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[Danger de mort] Le prix du silence

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Semaine 4, Lune 8, An 300

La nuit était encore tombée tôt ce soir-là et Rosalya avait achevé sa journée sans grand anicroche. Rien d'anormal dans des corvées ordinaires au milieu d'un groupe solidement organisé. Enfin...si ses collègues demeuraient partagées sur l'étrangère, une partie acceptait sa présence, mais cela n'empêchait pas la Belle d'entendre les chuchotements des autres la concernant. Depuis quelques jours déjà, son ventre se détachant distinctement sous sa robe de domestique attirait les regards plus ou moins amicaux. Certains partageaient la joie des gens simples à accueillir une nouvelle vie parmi eux, d'autres s'étrécissaient en apprenant une nouvelle rumeur sur la dornienne, celle qui affirmait que Rosalya porterait l'enfant du Seigneur Patrek Mallister.

Ce ragot était loin de plaire à tous et en particulier à l'une des détracteuses de la jeune femme. Cependant, cette dernière se montra étonnement moins acide que d'ordinaire à son encontre. D'aucun aurait pu voir en cette étrange passivité une sorte de menace, mais Rosalya n'y prit pas garde et continua ses activités comme à l'accoutumée. Sa charge de travail avait beau avoir été amoindrie, cela ne signifiait pas pour autant qu'elle pouvait se permettre de tirer au flanc et on vit la dornienne s'activer jusque tard avant de rejoindre sa chambrée où l'attendait encore son devoir maternel.

Il était à la fois bizarre et excitant pour la jeune mère de sentir à nouveau son ventre s'étirer, une vie naître en elle. Elle se demandait bien des choses sur cet enfant à venir ; son physique, son caractère, sa relation future avec ses demi-frères. Beaucoup de questions la taraudaient, mais elle avait cette fois moins peur du lendemain, de l'avenir, qu'elle serait capable d'offrir à ses enfants. Patrek était en grande partie responsable de cela. Le Seigneur de Salvemer était bien différent de Viserys et Rosalya se rassurait en comptant leurs différences, mais la douleur spirituelle qu'elle gardait de cette expérience au Donjon-Rouge la hantait encore. Comment savoir si le Conflanais ne reviendrait pas sur ses paroles ou si un événement viendrait mettre fin à leur entente ? Elle n'en savait rien, absolument rien et se contentait de sourire à ses fils babillant joyeusement en retrouvant ses bras.

Comme beaucoup de ses semblables, les roturiers, la Brune s'était habituée à l'idée de construire sa vie au jour le jour et de profiter simplement des petits bonheurs que pouvaient lui accorder les Sept. Toute à cette pensée, elle enfouit tendrement sa tête entre les deux nourrissons et posa de doux baisers sur leurs joues rebondies. Taylan et Serkan grandissaient vite, s'éveillaient au monde les entourant, bientôt ils apprendraient à servir et défendre alors qu'une vie un peu plus enviable attendait leur frère ou leur sœur à naître. Une vie qu'eux-mêmes auraient pu mener si les choses s'étaient passées autrement. Tous trois n'étaient pas malheureux malgré tout et Rosalya préférait mille fois cette vie à l'idée de voir leurs âmes rendues prématurément à leur créateur, ou pire.

Chassant ces sombres idées, la dornienne profita de son temps libre avec ses fils. Cependant, les bonnes choses se passant souvent trop vite, les minutes filèrent et son énergie aussi. Son corps fatigua et ses fils encore jeunes réclamèrent de dormir. Face à cette constatation physiologique, Rosalya s'exécuta et entama donc le même rituel qu'à chaque soir, bordant tendrement ses enfants et se plongeant peu à peu dans un noir incomplet.

Le calme régnait dans cette pièce faiblement éclairée par la lune décroissante et une raie de lumière émanant du couloir. De temps en temps, quelques serviteurs passant devant la porte venait temporairement obstruer cette source de lumière, mais une âme plus persistante se stoppa sciemment devant la chambre de la domestique maintenant endormie.

La porte grinça après quelques instants de silence et une femme entra en la refermant précautionneusement. Dans la pénombre se distinguait à peine sa chevelure châtain et sa robe de domestique, mais ce qu'il restait de luminosité soulignait les traits déformés de la jeune femme. Son visage était crispé par la haine et les sombres pensées accompagnant l'acte qu'elle allait commettre. Dans son entreprise, sûrement sous l'adrénaline engourdissant ses sens, il lui sembla que les battements de son cœur résonnaient entre les murs de la chambre, qu'ils allaient la trahir et réveiller la dornienne endormie.

Il n'en fut rien et la visiteuse se glissa à pas de loup jusqu'à Rosalya. Elle n'attendit pas l'heure des fantômes pour agir et sentit toute sa rancœur guider ses gestes. Ce n'était pas un acte irréfléchi, elle ne voyait nulle autre alternative pour évacuer son ressentiment, éloigner cette vipère de Salvemer qu'elle semblait avoir maudit par sa seule présence et protéger son Seigneur à sa manière. La dornienne avait suffisamment fait de dégâts aux yeux de la domestique qui restait obsédée par cette pensée : de quoi serait-elle capable si elle donnait un fils à son seigneur ? Quel pouvoir pourrait-elle prendre au sein de la forteresse ? Quel nouveau malheur elle et son sang maudit pourraient attirer sur la maison de l'aigle ?

On ne le répéterait jamais assez, mais les femmes étaient porteuses de fourberies bien violentes et Laeti craignait de voir cette opportuniste tenter de réaliser ici ce qu'elle n'avait pu accomplir avec celui l'ayant sûrement rejetée auparavant. Elle ne pouvait laisser quelque chose d'aussi dangereux à ses yeux continuer à agir de la sorte. Alors elle se pencha au-dessus de sa cible et s'empara rapidement de ce qui lui servait d'oreiller avant de le lui plaquer sur le visage de toutes ses forces.

La violence de la chose réveilla Rosalya qui commença à se débattre. Elle tenta d'abord de pousser le coussin, mais Laeti était presque couchée dessus. La brune commença alors à se contorsionner tandis que son esprit s'embrumait sous le manque d'air et elle parvint à perturber les appuis de son assaillant. La conflanaise glissa un peu et cela laissa le temps à Rosalya de reprendre un peu d'air et d'arracher l'objet des mains de Laeti. Cette dernière ne se laissa pas abattre et poussa du pied pour reprendre ses aises. Dans ce même mouvement, elle sauta à la gorge de la dornienne et bouscula le berceau des jumeaux qui commencèrent à s'agiter.

Ce fut à cet instant que Rosalya poussa son premier cri dans la bataille, Laeti lui avait mis un coup de genou lorsqu'elle lui avait attrapé la gorge. La douleur irradiait, mais la brune sentit son corps bouger de lui-même pour défendre sa vie propre contre le chaos qui régnait dans son esprit. Elle avait reconnu son agresseur, c'était l'une de celles lui jetant des piques, la faisant tourner en bourrique et cherchant à éviter son contact, pourtant, jamais ô grand jamais elle ne l'aurait cru capable d'une telle violence à son égard.

Rosalya arc-boutait, griffait les poignets de Laeti, happait l'air comme elle pouvait. Ces hoquets et autres cris étouffés des deux femmes finirent pas apeurer les jumeaux qui commencèrent à pleurer et la dornienne, revigorée par l'instinct maternel, dégagea une des ses mains de la poigne qu'elle tentait de défaire. Elle empoigna brutalement la chevelure de son assaillante qui porta ses mains à celle de Rosalya pour l'arracher à sa tignasse, n'hésitant pas à planter ces ongles dans la chair de cette dernière au cours de l'opération, sang et poils se mêlèrent lorsque l'attaquée lâcha prise.

La brune avait bien tenté au cours de cette diversion de faire basculer Laeti, de la frapper, mais cette dernière était solidement campée sur elle et l'avait fermement contrainte à revenir sur le dos en maintenant ses bras en croix contre le lit. L’œil enragé, rouge de l'effort et échevelée, la conflanaise semblait folle et pesait maintenant sur son ventre en se vengeant de cette douleur imprévue.

Rosalya la fusillait du regard et tirait sur ses bras pour se dégager de l'emprise de Laeti. La châtain eut alors un rictus qui fit frissonner la destinataire de sa violence. Avant de pouvoir esquisser le moindre geste en retrouvant une soudaine liberté, la brune sentit sa tête partir sur le côté et le goût du sang imprégner sa langue. Le coup la lançait et il ne fut pas unique. Armant son poing, la conflanaise visait et frappait violemment le visage de la dornienne qui se transformait, s'enlaidissait. Elle frappa, à plusieurs reprises. La froideur de son entreprise avait laissé place à une ardente panique, une violente envie de tuer rapidement et une découverte du goût de faire mal à quelqu'un qu'elle haïssait.

Rosalya lutta contre les coups, d'abord vigoureusement, mais la douleur lui arrachait des cris qu'elle tentait de retenir entre ses dents. Elle voyait cette femme s'exciter sur son mal-être, dans son regard, dans sa folie, alors elle lutta à deux niveaux pour ne pas faire plaisir à son agresseur tandis que ses bras remontés n'empêchaient pas Laeti de frapper. Qu'importaient ses efforts, sa rage de vivre, son esprit comme son corps semblaient s'éteindre sous la douleur. Pourtant la dornienne faisait ce qu'elle pouvait pour affronter son adversaire, ne fusse plus que par le regard puisqu'elle ne savait même plus si ses bras lui obéissaient.

De concert avec la révolte de leur mère, apeuré par le bruit des coups et les cris échappant à cette dernière, Taylan et Serkan s'étaient soudain mis à hurler comme cela arrivait peu. Laeti réalisant soudain que des indésirables risquaient de découvrir son acte paniqua. Leur intimant de se taire, cela ne les fit que repartir de plus belle et Rosalya parvint à attraper sa main et son avant bras en voyant la folle diriger son attention sur les jumeaux apeurés.

L'action de l'affaiblie ne ralentit qu'un peu Laeti qui s'empara du bougeoir près du lit et le leva haut au-dessus de sa tête en menaçant les gamins. L'espace d'un instant elle hésita. Sentant le poids dans l'objet dans ses mains, elle réalisa qu'elle pouvait aussi bien faire taire les enfants qu'achever la cible de sa rage d'un coup sec.

On frappa à la porte, Laeti tourna soudainement la tête vers celle-ci et entendit les paroles de ceux dérangés dans leur sommeil, vit leur nombre aux ombres filtrant sur le parquet. Son corps s'immobilisa presque et son esprit sembla se perdre dans le choix qu'elle devait faire quand on frappa à nouveau en appelant la dornienne d'une grosse voix lui ordonnant de faire taire ses enfants.

Son esprit trancha cruellement et la brune vit avec effroi l’œil maladif se tourner vers le berceau. Cet instant de suspense tandis que la conflanaise avait négligé Rosalya en se levant à moitié pour atteindre les bébés, la dornienne le mis à profit et se jeta sur Laeti de tout son poids dans un étrange mouvement mi-mou, mi-vif.

Les deux femmes chutèrent lourdement sur le sol, provoquant un nouveau ramdam qui interrogea les voisins de la dornienne. On frappa à nouveau et Rosalya cria lorsque Laeti se débarrassa une nouvelle fois d'elle d'un coup qui la fit rouler sur le côté en jurant à son encontre. Elle ramassa alors son arme de fortune et leva à nouveau le bras au-dessus de Rosalya. Un frisson satisfait lui parcourut l'échine lorsque sa cible cria sa peur des faibles forces qu'il lui restait.

Le bois grinça et un tumulte envahit la chambrette tandis que les domestiques alertés se jetaient sur les deux femmes. Rosalya ne vit pas trop ce qu'il se passa alors, mais Laeti fut arrêtée dans son entreprise et se débattit comme une sauvageonne avant de laisser couler des larmes de rages face à l'échec de son projet, du moins ce qu'elle pensait comme tel. Elle avait alors hurlé sur les intrus, passant des insultes à leur encontre à des vaines tentatives de les convaincre de la légitimité de ses actes.

Tout cela se perdit dans l'esprit de la dornienne qui sentait sa conscience basculer et son corps se contracter. Le sang lui entravait la vue, son souffle s'était fait rauque et faible, Rosalya sentait la présence de l'Etranger à ses côtés. Était-elle si faible ? Était-ce déjà l'heure ? Rosalya avait peur. La brune dont le visage se tuméfiait pleura, ou crut le faire, tandis que ses muscles l'abandonnaient l'un après l'autre à l'exception de ceux de son ventre qui se battaient rageusement pour préserver le petit être à peine vivant.

Rosalya perdit connaissance et si l'on tenta de sauver l'enfant à naître, la jeune mère n'y survécu pas, se contentant de prendre la main tendue de l'Etranger pour abandonner ce combat déjà perdu.

~The end~