Correspondance entre alliés + Vaelle Velaryon

Les nouvelles de la défaite de la Baie des Crabes parvinrent à Lowell Blount avec le chapelet des noms des morts, égrenés d’une voix morne par le mestre de Fort-Épine, de façon implacable, jusqu’au dernier et jusqu’au bout d’une courte page – jusqu’à la lie, il lui sembla, cependant - alors qu’à Lamarck, on procédait déjà aux funérailles de lord Monford Velaryon.

Ainsi, au Nord, dans le Val, Goeville était libre de son blocus, mais à quel prix ? Il gageait que même pour Viserys Targaryen, le tribut de la victoire avait été élevé. Tout cela pour quoi ? Tant d’enfants, de pères, de frères, jetés dans une bataille qui ne changerait même pas forcément l’issue des choses…il eut fallu que Viserys puisse sortir du Val, et cela, songea Lowell avec férocité, c’était impossible, le Conflans et la Couronne y veilleraient. Qu’il reste dans son trou, le traitre, tiens. Mais non, il avait réussi à gagner et au milieu de ça, à tuer certains hommes que Blount connaissait et estimait, particulièrement dans les Terres de l’Orage, lui qui avait été l’écuyer de Hugh Grandison. Il fallait faire avec, ne pas abandonner, se soutenir, bien sûr. Il fallait faire avec qu’ils avaient et continuer à avancer et à se battre. Mais la vacuité de tout cela ne pouvait qu’attiser chez lui un certain sentiment d’injustice et de lassitude. Lowell se prit à rêver de nouveau de la paix et d’un temps où ils pourraient reconstruire. Il vieillissait, lui aussi, mais se reprit de nouveau. « Mestre, du parchemin et une plume. Nous allons écrire à ceux de nos alliés qui sont aujourd’hui en deuil. Commençons par les Velaryon. » Il n’avait pas d’affinité particulière avec Vaelle Celtigar, l’épouse de Monford, mais appréciait ce dernier. Et Lowell Blount avait une conscience aiguë de ce qu’était le devoir et le sens que devait prendre le mot alliance.

Lord Lowell Blount
A Fort Épine
An 305, lune 2

Vaelle ressemblait à son père. Cette réalité, qui l’aurait autrefois terrifiée, s’imposait à elle avec le sourire doux-amer de la fatalité. Comme elle avait craint ce reflet aux yeux perdus et à la bouche morne ! Désormais, il ne lui arrachait guère plus qu’un haussement d’épaule. “Ainsi, c’est donc cela qu’il ressentait,” pensait-elle en brossant ses cheveux d’argent, sans toutefois oser s’observer de trop dans son miroir. Un sentiment sourd et grave, sinistre et assommant qui dévorait la moindre force et la moindre pensée, jusqu’à la moindre larme, pour la laisser nettoyée et vide comme une coquille abandonnée sur la plage.

“Lady Velaryon, est-ce que tout va bien ?”

Elle cligna des yeux, comme brutalement tirée d’un rêve. On toquait à la porte.

“Oh oui, entrez.”

Sa voix avait des allures de bougie soufflée.

Reina se glissa dans la chambre seigneuriale comme une ombre. Elle révérença.

“Une lettre de lord Blount. Pour vous, ma Dame.”

Elle se souvenait de lord Blount. Pour une raison futile, ridicule. Lors d’une réception à Port-Réal, une dame l’avait surnommé lord Blunt* et la petite assemblée féminine attroupée à ses côtés - dont Vaelle faisait partie - s’était bien ri de la plaisanterie.
La présence, remarquée sur le tard, dudit seigneur dans l’entourage n’avait fait que renforcer l'hilarité des dames.

“Quelle imbécile,” murmura la valyrienne, le front échoué dans sa paume tandis qu’elle lisait la missive. “Et quelle gentille lettre.”

Elle mettait un point d’honneur à répondre méticuleusement à chaque pli de condoléances. Celle de Lowell Blount n’échapperait pas à la règle.


Lady Vaelle Velaryon
À Lamarck
An 305, lune 3, semaine 1