Tell me everything will be fine [PV Aelys]

    La journée avait été longue, exténuante mais bientôt il serait sur un navire les ramenant à la maison. Leur voyage dans le Royaume du Nord prenait enfin fin. Pour un premier voyage en tant que Reine, la jeune femme avait bien échoué à sauvegarder les apparences. Elle le savait. Elle avait montré ce visage de Reine inflexible, ne cédant à rien. Une attitude que beaucoup jugeait cruelle, mais elle ne voulait pas qu’on lui marche sur les pieds car c’était une femme. Elle avait sa fierté de dragonne et elle en avait été blessée au plus profond de son être. Cela aurait pu être une personne tout autre, un biefois, un orageois, un nordien, sa réaction aurait surement été plus calme, plus raisonné. Mais un dornien l’avait insulté, un homme venant de la même contrée que sa défunte mère. Un dornien l’avait insulté et c’était ce fait qui avait le plus blessé Rhaenys.  Le reste n’avait été que conséquence de cela. Depuis sa naissance, personne n’acceptait son héritage de Dorne, comme si Elia n’avait jamais existé. Alors elle avait laissé parler le dragon, car elle venait aussi de cette famille. Mais elle n’en était pas fière pour autant, elle avait mal. Chaque pas qu’elle faisait, chaque mot qu’elle prononçait lui arraché des souffrances que peu de gens ignorait. Elle devait faire semblant que tout allait bien, qu’elle assumait jusqu’au bout des ongles. Mais dans son esprit la réalité était tout autre.

Le convoi de la cour de la Jeune Reine atteignit Goeville alors que la nuit et son froid mordant avait recouvert les routes valloises. Accueillie par les Graftons pour la nuit, la jeune femme s’était vite isolée ayant le besoin de se sentir seule, de laisser exprimer ses émotions qu’elle retenait depuis un lune. Elle ne voulait plus mettre en cage ce qu’elle était, elle ne pouvait plus vivre comme cela. Elle ne pouvait supporter cette pression qu’on lui avait mise. Oh certes, beaucoup lui allait lui dire qu’elle avait accepté. Mais pour sa famille, pour les gens qu’on aime, jusqu’où étions-nous capable d’aller ? Rhaenys avait accepté pour Daenerys, pour la douce Daenerys qui l’avait supplié de ne pas la laisser seule. Jamais la dragonne n’avait voulu honorer la mémoire de cet oncle qui l’avait violé et retenue prisonnière. Elle avait accepté pour aider sa famille mais personne ne le voyait. Personne ne semblait vouloir comprendre et personne ne comprenait ce que tout ceci signifiait, ce que tout ceci impliquer. Elle n’avait pas été formée pour supporter le pouvoir. Et elle se souvenait des paroles de son père, deux ans plus tôt. Le pouvoir change les gens. Elle le sentait. Elle sentait que ce trône, cette couronne essayait de la changer, d’aller contre sa nature profonde. Et Rhaenys luttait chaque jour pour tenter de rester celle qu’elle était, ne pas céder à ce mal qui rongeait les esprits.

Trois jours auparavant, Andar Royce, la main du régent du Nord lui avait annoncé la présence de l’homme qui l’avait peut-être fait souffrir le plus psychologiquement sur les terres du Val. Ce père qu’elle avait chéri, auquel elle s’était accroché à la mort de sa mère, ce père qui au final l’avait vendu à Rowen lors d’une guerre et qui n’a pas levé le petit doigt quand Viserys l’a retenu captive. Cette ignorance était la plus douloureuse et la plus dure à digérer pour Rhaenys qui s’était senti abandonner par sa famille. Aegon s’était rattrapé lors de sa fuite du Bief, il avait été là pour elle. Mais Rhaegar avait refusé une possible main tendu. Refusant de reconnaître le pouvoir en place, refusant une possible retrouvaille avec sa fille. Aujourd’hui il était de retour sur un territoire que lui considérait encore comme le sien vu qu’il n’avait jamais reconnu officiellement les deux Royaumes. Une chose était sure, Rhaenys refusait d’être sur ces terres plus longtemps. Si personne ne semblait rien à redire sur la présence du Roi Déchu, la Jeune Reine ne refusait de mettre en danger sa couronne et l’héritage de son enfant. Si cela ne dérangeait pas Elbert, c’était son problème. Pas celui de la Reine du Sud. Mais ce nouvel élément, ne faisait que rajouter une pression supplémentaire, une goutte d’eau dans le vase déjà bien plein de la jeune femme.

Se réfugiant dans les appartements qu’on lui avait préparé, la jeune femme ferma la porte et se laissa glisser le long du bois vernis et laissa ses émotions prendre le dessus, laissant ses larmes coulées librement sur ses joues, laissant sa douleur sortir. Laissant tout ce qu’elle avait retenu depuis bien trop longtemps sortir. Sa peine pour la mort de son époux, pour la mort de sa fille. Elle laissait ses larmes sortir sans les retenir, son corps secoué par les sanglots incontrôlé qui envahir la pièce en quelques minutes. Elle avait envie de hurler pour s’aider à tout évacuer mais elle ne pouvait le faire encore une fois à cause de l’image qu’on voulait voir d’elle. Encore une fois, elle ne pouvait faire et être ce qu’elle souhaitait. Rhaenys suffoquait de plus en plus dans cet étau qu’était la royauté, elle n’en pouvait plus. La fatigue, l’usure s’entremêlait faisant des mélanges destructeurs pour une jeune femme d’une vingtaine d’années qui n’avait jamais appris à supporter cela, que personne n’avait préparé à tout cela.

Les minutes filèrent et elle tenta de se lever malgré les sanglots qui secouer toujours son maigre corps et tenta de se trainer jusqu’au lit qui trônait au milieu de la pièce. Ses mains tremblantes défirent ses cheveux coiffés laissant la masse de boucle brune tomber librement sur ses épaules. Elle resta un moment assise sur ce lit, les mains tremblantes et le regard dans le vide tandis que ses larmes diminuaient petit à petit, n’ayant plus assez de liquide lacrymal pour pleurer d’avantage. Ses yeux étaient brûlants et la fatigue se faisait encore plus nettement sentir. Mais quelqu’un frappa à la porte, la sortant de sa torpeur. Se levant péniblement, la jeune femme posa ses mains fraîches sur ses yeux bouffis par les larmes et tenta de reprendre un peu de constance avant d’aller ouvrir. Heureusement pour elle, elle tomba nez à nez avec sa nouvelle dame de compagnie. Aelys Darry.
« Qu’il y a-t-il ? » demanda-t-elle d’une voix enroué et faible.

Elle espérait que le seigneur de Goëville ne la demandait pas pour une quelconque raison, la jeune reine n’avait plus la force à rien ce soir-là.