Let me introduce myself

Winterfell se dessinait depuis quelques heures à l’horizon et j’arrivais enfin dans la capitale nordienne après plusieurs jours de voyage. Nous étions partis des Rus, j’avais décidé de faire une pause à Tertre-Bourg où nous avions pu vendre une petite partie de nos bêtes, ce voyage était commercial. Les Ryswell, étaient de bon éleveurs de chevaux depuis des temps immémoriaux, ils étaient aussi d’excellents cavaliers, évidemment. Mais une famille ne devient pas aussi puissante simplement en tenant un hara. Nous avions développé le commerce des chevaux des Rus à travers tout le Nord et même plus loin, même si après une certaine distance nous n’étions plus que les éleveurs des bêtes et que le commerce nous échappait une fois qu’il prenait le large dans les boutres des Flint. Tout devenait alors questions de pourcentages, de taxes et fluctuations du marché sur lesquels nous n’avions pas tellement de prises. Certes, les Rus éduquaient les meilleurs chevaux nordiens, certes ils se vendaient de partout sur Westeros de nos bêtes, mais la marque de la tête de cheval était plus symbolique et notre puissance commerciale n'avait rien d'équivalent avec quelques grandes maisons plus au Sud. Mais pour ce qui était du Nord, nous étions maîtres de nos ventes, des maîtres incontestés et parfois un peu tyranniques. Dire que nous faisions le beau et le mauvais du temps du commerce équestre eut été un peu exagéré et surtout dangereux à répéter, personne ne voudrait traiter avec une famille ayant un tel monopole.

Mais nous savions bien que nous avions une certaine influence de par ce commerce, c’est pourquoi il est primordial que la famille Ryswell commerce, qu’elle ne soit pas seulement de ces nobles qui guerroient, qui laissent la gestion à autruis et qui festoient. Nous devions être présents dans le monde du commerce. J’avais appris cela très jeune auprès de Lord Flint puis de mon père. Aujourd’hui je menais une importante commande de chevaux à Winterfell, nous avions des commandes des Cerwyn, Poole et Corbois et quelques autres familles, Winterfell était une place centrale dans laquelle nous pouvions facilement livrer nos ventes. D’autant que je devais l’avouer, j’adorais ce domaine. Ils sont rares les endroits où des barrals fleurissent ainsi et où l’on peut s’y recueillir. Le voyage avait été particulièrement éprouvant pour moi, les nuits étaient difficiles, d’abord des rêves noirs, sombres, puis des cauchemars, encore la mort de mon frère, des réveils nocturnes en hurlants, des réveils en sueur, des rêves horribles avec des spectres de la nuit, des réveil moins plaisant encore, ma couche humide… Un voyage des plus déplaisants.

Toujours est-il que j’avais finalement atteint notre destination et alors que le gros des bêtes étaient vendues je profitais d’un moment pour me faire connaître à Winterfell, quitter la ville d’hiver et faire ma visite tant attendu au bois sacré. J’espérais intérieurement qu’un moment ici puisse calmer mes nuits. J’étais alors persuadé que le simple contact avec des lieux importants pour les Anciens Dieux pouvait suffire à apaiser mon sommeil. Mais à peine m’étais-je installé aux pieds du Barral, reposant mes muscles et profitant enfin d’une paix intérieure que je croyais retrouvée, un serviteur venait me déranger.
“Roger Ryswell ?”
“Lui-même ?” Je soulevais mes paupières pour dévisager l’individu. Je restais assis par terre, attendant qu’il me donne une bonne excuse pour me déranger sans quoi, j’espérais pouvoir jouer à l’invité ingrat et rester ici quelque temps encore.
“Si vous voulez bien me suivre.” Je soupirais.
“Et pourquoi ça ?”
“Parce que Lord Stark souhaite s’entretenir avec vous.” Je me relevais en sursaut, dépoussiérant mes vêtements à la va-vite.
“Ah oui effectivement, bonne excuse…”

Je suivais ce serviteur à l’allure discrète jusqu’à la le tour de la Librairie. Mes bottes d’équitation faisant drôle d’allure dans ce lieu si calfeutré, si précieux. Finalement on m'indiquait une silhouette qui me faisait dos et me laissait seul. Je restais interdit quelques secondes, cette petite marche m’avait simplement permis de remettre de l’ordre dans mes idées, d’enfouir ma pochette à surelle dans ma ceinture, de lisser un peu mes vêtements, de plaquer mes cheveux mi-longs en arrière, de gratter ma moustache. Mais je n’avais pas pensé à la question cruciale qui me sautait maintenant au visage comme une réalité confondante que je n’avais pas voulu voir ; qu’est-ce que je faisais ici ?

Je finissais par me racler la gorge après quelques secondes silencieuses. “Lord Stark ! Si je peux vous être d’une aide quelconque ?”

Le suzerain du Nord avait envie de s’amuser.

Revenu à Winterfell depuis près d’une Lune, l’ambiance y était pour le moins austère, ou tout du moins nécessairement moins amusante que ne l’avait été Port-Réal, surtout après la victoire de Jon à la mêlée. A la capitale, les frères Stark s’étaient retrouvés tous ensemble, comme ils ne l’avaient plus été depuis bien des années. Brandon ne pouvait pas suivre le reste de la meute dans tous ses méfaits, toujours fidèle aux ordres du Suzerain du Conflans avec lequel il passait l’essentiel de son temps, mais Robb avait quand même réussi à lui arracher quelques heures un peu tous les jours, pour lui montrer à lui aussi le Port-Réal de son enfance, les recoins du Donjon Rouge qu’il connaissait par cœur et ceux qui avaient trop changé pour qu’il puisse les reconnaître. Rickon et Ned s’étaient fort bien comportés, apparaissant à la cour sous leurs plus beaux atours. Ils étaient même parvenus à ne pas trop gigoter quand il avait fallu tenir des heures immobiles pour faire réaliser de beaux portraits d’eux qu’ils avaient rapportés à Winterfell. Sur le tableau de famille, Jon avait même laissé apparaître sur son visage l’ombre d’un sourire – ce voyage n’avait pas été des plus aisés pour lui, malgré sa grande victoire.

Et puis, il avait fallu revenir dans le Nord, et se confronter à ce qui avait été laissé-là pendant des mois – à pourrir, avait-il semblé au Seigneur à son retour. Lyarra avait beaucoup grandi, ce qui n’avait pas manqué d’émouvoir son père. Serena, quant à elle, allait bientôt fêter son troisième anniversaire. Robb avait trouvé, dans le regard de sa cadette, un sentiment d’étrangeté, comme si elle ne l’avait pas reconnu, après ces huit mois d’absence. Et puis bien sûr, il y avait Jonie, qui venait de naître et qui avait pourtant déjà trois lunes. Jolie Jonie aux yeux aussi noirs que sa chevelure était ébène, que Robb avait découvert à son retour à Winterfell avec le plus grand des plaisirs. Elle avait survécu aux trois premières lunes de sa vie, et semblait dotée d’une force surhumaine. La petite portait un prénom en hommage à son grand-père, Lard Jon, et Robb ne pouvait pas s’empêcher d’y voir là un pied de nez de la part de sa femme : tu n’es pas là pour la naissance, pour cette naissance. Alors, tu n’auras pas le droit de nommer l’enfant, et pire encore, je le nommerai comme quelqu’un de chez moi. Jonie avait eu un frère jumeau qui, lui, n’avait pas survécu à sa naissance. Kylis avait aussi choisi de nommer leur fils mort-né par un prénom typiquement Omble : Othor. Que n’avait pas fait le suzerain en laissant son épouse assumer seule cette naissance ?

Et puis il y avait Arya, aussi. Robb avait retrouvé sa sœur cabossée, de corps et d’esprit, à son retour dans le Nord. Elle l’avait évité, des jours durant, avant qu’il ne parvienne enfin à la coincer et à ouvrir une discussion avec elle. Que n’avait-il pas dit, avant de partir ? Il s’en était mordu les doigts.

Le suzerain du Nord, alors, avait besoin de se changer les idées, et de retrouver un peu de la légèreté de Port-Réal. Il y avait, sur ses terres, un personnage qu’il ne s’était pas attendu à trouver-là, en regagnant Winterfell. Un bonhomme qu’il avait croisé à de nombreuses occasions, mais avec lequel il n’avait jamais prolongé la discussion. L’héritier d’une grande famille du Nord qui venait-là vendre des chevaux des Rus aux Stark et à leur vassaux. Roger Ryswell avait aussi été aperçu dans le fief seigneurial l’année précédente, juste avant le départ de Lord Stark pour le Conflans. Lui faisait étape à Winterfell avant de monter jusqu’au Mur. Pourquoi pas ? avait songé le suzerain, peu intéressé. Robb n’avait pas fait grand attention à lui, pris dans l’émulation qui précédait son départ pour le Sud. Ils s’étaient ainsi trouvés, dans le Fief Stark, à la croisée de deux voyages contraires, et se retrouvaient aujourd’hui, huit lunes plus tard, à nouveau sur la même terre.

Le Seigneur Stark l’avait fait chercher et l’attendait dans la bibliothèque du Château, l’un de ses endroits favoris. Elle avait compté parmi les premières tours à avoir été restaurées par le suzerain, après la Longue Nuit, et il continuait de l’agrémenter régulièrement. Il était revenu de Port-Réal, d’ailleurs, avec de nombreux ouvrages qu’il s’appliquait à feuilleter nonchalamment en attendant le Ryswell. Il l'avait entendu rentrer, mais attendit qu'il se râcle la gorge et qu'il entame la discussion pour lever la tête vers lui, un léger sourire au visage.

Que pouvait-il faire pour lui ? me changer les idées, manqua de répondre Robb, qui se reprit toutefois : l'héritier d'une des maisons majeures du Nord ne devait pas être confondu avec un bouffon. Robb choisit ainsi d'écarter sa question en répondant un peu à côté : « Le commerce est bon, messire ? M'avez vous réservé un belle jument ? C'est pour elles que j'ai le plus d'affection. » Après un tel voyage jusqu'à Port-Réal, les Stark pouvaient bien se permettre de dépenser quelque dragons d'or en plus, qu'est-ce que ça changerait ? Robb entendait déjà Poole grincer des dents. Il fallait dire que son suzerain n'était pas des moins dépensiers. « Comment avez-vous trouvé le Grand Nord, messire ? La dernière fois que nous nous croisions ici, vous étiez en route pour le Mur, n'est-ce pas ? » Peu nombreux étaient les hommes, même au Nord, qui avaient vu le Mur et qui en étaient redescendus. Un sourire s'élargissait sur le visage du Seigneur Stark, qui ferma le livre poussiéreux qu'il tenait entre les mains d'un geste sec. Place aux affaires.

Lord Stark était assez sympathique, la discussion prenait une direction légère. Je n’avais pas peur des Stark et des discussions sérieuses mais les nobles du Nord, surtout ceux des grandes familles comme la mienne n’ont généralement dans leur vie l’occasion de répondre comme des vassaux qu’à une seule famille, sauf exceptions rarissimes, cette famille ce sont les Stark. Alors, quand le chef de la famille Stark vous fait demander et que vous êtes un Ryswell il se crée un sentiment étrange, car c’est peut-être l’une des rares fois de votre vie où vous allez vous sentir réellement vassal. C’est-à-dire inférieur et c’est une épreuve qu’un homme élevé comme je l’ai été doit pouvoir surpasser. Mais fort heureusement Robb Stark était de bonne humeur, il avait l’air de vouloir simplement engager une conversation avec moi. Je ne pouvais retenir un sourire satisfait alors que cette rencontre prenait une direction dans laquelle je pouvais briller ;  rien qui ne nécessitait que je joue le rôle de mon père.
“Tout dépend de votre réaction Lord… Si je vous réponds que le commerce est bon, allons-nous voir les taxes augmenter et si je réponds qu’il est mauvais allons-nous voir votre confiance en nous chuter ?” Il y avait évidemment de l’humour derrière cette réflexion mais aussi un vrai fond, Robb Stark pourrait jouer aussi longtemps qu’il le veut à être Robb Stark avec moi, il était Lord Stark et j’étais le futur Lord Ryswell.
“Dans le doute je vais vous répondre que le commerce se porte comme d’habitude.” Je pinçais le bout de mes moustaches avec un petit air satisfait. “Pour le Grand Nord, mon seigneur, sachez que je ne saurais vous en faire un portrait flatteur, j’ai voyagé dans un état lamentable malheureusement. Mais je suis monté tout en haut du Mur, j’ai vu au-delà. Je suis assez déçu à vrai dire, je crois qu’il n’y a pas grand chose à voir. J’ai vu de la neige, des forêts et des montagnes au loin. Un rapport qui n’est pas extraordinaire. Je crois néanmoins que la Garde de Nuit se porte bien, messire ! Bon évidemment, toujours cette histoire de recrutement. Enfin, ils ont déjà nos oncles !” Je m’esclaffais un moment, c’était une chose de plus qui liait les seigneurs nordiens entre eux, nous avions quasiment tous un parent au Mur. Quelque chose qui nous liait encore plus dans une sorte de fraternité. Nous partagions tellement de choses que les sudiens ne pouvaient pas comprendre, pour eux, prendre le Noir c’était seulement se débarasser des déchets, pour nous c’était autre chose et la bataille de Winterfell nous l’avait encore prouvé.

“Mais sur le chemin du retour j’ai fait une petite halte… Enfin un détour pour être plus exact, à Karhold. Je ne crois pas avoir reçus pareilles missives mais je le fais quand même ;  je vous transmets les bons sentiments de Lord Harrion Karstark !” Effectivement qui à part moi, ayant connu le Sud pouvais m’exprimer en bons sentiments. Certainement pas celui à qui je prêtais ses bons sentiments, toujours est-il que j’avais été très aimablement reçu, je pouvais bien jouer à entretenir les relations entre les grandes familles, c’est ce qu’on attend des voyageurs après tout. “Et vous lord Stark ? Votre voyage au Sud ? Le tournoi était bon ? Vous saviez que j’ai participé au précédent tournoi de Port-Réal ? Et oui ! J’ai tiré à l’arc, ce n’était pas fameux, je crois. En fait je déteste combattre autre part que sur un cheval… Et les joutes sont réservées aux chevaliers. C’est une drôle de coutume, ça, n’est-ce pas ? Peut-être qu’un jour un suzerain du Nord ayant assez d’amitiés à la Capitale pourrait faire envisager à ceux là-bas que les nordiens sont sujets du même royaume et que nos titres valent autant que les leurs et qu’à vrai dire nos combattants sont au moins aussi bons que les leurs et qu’il serait peut-être temps d’ouvrir un peu leurs idées là dessus…” Je remarquais que j’en avais trop dit. Mais cela faisait des années, des décennies que je rêvais de pouvoir jouter et il était hors de question que je me fasse chevalier pour cela. Je m’étais laissé emporter et une idée peut-être trop politique venait de sortir de ma bouche. Mon sourire satisfait devenait un sourire gêné.

Le suzerain du Nord avait découvert à force de le croiser que l’héritier des Rus avait une personnalité pour le moins originale. Loin de s’harnacher du sérieux austère de la plupart des nordiens, et surtout des plus nobles d’entre eux, il s’affichait la plupart du temps avec un grand sourire aux lèvres, dents et gencives rougies par la surelle qu’il consommait. Il avait, certes, la bonhommie caractéristique des gens du Nord, mais elle s’associait à une légère insolence qui n’était pas pour déplaire au Seigneur Stark. Ça lui donnait du chien. Il ne lui avait pas fallu plus de quelques instants en la présence de son suzerain, par exemple, pour évoquer le fâcheux sujet du cens, ce qui ne manqua pas d’arracher un sourire au Stark. Il était effectivement doté d’un sacré culot. Robb se laissa aller à faire apparaître un air faussement vexé, alors que l’héritier des Rus poursuivait sa tirade. Le commerce se portait comme d’habitude, répondait-il alors, pas peu fier de sa pirouette et se pinçant la moustache. On l’a dit : un homme pour le moins original. « Ryswell, me prenez-vous pour un suzerain aussi injuste que cela ? Vous allez me vexer … » Son regard clair cherchant le sien, son sourire s’étira un peu plus alors qu’il cherchait à capter son attention. Il nota intérieurement que, mauvais commerçant, le Ryswell n’avait pas saisi la perche que lui tendait son suzerain pour lui vendre une jument. Tant pis pour lui, sans doute, ainsi que pour les écuries de Winterfell qui auraient pu se targuer d’une nouvelle belle bête. Les chevaux des Rus, en effet, étaient bien connus dans Westeros pour leurs belles qualités.

Le suzerain évoqua plutôt le Grand Nord, qui intéressait particulièrement ses affaires, et écouta attentivement la réponse du Ryswell. La raison de son voyage lui paraissait encore un peu brumeuse, et sa réponse ne l’éclaira pas tant plus : somme toute, il lui semblait que l’héritier des Rus avait fait tout ce voyage pour monter sur le mur et se plaindre de la vue. Le suzerain affichait un air plutôt étonné, alors que Roger raillait sur le nombre de nordiens qui comptaient un oncle parmi la garde de nuit, le gratifiant au passage d’un messire. Il ne releva pas, toutefois, car il était manifeste que le Ryswell n’en avait pas fini de sa tirade. Il avait du mal à l’imaginer dans un état lamentable tant il apparaissait là passablement excité. La surelle, sans doute, songea le suzerain qui ne pouvait pas en placer une et laissait alors le canasson qu’était définitivement ce Ryswell terminer son emballement. Il évoquait la suite de son périple qui l’avait emmené jusqu’à Karhold, depuis laquelle il transmettait les bons sentiments du Seigneur Karstark. « Tient-donc … », ponctua Robb, trouvant une accalmie dans le discours de son interlocuteur. Il ne connaissait que trop bien Lord Harrion pour savoir qu’il ne s’était sans doute pas épandu à transmettre de bons sentiments, même à son suzerain, par l’intermédiaire du Ryswell. Pas que le Seigneur de Karstark ne fût pas un bonhomme chaleureux, loin s'en faut … Le Stark pouvait toutefois se targuer de suffisamment bien connaître son cousin éloigné pour savoir que sa discrétion n’était pas que légendaire.   « Le Mur, puis Karhold … Qu’est-ce qui vous attire, là-haut, messire ? » Robb n’allait pas insister en rajoutant que pour un homme du sud, il y avait là quelque chose d’autant plus curieux. Ça aurait été follement mal placé de sa part, vu l’endroit où il avait été élevé, mais le Ryswell entendrait sans doute sa curiosité. Qu’est-ce qui intéressait un homme des Rus dans ces contrées si lointaines, tout nordien qu’il soit ? Il n’y avait pas de commerce à faire avec la Garde de Nuit, et sans doute pas plus avec les Karstark – pour un cheval ou deux, il n’avait pas besoin de se déplacer si loin pour vendre, le commerce était d’ailleurs sans doute plus facile avec le Conflans qu’avec Âtre-lès-Confins ou Karhold.

Manifestement pas encore épuisé – peut-être faudrait-il qu’il lui prenne une petite poignée de surelle, au bougre, pour le suivre – Roger s’épancha sur d’autres considérations qui concernaient le Tournoi de Port-Réal. Un air sombre passa sur le regard du Suzerain qui perdit son sourire alors que le Ryswell engageait à l’égard de la Couronne de futiles revendications, manquant au passage de l’insulter en suggérant que dix-sept années de pupillage à Port-Réal n’avait pas suffi à renforcer les liens entre les Stark et les Targaryen. A cette idée, sans doute, Robb riait. « Croyez-vous vraiment que si la Couronne a accepté que Lord Brynden Nerbosc, pas plus chevalier que vous ou moi, ne représente sa maison et porte les couleurs de son épouse aux joutes, elle aurait refusé que mon frère, qui prie les mêmes dieux que lui, ne le fasse ? Faites attention, Ryswell, ou vous me vexerez réellement ...  » Robb, toutefois, n’avait pas l’intention de se fâcher, bien au contraire. Il avait fait venir le Ryswell dans l’intention de se dérider, et espérait encore pouvoir le faire.   « Vous avez rencontré Jon, je suppose. L’imaginez-vous vraiment sur un cheval, accoutré d’une lourde armure à la façon des Seigneurs dorés de la capitale et armé d’une lance bariolée ? Non, non, soyons sérieux …  » Robb souriait face à cette image, et poursuivait : « Jon s’est battu dans l’arène, sous une pluie battante, le sable changé en boue, un milieu qu’il ne connaît que trop bien. Il était armé seulement d’un heaume, d’une épée et d’un bouclier aux couleurs des Stark. Croyez bien que le Royaume entier a pu admirer sa vaillance. A la fin, alors qu’il avait déjà terrassé de nombreux hommes, tout chevaliers qu’il soient, trois gaillards se sont ligués contre lui dans l’espoir de l’abattre. Ce fut une vaine tentative. L’Hiver a vaincu, et sans mal, Ryswell.  »

La Couronne avait tout à gagner à ouvrir un peu ses idées à l’égard du Nord, Ryswell, là-dessus, avait raison. Robb Stark, toutefois, n’avait pas failli à le leur montrer, et il n’avait pas eu besoin, pour cela, de faire monter son frère sur un cheval.