[Missive] Un avant-goût de tempête [Asgeir][Terminé]

Le corbeau était arrivé il y avait quelques heures à peine, un message de Jon en provenance d’Accalmie. Serrant les poings dans un geste de fureur mal contenue, Shyra inspira profondément, sans daigner jeter un seul regard à la jeune suivante qui venait de lui apporter la missive, qui sortit de ses appartements sans demander son reste. Un refus ? Comment un Seigneur des Marches pouvait-il se permettre de congédier les émissaires de son Suzerain et de demeurer neutre dans un conflit qui les impliquait tous directement ?
Elle refusait. Elle n’avait pas sacrifié son avenir, son amour pour voir son mari mourir sur l’autel que la guerre, pas plus qu’elle ne tolèrerait de voir ses terres mises à feu et à sang parce que Lord Dondarrion refusait de leur accorder son appui. L’homme était reconnu, craint et respecté à la fois pour son caractère et ses exploits lors de la rébellion, et ils ne pouvaient se permettre de se passer de son soutien, alors que ce dernier pouvait se révéler définitif dans la guerre qui les opposaient désormais aux Baratheons ; fort de plusieurs milliers d’hommes, le seigneur de Havrenoir possédait également un fief d’une importance capitale, de par sa jonction entre Dorne et les terres de l’Orage. Ne réalisait-il donc pas à quel point la situation était grave ?

Hors d’elle, la Griffonne se força à se calmer, tournant comme une lionne en cage dans l’intimité de ses appartements, avant de se décider à se saisir d’une plume et d’un parchemin, n’hésitant qu’à peine avant de faire ce qu’elle avait fait durant de nombreuses années avant sa venue forcée à la capitale : exercer son devoir de Suzeraine des Terres de l’Orage, et rappeler l’impétueux Dondarrion à l’ordre.



 
 

 

À Lord Asgeir Dondarrion
Seigneur de Havrenoir

 

Lord Dondarrion,

 

C’est avec surprise et affliction que j’ai appris votre récent refus de recevoir les émissaires de mon époux Lord Connington, Suzerain de l’Orage et Main du Roi, quant aux urgentes affaires à traiter concernant le retour à Westeros de Stannis et Renly Baratheon et de leur implication dans le siège de Port-Réal. Vous avez jadis, comme mon père Sebastion Errol, combattu aux côtés de Robert Baratheon durant sa rébellion, comme votre devoir vous le demandait.

C’est pourquoi je m’adresse à vous aujourd’hui, en tant que votre Suzeraine que, mais également en tant que femme de l’Orage et épouse dévouée, et que je vous demande d’honorer à nouveau votre devoir : nos terres ont déjà assez souffert durant la précédente rébellion des Baratheons, et je ne tolèrerai pas qu’une guerre qui pourrait être évitée ne vienne à nouveau les déchirer, pas plus que de voir mon époux se battre contre ceux qui lui ont jadis fait serment d’allégeance. Nous avons besoin de chaque maison, chaque seigneur, chaque homme. Nous avons besoin de vous, Lord Dondarrion. Vous n’êtes pas sans savoir la renommée que vous ont conférés vos exploits passés au Trident, ni l’influence que la présence d’un homme tel que vous pourrait avoir sur la tournure des événements futurs.

Votre père était un homme d’honneur, dont la lutte pour notre peuple est digne de salut : j’ose espérer que ce sont ces mêmes qualités dont vous avez hérité et qui auront décidé Lord Beric à faire de vous son digne successeur. Vous êtes un homme intelligent, et je prie les Sept pour que vous fassiez le bon choix en honorant votre devoir, envers votre Suzerain mais surtout et avant tout envers nos gens. Nous ne nous battons pas pour la gloire Lord Dondarrion, mais dans l’espoir que chaque guerre que nous menons sera la dernière avant des années de calme et de paix.

J’espère, Lord Dondarrion, recevoir bien vite de vos nouvelles et que vous me ferez l’honneur de m’accorder un entretien afin de régler au plus vite cette fâcheuse situation avant qu’elle ne dégénère et ne cause de nouvelles pertes inutiles.

Lady Shyra Connington, Suzeraine de l’Orage,
Dame de la Griffonnière.

© sobade.

 

Scellant le pli qu’elle venait d’achever avec un sceau à l’effigie du griffon des Connington, Shyra confia ce dernier à une suivante, lui demandant de l’envoyer sans plus tarder, avant de se lever et de laisser ses yeux bleus se perdre dans les ruelles de la capitales qui s’étendaient sous sa fenêtre. Elle n’avait jamais rien eu contre les Baratheons, bien au contraire. Elle avait toujours respecté et apprécié ses anciens suzerains. Jadis.
Aujourd’hui, les Baratheons étaient en disgrâce, et elle était à la tête de leurs terres. Elle ne laisserait pas Stannis et son armée de fanatiques ravager son peuple dans le seul souci d’une fierté blessée et d’un orgueil mal digéré, pas plus qu’elle ne permettrait que ce vaniteux de Renly poursuive à semer impunément le trouble au sein de leur contrée.
Glissant une main blanche le long de son ventre encore plat, la Griffonne inspira doucement, priant pour faire entendre raison au fougueux Dondarrion : elle ferait tout son possible pour assurer leur avenir, à tous.

" Ton père n'était pas le meilleur des soldats, voir le plus honnorable des hommes. Pourtant quand Robert sonna le rassemblement, il apporta l'ensemble des forces de sa maison dans la guerre. Pourtant le Dondarrion entra dans la légende, ce fut toi, Asgeir. Qu'importe la raisons des dieux pour pour te choisir, tu as inscris ta gloire dans le sang et les flammes de la guerre de jadis. Aujourd'hui alors que l'orage s'annonce, que l'espoir semble perdu. Baratheon comme Connington possèdent chacun leurs lot de héros, pourtant ce qui remportera cette guerre et ils le savent ce sera un monstre. Tu inspire la crainte sur un champ de bataille, ton épée sauvera des milliers de vies, je t'en conjure décide d'un camp. Sinon après avoir vaincu l'autre, c'est pour toi et ceux que tu aime qu'ils viendront..."

Asgeir grogna alors que le mestre déposa devant lui la missive qu'il venait de lui lire, une lettre de la suzeraine en personne. Le lord de l'éclair n'était pas homme à prendre peur pour de vaines menaces, il savait les tensions aux portes de sa demeure. Non ce qui lui faisait peur ce n'était que lui-même et rien de plus, une fois déjà il combattit au coeur du plus atroce des conflits. Il n'aurait du être qu'un bâtard sachant vaguement manier la lame, pourtant il se montre vrai prodige dans une façon particulière et plus brutal de combattre. Lui qui ne voulait plus que vivre une vie d'homme simple, prendre le temps de retrouver Ashara et qui sait avoir une famille à lui ?

Quinze années lui avait était nécessaires pour enfermer la bête avide de sang, au plus profond de son esprit. Une cage mentale pour ne plus qu'elle ne produise de carnage, Asgeir pouvait la sentir, toujours la dans un coin prête à surgir pour prendre une vie nouvelle. Il resta un moment devant la lettre ouverte, que devait-il faire ? Béric son père aurait surement fait en sorte de choisir le camp lui donnant la plus grande récompense, son fils le savait tout aussi bien. Être dans le bon camp pourrait faire de lui l'un des plus puissants seigneurs des marches, étant plus ou moins le seul encore à ne pas avoir choisit le camp des Baratheons.

Lord Dondarrion accepta que son mestre propose une rencontre avec la maison suzeraine, même si lui ne voulait en rien partir dans ce conflit, il ne pouvait que penser pour le reste de son peuple ne méritant pas de voir la mort s'abattre sur eux. Il pouvait entendre les rires des enfants hors des murailles du château, ou bien sentir les parfums des fruits allant de Dorne vers le reste de Westeros.  Il devait décider et sous peu, au risque de perdre ces choses simples pour de bon.

 
 

 

À Lady Shyra Connington
Suzeraine de l'Orage

 

Lady Shyra Connington,

 

Lady Connington, Suzeraine des terres de l'orage. C'est avec gratitude que mon seigneur Asgeir de la maison Dondarrion, seigneur des marches de Dorne, a reçu votre lettre, cependant et avec tout la reconnaissance qu'il éprouve pour notre Noble suzerain, Lord Dondarrion demeure au regret de transmettre une identique réponse à votre demande, en effet et comme il souhaite le soumettre au regard de généreuse suzeraine. Lord Asgeir demeure dans le libre droit de ne prendre part en aucun cas au conflit à venir, son devoir allant en prime abord aux gens sous la protection de la maison Dondarrion.

Lord Asgeir désir désormais vivre en paix rien de plus, précisant que d'un côté les prétentions sont aussi justes que celles de l'autre camp. Ainsi que les méthodes pour parvenir à la fin désirée, il n'est en rien respectueux d'envoyer une tiers personne à un homme, pour lui demander de mettre sa vie en jeu, offre identique sera faite à la maison Connington qu'à celle des Baratheons, toute personne apportant la guerre sous les murs de sa forteresse découvrira d'ou vient le surnom de bête de notre seigneur. Cependant mon seigneur serait enclin à rencontrer votre personne, pour avoir en face à face une conversation sur le futur de notre grande région de l'orage.

Veylenn Mestre de Havrenoir

© sobade.

 

Si la première missive avait fait naître en Shyra un début de colère mal maîtrisé, comme une étincelle à peine contenue, prête à s'épancher au moindre coup de vent ; la suivante la laissa hors d'elle, bouillante de fureur, sidérée par le toupet et l'insolence de son vassal, enflammant les quelques brindilles de patience qu'elle avait disposées tant bien que mal afin de refréner l'incendie de sa rage.
Elle fulminait, à la fois furieuse envers le Dondarrion et envers elle-même, de part l'orgueil de ce dernier et de part son entêtement à elle, elle qui s'était jurée de ne plus se mêler de politique tant que Jon n'avait pas lui-même réglé ses propres affaires, tant que la rébellion n'était pas matée et tant qu'elle n'était pas sûre de pouvoir mener cette grossesse à terme et sereinement.

Seulement, ils étaient en guerre. Et c'était justement cette rébellion, cette ridicule et stupide rébellion auquel le non moins stupide Lord Asgeir Dondarrion refusait de prendre part, bien caché à l'abri de ses murs, entre la chaleur de Dorne et le vent de l'Orage. Qui était-il pour lui adresser un refus, elle, sa suzeraine, refus écrit par son mestre, qui plus est ? Etait-il méprisant au point de ne pas daigner lui écrire de sa propre main ? Ou le bâtard de Beric avait-il tant vécu coupé du monde qu'il avait oublié comment se servir d'une plume ?

S'efforçant de calmer sa colère, Shyra relu la missive, encore, et encore. Manquant de s'étouffer de rage et d'indignation devant la désinvolture de cette dernière et les menaces à peine voilées. Protéger la population de Havrenoir et de ses terres ? Vivre en paix ? Évidemment, bien évidemment ! Elle était la première à le désirer ! Ne comprenait-il donc pas qu'il n'avait pas le choix ? Elle haïssait la guerre plus que tout, c'était bien là son ultime recours.
Mais elle refusait de laisser Renly et Stannis Baratheon massacrer ceux qui avaient jadis été leurs vassaux. Aussi justes puissent être leurs prétentieux, aussi légitimes étaient-elles, elle avait un devoir envers son peuple. Elle s'était mariée pour cela, avait vendu sa liberté pour mieux les servir.
Et elle ne laisserait pas Asgeir Dondarrion massacrer leur avenir à tous par seul souci d'équité et de neutralité.


 
 

 

À Lord Asgeir Dondarrion
Seigneur de Havrenoir

 

Lord Dondarrion,

 

Je me rendrai dans la huitaine au sein des Terres de l'Orage. Après un séjour au Fenil, je serais plus qu'honorée de vous rendre visite à Havrenoir. Je n'ai nul doute que notre intérêt commun envers nos chères terres saura nous mettre d'accord quant à une solution qui nous sera profitables à tous. Vous êtes un homme d'honneur, et je suis certaine que vous saurez honorer votre devoir envers vos suzerains et votre Roi.

Je vous remercie d'avance pour l'accueil que vous saurez me réserver et pour votre hospitalité.

Lady Shyra Connington, Suzeraine de l'Orage
Dame de la Griffonnière

© sobade.

 

La missive était brève. Brève, claire, incisive. Elle ne lui laissait pas le choix. Si le fait de négocier dans sa demeure pouvait peut-être mettre le Dondarrion en confiance, le lieu ne lui en était pas moins imposé. L'homme n'était pas fou au point de refuser d'accueillir sa propre Suzeraine, et Shyra comptait bien battre Asgeir à son propre jeu, sur son propre domaine.

Il consentait à la rencontrer. Consentait. Si c'était là ce que le Dondarrion lui proposait, il aurait ce qu'il demandait. Elle le lui accordait gracieusement.
Jon serait furieux, bien évidemment. De la savoir partie, sur les routes, en temps de guerre. D'apprendre qu'à nouveau, elle n'avait fait ce qu'elle estimait n'être que son devoir, au lieu de rester se reposer à la capitale.
Mais l'inactivité la tuait, et le fait de le savoir risquer sa vie dans un tel combat auquel des fous comme Lord Dondarrion refusaient d'apporter un appui plus que précieux qui pourrait définitivement faire pencher la balance en leur faveur la mettait hors d'elle. Et si elle pouvait n'avoir ne serait-ce qu'une once d'influence dans ce combat, elle le ferait. Elle irait à la rencontre de Lord Dondarrion, au sein même de Havrenoir s'il le fallait.
Et elle se ferait un devoir de lui rappeler quel était le sien.

Il désirait rencontrer sa Suzeraine ?
La Griffonne viendrait à lui, et elle n'avait pas l'intention de faire le déplacement pour rien. Elle ne repartirait pas des Marches sans la reconnaissance et le ralliement d'Asgeir Dondarrion, dusse-t-elle l'obtenir par la force.