Retrouvailles royales

Aegon regardait sa sœur en train de s’entraîner. Il était rentré depuis peu, mais lorsqu’il avait apprit que sa sœur était en train de s’entraîner à la pique dornienne, il avait décidé de la rejoindre. Avec sa propre tenue d’entraînement, le jeune prince regardait sa sœur jauger son maître d’arme. Rhaenys était peut-être jeune, mais elle était aussi réfléchie et elle n’allait pas se jeter bille en tête dans un combat. Non. Elle allait attendre le bon moment et frapper. Elle avait sans doute envie de s’entrainer et de montrer ses progrès à l’oncle Oberyn la prochaine fois qu’il viendrait à la capitale. Aegon comme sa sœur avait toujours adoré son oncle, quant bien même le jeune homme était un pur valyrien d’apparence et trouvait-il le climat de Dorne bien trop chaud à son goût. Dans le duo que formaient le prince et la princesse, c’était elle la dornienne. Elle en avait le profil et elle avait le sang chaud de sa mère. En tout cas Aegon l’imaginait. Il était trop petit pour se souvenir de sa mère. Mais il ne doutait pas une seule seconde que Rhaenys lui ressemblait.

Le combat prit un tour inattendu.

Se servant de l’arrivée du prince, le maître d’arme attira l’attention de la demoiselle vers quelque chose qui se trouvait derrière elle. Dommage que Rhaenys n’ait pas agit assez vite pour profiter de cet avantage. Pendant quelques instants, son maître d’arme était en train de s’occuper d’autre chose que d’elle.

Mais maintenant, ce n’était qu’une question de temps.

Aegon connaissait assez bien sa sœur pour savoir qu’elle allait regarder. Rhaenys était curieuse, elle n’allait pas pouvoir s’en empêcher. Et lorsqu’elle le ferait, elle allait se retrouver les fesses dans la poussière. Le pire était certainement qu’elle en avait parfaitement conscience. Cela n’allait pas manquer…

3… 2… 1…

Rhaenys tourna la tête et à l’instant où elle le fit, son maître d’arme passa à l’attaque. Une attaque aussi simple que parfaitement exécuté faucha les jambes de la princesse, l’envoyant par terre. Profitant de l’élan de la pique, le maître d’arme lui fit faire un léger moulinet pour venir la mettre sous la gorge de son élève. Le combat était terminé.

Elle échangea quelques mots avec son maître d’arme avant de se retourner et d’apercevoir Aegon. A partir de ce moment, tout alla très vite. Tant pis pour ses muscles endoloris, ses fesses tuméfiés et son amour propre qui avait fait un tour un peu trop prêt du sol. Rhaenys bondit littéralement sur son cadet. C’était le retour de la grande sœur super protectrice. Aegon la sera dans ses bras, heureux de la retrouver.

« Aegon ! Tu es de retour ! »

Heureusement qu’il portait sa tenue d’entraînement. Rhaenys le serrait si fort qu’on aurait presque crut qu’elle voulait lui briser les côtes. En tout cas, le jeune prince de Peyredragon était en quasi apnée dans l’étreinte de sa grande sœur.

« Quand arrêteras-tu de grandir ?! J’ai l’impression que tu as encore poussé depuis ton départ ! Re bienvenue à la maison petit frère !»

C'était bien possible. Aegon ne le sentait pas et ne le voyait pas vraiment, mais il allait bientôt faloir lui tailler de nouveaux vêtements faute de quoi il aurait l'air d'un idiot avec ses manches trop courtes. Pour autant, le jeune homme ne se sentait pas encore un homme. Son père s'attendait à le voir se comporter comme tel. C'était sûrement pour cela qu'il lui avait donné Peyredragon. Et Aegon faisait ce qu'il pouvait pour correspondre à ce que son père attendait de lui. Mais il n'arrivait pas encore à se voir comme un homme fait. Peut-être le temps changerait cela.

Mais pour le moment, c'est à peine s'il se sentait les épaules d'être le prince de Peyredragon. Même si personne ne devait savoir cela.

« Toi, u n'as pas changé. Toujours à te rouler dans la poussière à jouer à des jeux de garçon. Pauvres nourrisses. Elles ont dut finir par désespérer, dit-il sur le ton de la plaisanterie avec un grand sourire aux lèvres. »

Rhaenys avait changé bien sur. Elle était plus rayonnante que dans son souvenir. Elle avait ce sourire qu'ont les gens lorsqu'ils sont heureux et font ce qu'ils aiment, mais pas seulement. Si Aegon avait hériter des traits valyrien de son père, Rhaenys avait sans aucun doute son charisme. Cette assurance et cette force qui irradiait littéralement d'elle. On pouvait douter qu'elle soit du sang des Targaryen lorsqu'on la voyait de loin avec ses cheveux sombres et son teint bronzé par le soleil. Tout comme on pouvait se demander si c'était vraiment cette allumette qu'était Rhaegar qui avait terrassé Robert Baratheon à la bataille du Trident. Mais lorsqu'on plongeait son regard dans Celui de Rhaenys, on voyait la force et la détermination de la jeune femme. On voyait le sang du Conquérant.

Aegon se demanda brièvement ce qu'on verrait jamais dans son regard.

"Je peux me joindre à ton entraînement? J'ai appris quelques nouveaux coups à Peyredragon."

Ils s'étaient régulièrement entraîné ensemble étant plus jeune et leurs affrontements amicaux étaient plutôt équilibrés. Aegon avait toujours eu plus de force que sa sœur, mais elle compensait cela par le fait d'être beaucoup plus vive que lui. Tout comme lui compensait l'allonge de sa pique dornienne en préférant utiliser un bouclier. ils ne s'étaient jamais battu avec colère l'un contre l'autre. Pour eux cela apparaissait plus comme une forme de jeu. Ils jouaient ensembles avec leurs poupées et chevaliers articulés lorsqu'ils étaient enfants. Maintenant qu'ils étaient plus grands, ils pouvaient jouer eux mêmes les combats de leurs histoires préférées et, par simple amusement, se mesurer l'un à l'autre.

Une fois convenablement armé, Aegon se tourna en direction de son ainée et commença à réfléchir. Ser Hanegard et Ser Barristan lui avaient souvent dit que dans un combat singulier, la cervelle comptait autant, voir souvent plus, que les muscles. Ce n’était pas une bataille rangée où il faut savoir cogner pour achever rapidement son adversaire et passer au suivant. Dans un combat singulier, il faut étudier le combattant ennemi et trouver les failles. En l’occurrence, Rhaenys était pétillante d’amusement. Cela se voyait. Elle souriait et bougeait un peu trop. Cela risquait fort de jouer en sa faveur. Si elle n’était pas assez attentive, elle risquait de se retrouver à nouveau les fesses par terre. D’un autre côté, cela signifiait aussi que malgré le fait qu’elle s’entrainait déjà lorsqu’il était arrivé, elle avait encore de l’énergie à revendre. Le facteur fatigue était de toute évidence assez importante à prendre en compte dans cette affrontement, mais Aegon connaissait assez sa sœur pour savoir qu’il ne fallait pas trop compter là-dessus. La fatigue aurait affaiblit son bras. Hors, dans tout les cas, la force brute, c’était plutôt l’avantage du jeune prince.

Rhaenys ne tarda pas à confirmer les pensées d’Aegon. Elle l’attaque, un petit coup qui visait plus à tester son adversaire qu’à véritablement occasionner une blessure. Le jeune homme l’écarta sans difficulté du revers de sa lame d’entrainement. Mais l’allonge de la pique dornienne faisait que Rhaenys était déjà hors de porté au moment où il aurait été opportun de contre-attaquer.

"Alors quels sont les coups que tu as appris ?!"

Aegon se contenta de lui adresser un sourire complice, ne perdant pas des yeux la pique, mais surtout sa sœur. Elle l’avait déjà eu une fois de façon magistrale. Elle avait fait mine de porter un coup mais avait au dernier moment lâché la pique pour lui sauter dessus. La surprise du prince avait fait qu’ils avaient tout les deux roulé dans la poussière, mais c’était Rhaenys qui avait prit le dessus pendant que son frère se débattait autant avec elle qu’avec son bouclier.

Il laissa sa sœur reprendre ses appuis lorsque son maître lui indiqua. Il aurait put s’attaquer à elle au moment où son attention était déviée, mais cela n’aurait pas été très fair play de sa part. Et puis, ils étaient d’avantage là pour s’amuser que pour savoir qui était le meilleur entre eux deux.

"La vie à Peyredragon n'est pas trop ennuyante à côté de Port Réal ? J'espère que tu t'es exercé au cyvosse ! La dernière fois tu étais à deux doigts de me battre !"

Elle était joyeuse. Comme toujours. A croire qu’aucune ne force au monde n’était capable de lui faire perdre son air enjoué. De temps en temps, elle lançait un petit coup vers lui comme pour le taquiner. La demoiselle de déplaçait en cercle autour de son frère qui restait beaucoup plus statique. Son gambison, et son bouclier était beaucoup plus encombrant que ce que portait Rhaenys. Et il n’était pas question qu’il s’épuise en cavalant dans tout les sens.

« Mestre Anselme savait y jouer, répondit Aegon avec le même sourire. Mais pas bien. J’étais obligé de me mettre en danger pour ne pas trop m’ennuyer. »

Les deux jeunes gens avaient passé leur enfance à jouer au cyvosse. Que se soit avec leur père, leurs oncles et cousins ou entre eux. Même s’ils étaient sans doute loin du niveau des maîtres de l’académie de Volantis, ils n’avaient pas à rougir sur leurs capacités à ce jeu.

Rhaenys lança une nouvelle série de petits coups.

Aegon sourit intérieurement et attendit un coup assez fort et assez bien dirigé sur son bouclier pour faire mine qu’il avait été forcé à ouvrir sa garde. Rhaenys chercha à pousser son avantage et Aegon referma son piège. Alors que la demoiselle cherchait à le piquer, il ouvrit plus encore sa garde en se glissant sur le côté et se referma d’un coup, bloquant la hampe de la pique entre son flan et son bouclier. Le jeune homme commença alors à bouger les hanches et les pieds, cherchant à arracher sa pique à Rhaenys qui restait accrochée à son arme. Elle tentait de la récupérer et Aegon faisait tout pour la garder, profitant de sa force pour chercher à faire tourner sa sœur. La scène burlesque continua quelques temps jusqu’à ce qu’Aegon mette toute sa force pour changer brusquement de direction.

Il eut un bref sourire en constatant que Rhaenys avait lâché l’arme et était tombé par terre, mais cela fut d’assez bref, son sourire disparaissant lorsqu’il se rendit compte qu’il était en train de se prendre les pieds dans la pique et son bouclier et fini par s’effondrer face la première sur le sol en moins de temps qu’il n’en fallait pour dire ‘’oups’’.