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It may be unfair, but what happens in a few days, sometimes even a single day, can change the course of a whole lifetime.

Edwin + Aethan
lune 8 - an 300 - Ironrath

Il n'était pas resté longtemps sur la Route Royale après Moat Cailin, préférant largement les vastes plaines au triste chemin de terre qui remontait jusqu'à Winterfell. Profiter encore un peu de sa liberté, seulement se laisser porter par les galops de sa monture et admirer les paysages enneigés autour de lui, avant de rentrer au domaine et y retrouver son titre, les obligations qui allaient avec et tout ce qui ne tarderait pas à suivre. Il savait déjà les questions qui lui seraient posées, le silence qui servirait de réponse à celle qu'il redoutait tant, les interrogations qui suivraient, et ce même silence qu'il garderait, faute de savoir quoi dire exactement. Il n'avait jamais été préparé à être lord, encore moins appris à diriger un domaine comme avaient pu le faire son père ou son frère, et s'il avait fini par se plier à tout ça il n'était pas pressé d'atteindre la dernière étape qui permettrait de faire perdurer leur famille. Juste profiter encore un peu, ne pas penser à tout ce qui l'attendait chez lui, sentir le froid sur sa peau et le vent dans ses cheveux, tout ce qui avait tendance à encombrer son esprit ces derniers temps disparaissant même pour un bref instant pour laisser place à cette sérénité paisible qui lui manquait tant. Juste lui, son cheval et les plaines infinies de sa terre natale déjà presque entièrement blanche, se laissant bercer par le bruit des sabots puissants contre la terre gelée et les battements de son propre cœur. Il ne ralentissait que lorsque la nuit tombait, s'arrêtant à peine quelques heures le temps que sa monture pourtant robuste reprenne des forces, avant de repartir avec l'aube, la distance entre Ironrath et lui s'amenuisant un peu plus chaque jour. Au sud du domaine des Tallhart il avait aperçut un campement de sauvageons et avait préféré les éviter largement, sachant qu'il n'aurait que peu de chances face au nombre, et que cela n'aiderait pas les éventuelles propositions de paix si elles avaient lieu un jour. Le détour ne l'avait pas dérangé, il en avait profité pour faire une pause dans une auberge du bourg près de Quart-Torrhen et profiter de la chaleur d'un vrai foyer, avant de reprendre la route le lendemain dès les premières lueurs de l'aube.

Le soleil pâle avait atteint le zénith lorsqu'il repéra une forme étrange sous un grand chêne solitaire. Freinant l'allure, il s'approcha lentement, essayant de deviner de quoi il s'agissait malgré l'éclat presque aveuglant de la neige qui tombait depuis le début de la journée. S'arrêtant à bonne distance, il mit pied à terre, la main sur la poignée de son arakh, prêt à dégainer sa fidèle lame au moindre mouvement suspect. Mais il n'y en avait pas, juste un tas de tissus à moitié couverts par les flocons, et il s'approcha plus encore, jusqu'à ce qu'il comprenne ce qu'il avait sous les yeux. Un jeune homme qui semblait endormi, les lèvres bleuies par le froid environnant. Se baissant, il chercha son pouls, qu'il sentit à peine sous ses doigts, et sa respiration était si ténue qu'il la détectait à peine. Il était seul, son visage pâle se fondant presque avec le décor était creusé par ce qui devait être de la fatigue, peut-être la faim, et il ne survivrait pas bien longtemps s'il restait là au milieu de nulle part. L'idée même de le laisser ici, de faire comme si ça ne le regardait pas, ne lui avait même pas traversé l'esprit et il dégagea rapidement la neige qui le couvrait, détachant sa propre cape pour l'en couvrir, avant de siffler son cheval pour qu'il approche. Soulevant le jeune homme autant qu'il le pouvait, il le hissa sur la croupe de l'animal avant de monter à son tour, détachant une sangle pour la passer autour de la taille de l'autre, puis de la sienne. Ce ne serait pas confortable, potentiellement dangereux si jamais ils étaient attaqués, mais rester à découvert l'était encore plus. Il pouvait apercevoir la ligne sombre du Bois-aux-Loups à l'horizon, et plus loin derrière les vagues ombres des montagnes qui abritaient son fief natal. Proche et pourtant beaucoup trop loin, le temps jouait contre lui et il ne pouvait pas se permettre de trop traîner. S'assurant une dernière fois que les liens étaient bien serrés, il talonna sa monture qui s'élança à nouveau dans la plaine, les flocons et le vent fouettant son visage tandis que le froid s'infiltrait dans les plis de ses vêtements.

Malgré son endurance et sa force, sa monture avait fini par montrer des signes de fatigue et il avait été obligé de s'arrêter dans la vaste forêt, trouvant un maigre refuge dans une petite clairière où se dressait un barral au visage grimaçant, entouré de quelques rochers. Il avait allumé un petit feu et placé le jeune homme le plus près possible de la source de chaleur. Il n'avait pas vraiment repris conscience, à peine entrouvert les yeux qu'il avait fixé sur l'écorce blanche ornée de la face antique avant de les refermer et de sombrer à nouveau, tandis que lui bougeait sans cesse pour ne pas être à son tour victime du froid, avant de prendre place à son tour près du feu qu'il alimentait autant qu'il le pouvait. Ils étaient restés là quelques heures, l'inconnu revenant à la réalité pendant de très brefs moments avant de céder à nouveau, pour reprendre la route une fois son cheval assez reposé. Une nouvelle fois il avait serré la sangle autour d'eux et avait filé à travers les arbres de cette forêt qu'il connaissait si bien, pour enfin rejoindre la route qui menait à Ironrath puis la vue rassurante de la grande entrée de pierre et de bois sombre. Il avait à peine ralenti, passant entre les portes à peine ouvertes pour ne s'arrêter qu'au pied des marches menant à la demeure familiale, défaisant les liens alors que des hommes l'aidaient à descendre le jeune homme inconscient. Pour la première fois il sentit les douleurs qui marquaient ses côtés là où la bride s'était enfoncée plus profondément, celles qui tiraillaient son dos à cause de la position inconfortable, mais il n'y prêta pas attention, ordonnant qu'on installe l'inconnu dans une des chambres et que le mestre se rende immédiatement à son chevet. Confiant son cheval à un garçon d'écurie, il salua rapidement sa famille avant de se rendre au chevet du jeune homme, le mestre s'occupant déjà de lui. Ils avaient échangés quelques mots, le vieil homme le rassurant sur les chances de survie du malade tout en lui faisant remarquer qu'il aurait mieux fait de l'amener à un fief plus proche de l'endroit où il l'avait trouvé, puis il s'était rendu auprès de son oncle pour entendre son rapport sur ce qui s'était passé pendant son absence et lui faire part de diverses décisions concernant les affaires du domaine.

Deux jours étaient passés, et chaque soir il était venu s'assurer de la santé du jeune homme qui avait repris des couleurs même s'il dormait encore, s'installant dans la chambre pendant quelques heures pour le veiller, lisant de vieux recueils de la bibliothèque ou étudiant divers parchemins, avant de regagner sa propre couche pour le reste de la nuit. Le troisième soir ne semblait pas différer des deux précédents et il s'était plongé dans un livre poussiéreux traitant de vieilles légendes nordiennes, quand il avait entendu du bruit venant du lit. Posant le tome encore ouvert au sol, il se leva, s'approcha du pied et fut agréablement surpris de voir que le jeune homme avait repris conscience et n'était pas en train de rendre son dernier souffle. Comment vous sentez-vous? Faible, très certainement, même si le repos et les divers soins semblaient lui avoir fait du bien, probablement perdu aussi. Dégageant les boucles qui tombaient sur son visage d'un geste rapide, il reprit. Vous êtes à Ironrath, au nord du Nord. Je vous ai trouvé à moitié mort sous un arbre un peu plus au sud, vous ai ramené ici et le mestre s'est chargé de vous remettre sur pieds. Il faudrait d'ailleurs qu'il aille cherche ce dernier, qu'il vérifie que tout aille bien, mais ça pouvait attendre un peu. Contournant le lit, il attrapa la carafe d'eau posée sur la petite table à côté et remplit une coupe qu'il tendit au jeune homme. Vous avez dormi trois jours complets, plus je ne sais combien de temps avant que je vous trouve, mais vous allez encore devoir vous reposer un peu et vous nourrir, vous étiez très faible et vous n'êtes pas passé loin de la mort. Attendant qu'il finisse de boire, il s'assit sur le lit, récupérant la coupe vide avant de la reposer, et observa le visage du jeune homme. Il était encore en sale état, mais rien qui ne pourrait se régler avec quelques jours de soins en plus et du repos. Plus jeune que lui, peut-être trois ou quatre ans, mais c'était tout ce qu'il pouvait deviner pour le moment. Je m'appelle Edwin, et vous?
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« Les maladies de l'âme, comme celles du corps, ne sont peut-être jamais plus inquiétantes que lorsqu'elles sont vagues et indécises ; dès qu'on est parvenu à les fixer, on est presque sûr de leur guérison. L'habitude la plus propre à les prévenir est l'heureuse habitude de ne point s'abandonner à ses fantaisies, de ne pas même s'abandonner trop à ses idées, et de compter souvent avec soi-même de ses progrès et de ses pertes, de ses goûts et de ses aversions, de ses peines et de ses plaisirs. »
Edwin & Aethan



❈ An 300, lune 8
Terres du Nord, Ironrath

Ses sens lui revenaient un à un. D’abord, il ressentit le froid, violent et perfide poison, qui s’infiltrait dans son corps pour tuer ses sens à un rythme affolant. Celui-ci avait établi foyer, s’était installé et semblait si imprégné qu’il avait un arrière-goût d’éternité. Ses yeux s’ouvrirent, douloureuse affliction et pénible manœuvre. Il ne perçut qu’un blanc idyllique, de ceux que l’on se figure apparaître après la mort. Les couleurs reprirent enfin leur place, dans un dolent désordre. Il ne ressentait rien, ni douleur, ni fatigue. Ces méandres se distinguèrent plus tard, lorsque son corps reprenait le peu de vitalité qu’il pouvait puiser. Comme un affamé qui rongeait une carcasse, son corps aspirait ses dernières ressources, sans l’assurance d’être raisonnable. Il souffrait de sa survie, envisageait la mort comme un fardeau reposant. Les couleurs lui revenaient et ses muscles commençaient lentement à se mouvoir. Dans un acte désespéré, ses yeux se levèrent vers le ciel auprès duquel il projetait de faire amende honorable afin de gagner le repos qu’il méritait tant après de si lourdes épreuves. C’est de sa mort qu’il rêva, lorsqu’il s’évanouit une nouvelle fois, peu avant d’être retrouvé par un jeune lord. Cela allait être son quotidien pour les jours à venir. Il serait continuellement entre le conscient et l’inconscient. Entre la vie et la mort, seul face à ses pensées et à ses maux, comme s’il pénétrait dans l’ultime purgatoire. Ses pensées n’étaient ni douces ni clémentes, et elles allaient devenir son pire ennemi. Prisonnier de son propre corps : condamné à vivre, voilà ce qu’allait devenir Aethan dans les prochains jours.


***


« Cache-toi ! » Son frère était assaini par la crainte. Sa voix n’était pas celle qu’Aethan connaissait, elle sonnait différemment. Le réveil fut brutal. Il se mit sur son séant pour comprendre ce à quoi rimait tout cela. Son visage était aussi différent. Drewyn avait perdu toute sa flamboyance de la veille et l’avait échangé pour la peur. Une violente et terrible peur. Le feu qui juxtaposait sa couche s’était éteint pendant la nuit, le froid du Nord se ressentait violemment. « Cache-toi, ils arrivent. » Qui étaient-ils ? Ceux qui les avaient menacé la veille ? Le groupe qui marchait en direction de la Garde de Nuit ? Pourquoi étaient-ils là ? Que se passait-il ? Ils avaient pourtant tourné les talons, en prenant la décision de les laisser vivre. Pourquoi revenaient-ils ? Le temps ne semblait pas être aux questions. Le doigt de l’aîné Hawick pointait vers une cachette, dans des buissons environnants, près d’un rocher imposant. Aethan hésita, ce qui n’allait pas pour plaire à son frère qui ne tarda pas à perdre patience. “Va te cacher bon sang ! Fais-le, et ne ressors sous aucun prétexte, pas avant que je ne t’en donne l’ordre.” Le cadet regarda son frère une dernière fois, afin de s’assurer que tout cela était réel, puis s'exécuta sans montrer davantage de résistance. Il gagna sa cachette qui se situait assez loin du campement et tendit l’oreille, pour ne pas perdre une miette de ce qui se déroulait dehors de son nouveau cocon. Ce qu’il entendit était étrange. Des bruits de pas, quelques voix, trois en réalité. Il reconnaissait celle de son frère, pleine d’assurance. Puis cette assurance se dissipa peu à peu, pour ne faire qu’un avec l'incertitude du vent. Les événements qui suivirent glacèrent le sang d’Aethan à tout jamais. C’est plus tard qu’il comprit tout. Qu’il se rendit compte de ce qu’il avait laissé se produire. Sur le moment, tout semblait ne pas être réel, ou plutôt, ne voulait-il pas que cela devienne réalité. “Où est l’autre ?” demanda l’un, “Parti hier soir”, répondait son frère. Puis des menaces, beaucoup de menaces, dont la véracité ne voulait pas trouver échos en Aethan. Il resta caché, en attendant les mots de son frère qui lui indiqueraient de sortir. Mais jamais il ne les entendit, comme il n’entendit jamais plus la voix de Drewyn.


***


Une ode à la mort prenait place dans ses pensées. Il n’avait que cela en tête ; rejoindre son défunt frère. Sans doute le cadavre de celui-ci pourrissait-il déjà. S’il s’était effondré sur la tombe de son frère, ce n’était pas que par affaiblissement. Il avait trouvé cela poétique, de perdre la vie au-dessus de sa tombe. C’était son sacrifice. Il cherchait en cet acte le pardon qu’il ne trouverait nulle part. Aethan ne se voyait pas continuer à vivre avec cette mort sur les mains. Qu’avait-il fait pour le protéger ? Pour empêcher cela d’arriver ? Rien. Il était resté caché, comme les faibles qui redoutent la bataille. Ses idéaux l’avaient empêché de se lever, de bondir contre ces malfaiteurs. Ces maudits principes qui guidaient sa vie l’avaient rendu coupable de meurtre, celui de Drewyn. Cache-toi, lui avait-il dit, et il l’avait fait. Cette faiblesse le hantait et faisait naître en lui une haine profonde. La haine de soi.
Tout n’était que fllash. Il se réveillait tantôt, quelques secondes où il reprenait conscience, avant de sombrer à nouveau. Ces quelques piqûres de réalité étaient violentes, douloureuses. Elles étaient courtes, certes, mais elles étaient suffisamment fortes pour le laisser ressentir l’ensemble de ses maux, physiques et psychologiques. Son corps lui hurlait dessus et ses pensées, poignards aiguisés, s’abattaient sur lui sans aucune retenue. Il ne percevait parfois rien, se contentait d’entendre des bruits qu’il ne comprennait pas. Lorsque la vision lui était donnée, il ne percevait que de vagues silhouettes, des paysages flous et un environnement qu’il ne reconnaissait pas. Il s’éveilla lors de la chevauchée, sans comprendre ce qu’il faisait là. Il ne chercha pas bien longtemps et n’eut pas le temps de dire ou faire quoi que ce soit avant de s’endormir à nouveau. Sans doute le nordien ne le remarqua même pas. Tout n’était que confusion. Chaque nouveau réveil était plus long et donnait naissance à de nouvelles questions. À chaque fois, le jeune homme devait se battre pour se rappeler de ce qu’il savait, de ce qui s’était passé. Et à chaque rappel, son coeur saignait. C’était un enfer que l’oubli, parce qu’il devait se remémorer à chaque fois les terribles événements et les revivre dans sa tête. Comme si le disque de sa vie s’était enrayée et qu’il était condamné à revoir éternellement les mêmes instants, les revivre encore et encore, les ressentir un nombre astronomique de fois. De cette peine répétée s’ajoutait une crainte, celle de l’instant présent. Qui était cet homme ? Où était-il emmené ? Qu’allait-il se passer ? Des questions piquantes qui ne le laissaient penser qu’une seule chose : sa vie ne dépendait plus de lui à présent. Il n’était plus maître de lui-même, quelqu’un d’autre s'occupait de lui. Cette sensation était inédite et si étrange, qu’il préférait les instants où il se rendormait, où il retrouvait une innocence qui avait une promesse de mort qu’il trouvait rassurante. Sa plus longue prise de conscience se manifesta en pleine nuit. Il était alors allongé, son corps était immobile et quand bien même il aurait voulu le mouvoir, cela lui était impossible. Il avait ressenti quelque chose de fort et de délicieux. Une chaleur non loin de lui, qui prenait probablement sa source d’un feu. Ce contact avait été salvateur. Un véritable cadeau qu’il recevait d’un inconnu. Pendant les quelques instants que durèrent son éveil, il s’était senti pour la première fois depuis longtemps bien. Pour une fois, son esprit semblait l’épargner. Il était comme bien trop exténué pour songer à tout cela, à cette situation. Il semblait avoir abandonné ses questionnements pour se laisser emporter par le courant de sa vie, sans même être curieux de ce qui se trouvait sur le chemin. Il en avait assez de penser, il avait besoin d’un repos. C’est ce qu’il trouva, cette nuit-là. Un véritable confort. C’était une pause dans cette folle aventure qui lui était offert, et qu’il recevait à bras ouverts. Il s’endormit une énième fois et son visage ne paraissait plus être couvert de craintes et de doutes. Il paraissait au contraire serain. Ces quelques instants lui avaient amené une certitude : l’homme qui s’était emparé de lui lui voulait du bien. Il fallait que ce soit ainsi, alors il fit en sorte de le considérer comme tel. Le contraire n’était pas possible, il avait bien trop souffert. Il devait y avoir du bon à présent, quelque chose de meilleur, pour équilibrer la balance. Il prit donc la décision de se sentir en sécurité, en s’abandonnant et en s’accrochant à cette pensée. Il en avait bien besoin. Ainsi naquit cette illusion de bien-être qui dura toute une nuit, laquelle fut entrecoupée de nombreuses autres prises de conscience.


***


Sa guérison débuta réellement à Ironrath, où il pouvait bénéficier du confort d’un lit et des soins d’un mestre. À nouveau, il se réveilla de nombreuses fois durant les deux journées qui suivirent son arrivée. Les mêmes questionnements ; où était-t-il ? qui prenait soin de lui ? pourquoi l’avait-on sauvé ? Si son état s’améliorait de jour en jour, jamais il n’ouvrit la bouche pour dire quoi que ce soit. Parfois même, il ne prenait pas la peine d’ouvrir les yeux, la manoeuvre étant bien trop désagréable et douloureuse. Il restait immobile, les yeux clos, à écouter ce qui se passait autour de lui. Sa respiration était profonde, son corps reprenait ses couleurs d’antan.
Il s’éveilla une énième fois. Pendant de longs instants, l’homme présent dans la pièce ne le remarqua pas. Contrairement aux précédents éveils, Aethan voulait se faire entendre. Il voulait avoir les réponses à ses questions, comprendre ce qui lui arrivait et ce qui allait se passer. Si l’inconscience de cela lui avait paru reposante, à présent il ne le supportait plus. Il avait besoin d’avoir ces réponses et ne pouvait plus les fuir. Sa vie s’était arrêtée pendant quelques jours, il devait la remettre en marche. Il tenta de bouger, sans réel succès. Ses yeux étaient entièrement ouverts, mais cela ne suffisait pas. Il ouvrit la bouche pour s’adresser à l’inconnu, mais aucun son ne daigna en sortir. Il se sentit piéger pendant un moment, jusqu’à ce qu’il parvienne  à émettre un léger son. Une légère plainte qui s’échappa de sa bouche, involontairement, mais qui lui permit d’attirer l’attention du nordien. Il referma sa bouche et observa l’homme s’approcher de lui, sans savoir quoi ressentir. Devait-il le craindre ? Après tout, il ne le connaissait pas. Il avait choisi d’avoir confiance en lui, mais dans un monde comme celui-ci, une aide gratuite semblait être utopie. Qu’attendait-il de lui ? Des centaines de scénarios possibles furent imaginés par Aethan, tandis qu’il attendait ses réponses. Enfin, le silence fut brisé et l’inconnu se mit à parler. Sa première question le laissa de marbre. Comment se sentait-il ? La question elle-même était douloureuse. Elle résonna plusieurs fois dans sa tête, jusqu’à ce qu’il finisse par conclure qu’il lui était impossible d’y répondre. Si son état s’était effectivement amélioré, il souffrait continuellement des mêmes maux, ceux que son esprit lui infligeait. Il ne pouvait se défaire de cette terrible culpabilité qui le rongeait, et ne pouvait cesser d’y penser. Il avait essayé pourtant, de regagner cet état paisible par lequel il était passé quelques jours auparavant, près de ce feu au milieu de la neige. C’était impossible. Plus il devenait lucide, plus ses pensées reprenaient leur vivacité et devenaient douloureuses. Lorsqu’il entendit le nom d’Ironrath, il fut rassuré. Il n’était pas n’importe où, cela le rassurait. Lorsque le jeune homme lui annonça qu’il n’était pas passé loin de la mort, sans doute pensait-il lui apprendre quelque chose. Si son visage n’était pas figé, que ses lèvres n’étaient pas si douloureuses, il aurait ri ou au moins souri. Le fait était qu’il en était bien trop conscient. Il avait vu la mort arriver, avait caressé sa silhouette et s’était complu dans son ombre. Il était difficile pour lui de se l’admettre, mais il aurait apprécié l’atteindre. À présent, cela semblait être délire de l’avoir tant désiré, d’en avoir rêvé. Il se sentait stupide, faible de l’avoir tant envisagé. Tout cela le rendait triste, dans un sens. Lui qui appréciait la vie, qui la portait en haute estime et qui avait pour habitude de la célébrer. Lui qui rêvait jadis d’être immortel, qui souhaitait en profiter éternellement. Mais le malheur avait creusé un fossé entre l’homme qu’il était avant et celui qu’il était devenu ces derniers jours. Dans les vapes, lové dans les bras de Morphée, son esprit ne s’était pourtant pas arrêté, lui. L’Aethan qui s’était éveillé il y a quelques instants était différent, il le ressentait. Il se sentait différent. Il ne pouvait pourtant pas les décrire, ces sentiments qui le remuaient. Tout ce qu’il ressentait était si extrême, tout n’était qu’hyperbole. Il était passé ces dernières journées d’extrême en extrême, et c’était cela, qui le fatiguait le plus.
Qui était cet Edwin ? Quel genre d’homme était-il ? Son sauveur, avant tout. Le cœur d’Aethan avait été transpercé par la gentillesse dont il avait preuve. Combien d’hommes l’auraient abandonné à son sort ? Combien d’hommes auraient pris avantage de sa position ? Et puis, combien d’hommes se seraient arrêtés et lui seraient venus en aide ? Dans la folie de l’instant, la seule réponse qu’avait Aethan à cette question était Edwin. Comme s’il était le seul qui aurait fait cela. « Aethan Hawick. » Sa voix était encore faible, mais on y percevait une volonté de se faire entendre, une bataille intérieure pour aller mieux. « Je m’appelle Aethan Hawick. » Que dire à présent ? Il avait envie de le remercier comme il se devait, mais il ne trouvait pas les mots. Faire travailler son esprit était dolent. Ses yeux couleur émeraude étaient posés sur le nordien et semblaient parler pour lui. On pouvait y percevoir toute la reconnaissance du monde, mais aussi de l'incompréhension. « Merci beaucoup, pour tout ce que vous avez fait. Je ne sais pas quoi dire. » C’était vrai, il était perdu, tout était encore si flou. Il tenta de se relever mais dut y renoncer rapidement sous la douleur. Néanmoins, il se redressa quelque peu et afficha un léger sourire. « Pourquoi m’avoir aidé ? » C'était cela, l'essence de tous ses questionnements. C'était cela qu'il voulait comprendre avant tout.



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Edwin + Aethan
lune 8 - an 300 - Ironrath

Ainsi le jeune homme était un noble, même s'il n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait son fief natal. Pas du Nord, il connaissait tout de même les familles de son propre royaume, mais sinon il aurait été incapable de placer les Hawick sur une carte, ou même de donner une zone approximative d'origine. Je n'ai pas fait grand chose, c'est surtout le mestre qui vous a remis sur pieds. Lui l'avait seulement transporté jusqu'au mestre, et maintenu en vie autant qu'il pouvait le temps d'arriver. Ses sourcils se haussèrent à la question et la seule explication qu'il avait sortit aussitôt, sans même qu'il réfléchisse. Ça me semblait être la chose normale à faire. C'était aussi simple que ça pour lui: aider quelqu'un qui en avait besoin, même un total inconnu, était normal. Le Nord était une terre assez accueillante malgré le climat rude, peut-être qu'il l'aurait laissé tranquille sous son arbre en temps normal, mais l'Hiver était arrivé et ça changeait tout, y compris pour ce genre d'actes. S'il ne s'était pas arrêté ou avait décidé de reprendre la route comme si de rien était, le jeune homme serait mort, que ce soit à cause du froid, de bêtes profitant de sa faiblesse ou de sauvageons décidant de se débarrasser de lui pour récupérer ses maigres possessions. Il se foutait des remerciements ou des éventuels bénéfices diplomatiques que d'autres pourraient voir, lui avait simplement pensé à aider une personne parce que c'était la meilleure chose à faire, tout comme il aurait aimé qu'on le fasse pour lui s'il s'était trouvé dans cette situation. Peut-être que quelqu'un d'autre vous aurait trouvé et aidé plus tard, mais je ne pouvais pas vous laisser là sans rien faire et vous ramener ici m'a semblé la meilleure option. Pour lui en tout cas, ce n'était pas l'avis du mestre, encore moins celui de son oncle qui lui avait bien fait comprendre dès qu'il avait eu un instant de libre. Mais ça n'avait pas changé sa conviction qu'aider le jeune homme, peu importe son origine ou l'éventuel danger qu'il représentait, était toujours mieux que de le laisser dans la neige et le froid. Il se releva, remettant une nouvelle fois ses boucles en place, lui adressant un nouveau sourire discret. Je vais chercher le mestre, il a demandé qu'on le prévienne quand vous seriez réveillé. Ouvrant et refermant rapidement la porte pour éviter que la fraîcheur du couloir de pierre ne pénètre dans la chambre, il s'éloigna en courant à la recherche de l'homme, revenant avec lui assez rapidement pour se poster à nouveau au pied du lit.

Le vieil homme jeta un regard réprobateur en voyant le livre ouvert au sol avant de s’atteler à sa tâche, lui faisant lever les yeux au plafond alors qu'il s'éloignait du lit pour récupérer le tome, le refermer et le poser sagement sur la chaise qu'il avait quitté plus tôt. Préférant leur laisser un peu de cette intimité mestre/patient, il se plongea dans la contemplation du décor noir et blanc qui se dessinait de l'autre côté de la fenêtre, ne réagissant que lorsque le mestre s'éclaircit la gorge pour attirer son attention. Si vous n'avez plus besoin de moi lord Forestier... Le fin sourire que le mestre lui adressa juste avant de s'incliner légèrement devant lui, faisant tinter la chaîne qui pendait autour de son cou, ne laissait aucun doute: il savait qu'il avait soigneusement évité de préciser son titre, il le connaissait bien après tout, et il tenait à lui préciser une nouvelle fois sa place dans la hiérarchie. Comme s'il risquait de l'oublier... Se retenant de lui adresser un regard noir sans toutefois retenir un petit soupir, il hocha rapidement du chef. Demandez qu'on monte quelque chose à manger pour lord Hawick et moi-même, sinon c'est bon, merci Ortengryn. Il regarda le vieil homme sortir de la pièce et refermer la porte derrière lui, laissant un silence qui lui semblait pesant s'installer. Il devait assumer son titre et tout ce qui allait avec, il le savait, mais c'était tellement plus simple d'être juste Edwin, comme il l'avait été durant des années. Son regard revint sur Aethan qui devait sûrement se demander pourquoi il n'avait pas précisé qu'il était lord. J'ai du mal à me faire à mon titre, il est encore assez récent et j'ai vécu pas mal de temps sans même prononcer le nom de ma famille. "Edwin Forestier, lord d'Ironrath", parfois j'ai même l'impression qu'il ne s'agit pas de moi mais d'un autre homme. Et quelque part c'était exactement ça. Il n'était plus l'anonyme qui avait traversé Essos, plus depuis huit lunes, et était devenu le seigneur d'une maison, même s'il se souvenait parfaitement de chaque pas, même si l'homme qu'il avait été lui avait permis d'accepter un peu mieux ce qui reposait désormais sur ces épaules, même s'il le regrettait chaque jour qui passait. Mais il s'y faisait petit à petit, tout comme la glace qui menaçait de le briser lors de son retour était maintenant à nouveau une part de lui, une force qu'il avait retrouvé.

Revenant au pied du lit, il reposa les mains sur le bois au pied de celui-ci, tâchant de savoir ce qu'il devait dire ensuite. En toute logique il n'aurait même pas dû laisser échapper qu'il ne se sentait pas lord, c'était contre tout ce qu'on tentait de lui rentrer dans le crâne depuis des lunes, si loin de la belle image du seigneur nordien fier et rude où il ne se reconnaissait pas, mais il était beaucoup trop entêté pour se plier sagement sans rien faire. Si vous voulez envoyer un corbeau à votre famille pour les prévenir de l'endroit où vous êtes et de votre bonne santé, n'hésitez pas. Et Mestre Ortengryn se fera un plaisir de l'écrire si vous êtes encore trop faible pour tenir une plume. Donner des nouvelles, même maigres, même si la plupart était des mensonges pour rassurer les siens, il l'avait fait pendant des années, même juste quelques mots pour dire qu'il était encore en vie, quelque part à l'est, pour que sa famille sache qu'il n'avait pas définitivement disparu. Ça aurait été plus simple de couper définitivement tout lien avec le Nord, il ne serait pas là à regretter chaque jour qui passait le continent qu'il avait quitté, mais ils restaient sa famille et malgré tous les différents il ne pouvait pas leur tourner le dos ou les oublier. Où se trouve le domaine des Hawick d'ailleurs? Plus il essayait de se souvenir s'il avait déjà entendu ce nom ou pas, moins sa mémoire l'aidait, autant demander directement. Forcément au sud, mais je ne vois pas dans quelle région. Il doutait qu'il soit dornien néanmoins, même rocheux, le climat glacial du Nord ne devait vraiment pas les attirer assez pour qu'ils passent le Neck. Sa curiosité naturelle commençait à reprendre le dessus mais il la contenait encore, sachant qu'Aethan était encore trop faible pour subir le flot de questions qui lui brûlait pourtant les lèvres et que certaines interrogations étaient probablement très indiscrètes. Peu importe l'endroit d'où il venait, il voulait savoir ce qu'il faisait dans le Nord, pourquoi il s'était endormi sous un arbre alors que l'Hiver était bien présent dans le Nord et qu'il n'y avait aucune trâce de feu même sommaire près de lui quand il l'avait trouvé. Mais il devrait sûrement attendre que le jeune homme reprenne encore des forces.
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