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[Terminé] Ces enfants qui n'en sont plus n'ont pourtant rien perdu de leurs jeux ¤ Jon

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Eleyn avait regardé le paysage du Nord défiler lentement autour d'elle, les doigts fermement agrippés aux rennes de la jument de traie confiée à ses soins pour le temps du voyage. Périple relativement court en comparaison de celui qui attendait les sœurs Mormont. Ces dernières avaient été déléguées par Maege afin de se rendre à Port-Réal et en théorie, la jeune garde n'était pas supposée les accompagner jusque là-bas. En vérité, elle était même censée rester à la Baie des Glaces et attendre leur retour, à l'image des autres habitants de l'Île. Néanmoins, elle avait insisté pour y prendre part, du moins pour une partie.

Ayant été élevée à leurs côtés et étant donnée la dette qu'elle considérait avoir envers les régents de l'Île, l'idée d'abandonner Dacey et Jorelle aux vicissitudes de Westeros ne lui plaisait guère. Aussi, elle s'en était ouverte à Maege et les deux femmes avaient trouvé un compromis plus qu'acceptable. Si sa présence auprès des soeurs était superflue à la Capitale, un prompt aller-retour jusqu'aux terres suzeraines ne pouvait que leur être utile. La Baie commençait à ressentir un cruel manque d'armes et d'autres objets nécessaires au quotidien. Naturellement, ils avaient leur forgeron, à l'image des autres contrées mais ce dernier ne pouvait palier à lui tout seul l'usure provoquée par le temps et les nombreuses batailles. Le convoi en partance représentait donc une occasion idéale de renflouer les stocks sans se ruiner en marchands de passage.

Loin des turpitudes de leur existence sur l'Île, Eleyn retrouvait ses tendances rêveuses. Parfois, ses yeux s'attardaient sur un horizon ou une route, imaginant ce qui attendait le voyageur par-delà le dernier arbre qu'elle pouvait apercevoir ou l'ultime maison. L'espace d'un instant, elle n'était plus la guerrière, la défenseuse de la cité, mais la jeune fille qui voulait un ailleurs. Puis, aussitôt, elle se rabrouait intérieurement et se remettait à l'affut du moindre bruit. Elle avait fait un choix. Elle avait décidé de rester à la Baie et d'en être une de ses filles jusqu'à ce que la mort les sépare. Le temps des illusions n'était pas - encore ? - venu.

Cependant, alors que les remparts de Winterfell s'étaient dressés devant eux, la brune avait senti son coeur s'emballer. De même que sept ans auparavant quand elle l'avait découvert pour la première fois, la ville d'hiver faisait naître en elle une sorte de crainte respectueuse et d'excitation propres à la nouveauté. Le fait qu'elle ne l'ait plus revu depuis si longtemps ne faisait que renforcer ces sentiments, lesquels ne s'évanouirent pas davantage lorsqu'ils furent accueillis dans la grande salle de la forteresse. Bien au contraire. Et que dire de ces visages nobles, à la fois lointains et familiers ? Eleyn éprouvait autant de respect pour la famille Stark et leurs gens qu'elle en avait pour les Mormont. Intimidée, bien arrangée par son statut dans la délégation qui voulait qu'elle reste droite et silencieuse, elle s'était contentée de suivre Dacey et Jorelle dans leur visite et, lors du repas organisé en leur honneur, de trouver le mur contre lequel elle s'était appuyée, terriblement confortable. Autrefois, elle-même avait mangé autour de cette table et elle ne se rappelait que trop bien l'embarras d'un tel événement, engoncée dans sa robe, l'air emprunté. Au moins, désormais pouvait-elle s'épargner ce malaise.

Heureusement, elle n'était pas sommée de jouer les statues durant tout le séjour. Le soleil dardait ses derniers rayons timides tandis qu'elle rejoignait la cour d'entrainement, son armure délaissée au profit d'un pourpoint plus seyant. Elle prit part aux quelques spectateurs d'un duel particulièrement intéressant et, bras croisés, apprécia le croisement des lames et les parades des adversaires. Néanmoins, son attention fut rapidement détournée par l'apparition d'une silhouette à ses côtés. Son visage s'illumina à la vue de celui qui était devenu un homme durant leur longue séparation. Un détail qui était loin, très loin de lui avoir échappé, bien que son sourire malicieux ne laissa rien paraître de plus qu'une franche gaieté. Elle pivota vers lui, lui adressant une légère révérence.


" Messire Snow. " le salua-t-elle avec la même malice. " Il y avait longtemps. Je n'étais pas certaine de vous retrouver en ces murs après toutes ces années et encore moins avec cette ... Stature. "


La délicatesse du compliment était plus que discutable, tout comme sa manière d'exprimer sa joie de le revoir. Rendons grâce à son ton sans trace de mépris ou elle aurait pu paraître carrément insultante. Il fallait dire que ses retrouvailles avec Winterfell l'avaient quelque peu ébranlé, elle qui était s'était habituée au cercle limité de la Baie et surtout, que les changements depuis sa dernière visite étaient nombreux. Et l'un d'entre eux, soit Jon Snow, encore plus dépaysant que les autres.
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Une petite ronde, une parmi bien d'autre, des rondes dans le Nord à vérifier que les sauvageons n'avaient pas encore traversés le mur, qu'il s'agisse de vérifier ou d'attaquer, de défendre ce lieu qui était leur. L'hiver arrivait, les sauvageons descendaient, cela ne pouvait signifier que mort, désolation, et ça, aucun Nordien se respectant ne saurait tolérer pareille chose. Se lever avant le levé du soleil, se coucher bien après que celui-ci se soit caché au delà des murs, ça résumait assez la situation actuelle, si l'on ne prenait pas en compte l'agitation à Winterfell.

En effet, depuis quelque temps beaucoup de gens allaient et venaient, plus qu'à l'accoutumé. Il avait rencontré certaines familles il y a peu, il fallait dire que contrairement à sa demi-soeur Sansa, il n'était pas très friand de connaître les grandes gens, ni des soirées mondaines où tout le monde était invité : sauf lorsqu'il pouvait manger plus qu'à sa faim et boire plus qu'il ne le peut / ne le devrait.

Rentrés, ils allaient se débarrasser de leurs armures et surplus de vêtements, s'il faisait le froid était aussi présent à l'intérieur des murs de winterfell, il n'en restait pas moins froid, le vent frappait moins fort et l'on pouvait toujours rentrer se réchauffer avec un bon verre.

Il fallait bien qu'il regarde qui était arrivé, fils bâtard, mais fils quand même d'Eddard Stark, il avait ses obligations comme allait saluer les nouveaux arrivants, ce qu'il fit, son petit tour pour croiser les nouvelles têtes, leur souhaiter une bienvenue et un bon séjour, bien qu'il ne soit pas très doué avec les fausses paroles il était ravi de revoir certains visages familiers du Nord. Jusqu'à trouver quelqu'un au loin, un visage qu'il connaissait, mais il ne parvenait pas à mettre un nom dessus. Une femme, une très belle femme - comme elles l'étaient toute - à la chevelure sombre et au regard clair, au teint pâle et il trouvait, un air malicieux. Il s'approchait donc de cette personne avec toute la discrétion d'un loup, si bien qu'elle l'avait repérée. Cette dame lui offrait une révérence et sans savoir pourquoi, un sourire étirait ses lèvres, à croire que cette révérence n'était ni utile ni naturelle.

Réfléchis donc, Jon. Combien de femmes ont pu te parler ainsi ? Les mots qu'elle employait le faisait tiquer, légèrement rire avant qu'il ne comprenne de qui il s'agissait, enfin. Elle avait bien grandit, elle était devenue une femme, elle n'était plus l'enfant avec qui il avait l'habitude de jouer - une des rare femme avec qui il avait pu jouer et parler sans être gêné, elles étaient même si rare qu'il ne pouvait pas oublier leur noms, elle se résumait en deux personnes, Arya sa petite soeur, et Eleyn. Il ne se rappelait pas d'elle comme quelqu'un de très féminin mais après tout, elle avait grandie.

- Dame Blanetree, quelle joie de vous revoir.

Amusé, il se permettait de prendre sa main pour lui offrir un baise-main comme la convenance le voulait... Comme s'ils se souciaient tout à coup des convenances, dans un monde d'adultes désormais.

- Que nous vaut le plaisir de votre visite à Winterfell ? Cela fait bien des années que nous ne vous avons pas vu.

Quelque chose de grave ? "Allons Jon, il serait temps de te mêler des affaires des grandes gens au lieu de courir dans les bois avec ton loup" se disait-il.
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La jeune femme avait remis si facilement un nom sur le visage de Jon qu'elle n'avait, sur le coup, pas envisagé qu'il n'en soit pas de même pour lui. Aussi s'étonna-t-elle intérieurement du bref air scrutateur qu'il afficha. Peut-être que leurs quelques rencontres alors qu'ils étaient enfants ne l'avaient pas autant marqué qu'elle, ou alors, il était possible qu'elle aussi ait bien changé depuis tout ce temps.

La première hypothèse ne l'aurait pas fâché plus que ça. Après tout, Eleyn n'avait jamais été que l'orpheline recueillie par Maege Mormont, sans statut ni distinction particulière - si on exceptait ses choix de vie discutables dans cette société qui était la leur. Le garçon avait certainement dû voir défiler des demoiselles plus intéressantes et plus remarquables de par son éducation à la cour de Winterfell. Quant à la seconde, et bien ... Elle l'admettait avec plus de difficultés. A part sa taille, peut-être, elle ne se semblait pas si différente de la petite fille qu'elle avait été. Ou plutôt, malgré les affirmations de ses soeurs - lesquelles l'enjoignaient de prêter plus d'attention à son reflet dans le miroir -, elle ne s'y intéressait que très peu. En tant que garde, son seul souci était de rester en forme pour assurer la défense de l'Île et la protection de ses âmes.

Elle n'eut, heureusement, pas le temps de s'appesantir sur la question. Quelque chose changea dans le regard de son interlocuteur, passant de la curiosité à une étincelle plus familière, comme si se rappeler son nom avait suffi à détendre l'atmosphère tâtonnante. Au moins le plaisir des retrouvailles était-il partagé, ce qui, pour une raison qu'elle ne put déterminer, procura à la brune l'ébauche d'un étrange sentiment de soulagement. Elle redressa légèrement les épaules afin de conserver sa contenance habituelle, geste qui la sauva d'un mouvement de recul instinctif alors qu'il s'emparait galamment de ses doigts. Il fallait avouer que dans la Baie des Glaces, terre reculée du Nord peu encline aux visites protocolaires, on avait vite fait d'oublier les contacts qui y étaient associés. De même que leur délicatesse, également.

Ayant masqué son ignorance et son trouble derrière un sourire avenant, elle récupéra sa main tandis que ses joues se creusaient un peu plus face aux interrogations de Jon. Bien des années avaient passé et il était vrai qu'en dépit des voyages qu'elle avait effectué durant ces dernières, aucun n'avait cru bon de la conduire jusqu'à la maison suzeraine. Alors oui, pourquoi maintenant ? Peut-être qu'au-delà de sa propre initiative, les Sept veillaient-ils eux aussi.


" Rien qui ne captiverait un auditoire, je le crains. Dacey et Jorelle ont été déléguées par Mae ... " Elle s'empressa de ravaler son expression familière. Il n'aurait plus manqué qu'il l'interprète comme un manque de respect. Qu'importe qu'elle ait toujours appelé sa mère de substitution ainsi, elle ignorait comment cela pourrait être considéré en-dehors de leurs contrées. " ... Je veux dire, par Dame Mormont, afin de rappeler le bon souvenir de l'Île-aux-Ours aux suzerains de Westeros et j'ai demandé à les accompagner.  Bien qu'en ce qui me concerne, le voyage s'arrêtera ici. Nous avons quelques pénuries matérielles chez nous que Winterfell peut nous aider à combler. J'entreprendrai le voyage de retour dès que le chargement sera terminé. "


Si cela n'avait tenu qu'à la garde, nul doute qu'elle aurait laissé le convoi rebrousser chemin sans elle, voire serait-elle demeurée à la forteresse quelques jours de plus pour profiter de ses bienfaits. Sauf qu'entre ses désirs - pour ne pas dire caprices - et la réalité, il restait un fossé qu'elle n'aurait jamais osé franchir. Elle était bien trop raisonnable pour ça. Dommage pensa-t-elle, ses traits se chiffonnant en une mine désolée. Son regard avait glissé de celui de Jon pour retourner observer la joute des combattants non loin d'eux. Eleyn avait eu la chance de faire ses armes auprès d'un bretteur qualifié, à l'image de ses sœurs. Néanmoins, si chacun sur l'Île se devait d'apprendre l'art de la bataille, la plupart était loin d'être aussi précis que les soldats de Winterfell et surtout, à force d'entrainements et de combats côte à côte, on finissait par se connaître par cœur. Maintenant qu'elle l'avait bien en face, elle réalisa que ce genre de défis, l'attrait de la nouveauté, lui manquaient.


" J'avais oublié comme la vie ici pouvait être attrayante ... " reprit-elle d'une voix songeuse, sa main allant caresser le pommeau de son épée sans qu'elle ne s'en rende compte avant que ses prunelles n'en reviennent au garçon. Elle allait vraiment finir par paraître impolie à digresser de la sorte. " ... Même si d'autres souvenirs de mes visites sont, eux, tout à fait intacts. " La flamme malicieuse se ranima l'espace d'un instant, juste assez pour lui signifier que les souvenirs en question le concernaient en grande partie. Parce qu'ils avaient beau être désormais des adultes, il aurait tout de même été dommage d'occulter les bons moments passés. Et qui sait, peut-être, malgré le temps, tout n'était-il pas si différent que les changements laissaient à penser. A ce propos ... " Êtes-vous aujourd'hui aussi habile avec une lame que vous l'étiez avec un bâton à l'époque, Messire ? "


Oui, à ce propos, elle pouvait quand même se laisser aller à une petite curiosité.
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Jon aurait pu être plus timide - à dire vrai, avec toute autre femme, il aurait été bien plus timide et n'aurait pas osé la regarder directement dans les yeux. Mais à mesure que les secondes passaient, des souvenirs venaient dans son esprit. Des souvenirs de deux enfants insouciants ; non pas un bâtard et une orpheline, non pas un fils de Stark et une fille de Blanetree, non pas un homme et une femme en devenir. Non, juste deux enfants qui se fichaient des lois et des règles en vigueur, des façons de se tenir et des choses à dire.

C'était assez amusé qu'il avait pris sa main pour la baiser, comme si tout à coup, avec l'âge, tout deux s'étaient décidés à devenir raisonnable et développer cette relation amicale enfantine en une relation adulte : chose qu'elle était à présent. Quel âge elle avait il l'ignorait, il n'avait jamais été très doué en calcule, mais elle avait très sûrement l'âge d'être mariée et mère. Il n'était pas vraiment surpris de la voir avec des armes, vivant avec les Mormont, ça n'était en rien étonnant, toutes les femmes qu'il connaissait de l'île aux ours étaient armées, c'était d'ailleurs les seules femmes qu'il osait regarder dans les yeux, elles étaient puissantes et courageuses, rares étaient celles qui usaient et abusaient de leur charme pour arriver à leur fin, c'était avec les armes qu'elles parvenaient à leur fin, ce qu'il préférait largement.

Elle s'était décidée à lui parler, chose qu'il accueillait avec plaisir, il n'était pas très bavard ni apte à lancer des conversations, qu'elle trouve un sujet était donc rassurant : que pourrait-il dire ? "Tu as bien grandie !" Sans blagues ? "Mais tu es une femme maintenant !" Non, vraiment Jon ? Tu as découvert ça toi-même ? Ceci dit, il ne comprenait pas pourquoi elle faisait tout à coup preuve de retenu alors qu'elle semblait si bien lancée.

Sans savoir quoi répondre, il acquiesçait, d'un petit signe de tête et un petit sourire niais sur son visage. Il avait entendu bien des choses sur ce qu'il se passait à l'Île aux Ours, peu étonnant qu'ils aient besoin de matériels et sûrement de vivre.

- L'hiver vient. Les Mormont sont de très bons alliés, je comprends votre venue, il est dommage d'avoir attendu si longtemps pour se revoir.

On ne s'en rendait pas forcément compte lorsque l'on vivait à Winterfell, des attraits particuliers qu'avait cette région. Des attraits du Nord. Ayant toujours vécu en ces lieux, Jon en connaissait les moindres recoins, les moindres secrets, les moindres cachettes, il avait tant gambader ça et là avec son loup blanc, il avait presque l'impression de tout avoir vu ici, que plus rien ne serait capable de le surprendre : mais il n'avait que 15 ans et il ignorait encore qu'il y avait bien des choses dans le Nord, au delà du mur notamment. Ce Mur qu'il désirait rejoindre, faire ses voeux, combattre fièrement pour la liberté et la sécurité du Nord, arrêter les sauvageons qui pillaient des villages, faire son devoir et ce qui lui semblait être le plus juste. A défaut de savoir d'où il venait, il avait déjà l'impression de savoir où il allait, il ne serait jamais héritier d'un royaume pas plus qu'il n'aurait de titre, déjà dans l'idée qu'il ne resterait qu'un Snow jusqu'à ses dernières secondes, il n'avait donc pas meilleure idée qu'aller tout au Nord, là où il pourrait être utile. Aucun Snow comme aucun Stark n'avait sa place au Sud, pas plus qu'à l'Ouest, il ne se sentait utile qu'au Mur. Il était bien de connaître ces lieux mais il serait aussi bon de changer ces habitudes. Aller au Mur, c'était un engagement à vie, peut-être une vie à combattre uniquement la neige et le vent glaciale mais que pourrait-il faire à Winterfell qu'être le bâtard des Stark, le gentil petit Jon Snow. Alors que l'île aux ours se battaient contre les fer-nés, Winterfell se battait contre l'hiver qui approchait à grands pas et contre ces sauvageons.

La demoiselle le sortait de ses pensées, il aurait pu reconnaître un air de défi dans sa voix comme sur son visage, ce qui l'amusait assez. Il souriait alors, retenant même un rire.

- J'ai de très bons souvenirs aussi, mais très peu de souvenirs de grandes discussions.

Mais plutôt des souvenirs à se bagarrer pour jouer, comme deux garçons l'auraient fait, comme deux soeurs auraient pu le faire, comme deux amis. A ses derniers mots, il riait à nouveau.

- Serait-ce un défi, dame Blanetree ? Oseriez-vous défier un homme du Nord qui se bat contre des sauvageons ?

Il ne se faisait pas grand ni vantard mais la situation l'amusait, finalement elle n'avait pas tant changée que cela.

- C'est un joli ouvre-lettres que vous avez là, mais avez vous déjà tenue une vraie épée ?
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Il n'y avait pas à dire, la jeune femme appréciait la facilité avec laquelle l'échange coulait entre eux. Comme aucun silence ne semblait pesant, comme ils pouvaient reprendre le fil sans en chercher indéfiniment le bout. Ceci alors que quelques minutes à peine pouvaient être comptées depuis leurs retrouvailles.  

Eleyn n'était pas à l'aise avec les autres, un fait indéniable pour quiconque la connaissait un tant soit peu. Il lui arrivait régulièrement de se montrer plus revêche qu'elle ne l'aurait voulu et de s'attirer des regards courroucés. Ses tendances autoritaires n'arrangeaient, bien évidemment, rien à ses affaires. Nul doute que si elle n'était pas tombée sur la bonté de Maege Mormont après le meurtre de ses parents, sa jeune vie aurait pu être écourtée bien plus vite que prévu. Quant à imaginer ce qu'il serait advenu d'elle si elle n'avait pas montré quelques prédispositions dans l'art de la bataille, il valait mieux ne pas l'envisager. Elle considérait n'être bonne à rien d'autre, un quotidien de tisserande ou de mère au foyer l'attirant au moins autant qu'une mouche l'était par du vinaigre. De toute façon, quel homme sain d'esprit aurait souhaité la prendre pour femme ? Elle n'avait ni statut ni dot un tant soit peu intéressant et son caractère n'appelait pas vraiment à l'amour au premier regard selon elle.

Malgré tout, elle faisait des efforts. Des efforts qui lui coûtaient, en temps, maîtrise de soi, ainsi qu'en réflexion, à l'image de tout travail allant contre une nature profonde. Des efforts que, visiblement, elle n'avait pas besoin de déployer avec le garçon. C'était vraiment reposant.


Serait-ce un défi, dame Blanetree ? Oseriez-vous défier un homme du Nord qui se bat contre des sauvageons ? La question lui arracha un sourire accompagné d'une oeillade un brin moqueuse. La plupart à qui elle avait eu à faire jusqu'ici en avaient connu bien plus qu'à leur tour. Tout comme elle, finalement. Il en fallait davantage pour la décontenancer. " Tous les jours, Messire. J'oserais même avouer qu'il s'agit de l'un de mes principaux centres d'intérêt. "


Le plus étonnant était que sous l'interrogation innocente de la jeune femme, il ait compris si vite où elle voulait en venir. Inutile de préciser qu'elle appréciait sa réaction plus que de raison, ceci expliquant sa réplique frôlant la vantardise et l'outrecuidance. Semblait-il que le politiquement correct dont ils avaient feint de se parer avait été jetés aux oubliettes. Hypothèse confirmée l'instant suivant par Jon et sa réflexion gentiment insolente à propos de son épée. La brune haussa les sourcils, ses lèvres s'entre-ouvrant légèrement avant de de se rejoindre pour former un sourire en coin rien de moins que carnassier.


" Face à une telle insulte, je me vois dans l'obligation de défendre l'honneur de ma chère amie. " répliqua-t-elle d'un air faussement contrit tandis qu'elle revenait saisir le pommeau de son épée. " Allons donc vérifier quel doigt elle vous coupera en premier. A moins que vous ayez une préférence ? " reprit-elle sur le même ton où pointait un amusement tout à fait sincère en plus du défi qu'il avait tout à fait relevé. D'un geste de la main, elle lui désigna un coin libre de la cour d'entrainement, parfait pour accueillir leur joute. " Après vous. "


Le combat entre les deux soldats qui l'avait tant intéressé encore un instant auparavant était déjà relégué bien loin de son esprit, maintenant qu'elle avait le sien à mener. La perspective à elle seule suffit à réveiller ses muscles trop peu sollicités à cette fin ces derniers jours, aussi, quand le moment fut venu de faire face à Jon, l'excitation était à son comble. Elle ne se souvenait par la dernière fois qu'elle avait attendu une confrontation à ce point et elle n'eut pas le loisir de s'y appesantir ; déjà, les lames glissaient de leurs fourreaux en un chuintement caractéristique et les adversaires se mettaient en garde. Puis, le métal tinta alors qu'ils passaient à l'action, l'écho se répercutant sur les pierres de la forteresse. La suite fut un enchainement d'attaques et de parades sans compromis. S'il n'était pas question de se blesser, il ne l'était pas non plus de se laisser dominer.

Néanmoins, Eleyn ne pouvait nier qu'il la mettait en grande difficulté. C'était une chose de se battre contre des Sauvageons et de Fer-Nés, de s'entraîner avec ses soeurs ou ses hommes, mais c'en était une autre de se confronter à un homme du Nord né avec une épée à la main. Il avait la subtilité qui faisait défaut à ses adversaires habituels et une réflexion dans ses gestes qu'elle n'avait plus appréhendé depuis sa propre formation. Du moins, pas de manière aussi poussée. Elle avait beau se défendre bravement et efficacement, voire parvenir à reprendre l'avantage significativement, sans compter les quelques fois où elle crut bien pouvoir le désarmer, il lui apparut très vite qu'elle ne remporterait pas ce duel à la loyale. Le public qui avait formé un cercle autour d'eux à mesure que le combat prenait en intensité devait s'en douter lui aussi. Loin de s'en effaroucher, elle redoubla d'efforts et de hargne ... Jusqu'à porter le coup de trop.

Elle était pourtant certaine de ce qu'elle faisait. D'une pirouette habile, elle avait réussi à se retrouver derrière lui, persuadée que l'instant d'après, l'épée de Jon irait volerait de ses doigts. Mais c'était sans compter sur les réflexes de son assaillant. Peut-être s'y attendait-il ou fut-ce le hasard, toujours est-il qu'il se retourna avant l'estocade et la force des deux jeunes gens combinés entre littéralement en collision. Ils étaient trop près pour se repousser efficacement, pire encore, la manoeuvre les déséquilibra tous les deux et Eleyn ne put retenir un hoquet de surprise alors que son dos rencontrait douloureusement le sol. Elle ferma les yeux sous l'impact et quand elle les rouvrit, ce fut pour se retrouver nez à nez avec le garçon, lequel était tombé sur elle.

Tétanisée, elle se contenta de le fixer sans un mot pendant ce qui lui parut une éternité, le silence entre eux seulement crevé par leurs respirations courtes et hachées. Même l'attroupement d'hommes curieux semblait hésiter à réagir.


" D'a ... D'accord. Une ... Prochaine fois pour ... Les doigts. " souffla-t-elle finalement avec peine.

Elle n'avait plus qu'à louer les Dieux que leur combat fut-ce un excellent prétexte au rouge cramoisi qui avait empourpré ses joues, sinon, son trouble aurait été plus que visible.
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Enfin : Jon pouvait se détendre. En ouvrant bien les yeux sur Eleyn, il pouvait voir qu'elle était tout aussi mal à l'aise que lui avec les protocoles, alors à quoi bon s'en alourdir quand on pouvait s'amuser ? Ah, s'amuser. Il ne l'avait pas fais depuis longtemps, les rares fois où il avait l'occasion de s'amuser, c'était avec sa jeune soeur Arya, lorsqu'il l'entraînait à l'épée, chose que les autres se refusaient à faire car elle était une dame en devenir : il s'en fichait, elle était sa soeur, une femme certes mais elle désirait apprendre à se défendre, connaissant le danger extérieur, il ne comprenait pas pourquoi personne ne cédait à ce désir plus qu'un caprice. Sansa était à la couture, Arya voulait se battre, l'une était un vrai modèle de femme en devenir, l'autre était considérée comme un garçon manqué à cause de ses envies de combat, soit, mais aider ce petit bout de femme n'avait fait qu'approfondir la complicité entre les deux. Se battre, lui-même ne faisait que ça depuis trop longtemps : les sauvageons ne comptaient pas leur laisser de répits et semblaient vouloir attaquer tous les peuples leur tombant sous le coude, chose qu'il ne tolérait pas. Il n'aimait pas tuer, il n'aimait pas prendre de vie, il le faisait parce qu'il le devait. Avec le recule il aurait aimé pouvoir trouver des solutions plutôt que faire couler trop de sang, mais une fois sur le champ de bataille il devait agir et faire tomber des têtes, comme son père le faisait lui-même. Un homme admirable, son père. Mais lorsqu'il ne se battait pas il s'entraînait, et lorsqu'il ne s'entraînait pas c'était parce qu'il dormait ou mangeait. Il n'était pas comme Theon, il n'avait jamais l'occasion de courir après les femmes ( qui l'intimidaient de trop, de toute façon ) ni l'occasion de trouver à s'ennuyer : il était le seul fils presque adulte que Ned avait "sous la main" et par conséquent avait une certaine charge sur les épaules. En soit, il ne s'en plaignait pas, il n'était pas très doué en lecture ni en calcule, mais mettez lui une épée dans les mains et il vous fera des miracles, il avait des réflexes que d'autres n'avaient pas, un talent que d'autres n'avaient pas.
 
La provoquer n'était pas par vantardise, pas pour dire "je suis un homme, tu n'es qu'une femme, alors je suis le plus fort et tu t'écrases !" mais pour voir si la demoiselle était toujours si joueuse qu'elle l'était auparavant... Et au vue de son sourire et de ses réactions, elle l'était, ce qui était d'autant plus rassurant : quoi de mieux pour définitivement briser la glace qui s'était incrustée ces dernières années qu'un petit combat ?
 
Au départ, ça n'était que pour s'amuser, mais elle sortait rapidement son épée de son fourreau, il suivit cette invitation en dégainant à son tour, pourquoi pas après tout ?
 
- Peut-être devrais-je vous couper la langue dame Blanetree... Cela vous empêcherez peut-être de dire des âneries...
 
Il riait un peu de la situation et se mettait en position. Ca le changeait des sauvageons, ça le changeait de sa soeur et surtout, ça le changeait des même personnes avec qui il s'entraînait et dont il connaissait par coeur les failles et points forts : c'était lassant, trop facile, comment pouvait-on s'améliorer si l'on s'entraînait avec des personnes dont on savait les faiblesses ? On avait juste à toucher cet endroit et c'était fini, au suivant. Mais cette dame : il ne s'était pas battu avec depuis des années. Il avait beaucoup compris, tout comme elle avait beaucoup appris auprès des siens. Oh, il ne s'attendait pas à la mettre à terre directement, il ne voulait pas non plus la blesser, pourtant ils se battaient avec de vrais armes alors qu'ils auraient pu essayer avec des épées en bois mais ça n'aurait pas eu ce même attrait particulier qui les pousser à ne pas se louper, ne pas laisser l'autre aller trop loin, ça ne pouvait que pimenter le jeu. Ce que c'était pour lui, au final : un jeu. Un jeu sans enjeu. Un jeu pour le plaisir de s'affronter en sachant que ça terminerait bien, que l'un comme l'autre aurait eu une leçon. Un jeu où l'un tenterait de montrer à l'autre ce qu'il avait appris durant ces longues années d'absence.
 
Si elle bougeait à droite, il bougeait, si elle sautait quelque part, il suivait, limitant ses gestes pour ne pas se fatiguer trop vite, mais pour pouvoir contrer ses attaques à temps, et lorsqu'elle baissait ne serait-ce qu'un peu sa garde : il attaquait. Il ne prenait pas gare à la foule autour d'eux, ne pensant pas que ça pouvait être très intéressant à voir. Il ne se permettait pas de se déconcentrer. C'était une bonne adversaire il devait le reconnaître, le fait qu'il n'ait pas l'habitude de l'affronter pouvait jouer en sa faveur aussi, l'attrait de la nouveauté. 
 
Mais c'est parce qu'il regardait le moindre de ses faits et gestes qu'il trouvait la faille. LA faille. C'est lorsqu'il s'apprêtait à donner le coup final qu'elle le surprenait par un geste auquel il ne s'était pas attendu, et visiblement auquel elle-même ne s'attendait pas... Le coup avait du être puissant, en plus d'être surprenant : il en perdait son équilibre, chose pourtant rare, il en tombait, son arme rejoignant elle aussi le sol. Il se retenait avant d'écraser la dame, plaçant ses mains de part et d'autres de son visage pour tenter de ne pas s'appuyer sur elle. Autant dire qu'avec une telle proximité, le feu lui montait aux joues et celle qu'il pensait être assez "proche" pour ne pas être intimidée... Autant dire qu'il s'était trompé, son regard, après avoir rencontré celui de son assaillante, se faisait fuyant, timide. Elle aussi avait les joues rouges, peut-être pour les même raisons que lui ou peut-être pas. Il se relevait alors, puis il l'aidait à se relever sans piper mot, encore trop gêné de la situation : c'était bien la première fois qu'il se retrouvait ainsi couché sur une femme. 
 
- C'était... Hm... Un beau combat.
 
Il se raclait la gorge, ramassait son arme et reculait à nouveau. Il aurait aimé être absolument partout sauf ici à cet instant tant il était gêné, il aurait aimé se retrouver au milieu d'un clan de sauvageon qu'affronter le regard de la dame : peut-être le jugerait-elle, peut-être le gronderait-elle "tu n'aurais pas pu faire attention ?!" ou "tu as failli m'écraser, bâtard !". 
 
- Je peux peut-être t'offrir quelque chose à boire, pour fêter ma victoire et ta défaite?
 
Il se permettait alors de la tutoyer, peut-être n'aurait-il pas du, à vrai dire il ne comprenait pas pourquoi il lui avait demandé cela, c'était sorti tout seul. "Idiot !" se disait-il. "Tu es un bâtard, c'est une Blanetree, tu empestes le loup et tu viens de la battre, comment pourrait-elle vouloir ?" voilà ce qu'il se disait ensuite. Peut-être que son subconscient avait décidé pour lui de prendre les devants pour une fois, plutôt que perdre une probable occasion, plutôt qu'attendre éternellement qu'une femme veuille bien comprendre son incapacité à être regardée dans les yeux.
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Eleyn avait bien du mal à se souvenir de la dernière fois où elle avait été battue par un homme. Ou battue tout court, à bien y réfléchir. Comme si la moindre pensée la traversait en cet instant ! D'ordinaire, elle se serait dégagée rageusement de son adversaire et aurait pesté au moins pendant une semaine contre sa propre stupidité. La Blanetree était fière. Fière de ce qu'elle était mais surtout, de ses aptitudes au combat réputées sur l'Île-aux-Ours pour être parmi les meilleures. Et voilà que le jeune Snow venait de balayer toute cette solide réputation d'un mouvement vif.

Oui, d'ordinaire, cela l'aurait promptement agacé. Sauf que ce duel, tout aussi innocent fut-il à l'origine, n'avait rien d'habituel. Ne serait-ce que dans son achèvement. Il lui était déjà arrivé de se retrouver sous un ennemi mais pour autant qu'elle s'en souvienne - et elle avait très bonne mémoire -, jamais ce genre de situation ne lui avait donné envie de rentrer sous terre. Sa phrase laborieuse à peine achevé, il y eut comme un instant suspendu entre eux, un enchevêtrement de respirations, ainsi que les effluves âcres de la sueur et de la neige fondue pour seuls troubles à cette scène atypique.

Puis, leurs regards se fuirent l'un l'autre de concert et tandis que Jon se redressait, la garde secoua légèrement la tête comme pour chasser les émotions qui l'avaient assailli. Elle accepta la main qu'il lui tendait avant de se remettre à son tour sur ses pieds. Leur petit public les dévisageait toujours. Elle reconnut l'un des gardes de la Baie, un de ses compagnons d'arme, dont la mine allongée et les yeux écarquillés révélaient la plus grande des surprises. Il fit mine d'ouvrir la bouche, cependant, une seule oeillade de la jeune femme l'en dissuada aussitôt. Sa défaite devait avoir quelque chose de jouissif et ne manquerait pas de se répandre en rumeurs. Qu'importe, elle réparerait ça au prix du fer s'il le fallait.

Elle récupéra la lame qui lui avait échappé des mains et rengaina, toujours sans un mot, tandis que l'assemblée se dispersait. Elle fut plutôt étonnée que la voix de Jon résonna à nouveau près d'elle. Il avait semblé aussi embarrassé qu'elle, comme s'ils avaient été tous deux happés par une intensité pas plus imaginée que préméditée. Ou alors, elle était la seule à avoir eu cette sensation et il avait juste attendu quelques instants afin de récupérer. Elle ne le saurait sans doute jamais.


" Bien entendu. Mais seulement si tu t'engages à m'accorder une revanche. " répondit-elle finalement après avoir laissé un ange passer. Indécise. Tiraillée entre son ego malmené et la petite voix sirupeuse qui lui soufflait d'accepter cette proposition soudaine. " Ah ! Et si tu cesses de m'appeler 'Dame'. Je crois qu'entre nous, on peut se passer de ce genre de considérations. "


Son sourire était revenu et avec lui, une certaine légèreté. Il avait suffi d'une petite danse du fer se terminant en corps-à-corps imprévu pour définitivement briser la glace. Elle le suivit jusqu'au verre promis, persuadée qu'elle serait de retour pour superviser le chargement dans l'heure suivante. Sauf qu'il n'en serait rien. De même, les jours qui allaient suivre feraient de sa venue à Winterfell un voyage qu'elle n'était pas prête d'oublier.


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