[MINI-EVENT] Une visite royale

Lysa observait son reflet dans le miroir de sa coiffeuse, ou plutôt de la coiffeuse de la chambre d’ami dans laquelle elle résidait depuis plusieurs semaines. Elle se sentait plus à l’aise derrière ce voile noire attaché à sa coiffe et qui tombait sur ses yeux. Mais, d’un geste aussi rapide que violent, elle le détacha et le déposa avec rage sur la table. Elle n’avait pas toujours été une femme très courageuse, il est vrai. Elle s’était terrée à la Porte de la Lune, là où elle résidait en maîtresse, recherchant la sécurité pour son fils. A juste titre finalement, puisque c’est sur les routes qu’il avait perdu la vie. Jamais elle n’aurait du écouter ceux qui lui reprochaient de négliger les devoirs de seigneur de son petit Robin. Jamais elle n’aurait du l’emmener près des côtes.

Ce soir, Lysa n’avait pas envie de se cacher, ni de cacher son regard. Qu’ils voient. Après tout, qu’avait-elle à perdre désormais d’un regard qui en offenserait un ou en blesserait un autre ? Qu’ils voient ce qu’elle pensait de cette fête.

Elle n’avait aucunement le cœur à la fête mais elle devait se rendre à ce banquet car c’était justement l’inverse qu’Harry Hardyng espérait sûrement. Qu’elle se terre dans sa chambre. Qu’elle ne vienne pas gâcher les festivités en rappelant à tous oh combien il était malséant de tenir cette réception alors que nulle hommage royal n’avait été rendu à son fils, le précédant seigneur du Val et alors que le roi n’avait rien fait pour empêcher les attaques qui menaçaient leurs côtes. Qu’il ait profité de sa présence à ce banquet pour lui adresser des condoléances n’y changerait rien.

Elle était en retard, certes. Oseraient ils reprocher à une mère qui avait perdu son fils unique de ne point arriver à l’heure à une grande fête que l’on célébrait dans ce qui fut sa demeure ?  Sa servante avait frappé à sa porte plusieurs fois pour lui prévenir que le roi allait arriver puis ensuite pour lui dire que la princesse et lui se trouvaient déjà dans la salle de réception. Lysa l’avait renvoyé poliment la première fois et en haussant le ton la seconde. Plusieurs fois, des larmes avaient gâchés son maquillage traçant un chemin humide sur sa peau poudrée, supposée masquer les cernes dues à ces semaines d’insomnies et de pleurs. Elle ne voulait pas qu’il voit les pleurs qu’elle cachait derrière son regard. Elle ne voulait pas qu’ils la voient faible et la prenne en pitié. Elle voulait qu’ils voient sa colère et son mépris. La colère du Val, qui avait été loin, très loin des préoccupations du roi. Qu’ils se rappellent de cette colère.

Maintenant, elle était prête. Vêtue d’une longue robe noire mais ayant renoncé à porter son voile, Lysa sortit de sa chambre et emprunta ce chemin qu’elle connaissait par cœur. Arrivée devant les portes de cette grande salle, elle ne s’arrêta pas, ni n’adressa de regard aux soldats qui ne devaient plus s’attendre à la voir arriver.

Dans cette salle remplie de monde, elle était la seule à porter du noir. Personne ne pourrait feindre de ne pas la remarquer. Personne ne pourrait feindre d’avoir oublié que le dernier des Arryn, la plus noble et honorable maison du Val, s’était éteint de la plus horrible manière qui soit car son roi et suzerain n’avait pas daigné lever le petit doigt pour le protéger.
La née-Tully marcha en regardant droit devant elle et contourna la table de banquet pour rejoindre sa place restée vacante. Il y avait des regards amis dans cette salle, elle le savait. Elle pensait à Andar ou aux Froidesseaux, s’ils étaient présents. Mais pour l’heure, et pour se donner du courage, elle préférait ne pas les chercher. Même s’il y en avait un, bien sûr, qu’elle espérait plus que tout pouvoir revoir. La trouverait-il digne en cet instant ? Trouverait-il qu’elle avait agi avec intelligence ? Difficile à dire. Petyr n’était pas un homme facile à cerner.

Lysa s’arrêta face à son siège. Elle n’était plus au plus proche des invités d’honneur désormais. Sa place venait après celle des Hardyng et de certains Vanbois. Et dans la réalité, après tout le Val. Qui était elle désormais ? La dame de rien.
Certains durent sans doute retenir leur souffle durant ce cours instant où Lysa se tint debout devant la chaise qui lui avait été réservée. Il ne s’écoula pourtant quelques secondes, mais beaucoup se demandèrent sans doute celles-ci précéderaient un immense affront.

Non, Lysa n’était pas folle, même si certains le pensaient sans doute. Elle n’était pas non plus stupide. Et elle restait une femme prudente, même dans sa colère.

La précédente dame du Val tourna la tête vers le roi et la princesse de la maison Targaryen et plia les genoux sous sa robe noire, exécutant la révérence attendue de tous. Cette révérence était parfaite et dénuée de provocation. Lysa avait même baissé la tête et les yeux. Mais, il y avait quelque chose de dérangeant dans le fait de voir cette femme, dépouillée de tout, contrainte par le protocole de devoir courber l’échine devant le roi dragon. Quelque chose qui rappellerait peut-être à certains, la colère que le Val avait éprouvé.

La veuve Arryn répéta le même geste à l'égard du nouveau seigneur du Val, inclinant la tête en guise de salut, puis tira sa chaise vers elle, et feignant toujours d’ignorer qu’elle était devenue quelques secondes, le centre d’attention, prit place.


Résumé pour ceux qui ont la flemme :

Spoiler:

Assise à table, Lysa accepta d’un hochement de tête la proposition d’un domestique de lui servir du vin. Elle reconnaissait son visage, évidemment, car il avait travaillé à son service avant de passer à celui des Hardyng.

Près de vingt ans. Lysa avait été la dame du Val pendant près de Vingt ans. Elle connaissait les Eyriés et la Porte de la Lune par cœur et pour cause, ces deux demeures l’avaient vu vivre pendant plus longtemps que Vivesaigues. Elles avaient été les témoins de ses joies et ses peines. Elles avaient été sa maison.

Certes, elle n’avait pas suivi Jon dans sa demeure de gaieté de cœur. Mais, le Val était chez elle désormais, et les Eyriés et la Porte de la lune l’étaient plus encore. Et pourtant, elle n’était plus désormais qu’une invitée dans la demeure d’étrangers.

Alors qu’on la servait en vin, le regard de Lysa s’attarda sur l’ornement de sa coupe. Elle connaissait cette demeure par cœur, oui. Elle en connaissait les meubles, les objets, les moindres recoins, les signes d’usure sur certaines tapisseries et les minuscules éclats sur le marbre des escaliers. Cette vaisselle, en revanche, elle ne la connaissait pas. De ses doigts, elle caressa la mosaïque de losange gravée tout autour de sa coupe. Où étaient les magnifiques coupes argentées décorée par une sublime gravure de faucon ? Les avaient-ils déjà envoyées dans un placard ? Comptaient-ils les revendre ? Que comptait-on faire exactement de l’histoire du Val d’ Arryn ? L’effacer, et le renommer le Val d’Hardyng ?

Lysa porta cette coupe étrangère à ses lèvres et but une gorgée de vin avant d’enfin observer les visages des invités qui se trouvaient là. Elle ne pouvait le nier, elle en cherchait un tout particulièrement mais elle craignait de défaillir en le voyant. La précédente dame du Val savait qu’elle pourrait s’effondrer dans les bras de Petyr. Elle souhaitait pouvoir rester digne et forte et donner cette impression d’être inébranlable. Elle souhaitait subir l' affront qu'était ce banquet la tête haute et le regard sûr. Mais, Petyr était son ami de toujours. Il était peut-être le seul à qui elle pouvait pleinement se fier. Face à lui, comment pourrait-elle cacher sa tristesse ?

Ce ne fut pas Petyr que Lysa reconnut en premier dans la foule, cependant, mais l’époux de la princesse Rhaenys. Il discutait avec deux femmes, que Lysa connaissait toutes deux. La première était une fidèle servante de la famille Royce, la seconde était la jeune Celesse. Comme Robin, la jeune fille était de santé fragile. Lysa et la mère de Celesse pouvaient se comprendre dans le désir de protéger leur faible enfant des dangers du monde extérieur ou du moins, avaient pus, car désormais Robin n'était plus.
Aujourd’hui, Celesse servait également les Royce. C’était une gentille fille, polie et respectueuse. Lysa remarqua la révérence respectueuse de Maddy, la servante rousse des Royce, à son égard. Elle y répondit par un léger sourire poli. Elle n’avait pas que des ennemis ici. Elle avait été la dame du Val pendant près de vingt ans, cela ne s’effaçait pas d’un revers de la main.

Lysa remarqua ensuite l’arrivée de Ser Barristan Selmy, qui semblait réclamer l’attention de Ser Robar. Celui-ci prit en effet congé de ces dames pour se diriger plus près de la table d’honneur, et donc plus près d’où elle se trouvait. Un instant, Celesse sembla regarder en sa direction mais Lysa savait qu’étant donné sa mauvaise vue, la jeune fille ne pourrait pas le voir si elle lui adressait un sourire. Ser Robar, lui, s’approcha d’elle et la salua respectueusement.

« Ser Robar », lui répondit-elle, d’un ton tout aussi poli. Si Ser Barristan avait arraché Ser Robar à cette conversation, ce n’était certainement pas pour l’amener vers elle. Par conséquent, le chevalier de Roches-aux-Runes s’était arrêté pour lui parler, malgré qu’il soit attendu ailleurs. Ce geste était empreint d’une signification ; il montrait que Ser Robar considérait toujours Lysa comme une personne importante et respectable. La née-Tully ne pouvait qu’apprécier. Elle en serait d’autant plus touchée lorsqu’elle comprendrait que c’était le Roi en personne qui réclamait la présence de Robar.

« Je vous remercie, Ser Robar. », répondit-elle. Elle ignorait si son maquillage avait réellement réussi à cacher son manque de sommeil et son deuil difficile, mais évidemment, le chevalier ne pouvait avancer le contraire s’il tenait à être poli. «  Je n’en doute pas. Mon mari et mon fils connaissaient bien la loyauté de votre maison à la nôtre et rassurez-vous, je ne l’oublie pas non plus. », répondit Lysa, sincère. Bien sûr, les Royce avaient prêté allégeance à Harry Hardyng. Lysa ne pouvait vraiment leur en vouloir car il n’y avait en effet point d’autre héritier que lui pour prendre la suite de Robin. Cependant, elle savait que sa situation ne plongeait pas les Royce dans l’indifférence. Ils avaient toujours grandement respectés la maison Arryn et l’avaient respectés elle en tant que dame puis régente du Val. Quant à Andar, le frère aîné de Robar…Il était l’un des plus anciens amis de Lysa, ayant servi son oncle Bryden comme écuyer.

L’ancienne dame du Val regarda Ser Robar se diriger vers le roi, puis reporta à nouveau son attention sur la masse que constituait cette assemblée. Parmi tous ces seigneurs et nobles valois, elle reconnut un homme qui, après sa période de deuil, avait fait partie de ses prétendants. Lorsqu’elle croisa son regard, il fit semblant de regarder ailleurs. Que pensait-il exactement ? Etait-il heureux de la voir ainsi, après qu’elle eut décliné sa proposition? Lysa savait qu’elle ne resterait pas une invitée à la Porte de la Lune éternellement. Elle savait qu’afin d’être à nouveau vraiment chez elle quelque part, elle devrait se marier. Se vendre. Ce banquet, d’ailleurs, pourrait être l’occasion d’approcher des hommes. Mais, non, elle n’en avait aucune envie…

Et alors qu’elle portait la coupe de vin décorée de losanges à ses lèvres pour la seconde fois de la soirée, elle ne pensa qu’une chose : « Petyr, où es-tu ? »

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