Lorsque griffon rencontre faucon.. (Daenerys Targaryen/Shyra Connington)

Plusieurs lunes s'étaient écoulées déjà depuis l'annonce des fiançailles de la Princesse Daenerys Targaryen, sœur cadette du Roi Rhaegar Targaryen, au jeune Elbert Arryn, membre de l'honorable maison suzeraine du Val. Et pourtant, le mariage continuait à faire jaser à la Capitale, si bien que, où qu'elle puisse aller, il semblait à Shyra n'entendre parler que de cette histoire, qui semblait avoir provoqué plus de remous qu'apaisé de tensions.
Fait que la Griffonne ne pouvait que comprendre : bien sûre, noble et pleine de bons sentiments était l'intention du Roi lorsqu'il avait décidé d'octroyer la main de sa sœur à celui qui n'était pourtant héritier ni de nom, ni de droit de la maison Arryn. Mais ce faisant, si Rhaegar s'était peut-être assuré la fidélité du Val, il s'était également probablement attiré les foudres d'autres maisons suzeraines qui, aux yeux de la Griffonne, auraient peut-être davantage mérité un mariage royale qu'une maison s'étant rebellé contre la Couronne durant la révolte des Baratheons.

Bien sûr, son propre père avait également porté la bannière du Cerf, et elle-même n'avait jamais approuvé les actes de son souverain à l'origine de ladite révolte. Mais ils avaient payé leurs dettes, même après l'amnistie prodiguée par le Roi. Et c'était elle-même qui avait été sacrifiée en guise de preuve de bonne volonté de la part des dissidents de l'Orage, se voyant promise à la jeune Main du Roi.
Alors que le Val se voyait aujourd'hui récompensé par la main de la Princesse Daenerys. Un geste qu'elle peinait à comprendre, et encore moins à accepter. Le monde était parfois d'une injustice cruelle, et se plaisait à le lui rappeler à des moments qu'elle n'aurait jamais soupçonnés.

Absents lors du mariage -Rhaegar avait confié la gestion de la Couronne à Jon durant les festivités et le voyage qui en avait découlé, les époux Conningtons s'étaient vus, suite au siège de la Capitale et de la réunion exceptionnelle des différents suzerains qui en avait suivi, offrir une occasion en or pour à leur tour présenter leurs hommages aux jeunes mariés. Et surtout et avant tout, le plus important aux yeux de Jon, resserrer les liens ténus, pour ne pas dire inexistants entre les terres de l'Orage et le Val d'Arryn. Revenu en catastrophe d'Accalmie afin de pouvoir assister au conseil organisé par le Roi, son époux semblait bien décidé à mettre à profit son court séjour à la Port-Réal en assurant le plus grand nombre d'alliances possibles.
Au grand dam de Shyra qui, lassée de voir son mari à peine plus souvent qu'en coup de vent, semblait avoir renoncé à lui annoncer sa nouvelle grossesse. La main du Roi semblait avoir en ces temps troublés définitivement plus important à faire que de se soucier de son épouse et de son état de santé, un comble aux yeux de celle qui s'était vue exilée à la Capitale soit-disant pour son bien-être.

Elle avait accueilli la nouvelle de l'entrevue d'un œil méfiant, se contentant de hausser un sourcil sceptique à la déclaration de son époux, qui avait insisté pour qu'elle soit présente à ses côtés, afin de « donner plus d'impact et de valeur à leur entrevue », selon ses mots. Elle s'était donc pliée de mauvaise grâce à la volonté de Jon, insistant cependant pour que l'entretien ait lieu dans les jardins royaux ; elle supportait de moins en moins l'air étouffant de la capitale et de ses appartements. Elle avait besoin de soleil, de vent et de verdure.
L'Orage lui manquait.

La requête paraissant de bonne guerre, Jon s'était à son tour plié à la volonté de la Griffonne, cédant à ce qui n'était à ses yeux qu'un caprice de femme, sans aucune réelle incidence sur le bon déroulement de la rencontre.

Ils déambulaient donc à présent le long des parterres de fleurs et des bosquets ombragés du Donjon Rouge, Shyra savourant avec délices le souffle d'air marin qui agitait légèrement les branches des arbres. Ainsi que la compagnie trop rare de son époux ; pourtant, à son bras, Jon paraissait plus que jamais absent, son visage assombri par un air souci, les sourcils froncés, plongé dans une intense réflexion dont il émergeait à peine pour offrir une réponse évasive aux quelques tentatives de dialogue de la part de Shyra. Qui, bien vite lassée, finit par se satisfaire de la seule présence de ce dernier, se plongeant dans un mutisme qui n'eut le temps d'avoir le moindre impact sur le Lord Connington ; au détour du massif de roses écarlates où ils s'étaient arrêtés s'offrit à eux la silhouette des époux Arryn, plus que ponctuels.

Avec un sourire amer, Shyra s'amusa de la situation, songeant que Jon devait être plus que ravi par la promptitude de leur arrivée, lui qui accordait tant d'importance au respect de l'heure. Toujours en avance, toujours prêt, alors qu'elle-même se plaisait parfois tant à flâner et à profiter de l'instant présent.
Ce ne serait à nouveau pas aujourd'hui qu'elle pourrait profiter de la présence de son époux.

S'inclinant respectueusement devant le couple, Shyra demeura silencieuse, attendant patiemment que l'on s'adresse à elle comme le voulait le protocole ; elle ne supportait pas ce mutisme et cette mise à l'écart imposée, mais s'efforça de rester impassible, affichant un sourire courtois aux paroles du Arryn, laissant Jon faire ce pour quoi il était le plus doué : parler politique. En attendant, ses iris bleutés vinrent se poser sur la silhouette frêle de la Targaryen, qu'elle observa silencieusement, fixant l'espace de quelques secondes les deux améthystes qui la scrutaient avec innocence.
Un fin sourire étira les lèvres de la Griffonne, qui sourit doucement.

Le Faucon devait être comblé d'avoir fait si bon mariage. La cadette du Roi était d'une beauté irréfutable, et, si elle se fiait aux rumeurs, son esprit et sa douceur n'en étaient pas moins en reste. Laissant ses yeux clairs glisser le long de la cascade argentée qui coulait dans le dos blanc de la jeune femme, Shyra sentit un léger pincement au cœur lui étreindre la poitrine. Si son premier-né avait survécu, peut-être se serait-il tenu là, aux côtés de la princesse Targaryen ; l'espace d'un instant, sa main pâle effleura son ventre encore plat du bout des doigts, tandis que l'autre refermait légèrement sa prise sur le bras de Jon.

« Votre Altesse... Tout l'honneur est pour moi. Je suis ravie que vous ayez pu nous faire le plaisir de votre présence aujourd'hui. »

À nouveau elle la salua, délaissant le bras de son époux -qui sembla profiter de cette occasion pour s'éloigner en compagnie de l'époux de la Targayen, déjà lancé dans de grands discours militaires dont elle enrageait de ne pouvoir saisir la teneur- pour s'incliner respectueusement. Si son visage affichait un sourire affable, la Griffonne fulminait intérieurement, furieuse d'être réduite à l'état de simple compagnie envers une enfant qui aurait probablement mieux été à courir à travers les jardins en compagnie de ses suivantes plutôt qu'à honorer une alliance probablement mal vue par la plupart des Sept Couronnes. Pourtant elle se tenait là face à elle, intimidée mais droite, s'efforçant de lui paraître agréable, comme si elle semblait avoir quelque chose à lui prouver, à elle et au reste du monde.

À la fois touchée et amusée par la bravoure du petit oisillon qui pépiait devant elle, Shyra esquissa un doux sourire et inclina à nouveau la tête en direction de la Princesse.

« La générosité et la bonté de votre frère le Roi ne sont plus à prouver votre Altesse. Je ne puis que remercier votre famille pour son hospitalité et son accueil au sein de la Capitale. Si seulement nous avions de tels jardins chez nous, dans l'Orage. Je crois que vos roses n'ont rien à envier à celles du Bief. » S'amusa-t-elle dans un éclat de rire courtois, effleurant le velouté d'un pétale écarlate avant de se saisir délicatement d'un gâteau au citron sur l'un des plateaux de mignardises mis à leur disposition.

Par les Sept qu'elle haïssait ce genre de fadaises. Et comme elle maudissait Jon de l'y obliger et de l'abandonner là, aux prises avec une enfant d'à peine quinze ans qui ne connaissait sûrement rien à la politique et aux troubles qui agitaient son royaume, lâchée dans une arène emplie de fauves alors qu'elle-même semblait dépourvue de la moindre griffe.
Soupirant intérieurement, la Griffonne savoura une bouchée sucrée et citronnée, lissant pensivement les pans de tissus blancs de sa robe légère qu'agitait le vent chaud de Port-Réal, avant de reposer ses yeux bleus sur l'oiselle, qu'elle couva d'un regard bienveillant au fond duquel luisait une étincelle de curiosité :

« Qu'en est-il de vous votre Altesse ? Votre époux vous traite-t-il bien ? Je n'en doute pas un instant, les Valois sont réputés pour être les gens les plus courtois et honorables des Sept Couronnes, et à en juger par sa réputation, Lord Elbert n'y fait pas exception. » Elle marqua une légère pause, scrutant le visage de la Princesse, y guettant la moindre réaction, la moindre émotion venant à contredire ou à confirmer ce qu'elle venait d'avancer.

Beaucoup s'accordaient à dire que l'Oisillon et le Faucon formaient un couple idéal, et que l'on avait point vu plus beau mariage depuis des années.
Depuis sa propre union avec Jon, à dire vrai. Elle s'en souvenait comme si c'était hier. La cérémonie avait marqué la fin d'une guerre trop brusque et trop violente, et avait été célébrée en grandes pompes à Accalmie. À cette époque déjà, nombre étaient ceux qui avaient affirmé que Jon et elle formaient un couple parfait et que leur union serait probablement heureuse et fertile.

Réprimant un rire amer, le Griffon Blanc posa un regard mélancolique sur les rosiers qui l'entouraient, essayant de s'imaginer aujourd'hui, à la place de la jeune Princesse. Qu'aurait-elle fait, à sa place ? Lui avait-on seulement demandé son avis, avant de l'offrir au Val, loin des siens, loin de tout ? Était-elle heureuse ?

« Et en ce qui concerne votre nouvelle demeure Princesse Daenerys ? Le Val vous est-il agréable ? J'imagine que l'air des montagnes est beaucoup plus frais qu'ici à Port-Réal, cela doit énormément vous changer. J'ai eu la chance d'épouser un homme de l'Orage, et pourtant je ne me suis jamais sentie aussi loin de chez moi lorsque j'ai quitté le Fenil pour rejoindre Jon à la Griffonnière. »

Elle finit sa phrase dans un souffle pensif, presque triste, avant de dévisager la Targaryen d'un regard intrigué, inquisitrice, mais sincère, tandis qu'elles cheminaient paisiblement dans les jardins, les rayons du soleil encore tendre se reflétant sur la robe blanche de Shyra et dans les cheveux argentés de la jeune épousée.
Parmi cet étalage de courtoisies et d'amabilités, elle se livrait tout de même à la jeune oiselle, étalant au grand jour quelques fragments de sentiments qu'elle lui offrit en pâture, curieuse de voir ce que cette dernière allait en faire. La Princesse allait-elle garder son masque honorable de jeune mariée et d'épouse dévouée, ou risquerait-elle à son tour à se livrer à une inconnue, au détriment du qu'en-dira-on ?