Bear in a wolves' den || Lyanna&Robb

L’air était aride, en cette fin de journée. La gorge du Suzerain du Nord aussi ; il se fit parvenir un pichet et quelques fruits, et demanda qu’on fasse amener à ses offices la jeune Mormont. Posté devant sa fenêtre, il regardait l’horizon où se couchait un soleil plus chaud qu’il était d’ordinaire offert au Nord. L’été était bien présent, n’en déplaise à feu son père. Robb n’était pas sorti de sa tour de la journée, si bien que Vent Gris l’avait quitté, lassé de tourner en rond entre de ses jambes.

Il n’avait rien fait. La même somme de papiers attendait sa lecture qu’au matin quand il l’avait trouvée sur son bureau, seules quelques lettres avaient été cachetées de la veille, et une seule avait été lue, celle adressée par Jon Snow, qui lui annonçait partir promptement de Chêne-Egide pour rejoindre Winterfell. C’était la seule chose que son Seigneur avait voulue savoir. S’il avait passé sa journée en haut de cette tour, ça n’était pas pour se changer les idées en travaillant, il en aurait été bien incapable. C’était pour éviter le regard de son épouse, qu’il avait l’impression de noyer sous sa tristesse et dont il craignait de redoubler les larmes, qu’il avait traîné toute la journée là-haut. Il avait l’impression de ne jamais trouver les mots justes, de toujours remuer sa peine, si bien qu’il préférait se tenir loin d’elle. Il avait appelé son frère à son secours le soir où ils avaient enterré Harlon, sachant bien qu’il aurait besoin de lui pour passer au travers de ces sombres heures. Bien sûr, il avait prétexté dans son courrier que la suzeraine aurait besoin de lui, fier comme il l’était, mais Jon ne devait pas être dupe. Depuis lors, il avait passé l’essentiel de ses journées dans ses offices, tous les jours un peu plus longtemps, ne rejoignant son épouse que la nuit venue, quand les mots se faisaient plus rares et qu’il pouvait seulement la serrer contre lui.

Ainsi, un peu au moins, il avait l’impression de savoir consoler sa peine, sans doute parce qu’il soignait la sienne aussi.

Le Seigneur de Winterfell demandait qu’on ne le dérange pas dans son travail. Vayon Poole, qui n’oubliait jamais son austérité, même en des temps comme ceux-là, s’arrangeait tout de même pour augmenter tous les jours sa pile de choses à signer, mais il n’avait pas encore osé venir déroger à son ordre. Il fallait que Robb réussisse à récupérer le sens de sa plume avant que son intendant ne commence à trop l’oppresser. Il s’était ainsi décidé à accomplir une idée qui traînait depuis bien trop longtemps, et qui l’aiderait, l’espérait-il au moins, à se remettre le pied à l’étrier. Si ça pouvait, au passage, apporter quelque sourire à son épouse, alors sans doute parviendrait-il à décrocher son regard de cet horizon qui l’absorbait tant.

On lui avait apporté une corbeille d’oranges, au milieu de laquelle on avait glissé quelques tranches de pain noir – il est vrai qu’il n’avait pas encore mangé, aujourd’hui. Ces agrumes étaient rares sur les terres du Nord, mais le suzerain les avait faits venir de loin pour la fête qu’il prévoyait à Winterfell et qui arrivait plus vite que prévu. Sans doute la cuisinière qui avait préparé ce plateau jugeait-elle que leur couleur donnerait envie à son Seigneur de descendre chercher un véritable repas dans ses cuisines pour les agrémenter. Robb préféra se servir un long verre de vin, lui aussi arrivé de terres bieffoises pour l’occasion. Il était bien aéré – on avait dû prévoir, en bas, que comme tous les soirs depuis cette funeste nuit, Lord Stark voudrait s’oublier dans quelques centilitres de rouge.

Toujours posté devant sa fenêtre, son gobelet à la main désormais, il entendit qu’on toquait derrière lui. Il alla lui-même ouvrir la porte à la jeune Mormont, avant de lui indiquer du doigt la chaise face à son bureau. « Lady Lyanna, je vous prie, installez-vous. » Il dû s’éclaircir un peu la voix alors qu’il retournait s’asseoir devant son horizon. Rares étaient les jours aussi secs sur ce château du Nord. Il lui semblait presque retrouver le goût du Donjon Rouge de son enfance, mais il devait bien mal s’en souvenir car l’été était beaucoup plus coriace par là-bas qu’il ne l’était ici. Cela faisait dix ans, maintenant, qu’il avait quitté Port-Réal. Dans des jours comme celui-ci, où tout était difficile, ça lui semblait une époque bien plus proche.

Quittant son horizon du regard, le suzerain essaya de d’attraper le regard de la jeune fille. Elle était bien vive, toutefois, et lui, fort fatigué. « Comment va-t-elle ? » demanda-t-il simplement. Il était certain qu'elle savait qui était le sujet de sa question.

Plusieurs s’étaient écoulées depuis le retour de Robb et de ses armées. Le Val était perdu et Viserys en avait fait son royaume, indépendant de celui du tout jeune roi Aerion Targaryen. Il s’était passé bien des événements, bien des tragédies, bien des bonheurs ces cinq dernières années. La guerre connaissait une trêve et la vie était revenue à la normale, du moins en apparence. Toute personne instruite et cultivée savait que les guerres en Westeros n’étaient jamais réellement finies lorsque les dirigeants des deux partis étaient encore en vie. Bien sûr, Rhaegar était mort mais, c’est bien lord Tywin qui menait la guerre pour les Targaryen depuis la retraite du roi malade après la chute de Chutebourg. Aujourd’hui, le jeune Aerion, avançant en âge, grandissant à vue d’œil, ne pouvait pas encore diriger seul et le Vieux Lion demeurait toujours à la tête du royaume des désormais Six Couronnes.

Lyanna, de son côté, avait bien changé, moralement, physiquement mais également psychiquement. Si elle avait toujours son caractère bien trempé, il semblerait que sa longue correspondance avec Brandon ainsi que ses responsabilités auprès de lady Catelyn Stark l’ait quelque peu changé. Plus encore, sa nouvelle fonction à laquelle Robb la nomma marquait un nouveau tournant dans sa vie de jeune femme. Après plusieurs années en tant que pupille de la mère du Loup, elle devint dame de compagnie de lady Kylis, l’accompagnant dans sa nouvelle grossesse et dans son quotidien. Lyanna avait dix-huit ans maintenant, ce n’était plus une petite fille ni même une enfant mais bien une femme. Érudite, intelligente, cultivée, lady Catelyn n’avait presque plus rien à lui apprendre. Il était donc temps pour elle d’évoluer au sein de la société Nordienne. Elle s’était faite une place à Winterfell, loin de ses sœurs, loin de l’Île-aux-Ours. Aux côtés d’Arya notamment, elle avait su s’intégrer dans la tanière des Loups.

Intégrer le service de Kylis était un nouvel honneur que Robb faisait à l’oursonne qui poursuivait ainsi son apprentissage auprès des dames Nordiennes. Fini le maniement des armes pour lequel Catelyn donnait son approbation, il était temps d’apprendre l’étiquette, le calme et le quotidien d’une dame. Lyanna s’entrainerait néanmoins toujours au maniement des armes, avec sa sœur de cœur Arya, mais son emploi du temps serait principalement dédié à la suzeraine. Celle-ci venait de mettre au monde un enfant, un garçon malheureusement mort-né. La tristesse était donc de mise dans l’entourage des Stark. Après toutes ces grossesses, la descendance d’Eddard Stark aurait pu accueillir un garçon, un héritier mâle, poursuivant la longue lignée des hommes du Nord qui ont gouverné la région depuis la Conquête. Ce fut dans ce contexte lugubre et tragique que Lyanna Mormont fut convoquée par le seigneur des lieux. Revêtant une robe, qui était là une nouveauté également pour l’oursonne qui, durant son enfance, n’en avait que très peu porté, Lyanna fit la révérence à son suzerain et s’installa lorsqu’il l’invita à le faire.

- Lord Robb.

Son visage était fermé, froncé avec une pointe de tristesse. La suzeraine paraissait inconsolable et lorsque l’époux de celle-ci demanda de ses nouvelles, la jeune Nordienne ne sut quoi répondre en premier lieu. Mais il fallait bien dire quelque chose alors, autant ne pas masquer la réalité, autant se montrer honnête, droite, franche.

- Elle est plongée dans un chagrin qui n’en finit plus, mon seigneur. Je reste à ses côtés aussi souvent que je le peux. Je lui amène vos filles pour qu’elle n’oublie pas leur présence et qu’elle s’occupe un peu d’elles. Mais je me dois d’être honnête. C’est une tâche bien difficile qui m’incombe présentement.

Mais pour autant, Lyanna ne regrettait aucunement sa place. Tous les jours, elle se montrait prévenante envers sa maîtresse. Elle la consolait, l’écoutait, lui parlait, restait auprès d’elle. Bien sûr, la perte d’une mère était bien différente que la perte d’un enfant que l’on vient de porter, mais Lyanna partageait la douleur de cette perte. Ne voulant pas paraître défaitiste, elle surenchérit aussitôt, ne laissant pas le temps à son suzerain de répondre.

- Mais c’est mon devoir de l’accompagner dans les joies tout comme les peines. Je redoublerai d’effort le temps que la douleur passe ou au moins s’atténue un peu. N’ayez crainte. Avec le temps, elle s’apaisera. Vous n’oublierez évidemment jamais cette tragédie mais vous y survivrez.

Car il n’y a pas d’autre choix que d’y survivre, de surmonter l’épreuve, de faire face et d’avancer.

La décision de nommer Lyanna comme Dame d’atour de la suzeraine avait, bien sûr, été longuement mûrie avant d’avoir été actée. Il n’était pas commun, en effet, que les suzeraines du Nord pavanent avec des dames à leurs côtés. Lady Catelyn, de son temps, n’en avait d’ailleurs jamais eu, sans doute parce que son époux devait juger qu’il avait déjà épousé une conflanaise à la foi différente de la sienne, point trop n’en fallait pour ses sujets. Robb Stark était toutefois le fils de cette conflanaise, il était d’ailleurs né à Vivesaigues, il avait été élevé à Port-Réal, et après des années à vouloir laisser de côté cette éducation loin de ses terres natales, il avait fini par en assumer certaines de ses conséquences. Son goût pour les arts en était une première ; celui de gâter son épouse en était une seconde. Kylis était toutefois née Omble, c’était une fille du Nord à la foi qu’il fallait, ce qui devait ramener l’équilibre, n’est-ce pas ? En tous cas, son époux la couvrait de cadeaux qu’il faisait venir de loin, il avait drapé leur chambre de riches tapisseries tissées dans le Sud, mais avec cette nouvelle grossesse, il avait songé à offrir autre chose à son épouse.

Sa mère l’avait regardé d’un œil circonspect quand il avait présenté ainsi la possibilité de nommer sa pupille Mormont à ce rôle : c’était une dame, pas une perle d’Essos qu’on pouvait ainsi offrir. Robb, tout suzerain qu’il était, s’en était mordu la langue. Loin de lui l’idée de considérer ainsi la jeune fille, qui était d’ailleurs vouée à devenir bien plus que la dame d’atour de la suzeraine … Il faudrait qu’il trouve une façon différente de présenter cela à Lady Dacey, au risque de blesser la Seigneur de l’Île-Aux-Ours. Catelyn avait proposé de s’en charger : c’était elle, en effet, qui était la gardienne de Lyanna à Winterfell. En vérité, l’argument était facile : Lyanna atteignait les dix-huit ans, c’était une femme bien faite, lettrée, douée, capable d’assumer des fonctions bien plus importantes que celles qui lui étaient proposées en tant que pupille. Kylis l’aimait beaucoup, et elle avait besoin d’aide : à l’époque où la décision avait été prise, elle était enceinte de son troisième enfant.

Au moment où ça avait été acté, on découvrait qu’Harlon, premier fils des suzerains du Nord, était mort-né.

Il s’agirait ainsi, pour Lyanna Mormont, de réinventer cette fonction pour qu’elle corresponde aux demandes et aux besoins de la suzeraine du Nord, sans l’aide d’une autre Lady qui aurait eu cette fonction avant elle pour lui enseigner les rudiments de ce rôle, et sans que Lady Kylis sache même quel soutien demander. L’Ourse commençait avec une tâche bien difficile, celle de l’accompagner dans ce qu’il y avait de plus difficile : le deuil d’un enfant qui n’avait pas même eu le temps de vivre.

En écoutant la réponse de la jeune fille, toutefois, Robb su que lui et sa mère avaient vu juste en décidant non seulement de lui proposer ces nouvelles fonctions, mais surtout de le faire au moment où les Stark passaient par cette terrible épreuve. Ils auraient pu attendre, le faire dans un moment où ce serait, sans doute, plus facile … Mais qui pouvait savoir ce que les Anciens leur préparait ? Lyanna Mormont semblait déjà appliquée, et fort digne, sans aucun doute à la hauteur de la fonction qu’elle avait désormais. Son seigneur gardait un air grave en écoutant attentivement son état des lieux, mais dans ses yeux brillait une lueur de satisfaction. Elle était honnête en disant que la tâche qui lui incombait était difficile ; c’était une qualité, chez elle, qu’il appréciait beaucoup. Chez toutes les femmes de l’Île-Aux-Ours, d’ailleurs. Lady Kylis souffrait beaucoup, et avec elle toute la maison Stark ; ils avaient besoin d’alliés fidèles, capables de les épauler avec solidité. Robb se satisfaisait de savoir la jeune fille vaillante et robuste. Elle s’appliquait même à tenter de rassurer son suzerain, en lui rappelant que si le présent était douloureux, le futur pourrait encore être lumineux. Il lui sourit doucement.

« Je suis bien satisfait qu’elle vous ait à ses côtés, ma Dame. J’aurais aimé que vous arriviez dans son entourage dans un autre contexte, plus heureux, mais les dieux en ont voulu autrement. » Il but une nouvelle gorgée de sa coupe d’acier, avant de secouer le crâne, l’air de s’excuser : « voulez-vous un verre, Lyanna ? ou une orange ? » Lui aussi devait être fort troublé de n’avoir pas fait preuve de ces politesses en accueillant la Mormont dans ses offices. Il devait se ressaisir. La pile de courriers qui l’attendait sur son bureau, non loin des oranges qu’il pointait du doigt, en était la preuve. « J'aurais aimé que nous puissions présenter un fils à nos sujets, à cette fête qui arrive bien trop vite... J'espère désormais que la suzeraine saura trouver en elle la force nécessaire pour s'y présenter. Cette célébration vient justement souligner combien nous pouvons survivre à toutes les tragédies. »

D'ici deux semaines, en effet, Winterfell ouvrirait ses portes, fraîchement restaurées, à des dizaines d'invités qui se presseraient entre les murs relevés et les sols rebattus du fief qui avait tant été abîmé par la Longue Nuit, six années plus tôt. Tous ces nordiens avaient vécu des deuils terribles, dans cette guerre contre les Autres. Ils avaient su se relever, et à leur image, Robb espérait ainsi que lui et son épouse trouveraient en eux la force nécessaire pour laisser ce drame derrière eux.

Lyanna Mormont ne s’était pas du tout attendue à être nommée au service de lady Kylis en tant que dame d’atour. Elle ne s’était pas non plus attendue à devenir pupille de lady Catelyn à l’époque. Elle n’avait que peu d’idée quant à son avenir alors qu’elle venait de perdre sa mère et la voilà désormais à Winterfell, en train de gravir les échelons. Son pupillage de quelques années se déroula à merveille, auprès de l’ancienne dame des lieux qui demeurait encore aujourd’hui une figure maternelle qu’elle respectait profondément. Désormais, elle possédait de nouvelles responsabilités, un nouveau statut, inédit dans le Nord. En effet, le statut de dame d’atour était une convention des régions du sud. Certaines nordiennes s’étaient d’ailleurs vu octroyer ce statut comme lady Wynafryd Manderly auprès de la princesse Rhaenys quelques années plus tôt. Le défi était énorme pour la jeune oursonne qui devenait adulte mais elle ne recula pas devant la tâche. Cela faisait des années qu’elle côtoyait les Stark dont Kylis. Un respect et une affinité prononcée s’étaient développés et c’est avec joie et honneur qu’elle s’attelait désormais à la tâche d’épauler la suzeraine dans son quotidien.

Qui dit accompagner la suzeraine, dit répondre aux attentes du suzerain. Car c’est bien évidemment grâce à Robb Stark que Lyanna avait cette position au sein de la famille suzeraine. Cela expliquait ainsi sa présence face au jeune homme bien fatigué par la tâche. Les temps étaient durs pour le couple qui venaient de perdre un enfant. C’était un garçon mort-né et la venue aurait du être célébrée lors de la fête organisée à Winterfell. C’était donc à un moment douloureux de la vie de mère de Kylis que Lyanna faisait son entrée à son service. Comme elle venait de le dire au suzerain, elle demeurait prompte à épauler la jeune femme qui devrait surmonter cette épreuve. Lui aussi d’ailleurs le devrait. C’est alors qu’il lui proposa un verre, soudainement. Le pauvre devait avoir la tête ailleurs. La jeune femme ne lui en tint pas rigueur et refusa silencieusement la proposition. Il avait l’air dépassé, fatigué, épuisé. Comment ne pas l’être ? Lyanna ne pouvait pas imaginer le sentiment que le couple suzerain possédait actuellement. La venue d’un enfant qui naît sans vie devait être atroce et Lyanna priait déjà les Anciens que cela ne lui arrive pas.

- Je verrai avec elle si elle souhaite s’y rendre. Bien sûr, il en va aussi de mon devoir de lui montrer les avantages à s’y rendre. Malgré le chagrin que vous partagez tous les deux, la vie doit malheureusement continuer. Cette fête, comme vous le dîtes, est là pour montrer que Winterfell s’est relevé. Cela montrera aussi que vous êtes prêts à faire de même face aux épreuves de la vie.

Lyanna allait sur ses dix-neuf ans et semblait déjà avoir le vécu d’une dame plus âgée. Est-ce le fait d’avoir quatre sœurs aînées ? La première était devenue seigneuresse et possédait des responsabilités. La seconde était la maman de la fratrie. La troisième avait été à contresens de lady Maege en se mariant. La quatrième était aventureuse. Tous ces caractères différents forgèrent la cinquième. La mort de leur mère les transforma également. Tout ce vécu se ressentait dans sa voix et dans son comportement. Ce-dernier avait également évolué depuis qu’elle était à Winterfell, en tant que pupille de Catelyn puis désormais en tant que dame d’atour. Lyanna n’était plus cette petite fille au caractère bien trempé, elle était devenue une jeune femme responsable avec toujours ce caractère bien trempé. Celui semblait plus nuancé et atténué mais demeurait toujours présent.

- Il ne faut en tout cas pas se dire que ça passera vite. Un deuil est long, parfois très long, parfois moins mais toujours long. Laissez-vous le temps d’atténuer la douleur et de guérir.

Lyanna posa alors son regard sur la montagne de missives qui trônait sur le bureau de Robb. Elle se demanda soudainement si l’une d’entre elles ne venait pas de Brandon. Viendrait-il à la fête de Winterfell ? Elle se posait la question depuis que les festivités avaient été annoncés mais le moment semblait quelque peu délicat pour poser une telle question.

Le suzerain aurait eu envie de balayer son deuil aussi rapidement que cet enfant lui avait été pris par les dieux. Sans doute lui faudrait-il un peu plus de temps que cela, et un peu plus de prières, aussi. Il aurait eu envie de ne pas s’attarder dessus, il aurait aimé que ça n’ai pas d’importance : après tout, il avait déjà deux filles, deux héritières, en pleine santé et fort joyeuses. Il était des choses qui ne se contrôlaient pas, toutefois. Sa tristesse d’avoir perdu le fils qu’il s’était imaginé pendant dix longues lunes en faisait partie. Elle l’avait saisi sans qu’il ne s’y attende, et il ne lui restait qu’à espérer, désormais, qu’elle ne lancine pas trop longtemps.

Ce qu’il pouvait diriger, toutefois, c’était la façon dont il avait envie de s’en dégager. On lui avait suggéré de se mettre au travail ; Poole avait accumulé sur son bureau une livre de courriers et d’autres parchemins à examiner. Il avait préféré regarder l’horizon, et quand il l’avait pu, il avait dessiné. A la craie noire, il avait fait le croquis de ce fils qu’il n’aurait jamais, tel qu’il l’avait vu, avant de l’enterrer. Pour seule couleur, il avait usé d’un violet gras, qu’il avait fait s’estomper sur les contours de son visage, sur l’arrête de son petit nez, sur l’arc de ses lèvres, qu’il avait ensuite foncées toutes entières. Ça lui permettrait de garder un souvenir d’Harlon, et il espérait qu’en échange, ça lui permettrait aussi d’oublier la douleur que ça avait été de devoir enterrer aux côtés de son père un enfant qui avait ses mêmes yeux gris. Sur son dessin, ils étaient clos. L’inverse aurait été trop douloureux.

Vayon Poole, toutefois, n’était pas au fait de toutes les affaires suzerainales, et Robb était assez certain que dans sa pile de courrier, pas un ne concernait la jeune Lyanna Mormont. Pourtant, le suzerain l’avait fait venir là précisément dans l’intention de se remettre au travail, et ainsi, de se dégager un peu de ce qui l’alourdissait. Lady Mormont ferait parfaitement l’affaire, puisque les considérations seigneuriales qui la concernaient étaient plutôt de nature joyeuses. Il l’écoutait soigneusement, alors qu’elle lui décrivait comment elle avait envie de permettre à la suzeraine de s’appuyer sur elle, dans les semaines à venir. C’était une jeune femme fort sérieuse, malgré son jeune âge. L’influence de quatre sœurs aînées devaient y être pour quelque chose. Il la regarda curieusement quand elle évoqua le deuil, et la lenteur dans laquelle il pouvait œuvrer. Dans son sérieux, il y avait une sagesse ancienne. Le suzerain en fut surpris jusqu’à se souvenir que la jeune ourse avait elle aussi perdu quelqu’un. Sa mère avait été assassinée par le vile Bolton, faisant d’elle une orpheline, comme Robb l’était aussi. Quelque chose devait résonner pour elle aussi, dans ce drame. Étrangement, le Stark s’en senti rassuré. Comme s’il était moins seul.

« La suzeraine est une dame fort digne. Je suis certain qu’elle saura où est sa place, ce soir-là, et que votre soutien ne fera que mieux la convaincre que sa présence y est indispensable. »

Le regard du seigneur quitta celui de la jeune louve pour se porter, un instant, sur l’extérieur. Le soleil se couchait pour laisser place à la nuit. Encore quelques jours, et les premiers invités du couple s’installeraient à Winterfell et dans sa ville d’Hiver en préparation des festivités. Les Nordiens qui venaient du plus loin de la région, ou même les quelques invités d’autres couronnes qui avaient répondu présent avaient sans doute du prévoir un peu largement leur voyage pour être sûrs d’arriver à temps. La famille de la jeune femme, qui arrivait de l’Île-aux-Ours devait compter parmi ceux-là. « Savez vous combien de Mormont nous devrions attendre, pour ce séjour ?  J’aimerais les accueillir au sein même du Château. » Les Stark avaient déjà reçu la confirmation officielle de la famille à l’Ours quant à leur venue pour la cérémonie d’hommage. Sans doute que dans une pile de ce courrier, l’un d’eux précisait même le nombre d’invités. Le connaître de la bouche d’une des plus proches intéressées lui permettrait sans doute d’entamer réellement la conversation pour laquelle il l’avait fait monter jusque ses offices. « Le Nord finira par connaître l’importance qu’a la famille Mormont pour celle des Stark. »

Perdre un enfant était une douleur inimaginable pour Lyanna Mormont. Elle ne pouvait décemment pas comparer la perte de sa mère et la perte d’un enfant que Kylis a porté pendant dix lunes. Les Anciens étaient parfois cruels et la vie n’était pas de tout repos. Chacun devait s’en accommoder comme il le pouvait. Elle acquiesça lorsque le suzerain clama que son épouse était une dame digne. La dignité de lady Kylis était effectivement impressionnante. Nul doute que sa jeune dame d’atour la convaincrait de se rendre aux festivités de Winterfell. Il va de soi que ses obligations lui intimaient de se présenter aux côtés de son époux face aux vassaux qui feraient le déplacement. C’était une nouvelle fois l’occasion pour Lyanna de retrouver ses sœurs, sa famille, sa maison. Loin de l’Île-aux-Ours depuis de nombreuses années, son statut de pupille, et désormais de dame d’atour, ne lui avait pas permis de retourner sur l’île. Par moment, cela lui manquait. Les rivières, les cascades, le barral, quelque peu différent de celui de Winterfell, la demeure modeste des Mormont jurant avec l’architecture de la demeure des suzerains, ses nièces et neveux. Elle s’était étonnée elle-même un jour en repensant à ses jeux avec Marthe et Arya. Les épreuves de la vie les avaient toutes éprouvé et aujourd’hui, elles n’étaient plus des enfants insouciantes qui ne voulaient que s’amuser et rigoler. Elles devenaient petit à petit de jeunes femmes posant un pied dans la société ouestrienne.

La mention des Mormont la fit revenir vers Robb. Évidemment, tous ne viendraient pas. Dacey s’assurerait que des gens de confiance gardent l’île en son absence. Il se trouve que, quelques jours plus tôt, la seigneuresse Mormont ait écrit à ce propos à sa jeune sœur. Les nouvelles semblaient bonnes. La nouvelle génération grandissait à vue d’œil selon les mots de son aînée. L’héritière de la famille, Maeve, allait sur ses douze ans là où le benjamin, Jorah, allait sur six ans. Même les enfants de Lyra, des petits Norroit, n’étaient plus tout jeune, Domeric allant sur ses cinq ans. La maison Mormont s’était agrandie et permettait ainsi de perdurer dans le temps. C’était là le lot de toutes les familles en ce monde. Perdurer. Prospérer. L’extinction était loin pour les Ours même si un malheur pouvait encore arriver. Les guerres, les épidémies, les catastrophes naturelles. Ces dernières décennies avaient montré que les humains n’étaient pas immortels, loin de là. La vie sur Westeros avait un début et une fin. Le temps imparti entre ces deux extrémités était parfois long mais pouvait tout aussi bien être court. La plupart s’attelait donc à rendre ce temps imparti utile et bénéfique.

- Je dirai une petite dizaine.

Les Mormont étaient malgré tout une petite maison. Bien qu’une ribambelle d’enfants avait vu le jour ces dernières années, tous ne seraient pas présents à Winterfell.

- Dacey viendra avec ses deux filles, Maeve et Joany. Alysanne, ayant combattu, ainsi que son compagnon Edrick, ils viendront avec leurs enfants. Je pense que Lyra viendra elle aussi, avec les Norroit. Quant à Jorelle, elle sera en charge de l’île pendant l’absence de tout ce petit monde.

Être accueilli au château même était un signe de confiance, d’importance, de reconnaissance. Les Mormont et les Stark avaient une histoire commune ancienne. Lyanna ne connaissait que trop bien l’histoire de l’acquisition de l’île par ses ancêtres. Elle connaissait également les alliances maritales déjà contractées entre les deux familles par le passé. Elle espérait, dans un futur plus ou moins proche, qu’une nouvelle alliance maritale pourrait être possible entre leurs deux familles. Cela se savait dans un cercle très restreint de gens que la jeune Ourse s’était éprise d’un jeune Loup. Malgré la distance, ils entretenaient une correspondance fournie et via laquelle des sentiments étaient nés. Cela raviva soudainement ses angoisses quant à l’idée de le revoir en vrai mais Lyanna chassa bien vite cette pensée alors que le suzerain poursuivait sa réflexion. Les Mormont avaient une importance pour les Stark. Lyanna se sentait honorée de cette phrase, elle qui représentait sa famille depuis plus de cinq ans à Winterfell.

- Nous sommes plus qu’honorés par cette importance que votre famille porte à la nôtre. Du temps de nos parents, il semblait déjà que cela soit le cas. J’ai toujours entendu ma mère vanter les qualités de votre père. Je ne peux que constater, aujourd’hui, que vous en avez hérité à votre tour.

Elle songea alors au fait qu’en ces lieux, en cet instant, Robb et elle poursuivaient le travail de leurs parents respectifs. Cela ne pouvait que la rendre plus fière encore d’être une ourse parmi les loups, d’être un Mormont au service d’un Stark.

@Robb Stark

La famille Mormont s’était illustrée à la bataille de Winterfell contre les Marcheurs Blancs. Six ans plus tôt, l’Île-Aux-Ours avaient répondu à l’appel de son suzerain sans protestation, certains bannerets avaient ainsi quitté leurs terres protectrices pour rejoindre le fief dans la neige au péril de leur vie. Certes, leur loyauté allait aussi à Jeor Mormont, Lord Commandant de la Garde de Nuit, qui avait dû fuir la défense du Mur et de Châteaunoir face à l’invasion des Marcheurs Blancs, et qui se trouvait donc naturellement réfugié entre les murs épais du château ancestral des Stark. Il y préparait, avec son jeune seigneur, la défense de ces terres contre la monstrueuse attaque qui approchait. Il y perdrait la vie, se battant pour celle des autres comme il l’avait toujours fait. Son fils s’y battrait aussi, toujours dévoué aux terres du Nord bien qu’il en soit étranger – et banni – depuis près d’une décennie. Une de ses nièces s’y illustrerait aussi en soumettant le Roi de la Nuit à quelques-uns de ses coups. Robb Stark ne l’avait pas vu, effondré depuis bien longtemps sur le champ de bataille sous les coups de harpon d’un Autre, mais les prouesses d’Alysane Mormont lui seraient par la suite contées maintes et maintes fois. Il avait grande hâte d’entendre cette histoire à nouveau, et comptait sur la présence de cette guerrière, que sa sœur cadette confirma.

Le suzerain adressa un regard satisfait à la jeune Lyanna en écoutant attentivement son décompte. La Seigneuresse honorerait Winterfell de sa présence, ainsi que de celle de ses héritières ; Robb n’en attendait pas moins d’elle. Alysane viendrait elle aussi avec ses enfants ainsi qu’avec leur père. Edrick avait lui aussi combattu pendant la Longue Nuit, courageusement racontait-on. Lyra arriverait avec la délégation des Norroit, qui avaient eux aussi, par courrier, confirmé leur présence au Suzerain. Ce serait Lady Jorelle qui aurait l’Île-Aux-Ours à sa charge, pendant ce temps-là. « Fort bien, fort bien », ponctua le Stark songeusement. C’était en effet la Seigneuresse Mormont qu’il espérait voir tout particulièrement. La dernière fois que leurs routes s’étaient croisées, à l’occasion d’une visite du suzerain sur l’Île-Aux-Ours, ils n’avaient pu évoquer un sujet qui serait pourtant de la plus haute importance pour leurs retrouvailles à Winterfell dans les jours qui viendraient. Si ça n’était pas tombé dans la conversation, pourtant fort réjouissante, en 305, c’était parce que ni l’un, ni l’autre, n’avaient connaissance des sentiments qui émergeaient entre Brandon Stark et Lady Lyanna Mormont pour pouvoir l'évoquer de vive voix. C’était en tout cas ce que supposait le Seigneur Stark qui imaginait mal son homologue de l’Île-Aux-Ours omettre pareille information en sa présence.

Robb avait eu vent de cette infatuation par un courrier de son cadet en rentrant de sa tournée dans le Nord, à la fin de l’année 305. Ils avaient pu échanger à ce propos depuis, et le souhait de Brandon s’était précisé : il voulait épouser la jeune fille, alors encore pupille de Lady Catelyn, une fois arrivé au terme de son écuyage chez les Nerbosc. L’aîné n’avait pu le lui refuser, considérant ses sentiments, mais aussi – et surtout – la loyauté qui existait entre les familles Stark et Mormont, et qui précédait largement les deux jeunes amoureux. Lyanna le disait bien en mentionnant justement leurs parents respectifs, en évoquant Maege et les compliments qu’elle dirigeait à l’égard d’Eddard Stark. « Je l'espère, ma Dame – entama-t-il, manifestement pensif. Il poursuivit ainsi : mon père aussi tenait votre mère en haute estime, soyez-en bien sûr, Lyanna. Sans parler de votre Oncle, Jeor, avec qui il a travaillé de façon rapprochée pendant des années, en sa qualité de Lord Commandant de la Garde de Nuit. » Robb se souvenait encore des courriers que lui écrivait son père à propos des hommes sur le Mur. Le jeune nordien qu’il était, exilé à la cour d’un Roi Targaryen bien trop loin de chez lui, dans une ville trop brillante et trop bruyante, s’imaginait ces hommes en noir, ces corbeaux pour certains, dans leur environnement froid et glacé, comme des héros. Jeor Mormont en était déjà leur meneur, à cette époque.

Robb regardait attentivement Lyanna qui, de fait, comptait parmi la progéniture de Jeor dont le fils, avant de choisir l’exil plutôt que la mort, n’avait pas eu d’enfants. De sa hauteur, il voyait une jeune fille bien faite, intelligente et appliquée, à l’aise avec les armes comme elle l’était avec ses mots. Brandon n’avait pas mal choisi. La jeune ourse pourrait se rendre compte du regard que portait le suzerain, silencieux, sur sa personne. Il choisit ainsi de rompre le silence en avançant : « votre sœur aînée a-t-elle connaissance des nombreux courriers que vous échangez avec mon frère Brandon ? Ou sera-t-elle surprise d’apprendre combien de livres de cire sont utilisés par vos soins quand j’en discuterai avec elle ? »

Nul doute que Lyanna savait bien quelle sœur aînée était celle que Robb mentionnait. Elle verrait sans doute aussi briller, dans son regard, un air bienveillant. Nulle provocation, quoi que ses mots signaient une certaine malice ; le suzerain aimait rappeler qu'il l'était, voilà tout.

Lyanna n’était aucunement angoissée à l’idée de parler avec lord Robb Stark. Il y avait eu régulièrement des petites entrevues comme celle-ci au fil des années. La plupart du temps, la jeune ourse les faisait avec lady Catelyn afin de faire le point sur l’avancement de son instruction. Après tout, elle était sa pupille et il en allait de son devoir de suivre les leçons de sa protégée. Mestre Luwin ne tarissait pas d’éloges la concernant, la qualifiant de studieuse, curieuse, sérieuse, autant de compliments qui, désormais, pouvaient la faire rougir. En effet, Lyanna Mormont, la petite dernière de lady Maege Mormont, au caractère bien trempé comme son engeance, avait bien changé depuis toutes ces années. La perte d’un être cher changeait une personne, à coup sûr. Lyanna n’était pas une exception mais confirmait bien ce fait. La mort de Maege avait balayé d’un revers la demeure des Mormont. Ces cinq filles avaient supporté le deuil de manières bien différentes. Concernant Lyanna, la dépression et la rage avaient été ses deux maîtres mots. Pendant plusieurs lunes, elle avait dépéri, maigri. La petite oursonne pleine de vie s’éteignait à petit feu. Des actions avaient été même regrettables et auraient été bien plus grave si elle n’avait pas eu Arya à ses côtés au bout du compte. Elle avait été son soutien infaillible et grâce à elle, l’oursonne avait remonté la pente, reprenant goût à la vie. Son arrivée à Winterfell s’était effectuée peu de temps après cette sombre période et tombait plutôt bien. Les premiers temps auprès d’Arya et des Stark avaient fini de la guérir. Pas entièrement cependant car la blessure demeurait encore présente.

Les amis étaient faits pour épauler, consoler, écouter, comprendre, compatir. C’était une relation essentielle pour certaines personnes, voire quasiment vitale. Pourtant, l’amitié ne faisait pas tout. Si Arya l’avait grandement aidé dans son processus de guérison, Lyanna ne pouvait ignorer que les Anciens y étaient pour beaucoup. Priant les Anciens Dieux depuis toujours, elle n’avait jamais été une grande fervente, juste ce que Maege lui inculquait. Mais depuis la mort de celle-ci, elle s’était pleinement tournée vers eux, pas de manière fanatique comme certains pouvaient le faire, mais de manière simple. Elle se rendait régulièrement au barral de Winterfell pour prier, penser à sa mère mais également à son oncle et à toutes celles et tous ceux qu’elle connaissait et qui avaient pu quitter ce monde. Ils remplaçaient alors les amis qu’elle n’avait pas ou plus. Seule Arya pouvait se targuer d’être une véritable amie pour Lyanna. Du reste, elle n'en avait pas tant que ça. Ainsi, les Anciens l’épaulaient, la consolaient, l’écoutaient, la comprenaient. C’était là bien tout ce que Lyanna attendait d’eux.

D’un signe de tête accompagné d’un sourire, Lyanna remerciait Robb pour ses mots. Mormont et Stark demeuraient des amis de longue date et le resterait aussi longtemps qu’ils le pourraient. L’un et l’autre feraient en sorte de garder ce lien indestructible à travers les âges. Leurs parents avaient réussi à perdurer cela. Leurs enfants devront le faire tout autant. Puis, ce sourire s’effaça alors que Robb poursuit, après quelques secondes de silence, par une question des plus étonnantes. Lyanna sentit le rouge lui monter aux joues et ne savait plus où se mettre. Il avait connaissance de l’échange épistolaire qu’elle avait avec Brandon. Comment était-ce possible ? Brandon aurait-il mentionné ce fait à son frère ? Peut-être allait-il lui en parler aussi ? Elle attendait une lettre de sa part d’ailleurs. La réponse était sans doute dedans. Seulement, elle ne s’était pas préparée à avoir cette conversation avec le suzerain et encore moins à ce qu’il sache cela maintenant. Car s’il savait pour la correspondance, Lyanna se doutait que son interlocuteur avait également eu vent des sentiments qu’ils partageaient tous deux. L’oursonne ne savait vraiment plus où se mettre, tentant de calmer ses rougeurs qui envahirent son visage. Gênée, elle finit par répondre au suzerain qui attendait une réponse et ne semblait ne pas être en colère ou encore embêté par ce fait qui datait de plusieurs années maintenant.

- Hum… non… Et pour être tout à fait honnête avec vous, je ne pensais pas que vous étiez au courant de nos échanges. En tout cas, Brandon ne m’en a pas parlé. Je… je pense que je la préviendrai en amont de sa visite pour qu’elle ne soit pas prise au dépourvu. Elle sait simplement que je me suis rapproché d’une personne sans savoir que c’est votre frère.

Sans trop hésiter sur les mots à choisir, Lyanna s’en sortait plutôt bien. Les joues redevinrent simplement roses mais elle se sentait tout de même gênée par cette question. Les sentiments qu’elle avait à l’égard de Brandon, elle aurait voulu les garder pour elle, pour eux, encore un peu de temps. Quelques années auparavant, Arya avait évidemment découvert la chose. Trois ans plus tard, voilà que sa correspondance secrète ne l’était finalement plus. Si Robb le savait et qu’il envisageait d’en discuter avec Dacey, bientôt, plus de monde qu’elle ne l’aurait pensé apprendrait que Brandon et Lyanna se courtisent. C’était également une bonne chose qu’il lui en parle ouvertement, elle en convenait, mais cela était si soudain. Elle voulait le retrouver, sans aucun doute, et souhaitait évidemment se marier avec lui mais entre souhaiter quelque chose, y penser, y réfléchir et voir les choses se concrétiser, il y avait un pas à passer. Le mariage n’était pas quelque chose d’acter encore mais Lyanna y pensait et voyait au travers de la question de Robb les prémices de l’officialisation. Contre toute attente, elle avait peur de tout ça. Elle ne saurait pas l’expliquer, même encore aujourd’hui, elle ne le pouvait pas, mais elle avait peur.

- Quand est-ce que Brandon vous l’a dit ? Je pensais que nous en parlerions avant qu’il ne vous en touche quelques mots… Mais bon, maintenant que c’est fait…

Petit cachotier. Brandon ne payait rien pour attendre et il ne ferait aucun doute que cette entrevue avec Robb fera l’objet de leurs futurs échanges.