau vers ceux, compatissant, du noble :

Allons, je suis certain que votre frère n'aimerait pas vous voir ainsi, je me trompe, lady Omble?

La jeune fille fronça les sourcils, un instant surprise qu’il l’appelle par son nom, avant de comprendre qu’il était aisé de deviner son identité au vu de ce qu’elle lui avait confié. Elle hocha timidement la tête, essuyant ses joues inondées de larmes du revers de la main. Non, Jonothor n’aimerait pas que “sa petite souris”, comme il se plaisait à l’appeler avant qu’il ne rejoigne la Garde de Nuit, se morfonde à s’en laisser dépérir. De tous ses frères, il avait toujours été le plus juste : il avait beau être un peu bourru, fidèle à la réputation des Omble, il avait toujours le rôle de médiateur dans les querelles fraternelles. C’était cette forme de sagesse, couplée à sa maîtrise de l’épée, qui l’avait poussé à prendre le noir.

C'est un noble destin qui attend celui qui prend le noir, quel qu'il soit, reprit l’homme. Votre frère le savait et il a eu le courage d'y faire face. Nous devons être courageux à notre tour, pour lui, prêts à le seconder.

Il parle comme lui, songea-t-elle. Jonothor racontait à qui voulait l’entendre que c’était un grand honneur de devenir Frère Juré de la Garde, que ces hommes étaient là pour les protéger des menaces d’au-delà du Mur… Mais ils avaient failli. Les sauvageons puis l’armée des morts avait percé leur défense avec une facilité déconcertante. Si son frère était encore en vie, il devait certainement ruminer cette défaite…

Kylis fut tirée de ses pensées maussades par une nouvelle question :

Le connaissez-vous, le serment des Frères de la Garde?

O-oui, balbutia-t-elle, la voix rauque d’avoir trop pleuré. Enfin, pas tout, mais je me souviens l’avoir déjà lu… Elle fouilla dans sa mémoire et reprit, incertaine : Je… Je suis l'épée dans les ténèbres... Je suis le veilleur… au rempart... Je suis le bouclier… le bouclier protecteur des royaumes humains.

Elle baissa la tête confuse, et esquissa un sourire désolé :

Pardonnez-moi, je l’ai quelque peu écorché…



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Whispers in the leaves


« Winterfell | An 302 lune 12, semaine 1 »
La petite lady, les yeux rougit et la gorge secouée de spasmes, fouillait dans sa mémoire embuée par les larmes. Parce qu'elle était sans aucune doute polie et fort bien élevée, elle ne s'étonna pas de cette étrange requête. Sa voix chevrotante, hésitait, trébuchait, mais je l'écoutais avec attention, un léger sourire creusant des sillons aux coins de mes lèvres et de mes yeux.

"Non, du tout, vous avez bonne mémoire." la rassurais-je. Puis je reprenais là où elle s'était arrêtée, égrainant à mon tour cette litanie autrefois apprise par cœur: "Je suis l'épée dans les ténèbres. Je suis le veilleur au rempart. Je suis le feu qui flambe contre le froid, la lumière qui rallume l'aube, le cor qui secoue les dormeurs, le bouclier protecteur des royaumes humains."

Et tandis qu'ils roulaient au fond de ma gorge et que je m'entendais les dires, ces mots allumèrent en moi une douce chaleur. Une braise au creux du ventre. Et sans doute était-ce bien à cela qu'il servait, ce serment venu du fond des âges, quand, à la nuit tombée, il fallait assurer son tour de garde tout en haut du Mur, surplombant des abysses noires. Plus qu'une promesse à ses camarades d'infortune, c'était avant tout une promesse faite à soi-même. Celle de tenir, coûte que coûte et de ne pas laisser la peur être le maître.

"Je crains que nous ne puissions plus attendre des Anciens qu'ils nous protègent ainsi que les nôtres, c'est en nous désormais qu'il faut placer toute notre foi. Si je peux vous être d'un quelconque conseil, remplacez donc votre litanie par celle-ci, lady Omble... Car elle saura vous apporter, je le gage, plus de réconfort et de courage dans le cœur que n'importe quelle prière."

La peur et le courage pouvaient sembler être deux mots contraires, pourtant ils ne s'excluaient pas l'un l'autre. Bien au contraire, le second ne pouvait exister sans la première. Le véritable courage ne résidait pas toujours dans le cœur de celui qui tenait l'épée et pouvait se retrouver en chacun. Y compris dans l'apparente fragile petite lady Omble. A elle seule, la bravoure ne nous sauverait pas -ni elle dans sa forteresse, ni moi sur le champ de bataille- mais comme une flamme timide en plein cœur de l'hiver, il fallait l'entretenir pour ne pas mourir. Pour avoir cette force nécessaire au moment de regarder la mort droit dans les yeux et de ne pas la laisser nous prendre.
Puis, mon sourire mourut et fut remplacé par un froncement de sourcils un peu sévère:

"Allons, venez, je vous raccompagne. Il fait beaucoup trop froid, vous devez vous réchauffer."

Avec une autorité bienveillante, je lui offris mon bras pour la raccompagner et posa aimablement ma main sur la sienne, gelée et qui prenait des teintes violacées. Elle n'avait assurément pas la corpulence légendaire de son chef de famille pour la préserver plus longtemps du froid, fourrure sur les épaules ou non. Nos membres engourdit retrouvèrent un exercice bienvenu et nous laissâmes derrière nous le bois sacré de Winterfell. Et aux Anciens, le secret de ses confidences, de ses peines et de ses chagrins.
(c) DΛNDELION
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