Who is she ? ft. Arya Stark

Depuis de nombreuses nuits j’étais hanté. Je connaissais mes difficultés nocturnes, principalement dues à mes rêves verts, ce nom étrange que nos ancêtres les premiers hommes donnaient à ces visions si particulières. Couplés à cela j’avais toujours un sommeil difficile, compliqué. Mais les choses étaient devenu plus difficiles, dormir était devenu synonyme de souffrance depuis quelques semaines, je me reposais à peine, j’alternais entre des cauchemars où la réalité s’étirait et des visions étranges d’un mur blanc. J’en avais conclu que je devais me diriger vers le point le plus au nord des Sept Couronnes ; le Mur. J’avais pourtant l’impression de marcher à taton. Prendre la direction du Mur ne me procurait aucun sentiment de certitude, plutôt l’impression d’avancer dans un brouillard épais. La première étape de ce voyage était Winterfell. Plus en forme j’aurais certainement choisi un itinéraire plus amusant, Quart-Torrhen suivi de Motte-le-Forêt, une étape navale chez les Mormont puis l’arrêt final aux abords des ruines de Tour Ombreuse. Mais mes nuits rendaient ma santé vacillante, je ne souhaitais pas prendre de risques inutiles et mon frère Roose était lui aussi de cet avis. J’abusais donc de l’hospitalité des Stark. Je rencontrais surtout mon suzerain et j’espérais de tout mon cœur que mes crises de nuit ne se fassent pas suffisamment entendre. Je passais déjà pour une sorte de fou aux Rus, ma sœur s’inquiétait pour moi quand je séjournais à Tertre-bourg, on avait prétendu que lady Flint avait refusé la main de sa fille après avoir appris pour mes problèmes. Cependant grand bien m’en fasse, la fille Flint est avec un Karstark et je suis toujours un homme libre qui ne doit pas courir le Nord à la recherche de dames de compagnie pour une lady qui ne doit à peine savoir se tenir sur un cheval.

Cette nuit, pas de rêves de murs blancs, seulement des horreurs, Winterfell avait réveillé des souvenirs de la terrible bataille et j’entendais dans mes songes le râle d’agonie de mon frère. Je me suis réveillé en fin de matinée, en sueur, le visage couvert de larmes. Ces crises n’étaient pas seulement fatigantes mais elles me faisaient douter de moi, et si mes hôtes m’avaient entendu ? Que devaient-ils penser ? Que disait-on sur l’héritier des Ryswell ? Toutes sortes de questions qui compliquaient mon voyage et surtout devaient me rendre moins appréciable pour les Stark. Je n’étais pourtant pas de ces courtisans qui veulent être bien vu pour l’espoir de quelques avantages mais j’étais soucieux de paraître capable des fonctions dont j’allais hériter. C’est dans l’esprit de me montrer apte et doué que je m’étais dirigé - après un repas suffisamment copieux pour que ma fatigue s’estompe quelque peu- vers le terrain d'entraînement de Winterfell. Le lieu était moins pourvu d’écuries que le château des Rus mais les fantassins et nobles du lieux avaient à leur disposition du matériel de meilleure qualité. J’avais enfilé une tenue propice à l'entraînement et seule une petite plaque de cuir sur mon épaule droite témoignait de mon nom.

Je décidais de commencer par le tir à l’arc. Généralement les Ryswell y excelle à cheval, à pieds je devais avouer que je trouvais ça ennuyant, étrangement je visais beaucoup mieux lorsque j’étais en mouvement et surélevé sur une monture. Je passais devant une remise d’épées de toutes sortes, de mannequins en cordes, quelques haches, trois gardes qui s’entrainaient, où jouaient à se frapper dessus sur le sol terreux. Enfin j’apercevais des cibles. Rondes, l’une d’elle était déjà semé de flèches, elles étaient toutes parfaitement centrées. Je poussais un soupir de découragement. “Si le type qui fait ça essayait sur un cheval, je suis certain qu’il ne toucherait même pas sa cible…” je marmonnais pour moi mais assez fortement pour que l’archer quel qu’il soit puisse m’entendre. Il était hors de question de perdre la face devant un homme de garnison Stark où je ne sais quel lointain cousin d’une petite famille noble qui servait ici aux côtés des Cassel. Les allées entre les cibles étaient cachées par une imposante poutre, le long de celle-ci se trouvait tout un barda d’affaires pour le tir. J’attrapais un arc au hasard. “Tu sais mon vieux c’est une chose de tirer en étant statique, moi je tire en mouvement, déjà c’est plus réaliste. Les troupes d’archer sont de la bouillie pour les cavaliers, on s’y enfonce comme dans du beurre. Non des archers… C’est plus intéressant quand c’est en mouvement, quand c’est fluide. Mh ?” J’attrapais des flèches d’une main tout en lançant un regard pour découvrir qui était ce mystérieux archer. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir la silhouette d’une jeune femme.

Il faisait bon ce matin quand je sortis du château pour me diriger sur le terrain d’entraînement. Nymeria sur mes talons. Elle bâilla longuement, s’étirant de tout son long et je lui jetais un regard amusé.

« Nymeria, t’exagère à peine. On se lève tous les jours à la même heure. Ne me fais pas celle qui est fatiguée. »

Elle me retourna un bâillement qui dévoila tous ses crocs acérés. Elle était si grande qu’elle aurait presque pu servir de poney à mes nièces. Mais même si j’adorais les deux groupes, j’allais éviter cette expérience pour le bien de tous. J’avais tiré mes cheveux en arrière en un catogan fin, une chemise toute simple avec un gilet par-dessus et des chausses, Morsure battant à mon côté. Mais aujourd’hui c’était tir à l’arc.

Je me mis en position relativement loin de la cible, avant de me mettre à tirer, Nymeria s’était couchée dans un coin, à l’abri des regards pendant que j’enchaînai les tirs un à un en me déplaçant. Je verrais pour les enchaînements à l’épée plus tard. Je portais une tenue assez simple et discrète, pas du tout en adéquation avec mon rang, mais qu’importe. Je n’étais pas là pour parader, j’étais là pour m’entraîner. J’étais au calme, dans mon élément… Jusqu’à ce qu’une voix ne vienne troubler le monde autour de moi. Je tournai la tête vers l’homme qui arrivait, je restais silencieuse alors qu’il semblait juger. Mon regard le détailla et perçu la plaque de cuir sur son épaule… Mais surtout je le reconnus, nous n’avions pas beaucoup d’invité en ce moment. Roger Ryswell. Je ne m’étais jamais entraînée à tirer sur le dos d’Eclipse. Peut-être devrais-je le faire ? Mais clairement pas maintenant. Je fis un signe pour que Nymeria reste à sa place en attendant que l’homme ne se tourne vers moi. J’étais relativement fière de mes tirs qui touchaient toujours là où je le souhaitais.

Je restais silencieuse alors qu’il m’expliquait qu’il tirait en mouvement. Quand c’est fluide… Je soutiens son regard lorsqu’il pivota vers moi, lui offrant un regard blasé et même un fin sourire.

« Il faut toujours commencer à apprendre à marcher, avant de courir. »

Rétorquais-je en tirant une nouvelle flèche de mon carquois avant de viser rapidement et de tirer. Le tir se planta dans la paille de la dernière cible.

« Rapidité, stabilité et précision. »

Fis-je lentement.

« C’est ainsi qu’on m’a appris à tirer à l’arc. Peut-être pas en mouvement, mais assez bien pour que je puisse me défendre et plus encore. Mais peut-être voudriez-vous m’apprendre à tirer en mouvement. »

Rétorquais-je d’une voix douce.

Je restais immobile un instant, je n’avais pas seulement découvert une jeune femme. La surprise eut été trop simple, trop vite surmontée. Il fallait que je découvre qu’il s’agissait d’une jeune femme précise dont le nom ne m’était pas inconnu, dont le visage de m’étais pas inconnu. D’ailleurs je ne connaissais personne qui avait le luxe d’ignorer ce nom, même au-delà du Nord. Elle me donnait un sourire que je prenais pour une provocation et elle était dans son bon droit. Moi c’est un air gêné qui se dessinait sur mon visage. Je me tenait droit, le torse en avant, mes yeux bleus perçants plantés à regarder son visage, je me trouvais tout à fait idiot d’avoir jouer au plus malin. Sa voix tonnait comme des reproches ciselant et je ne savais pas comment réagir sur le moment, ainsi je me contentais de la regarder. Alors qu’une flèche supplémentaire touchait sa cible, elle semblait vouloir me donner un cours. Je restais impassible. Finalement une remarque avec un brin de provocation. C’était vraiment une nordienne, terminer ainsi par un défi pour me permettre de laver mon honneur, la sœur Stark avait de bons réflexes. Je cachais un sourire en coin.

Je bougeais enfin de ma léthargie, donnant un grand sourire et dévoilant mes gencives rougies par la surelle j’attrapais à mon tour un arc parmis les affaires disposées là. “Je suis navré lady Stark mais je ne pouvais pas deviner.” Je relevais la tête pour me corriger. “Enfin j’aurais pu.”

“C’est bien courtois de votre part de me permettre de vous apprendre ça. Je sais bien que dans le Nord il n’y a qu’aux Rus qu’on apprend à tirer à cheval et je ne peux pas vous en vouloir de ne pas savoir tirer… Après tout ce n’est pas tellement courant chez les dames, même celles de Winterfell, j’imagine.” Je me mettais face à une cible en faisant bien attention d’être à une distance égale à celle de ma nouvelle partenaire d'entraînement. Je traçais sur le sol du bout de mes bottes une petite ligne. “Je dois reconnaître… Vous ne manquez pas de talent au tir. Et en statique… Je risque vite d’être dépassé.”
Je me concentrais sur la cible, la fatigue d’une nuit difficile était présente mais je ne souhaitais absolument pas me cacher derrière une quelconque excuse. J’avais fait le fanfaron, il fallait que j’assume. Je cherchais une flèche. J’encochais la flèche, je respirais, mon œil directeur se posait sur la ligne imaginaire qu’allait parcourir ma flèche. Je faisais attention à ma respiration, en prenant bien soin de bien expirer et après un petit moment de flottaison je décochai ma flèche. Dans un fin sifflement contre l’air elle allait se planter à l'extrémité de ma cible. Tir assez médiocre.
“Qu’est-ce que je disais ? Vous me dépassez largement.” J’attrapais une seconde flèche, je me donnais trois essais, après tout elle n’en était pas au début de son entraînement et je méritais moi aussi de m’échauffer un peu. “Mh, essayons… Plus bas.” Je recommençais et cette fois la flèche touchait la cible, un peu sur le côté mais bien plus centré. Je retenais une exclamation de joie mais pas un sourire satisfait. “Déjà mieux, n’est-ce pas ?! Attendez de voir ça.”

Troisième flèche, cette fois mon bras droit tremblait un peu plus. La flèche partit et se logeait dans le bas de la cible, à un cheveux d’être à terre. Je grimaçais. “Décidément non, ça ne va pas tellement.” Je reposais l’arc à sa place pour me concentrer sur Arya Stark. “Oui, comme je disais, en mouvement, ça changerait tout. Sur un cheval je vous assure que les rôles seraient inversés.” Je prenais un air sûr de moi, j’adorais jouer les jeunes coq qui savaient mieux faire que tout le monde. Mais il est vrai que j’étais particulièrement redoutable à cheval, là dessus j’espérais que ma frime soit perçue comme exagérée aussi. N’y a-t-il pas plus rageant et admirable à la fois qu’un prétentieux rassuré dans ses dires ?

Lady. Anciens… Sauvez-moi de ce titre ! Je le détestais. J’eus une grimace malgré moi. Je détestais profondément cela. Mais il m’avait reconnu. Mais il n’avait pas vu Nymeria. Tant mieux en quelque sorte. On ne savait jamais ! Mais qu’importe. De toute manière, quel titre voulait-il me donner à part ce stupide « lady » Rah ! J’inclinai vaguement la tête notant ses gencives rouges. La surelle. Il en mangeait dès le matin ? Et c’était un héritier… Il aurait pu.

« Vous auriez pu. Oui. Si j’avais envie qu’on me donne le titre de Lady . »

D’accord, ce n’était pas très bien ! Mais il m’avait agacé en parlant de ce que je savais faire à l’arc. Mais peut-être voulait-il me montrer ce qu’il valait à l’arc ! Pour ainsi pouvoir critiquer mes tirs ! Il devait être un as, n’est-ce pas ? Alors je l’invitai à me montrer ce qu’il valait, bien évidement. Seulement aux Rus qu’on apprenait à tirer à l’arc. Je hochais la tête en l’écoutant avec grande attention. Pas courant. Non, en effet.

« Non et j’imagine que même chez les hommes, on ne tire pas beaucoup à cheval. »

Et il se dédouanait déjà d’être moins bon que moi à l’arc ! Très bien très bien ! Qu’importe ! Qu’il me montre ce qu’il savait faire ! Je me reculai de quelques pas pour lui laisser la place de tirer et garder une certaine pudeur. On ne savait jamais… Bla bla bla… les femmes, seules hommes… tout ça… Qu’importe… Nous étions en public, il y avait Nymeria, des serviteurs qui pouvaient passer… Enfin… qu’importe.

« Vous partez défaitiste sans même avoir essayé. »

Remarquais-je tranquillement avant de le laisser tirer. Oui effectivement… Je pouvais faire mieux ! Sans aucun doute.

« Allons. C’est votre premier tir, vous n’êtes pas échauffé. »

J’étais bien trop charitable pour cela ! J’attendais ! J’attendais. Je restais silencieuse, tournant machinalement une flèche entre mes mains en attendant. Non, ce n’était pas mieux. Je haussais les sourcils sans rien dire d’autre pendant quelques secondes.

« Nous allons dire que c’est… que les premiers tirs. »

À cheval les rôles seraient inversés ? Je haussais les sourcils.

« Je ne peux que réclamer une démonstration dans ce cas. De vos tirs à cheval. »

Montre-moi si tu en es véritablement capable… Je bandais mon arc pour tirer une nouvelle flèche dans la cible. C’était pas au centre, mais mieux que ses propres tirs. Mais est-ce qu’il oserait aller chercher sa monture ? Je n’en étais, mais je lui offris un sourire.

Les derniers mots prononcés par Arya Stark étaient le défi que j’attendais. Elle bandait son arc pour tirer un coup, il se plantait bien dans la cible. C’était une dernière humiliation pour moi. Elle était meilleure que moi immobile, il n’y avait rien à redire là-dessus. Mais sa proposition n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd, avec un grand sourire je reposais mon matériel de tir.
“Très bien lady Stark, je vais vous montrer, puisque vous insistez…” Un sourire encore plus grand se dessinait sur mon visage. “J’espère que vous ne m’en voudrez pas par contre…” Je laissais une courte pause volontairement. “... Si vous vous sentez beaucoup moins doué que moi, ce serait totalement normal comme sentiment.”

Sans plus de fanfaronnades je prenais le chemin de l’écurie. Je tombais sur un garçon qui s’occupait de nettoyer des fers. “Mon étalon, Roger Ryswell.” Il courait m’apporter ma grande bête noire. “Pas encore sellé Lord.” Je regardais Cartheon, ce beau cheval était ma fierté, l’exemple même de ce que l’élevage des Rus produisait de mieux, parmi les meilleures bêtes de Westeros. S’il y avait bien un domaine dans lequel j'excelle c’était celui-ci et j’allais le démontrer à Winterfell. Cette idée me rendait songeur et je devinais que je n’était certainement pas le premier Ryswell à faire des cabrioles devant des Stark pour les impressionner. Au fond, ça devait être une tradition innommée, inconnue. “Pas encore Lord ! Mon père a encore plus d’une bonne décennie devant lui je pense. Par contre je vais le monter à cru aujourd’hui.” Le garçon, pas surpris qu’il se soit trompé sur mon titre le fût plus à l’idée que je monte à cru. J’attrapais Cartheon, je le montais et je le guidais vers l’espace d'entraînement que j’avais quitté juste avant.

“Alors lady Stark, voyez-vous je vais vous montrez comment on tire réellement à l’arc.” Mon corps suivait le mouvement de celui de mon étalon, j’étais avec lui comme avec un vieil ami, nous nous connaissions et je savais parfaitement comment réagir, comment je devais me placer. “Car voyez-vous lady Stark, un ennemi sur un champ de bataille, ça n’attend que rarement qu’on vienne le cueillir et on est rarement immobile, à moins de vouloir prendre des risques… Mais bon, je ne vais pas vous ennuyer avec une leçon, regardez plutôt ça.”
Je faisais s’approcher Cartheon d’elle et je me laissais glisser sur le côté avec une rapidité et une dextérité remarquable pour reprendre mon arc et mes flèches.

Je commençais à lancer le trot ; Je faisais faire quelques tours du terrain d'entraînement à Cartheon. Le première flèche se ferait à cette allure tandis que nous faisions de petits tours. Je bandais mon arc, je suivais la cible du regard en restant sur mon étalon, mon buste pivotait et après une distance que je trouvais assez impressionnante je lâchais ma flèche. Elle filait se planter correctement dans l’une des cibles. “Facile, n’est-ce pas ? Oui, moi aussi je trouve ça facile, essayons autre chose.” Je collais mon corps contre Cartheon et il commençait un galop à quatre temps, plus rapide, toujours collé contre sa crinière je faisais lentement glisser l’arc vers mon côté gauche. Je laissais à Cartheon quelques tours pour prendre plus d’allure et alors que je le sentais à la bonne vitesse, je relevais doucement mon buste, droit, je tirais très rapidement une flèche qui venait se planter quasiment au centre de l’une des cibles.

Enfin, je laissais Cartheon ralentir, je me mettais à l’envers et pendant qu’il reprenait son trot, je tirais une troisième flèche qui touchait sa cible elle aussi. Enfin, je pouvais arrêter mon petit numéro pour redescendre au niveau d’Arya Stark. “Ah ! Alors, pas mal, hein ? Imaginez ce que j’aurais pu faire avec une selle, je ne suis pas certain que vous ayez déjà vu ça. C’est ça, un étalon des Rus.” Je tapotais Cartheon à l'encolure. Mon cheval semblait néanmoins agité. Je remarquais la forme de l’un des loups gigantesques des Stark, allongé à l’ombre dans un coin derrière sa maîtresse. Les chevaux des Rus étaient des chevaux de guerre, cependant ils n’avaient pas l’habitude de tels animaux que l’on trouve, à ce que l’on dit, surtout de l’autre côté du Mur. J’essayais de calmer un peu mon cheval avec des caresses.

Il semblait si fier de ce qu’il savait faire avec un arc et des flèches sur le dos d’un cheval, je n’allais pas le priver de pouvoir me montrer quoi que ce soit. J’inclinai la tête à ses mots :

« J’insiste autant que vous à me faire porter un titre que je déteste. »

Lady. Avais-je l’air d’une lady sérieusement ? Bruh ! Je haussais un sourcils à ses mots :

« Sentiment que vous venez d’éprouver si on regarde les tirs que nous venons de faire. Mais je suis encore bien jeune, j’ai encore tout le temps d’apprendre. »

Je le laissais filer en décochant quelques flèches, peu intéressée par ce qu’il faisait dans les écuries. Mais il ressemblait à un enfant à qui on avait offert quelques sucettes miel. Je tournai la tête un instant vers Nymeria qui releva la tête pour soutenir mon regard et je lui offris un sourire éclair. Elle bâilla, dévoilant une dentition impressionnante, assez grande pour arracher un visage. Je n’en avais pas peur. Je savais ce que c’était d’être moins doué et tout le travail qu’il fallait faire pour en arriver là. C’était de la rigueur et beaucoup d’acharnement.Cela tombait bien, j’avais les deux.

Il revient avec son étalon, joyeux, et a cru. Je restais silencieuse à ses fanfaronnades. J’attendais sa démonstration avant de poser un avis sur ce qu’il disait. Et pour lui, j’espérais qu’il ne s’agissait pas que de la vantardise… Lady… J’allais lui faire bouffer !

« J’ai un mestre pour les leçons. »

Rétorquai-je avant de le suivre des yeux. Bien il fallait l’avouer, il savait ce qu’il faisait ! Je le suivis des yeux, gardant une expression terriblement neutre sur mon visage alors que j’analysais sa posture et sa manière de faire. Il fallait déjà parfaitement maîtriser sa monture avec ses genoux, savoir où la diriger, ensuite pouvoir calculer et apprendre à tirer avec des secousses qui n’étaient pas les notre. Je restais muette en le regardant. Cette technique était bien, mais comportaient des désavantages.

« Il est vrai que c’est impressionnant, cependant vous restez toujours vulnérables aux hallebardiers et aux coups des autres archers, cela même si vous portez une armure, les cibles sont également immobile, quid lorsque celles-ci portent une armure ? »

Etalon nerveux par la présence de ma louve adorée qui se leva pour quitter les ombres et dévoiler toute sa masse puissante qui roulait sous son pelage. Je passais aussitôt une main à l’intérieur avec douceur alors qu’elle toisait Roger Ryswell.

« C’est un bel animal, mais ma jument Eclipse possède cet avantage qu’elle ne craint nullement Nymeria. Un étalon ou un cheval demeure une proie, même entraîné pour la guerre. Ce type de combat est utile en temps de guérilla ou de frappe rapide, mais en bataille rangée ? Est-ce que cela peut vraiment apporter un plus ? Ou est-ce juste pour faire joli devant moi ? »

Je soutiens son regard, à l’homme, le visage toujours aussi lisse d’émotion.

Arya Stark n’était définitivement pas une jeune femme comme les autres. Je crois que de mémoire aucune lady ne m’avait jamais posé des questions aussi précises sur l’art de la guerre. Jusqu’ici mes numéros m’avaient permis de recevoir les compliments que j’attendais, une sorte de recette déjà faite que je maîtrisais à merveille mais qui je devais l’admettre avec le temps avait le don de m’ennuyer. Rien d’ennuyant ici, au contraire, l'intérêt et les questions de la jeune Stark étaient inattendues pour moi. J’étais pris sur le fait, comment réagir, moi qui n’avait jamais subi ce genre d’interrogatoire en pareil moment ? Pas le temps de réfléchir. “Mh, lady Stark est particulièrement au fait des batailles.”

Mon cheval, Cartheon avait encore du mal avec le loup géant, je passais ma main dans sa crinière dans l’espoir de le calmer un peu. “Pour les archers, oui, nous sommes aussi vulnérables que n’importe quelle force de cavalerie, puisque vous le demandez, néanmoins si je peux me le permettre… La force du Nord peut se résumer en un seul mot : Des percées frontales.” Je regardais circonspect mon interlocutrice. Elle voulait un cours magistral ? Très bien, elle en aurait un, la sœur du suzerain du Nord ne ferais pas pécher l’héritier des Rus par manque de connaissance militaire. “Voyez-vous, l’armée du Nord en général frappe directement, brutalement, nous enfonçons les lignes ennemies. C’est assez direct comme approche. Nous subissons effectivement l’archerie, à condition que l’archerie adverse soit bien placée et que la fulgurance de notre frappe puisse être pressentie. Hors, je pense qu’une bonne frappe est partiellement inattendue. Non pas que les armées s’ignorent mutuellement mais que des attaques de revers et de flancs puissent surprendre. Pour les hallebardes et les armures, je rassure lady Stark, mettez moi un homme en armure au milieu de cette cour, donnez moi Cartheon seulement et vous verrez qu’aucune armure sur cette terre ne peut résister à une charge de cavalerie.” Je marquais enfin une pose dans mon résumé, mon cheval avait de plus en plus de mal avec la présence du loup et j’étais persuadé d’avoir répondu convenablement aux attentes surprenantes de la Stark. Je laissais mon étalon reculer quelque peu, l’accompagnant de quelques pas.

Je devais bien admettre qu’Arya Stark était une jeune femme quelque peu insolite. D’abord elle excellait à l’arc, ensuite sa tenue n’était pas particulièrement féminine et finalement elle semblait avoir des connaissances que l’on réserve généralement plus aux fils qu’aux filles dans les grandes familles. Je ne pouvais pas dire que j’étais déstabilisé mais j’étais assurément étonné, pas forcément en mal. J’étais le premier des crétins à moquer ses filles parfaites des grandes familles qui gloussent de commérages entre quelques fabrications artistiques passables. J’avais au fils des ans et depuis de nombreuses années appris à mépriser cette éducation, ma sœur Barbrey elle-même avait dû dépasser cette éducation pour maîtriser rapidement la gestion complète d’un domaine important du Nord. C’est cet exemple, d’une femme rendue libre par le chaos des événements qui m’avait profondément marqué, contrairement à l’ensemble des prétendantes qui s’étaient un jour rêvées à la tête des Rus.

Il y avait dans cette personnalité quelque chose d’assez respectable et loin de l’image que je me faisais de l’éducation que Ned Stark avait pu accorder à sa fille. De même que Robb, un homme élevé à la capitale n’avait dû connaître que les vipères du Sud qu’on ose nommer les nobles dames de cette immonde ville. Je ne m’étais pas attendu à rencontrer une petite Barbrey Dustin, en plus farouche, en plus cassante aussi. Il y avait un côté usant à ne pas recevoir les compliments que j’attendais.
“Nymeria, mh ? Un prénom bien avisé. Une reine forte et inspirante, je comprends le choix. Et, oui je veux bien croire que votre jument y soit habituée mais rassurez-vous lady Stark, sur les champs de bataille on ne croise pas beaucoup de Nyméria. Cartheon n’aura pas à avoir peur.” Je finissais sur un ton plus léger.

Je retiens un grondement d’agacement. Est-ce qu’il pouvait cesser de m’appeler « Lady » ? Ne venais-je pas de lui dire que je détestais ce titre ? Soit… Soit. Je me mordis la langue pour m’empêcher de faire une remarque. J’aurais largement préféré qu’il m’appelle simplement « Stark » ou « Arya » et pas Lady. Franchement avais-je l’air d’une dame ? Non, mais sérieusement… Je me retiens de secouer la tête également. Particulièrement au fait… Je haussais les épaules.

« J’aime me renseigner sur biens des choses et pendant un temps, ma lecture de chevet était un traité sur l’art des batailles. »

Actuellement, c’était plus sur Essos ! Mais qu’importe, il n’avait pas besoin de le savoir. N’est-ce pas ? Mais j’écoutais soigneusement ce qu’il me disait, laissant Nymeria venir proche de moi en caressant doucement son poil. Des percées frontales… Cela avait également ses limites, bien sûr ! Mais pourquoi pas. Il fallait aussi l’avouer qu’on devait adapter ses tactiques aux terrains et aux forces en face. J’écoutais avec grande attention ses mots et son explication.

« Je vois… C’est intéressant. Cependant… une telle force de frappe… si on veut qu’elle soit efficace demande beaucoup d’argent, rien que pour équiper et entraîner une telle unité. Malgré effectivement une vraie utilité. »

Je laissais mon esprit s’égarer machinalement dans le potentiel que pouvait avoir une telle unité… Combien de personnes pour que cela soit efficace. On était au moins sur une vingtaine au minimum. Peut-être une cinquantaine pour pouvoir diviser la force en deux et frapper sur deux fronts en coulant le long des forces ennemies. Je caressais machinalement ma louve avec douceur laissant mon esprit continuer ses calculs et son imaginaire. Roger me fit revenir plus ou moins à la réalité.

« Oui, c’est exactement pour cela qu’elle porte ce nom. J’aime beaucoup cette reine. Mais os capacités à l’arc sont impressionnantes à cheval. »

Dommage qu’il ne soit pas aussi fort à pied… Mais ce n’était pas si important que cela ? Pas vrai, nous étions en paix ! Je tapotais le flanc de Nymeria.

« Mais cette grosse boule de poil est pratique à l’entraînement. Et elle parfaite pour s’entraîner à la force. »

Elle s’ébroua à nouveau et s’étira longuement en bâillant, je ris un peu avant de lui frotter les oreilles.

« Tu ne peux pas faire au moins semblant d’être impressionnante grosse boule de poil ? »

Elle s’ébroua à nouveau et je me dirigeai vers les cibles pour récupérer toutes les flèches une à une avant de revenir vers Roger et lui rendre ses flèches.

« Je crois que ceci est à vous. »

Je regardai son cheval alors que ma louve semblait soupeser le pour et le contre de manger la monture. Je claquai de la langue pour la distraire. J’allais devoir vite soit l’envoyer chasser soit combattre avec elle.

« Chasse Nymeria. »

Autant qu’elle aille se nourrir. Elle s’approcha de Roger et s’assit juste en face de lui sans bouger. Elle ne me laisserait pas seule ici avec un homme. Je soupirais longuement.

« D’accord, j’ai compris Nymeria. J’ai compris. »

Pas besoin d’un chaperon, Nymeria le tuerait s’il tentait la moindre chose. Enfin.

« Comment vous avez appris à tirer ainsi à l’arc ? Les seuls combattants à cheval dont j’ai entendu parler sont les Dothrakis. »

J’étais curieuse.

Il n’y eut nulle épine dans ma couche cette nuit-là ; nulle crainte dans ma chambre solitaire. *
Des moments de répit, il pouvait bien en avoir et Winterfell n’était pas que le souvenir terrible de cette bataille, c’était aussi son bois sacré et les moments de paix que j’aimais y passer. Je ne pouvais réprimer un sourire après le compliment d’Arya, la jeune femme n’avait pas l’air d’être particulièrement habituée à reconnaître les capacités de quelqu’un, du moins à haute voix, j’en étais encore plus flatté que malgrès son air impassible mes cabrioles avaient réussi à toucher la mine bougonne de la plus revèche des Stark. Mais ce sourire ne durait qu’un temps car sa “boule de poil” commençait à s’agiter, pas forcément méchamment mais assez pour effrayer définitivement Cartheon qui s'échappait de mes mains, il galopait jusqu’à l’autre extrémité du terrain.
“Merde… Bon… Je crois que les étalons du Rus ne sont pas habitués aux loups d'au-delà du Mur.”

Finalement la bête, Nyméria, se plantait devant moi, je regardais ses yeux d’animal. Je n’y voyais pas un chiot mignon comme sa maîtresse mais une bête redoutable. Comment étais-je censé réagir à cet animal ? Je n’avais pas peur, j’étais chez les Stark et si leurs bêtes vivaient avec eux c’est qu’il ne devait pas y avoir de risques, je n’avais d’ailleurs jamais entendu parlé d’une attaque de leur part. Toujours est-il que Nyméria restait impressionnante. J’essayais de me montrer impassible tout en gardant un œil sur le moindre mouvement qui me paraîtrait trop… Vif, j’étais prêt à rejoindre Cartheon à l’autre bout du terrain d'entraînement.
“Mh. Gentille Nyméria, hein…”
J’étais sorti de mes interrogations par une autre question pratique d’Arya Stark. Je veillais d’y répondre aussi sérieusement qu’auparavant. “Et bien les cavaliers au service de ma famille ne pratiquent pas ça… C’est plus quelque chose très… personnel ? Si vous voyez ce que je veux dire. Notre cavalerie est force de frappe, nous chargeons. L’archerie à cheval, c’est plus quelque chose comme la chasse voyez-vous ? Quelque chose que mon frère et moi, mon père quand il était plus jeune pratiquons pour… Parce que cela nous plaît de savoir manier toutes les armes sur nos montures.”

J’abandonnais un instant le loup géant pour reporter mon attention sur Arya Stark. Comment se faisait-il qu’une fille d’une aussi grande famille s'intéresse à ce genre de chose ? En dehors des Mormont je n’avais jamais vu de femmes se passionner autant pour les choses de la guerre et des matières que l’on ne réservait pas à l’éducation féminine. Je savais bien évidemment que Lyanna Mormont était pupille ici cependant mettre cette appétence sur la simple influence d’une amie me paraissait exagéré. Non, Arya Stark avait décidément des goûts et des attrait bien différents des autres jeunes filles de la noblesse nordienne. Nous le savions tous, que physiquement elle n’aimait pas les manières des ladies, même aux grands événements la soeur de notre suzerain paraissait toujours mal à l’aise en vêtements de cérémonie, elle semblait revivre lorsqu’on lui rendait cet entre deux de costume, bien moins coquet.

“Je me permets néanmoins Lady Stark mais… Qu’est-ce qui fait qu’une… jeune femme comme vous s’intérésse autant aux choses de la guerre ? Vous me disiez avoir lu dessus. Et généralement je dois admettre que ce sont des matières qui ne passionnent guère celles qui partagent votre condition.”
Je ne souhaitais rien insinuer, simplement j’étais curieux. J’avais avec l’âge et l’expérience appris à bien connaître la noblesse westerosi il m’était impossible de ne pas remarquer qu’Arya était totalement différente de ce milieu que je pouvait parfois trouver quelque peu ridicule.


*Jeyne Eyre, Charlotte Brontë

Ou était-elle simplement la dernière de la longue liste de celles à qui il avait décidé de faire des avances ?* Est-ce que c’était ce que certains pensaient en nous regardant discuter ? Et au vu de sa démonstration ? Est-ce que les serviteurs qui passaient devaient penser ? Qu’il tentait de me séduire ? Tu parles ! Il ne me séduisait absolument pas, il me montrait juste ce qu’il savait faire. Mais peut-être que pour lui c’était une tentative de séduction. Ah ! Arya Ganache Stark ! C’était vrai qu’il y avait ça aussi. Sauf que c’était absolument hors de question de penser à cela comme ça. Nymeria s’approcha un peu trop de l’étalon qui s’enfuit à l’autre bout du terrain. Ma louve semblait ravie d’elle et je lui offris un regard noir.

« Mmh… On ne peut pas avoir des chevaux qui sont habitués à nos loups. N’est-ce pas ? »

Et ma louve braqua son regard sur Roger et le maintient jusqu’à ce qu’il semble le baisser et le mettre mal à l’aise. Elle voulait lui faire dire quoi ? « Approche-toi de ma maîtresse et je te bouffe » ? La connaissant… c’était sans doute plus ou moins cela. Elle ne chassait pas les hommes ! Enfin, elle ne me laissait pas seule avec ! C’était hors de question. Et je la remerciais silencieusement. Mais en tout cas elle mit clairement un avertissement à Roger. Gentille ? Je souris légèrement, un sourire de loup.

« Elle ne vous fera rien… À moins que vous ne tentiez… de me blesser ? Mais je ne crois pas que cela est dans vos attentions. N’est-ce pas ? »

Il pourrait tenter. Mais j’avais une louve qui pourrait sans doute lui arracher la gorge d’un saut et d’un coup de crocs. Est-ce que je voulais voir cela ? Pas vraiment ! Mais je savais qu’avec Nymeria je ne risquais rien. Et pis, j’étais chez moi ! N’est-ce pas ? Alors je l’interrogeais sur cette capacité et ce qu’il faisait avec l’archerie à cheval. Et il n’avait pas… monté une unité spéciale ?! Mais… pourquoi ? Si c’était juste… pour faire joli… Je pinçais les lèvres sans rien dire pendant quelques secondes.

« Mais dans ce cas… pourquoi affirmer que cela peut-être utile en bataille… si vous ne tentez même pas ? Surtout que cela peut être particulièrement utile… »

Je comprenais bien que c’était un coût ! Mais il se vantait de pouvoir tirer à cheval, il devait aussi savoir qu’une unité de chasse ce n’était pas que ça… Il y avait aussi le Val et tout ce qu’il peut y avoir avec l’autre lézard et le sien. Quoi qu’on eût le nôtre aussi de Dragon… Mais c’était autre chose, pas la peine de penser à tout cela. N’est-ce pas ? Lady… Je me mordis les joues de toutes mes forces. Lady. Qu’est-ce qu’il ne comprenait pas dans « Je n’aime pas le titre de lady » ?! Nymeria coucha légèrement les oreilles en arrière en s’enroulant autour de mes jambes sans le lâcher du regard. Elle sentait mon agacement et j’étais ravie ! Enfin… non… Qu’importe. Je passais une main dans les poils de son dos. Un peu de « je ne suis pas une dame » ? mmh… Arya, contrôle ton caractère…

« Je déteste tout ce qui… touche plus ou moins au rôle traditionnel de la « Lady » jusqu’à ce titre. Bien que je sache gérer un domaine. Mais je suis bien plus passionnée par le voyage et l’art des armes que par la broderie et ce genre de… chose. »

Non, vraiment. Je n’aimais pas cela, la broderie, les chiffons, les robes, les enfants, le mariage… Très peu pour moi tout ça. Non, ce n’était pas moi tout ça… J’imaginais qu’il n’avait pas l’habitude de ça. Mais… Je n’allais pas cacher mon caractère juste pour faire joli. Hors de question.


*Lightlark : La saga de lightlark livre 1, Alex Aster Lumen

Et il y a presque comme un sourire, n’est-ce pas, sur ses lèvres ?*
En tout cas, cette question ne pouvait être sérieuse, à tel point que moi-même je ne pouvais réprimer un grand sourire ainsi qu’un petit éclat de rire. Qu’est-ce que c’était que cette question ? Avait-elle besoin d’un loup monstrueux et géant contre les invités de sa famille ? Je reprenais mon sérieux tandis que le souvenir de la mort de Lord Eddard Stark me revenait, non, effectivement au niveau des Stark il n’y a pas de paix et de repos nulle part. L’ancien Lord avait péri dans sa propre demeure par le poison. Les morts avaient assiégé cette même demeure, le Prince Viserys avait été reçus comme un ami alors même qu’il avait déjà nuit à l’une des filles de Lord Manderly. Non, effectivement il valait mieux qu’une Stark soit accompagné d’un loup féroce partout où elle puisse être, surtout chez elle. J’imaginais l’espace d’un instant l’horreur que cela eut été si ma propre demeure, les Rus avaient connu pareilles histoires. J’en serais aussi méfiant qu’elle.
“Excusez moi lady Stark mais votre question sur le danger que j’aurais pu représenter pour vous m’a d’abord fait rire. Aucun Ryswell n’a jamais été un danger pour un Stark et ce n’est pas aujourd’hui que ça commencera. Votre frère est mon suzerain, nous sommes liés depuis des millénaires par un serment que rien ne saurait briser.”

Je baissais légèrement la tête, comme une révérence inconsciente. Cependant je pouvais remarquer qu’elle touchait un point, je venais de faire le fanfaron devant elle avec mes techniques de tir lesquelles n’étaient pas appliquées à notre propre force militaire. Une question pertinente.
“Et bien… Voyez-vous former des hommes, ça coûte du temps et surtout de l’argent. Et plus une technique est difficile, plus le coût est élevé. Pour le tir à l’arc à cheval, le coût serait particulièrement élevé. Bien sûr, si vous me le demandez personnellement est-ce que je voudrais qu’une telle formation existe pour les cavaliers des Rus, évidemment, ce serait l’un de mes plus grands rêves. Nous sommes des cavaliers depuis avant même que le Nord soit unifié. Pour l’instant je vais être franc avec vous ;  la maison Ryswell n’a actuellement pas les moyens de former ses hommes à une si complexe méthode de combat. Les dothrakis vivent à cheval, vivent pour les chevaux, constamment, ce sont des nomades, ils n’ont que ça à faire… Nous, nous avons un domaine à entretenir, des paysans, des artisans, des impôts.”
Pouvais-je lui dire “et si votre frère acceptait de nous faire un prêt nous pourrions mettre cela au point” ? Ce n’était pas juste. Robb Stark ne s’était pas montré avare d'ingéniosité et il est fort à parier que les Ryswell pourraient rejoindre la liste des doléances du Nord à propos des améliorations que chaque domaine souhaiterait apporter. Il était encore plus injuste de ramener Arya à sa condition de sœur d’un suzerain. J’étais d’ailleurs totalement ignorant de la façon dont lord Stark prenait ses décisions et s’il en discutait en famille. Je gardais un silence gêné n’osant aller plus loin. Mais heureusement nous tombions d’accord sur le rôle des ladies.

“Que les Anciens Dieux vous entendent ! Nous sommes-nous des sudiens à vouloir coller toutes les jeunes filles du Nord à la broderie, aux autres inepties de bieffoises ?” J’étais revigoré par cette prise d’opinion. Cela faisait des années, depuis mes vingt ans que je rouspétait, quasiment seul dans mon coin contre l’éducation des jeunes femmes du Nord. Ma sœur, Barbrey, avait dû apprendre au dernier moment la gestion d’un domaine tant elles ne sont pas préparées à ce genre de choses qui pourtant devront de plus en plus leur incomber. La loi passé, disait-on, sur insistance de la Princesse Rhaenys, à propos de l’héritage féminin allait clairement en ce sens.
J’avais depuis de nombreuses années une aversion pour ses jeunes potiches qu’on élevaient comme à faire les gourdes pour plaire à des seigneurs prétentieux incapables de passer leur vie avec quelqu’un de leur trempe. Cette opinion particulière avait été l’un des moteurs qui m’avait poussé à être si dur dans le choix de ma future épouse au point qu’à la trentaine révolue j’étais encore célibataire. Mais je ne pouvais m’imaginer aux bras d’une “lady” aux habitudes faussement sophistiqués, avec une personnalité cachée sous un déguisement, sous une éducation restrictive.
“Si vous saviez comme vous avez raison lad… Stark. Ma sœur Barbrey Dustin a longtemps payé le manque d’éducation que l’on donne aux jeunes femmes. Pourtant aujourd’hui elle sert votre frère parfaitement à Tertre-Bourg. Elle gère aussi bien ce domaine que mes cousins de Quart-Torrhen gèrent le leur.”


*l’Alouette, Jean Cocteau

Visiblement je le faisais sourire face à mes remarques sur le fait du danger des invités. Le Nord se souvenait. Père, les Manderly… Non on ne savait jamais, avoir un loup géant à ses côtés c’était… à mes yeux essentiels. Je ne pourrais pas me passer de ma louve à mes côtés. Vraiment pas. Je ne pouvais pas vivre sans elle. C’était… comme un besoin de l’avoir en permanence là, avec moi. Dans mon périmètre. Sans doute que les autres ne pouvaient pas comprendre, mais quelle importance ? Du moment que moi je comprenais, n’est-ce pas le plus important après tout ? Mais il pouvait sourire. Je retiens une grimace, mais pas mon froncement de nez, quand il me donna ce maudit titre. Je n’en pouvais plus de ce titre. Je n’étais pas une Lady ! On ne pouvait pas trouver un autre titre que ça ?! Par tous les dieux… Je soutiens son regard alors que Nymeria le toisait froidement. Je hochais la tête.

« Je m’en vois rassurée. »

Fis-je d’une voix douce. Mais les serments se brisaient… N’est-ce pas ? Non Arya ! Ne pense pas à cela ! Ce n’est pas le moment ! Pas le moment du tout ! S’il avait eu le moindre geste qui pourrait évoquer un danger, Nymeria aurait bondi sur lui. Je me frottai machinalement ma joue, marquée par les cicatrices des loups qui m’avaient attaqué. Qu’importe, ne pense pas à cela en ce moment. Mais visiblement il n’avait pas encore ce qu’il fallait pour créer une unité d’archers à cheval. Je hochais la tête. L’argent, le nerf de la guerre. N’est-ce pas ? Il le voudrait, cette unité, mais est-ce qu’il s’en donnait les moyens ? C’était aussi à voir. J’inclinai la tête.

« J’entends. Je me doute bien que l’argent est le nerf de la guerre, mais si vous partiez d’archers qui ont déjà été formés. Pas forcément une grande unité, mais partons sur une dizaine de personnes. Partons sur une formation d’une année. Il faudra également qu’ils apprennent à monter à cheval. Faite leur dresser leur propre monture également. Une dizaine de chevaux… Je sais que cela coûte de l’argent… Cependant, commencer par de petites unités… Cela leur permet également d’être mobile… »

Je haussai un sourcil surpris à ses mots. Visiblement il pensait comme moi sur le sujet des femmes. J’eus un rire amusé, frottant le crâne de Nymeria.

« Je n’aime pas le Sud. Si encore il s’agissait de tannerie… ou ce genre de chose… Mais la broderie… »

Je soufflais doucement par le nez. Cela voulait tout dire. Je détestais cela. Je pris une flèche, visai la cible la plus lointaine pour tirer. Rien que d’imaginer le fait de broder… Brr ! Je détestai ça ! Non, je préférais largement tirer à l’arc.

« Le Nord est une terre dure. Nous devrions toutes apprendre à nous battre. »

Depuis quand nous étions toutes fragiles… J’avais raison ! Merci ! Visiblement sa sœur avait eu quelques difficultés ! Mais tout apprendre sur le tas. Je fis une petite grimace. Triste.

« Je vous crois sur parole. C’est triste pour votre sœur. Je n’ai pas eu à me plaindre, j’ai appris à gérer un fief. »

Mais ce n’était pas ce que j’aimais… Non, moi ce qui me passionnait c’était les cartes, les voyages et pourtant je passais ma vie ici. Je décochai à nouveau une flèche qui toucha sa cible. Merci. Parfait.
   

Un Ryswell ne pouvait pas se faire l'ennemi d’une Stark. J’eu pendant un court instant une pensée pour ma sœur qui aurait volontiers adorer que nous devenions des ennemis des Stark mais je ne le pouvait pas. Mon père n’avait pas choisi cette voie pour les Ryswell et je crois qu’il avait raison, nous devions choisir la stabilité et après tout les serments avaient une importance à mes yeux encore plus lorsqu’ils étaient prêtés devant des barrals. Mais cette jeune Stark m’énervait. D’abord ses questions… Qu’est-ce qu’elle croyait ? Que nous n’avions pas réfléchi aux différentes façons de gérer notre ban ? Que nous n’avions pas pensé nos techniques de combat ? Les Rus sont depuis des siècles le fer de lance de la cavalerie nordienne, croyait-elle que ses ancêtres eux-mêmes n’avaient pas songé à la question ? Que son père lui-même n’avait pas discuté de cela des dizaines de fois avec mon père ? Que je n’allais pas discuter de ça des dizaines de fois à mon tour avec son frère ? Croyait-elle qu’il s’agissait d’un manquement, que nous ne savions pas gérer notre propre domaine ? J’étais profondément insulté. J’aurais voulu de tout mon coeur pouvoir lui rétorquer tout cela de vive voix mais nos noms nous obligeait. Et voilà qu’elle me menaçait alors que le besoin de prendre de la surelle se faisait sentir. Je lui rendait un regard froid, dur qui exprimait totalement mon dégoût pour son comportement. Mais je ne pouvait dire un seul mot qui aurait contrarié quoi que ce soit.

C’était ainsi que les Stark traitaient leurs vassaux ? Bien, les sentiments de ma sœur, Barbrey, seigneur de Tertrebourg étaient donc basés sur une expérience plus que compréhensible. Si moi, l’héritier des Rus, je me faisait menacé pour avoir la main sur une sacoche, que pouvait-il en être de plus petites gens ? De plus petits seigneurs ? Tous les compliments que mon père m’avait fait de Ned Stark semblaient s'évanouirs, était-ce l’éducation qu’il donnait ?
“Ah oui. Ma sacoche. C’est une petite sacoche en cuir, voyez-vous, Lady Stark, dans laquelle se trouve de la surelle, une plante aux effets calmants que je prends depuis ma blessure ici même, lorsque j’ai failli perdre la vie en ce lieu, lorsque mon propre frère est mort ici pour défendre le fief de votre famille.” J’avais craché cette phrase avec tout le mépris qu’un vassal insulté sans trop de raisons pouvait le faire. “Il est certain que mon frère ne se serait pas attendu à ce que son aîné soit menacé ici-même par une Stark et son loup.”

“Depuis ces années, oui, je dois vous l’avouer et depuis cette terrible blessure dans ma chair je dois prendre régulièrement de cette plante. En fait, j’ai la main dessus car je ressens le besoin d’en prendre actuellement. Mais excusez-moi, ai-je mal fait d’être blessé ici-même il y a quelques années Lady Stark ?” Je n’arrivais plus tellement à cacher mon énervement et je me savais très querelleur. Il fallait mieux que je parte plutôt que je m’emporte plus.
“Mon dos me fait mal et je dois en prendre, ainsi pour ne pas finir égorgé par votre loup, vous m’excuserez mais je vais me retirer. Je vais faire mon affaire dans les cuisines, loin de votre regard, si cela ne vous sied guère. Au revoir.”
Une petite révérence, rapide et sèche puis je tournais les talons à la jeune femme.

J’écoutai ce qu’il disait avec une oreille attentive. C’était malgré tout ce que je disais, Pour l’armée, l’or et le temps étaient les nerfs de la guerre. Mais je le sentais agacé. Alors j’inclinai simplement la tête une fois qu’il eut fini de déverser sa réponse. J’avais bien compris. Sous l’époque de mon père. Je crispai légèrement les doigts autour de mon arc. Je n’aimais pas… J’adorais mon père, j’adorai en parler, mais… en même temps, je ressentais toujours ce manque de ne plus l’avoir à mes côtés. Est-ce qu’un jour j’arriverais à réellement digérer ce malheur ? Aucune idée.

« Sans aucun doute. Mais il est toujours important de savoir ce que font les autres. »

Pour s’inspirer. Je continuai d’enchaîner les tirs dans les cibles. J’étais bien plus à ma place ici que dans un salon à causer ou boire du thé. Non, c’était ici que je devais être pour m’entraîner, être à l’air libre. Explorer le monde. Cela faisait du bien également. Mais en attendant, j’étais toujours meilleure que l’homme à mes côtés. Il semblait agiter, je posai mon regard sur lui les sourcils légèrement froncés alors qu’il tira sur un corbeau. J’espérais grandement pour lui qu’il ne s’agissait pas d’un corbeau portant un message. Et il semblait en colère au vu de sa manière de jeter l’art.

« Je vois cela. »

Fis-je alors que je sentais aussitôt son attention décliner. Bien sûr. Il semblait agiter et j’eus l’horrible impression de parler dans le vent. Hé bien… J’aurais dû m’en douter, un homme n’écoutait pas longtemps une jeune fille. Tu parles… Et il tapotait cette bourse, Nymeria découvrit légèrement ses crocs dès qu’il faisait mine de la tapoter en grognant. Qu’est-ce que c’était ? Je fronçai les sourcils un peu plus fort en regardant l’homme.

« J’ignore ce qu’il y a dans cette bourse, mais je vous déconseille d’en sortir alors que Nymeria est à portée. Je crois qu’elle n’aime pas. Et si ma conversation vous ennuie, messire, je ne vous retiens pas. »

Fis-je d’un ton froid dénué d’affection, le mouvement hein… Est-ce qu’il ne voulait pas essayer d’être ma cible en mouvement ? Cela serait intéressant… Je tirais à nouveau trois flèches avant d’aller déposer avec respect mon arme, je n’aimais pas jeter le matériel. C’était une forme de respect. N’est-ce pas ? J’avais repris toute l’attention à l’homme alors que Nymeria ne le lâchait pas des yeux.    

Un Ryswell ne pouvait pas se faire l'ennemi d’une Stark. J’eu pendant un court instant une pensée pour ma sœur qui aurait volontiers adorer que nous devenions des ennemis des Stark mais je ne le pouvait pas. Mon père n’avait pas choisi cette voie pour les Ryswell et je crois qu’il avait raison, nous devions choisir la stabilité et après tout les serments avaient une importance à mes yeux encore plus lorsqu’ils étaient prêtés devant des barrals. Mais cette jeune Stark m’énervait. D’abord ses questions… Qu’est-ce qu’elle croyait ? Que nous n’avions pas réfléchi aux différentes façons de gérer notre ban ? Que nous n’avions pas pensé nos techniques de combat ? Les Rus sont depuis des siècles le fer de lance de la cavalerie nordienne, croyait-elle que ses ancêtres eux-mêmes n’avaient pas songé à la question ? Que son père lui-même n’avait pas discuté de cela des dizaines de fois avec mon père ? Que je n’allais pas discuter de ça des dizaines de fois à mon tour avec son frère ? Croyait-elle qu’il s’agissait d’un manquement, que nous ne savions pas gérer notre propre domaine ? J’étais profondément insulté. J’aurais voulu de tout mon coeur pouvoir lui rétorquer tout cela de vive voix mais nos noms nous obligeait. Et voilà qu’elle me menaçait alors que le besoin de prendre de la surelle se faisait sentir. Je lui rendait un regard froid, dur qui exprimait totalement mon dégoût pour son comportement. Mais je ne pouvait dire un seul mot qui aurait contrarié quoi que ce soit.

C’était ainsi que les Stark traitaient leurs vassaux ? Bien, les sentiments de ma sœur, Barbrey, seigneur de Tertrebourg étaient donc basés sur une expérience plus que compréhensible. Si moi, l’héritier des Rus, je me faisait menacé pour avoir la main sur une sacoche, que pouvait-il en être de plus petites gens ? De plus petits seigneurs ? Tous les compliments que mon père m’avait fait de Ned Stark semblaient s'évanouirs, était-ce l’éducation qu’il donnait ?
“Ah oui. Ma sacoche. C’est une petite sacoche en cuir, voyez-vous, Lady Stark, dans laquelle se trouve de la surelle, une plante aux effets calmants que je prends depuis ma blessure ici même, lorsque j’ai failli perdre la vie en ce lieu, lorsque mon propre frère est mort ici pour défendre le fief de votre famille.” J’avais craché cette phrase avec tout le mépris qu’un vassal insulté sans trop de raisons pouvait le faire. “Il est certain que mon frère ne se serait pas attendu à ce que son aîné soit menacé ici-même par une Stark et son loup.”

“Depuis ces années, oui, je dois vous l’avouer et depuis cette terrible blessure dans ma chair je dois prendre régulièrement de cette plante. En fait, j’ai la main dessus car je ressens le besoin d’en prendre actuellement. Mais excusez-moi, ai-je mal fait d’être blessé ici-même il y a quelques années Lady Stark ?” Je n’arrivais plus tellement à cacher mon énervement et je me savais très querelleur. Il fallait mieux que je parte plutôt que je m’emporte plus.
“Mon dos me fait mal et je dois en prendre, ainsi pour ne pas finir égorgé par votre loup, vous m’excuserez mais je vais me retirer. Je vais faire mon affaire dans les cuisines, loin de votre regard, si cela ne vous sied guère. Au revoir.”
Une petite révérence, rapide et sèche puis je tournais les talons à la jeune femme.