Un loup qui hurlait au soleil || Talya&Robb

Palais-Vieux – An 302, lune 3, semaine 2.


A l’attention de Robb Stark, Seigneur de la maison Stark et Suzerain du Nord,


Milord, me voilà fort aise de recevoir de vos nouvelles !


J’espère que cette missive vous trouvera aisément. Lors de nos discussions, il m’a semblé comprendre que vous resteriez à Corneilla encore quelques temps. Dans le cas contraire, je crains que cette lettre ne vous retrouve dans votre lointaine contrée du Nord, bien longtemps après sa rédaction. Mais je ne suis pas âme défaitiste ! Cette lettre vous trouvera dans le Conflans et vous pourrez m’en conter certaines des merveilles. Je crains n’avoir jamais la chance de traverser tant de lieues pour visiter la partie nord de ce continent, en cela vous ne pouviez tomber plus juste. L’envie ne m’en manque pas, au contraire. J’ai déjà vogué sur des mers bien plus septentrionales que celle qui borde Dorne. Avez-vous déjà entendu parler de Braavos ? Cette Cité Libre est l’une des plus éloignées de Tyrosh. Par la mer, le Val d’Arryn n’en est pas très éloigné, si je ne fais pas erreur.


Telle fut l’une de mes destinations alors que je n’étais qu’une humble représentante de la famille de l’archonte de Tyrosh. Aussi, vous feriez mon bonheur si vous étanchiez ma curiosité ! A quoi ressemble le Conflans ? On dit cet endroit vallonné, irrigué de toutes part de fleuves et de rivières. Est-ce là la vérité ? J’ai de grandes difficultés à m’imaginer autant de verdure. Si j’ai eu l’occasion de me rendre dans les campagnes de Pentos, je doute que le paysage y soit identique. Les vergers et les champs cultivés enserrent Pentos, là où le Conflans m’a été décris comme un lieu où la main de l’Homme n’a pas forcément une entière emprise.


La neige… Mon pauvre ami, je crains n’en avoir jamais vu. Vous et moi sommes nés alors qu’un hiver s’achevait et si nous en avons connu un autre ensuite dans nos jeunes années, je ne sais si nous en gardons des souvenirs exacts. Mais pour vous, je veux bien me creuser un peu la tête ! Il me semble qu’il a fait plus froid à Tyrosh à cette période et que nos marins étaient inquiets quant à leurs voyages en mer. Il faut dire que  l’hiver rend cet exercice fort périlleux, même pour des personnes aguerries comme nous pouvons l’être. Il ne me semble pas avoir vu de flocons, cependant. Ou alors, leur présence était si infime que cela ne m’a pas marquée. A dire vrai, cet hiver, aussi rude soit-il, sera sans doute le premier où il me sera donné de voir de la  neige. L’hiver vient et je l’attendrais.


Ainsi, vous avez suivi mes recommandations en termes de lecture ! Lire ces quelques mots n’a pu que me tirer un sourire ! Soyez assuré de mon silence. Je m’en voudrais de vous induire en erreur de quelque manière que ce soit avant que n’ayez terminé cet ouvrage. Même s’il va de soi que Tyrosh est l’une des meilleures Cités qui soit ! Je pourrais vous en brosser un portrait des plus attrayants, comme vous avez pu vous en rendre compte à Lestival. Je serais bien la dernière à vous critiquer pour vos maigres connaissances quant à ma Cité d’origine. Bien des Tyroshis, même parmi les mieux-nés, ne connaissent que peu de choses du Nord. A mon humble avis, nous sommes dans la plus pleine des égalités. Et je plais déjà à imaginer les choses que j’apprendrai de votre part.


Comprenez bien que le croquis que j’ai trouvé dans votre précédente lettre n’a pu que me ravir, de fait ! Je le conserverai bien précieusement. C’est impressionnant… Cette structure est si différente de ce que j’ai pu observer à Tyrosh ou dans d’autres Cités Libres. J’ai en mon nom propre bien des objets qui sortent de l’ordinaire et qui proviennent de quelques uns de mes voyages ou de ceux de mes frères. Ce dessin s’y mêlera parfaitement, je n’en doute pas ! Je suis cependant une fort mauvaise dessinatrice. Les mots sont un exercice que je maîtrise bien mieux, aussi permettez-moi de vous décrire l’un des souvenirs que ma famille m’a laissée de ma si chère Cité.


Il s’agit d’un coquillage. Eh oui, un simple coquillage. Ou plutôt une coquille d’escargot pour vous décrire cette petite chose avec la précision nécessaire. Décris ainsi, ce trésor peut sembler bien dérisoire. Plus encore pour une femme de mon rang. Et pourtant, il n’y a rien de plus précieux pour ma Cité. Des personnes pourraient se damner pour certaines de ces petites créatures. Car cette coquille n’est que la dépouille d’un escargot qui a rendu un grand service à Tyrosh et à ses artisans. Leur peau sécrète un liquide étonnant, dont nous nous servons pour teindre un certain nombre de choses ! Tout cela depuis une toute petite coquille spiralée qui tient au creux d’une paume. Celle que je possède est d’un noir onyx presque luisant, striée ici et là de blanc. Vous pouvez rire, à présent ! L’un des trésors les plus précieux aux yeux de la princesse que je suis est un donc un coquillage !


Pourriez-vous me rendre un service ? Oh, il ne s’agit pas d’une tâche qui vous prendra grand temps, soyez-en assurée. Je me suis moi-même mariée il y a peu. Aussi, je ne peux qu’imaginer les sentiments qui animent votre sœur au moment où j’écris ces mots. Je vous en prie, transmettez-lui, ainsi qu’à votre futur beau-frère, mes meilleurs sentiments. Au vu des mots que vous avez à son égard, je ne doute pas qu’il traitera votre sœur avec les égards qui lui sont dus. Que vos Dieux bénissent cette union et leur permettent de vivre heureux de longues et douces années.


Puissent vos Dieux vous garder en bonne santé vous et votre famille,


Talya de Tyrosh, Princesse de Dorne et fille de l’archonte de Tyrosh.

Palais-Vieux – An 302, lune 4, semaine 1.


A l’attention de Robb Stark, Seigneur de la maison Stark,


Milord,


J’ose espérer que les épousailles de votre sœur avec ce jeune Nerbosc se sont passées pour le mieux. Je vous remercie d’avoir joué les messagers pour ma modeste personne ! Je gage que Lady Sansa sera bien traitée auprès des Nerbosc et que vos familles pourront se féliciter longtemps de cette union.  A ce sujet, pourrais-je abuser de votre temps ? Il m’a été rapporté que, tout comme vous, les Nerbosc priaient les Anciens Dieux. Je n’ai pu que supposer que votre sœur s’est retrouvée mariée sous leur égide. Si tel est le cas, bien des questions ont accaparé mon esprit. J’ai moi-même prononcé mes vœux sous l’œil bienveillant des Sept, bien que ma foi est toute autre. J’en viens aux faits, n’ayez aucune crainte. A quoi ressemble un mariage aux yeux des Anciens Dieux ? Veuillez excuser cette curiosité de ma part. Ma propre Cité héberge bien des dieux différents mais les Anciens n’en font pas partie à ma connaissance. Dès lors, vous feriez une heureuse si vous pouviez trouver une réponse à cette question qui m’intrigue depuis bien des jours à présent.


Le Conflans est décidément une terre bien à part. Je ne sais si j’y serais à mon aise mas vous entendre le décrire me donnerait presque l’envie de m’y rendre par mes propres moyens ! J’ai le pied marin, voyez vous. Une telle chose serait tout à fait de mon ressort ! Je crains cependant devoir me contenter de votre récit pour le moment. Pour ce qui est de l’avenir… Nul ne sait de quoi il sera fait et peut-être que mes yeux se poseront un jour sur cette contrée que vous me décrivez si bien ! En parlant de lointaine contrée, je me suis permise d’envoyer cette missive jusqu’à Winterfell, par crainte de ne pas vous trouver dans le Conflans au vu de vos dires précédents. Peut-être neigera-t-il en abondance lorsque vous me lirez à nouveau ?


Mais vous avez bien raison. Je ne peux vous demander tant de choses sans en payer le prix. Ainsi, Braavos vous intrigue ? Soit ! Commençons par là en ce cas ! Vous me semblez déjà bien renseigné à son sujet mais je suis certaine de pouvoir vous apporter quelques croustillants détails. Voyez-vous, Braavos n’est pas une ville comme vous l’entendez en Westeros. Il s’agit surtout d’un enchevêtrement de petits îlots reliés entre eux par des ponts, des pontons et des canaux. A dire vrai, une grande partie de la ville est construite à même les flots ! Les différents îlots sont reliés entre eux par un certain nombre de barques serpents, de fines et longues embarcations qui se manœuvrent à merveille malgré l’enchevêtrement de ce que nous pourrions appeler les rues. Pour ce qui est des plus grands navires, ils disposent de trois ports pour jeter l’ancre. L’un d’entre eux est dédié à la population de Braavos, un autre à son armée, et le dernier aux visiteurs et marchands de passage. Ces derniers ne sont acceptés dans la Cité qu’après leur passage sous les jambes du Titan de Braavos.


Que puis-je vous apprendre de plus… Bien des choses, je le pense ! Hélas, ce feuillet ne suffirait pas pour que j’y couche tout ce que j’aimerai vous dire. Braavos est connue pour son carnaval. Il me semble que cette fête n’a pas d’équivalent en Westeros. Il s’agit de dix jours de festivités en tous genres ! Les Braaviens et les voyageurs sont invités à se déguiser et à porter des masques durant toute la semaine en question. Le point d’orgue de ces réjouissances se trouve être le rugissement du Titan. Lorsqu’il se fait entendre, tous et toutes se doivent de retirer leurs masques, pour célébrer le dévoilement de la Cité au reste du monde ! J’ai moi-même participé à un tel évènement et la liesse que j’ai pu y constater me réchauffe encore le cœur rien que d’y songer !


Je crains que cette missive soit trop restreinte pour que je poursuive à ce sujet mais je ne peux vous laisser sans une autre information. Braavos est bâtie sur une mer d’eau salée mais la majorité de ses habitants ont accès à de l’eau douce grâce à une étrange construction. Les Braaviens appellent cela un aqueduc. Il s’agit d’une sorte de… de longue canalisation qui se sert de sa hauteur pour acheminer l’eau en contrebas du lieu où elle se trouve. Il s’agit d’un système très ingénieux qui permis à bien des personnes de boire à leur soif sans mal ! Mais assez parlé de Braavos pour le moment. Je suis fort aise d’apprendre que votre lecture ait été agréable et qu’elle vous ait permis de découvrir un pan du passé de ma Cité. Il n’est certes pas le plus glorieux de Myr, Lys et Tyrosh mais l’Histoire est ainsi faite.


Car les Hommes restent des Hommes. Nous sommes imparfaits par essence, nos Cités le sont tout autant. Nous faisons des erreurs, nous rions, nous nous unissons et nous nous détestons selon les époques ou les personnes. Sans doute est-ce là un point commun que nous avons avec les Westerosis. Je ne sais si vous le saviez mais ce n’est guère la première fois que Tyrosh, Lys et Myr sont comme des toiles de fond pour certains pans de l’histoire de votre continent. Ma Cité a déjà fait alliance avec les Rois de l’Orage pour combattre Volantis et a même mêlé son sang à celui de certains de ses descendants, alors que ces derniers se faisaient déjà appeler Baratheon. Il s’agit d’un récit parmi tant d’autres. Comprenez qu’il puisse me faire sourire, à présent que je suis mariée, moi aussi, à un homme de l’autre côté du Détroit.


Pour ce qui est de l’ouvrage que vous citez, j’ai d’ores et déjà demandé à ma famille si nous n’en possédions pas une copie. Cela ne me semble pas improbable mais notre bibliothèque est bien vaste et une vérification s’impose avant que je ne puisse vous répondre avec certitude. S’il s’avérait que cela soit le cas, je me ferais un plaisir de vous le prêter afin d’étancher votre curiosité à la condition que vous m’envoyiez un ouvrage en retour ! L’échange sera équitable ainsi et je vous laisse le choix du sujet, peut-être un sur cette Vieille Langue que vous évoquiez dans votre missive ? Quant à votre futur beau-père, je dois avouer que sa culture m’étonne. Il est assez rare que des personnes extérieures à nos Cités, ou à la Citadelle, aient connaissance d’un tel ouvrage.


Pour ce qui est du conclave, vous me surprenez de plus en plus ! Êtes-vous certain de ne pas avoir quelques gouttes de sang Tyroshi dans vos veines ? Vous me semblez déjà fort bien renseigné sur ma Cité, quand bien même vous n’y auriez jamais mis les pieds. Je ne sais si je pourrais vous en apprendre davantage que ce que vous semblez déjà savoir. Le Conclave de Tyrosh est un héritage de l’Antique Valyria. Chaque famille noble y dispose d’un représentant. C’est parmi ces représentants qu’est élu l’archonte. Pour ce que nous en savons, Valyria était une oligarchie et Tyrosh suit sans doute encore quelques principes qui régissaient les Quatorze Flammes. Les magistrats discutent de nos lois, de la paix et de la guerre. Ils sont à la fois des conseillers et un contre-pouvoir pour l’archonte, qui règne par eux d’une certaine manière. Les choses sont grandement simplifiées dans ce courrier mais je suis certaine que vous comprenez l’idée générale.


En tout cas, croyez-moi bien que mon père et les autres magistrats du Conclave seraient sans doute répugnés à l’idée de manger de nos escargots ! Je ne sais si ces petites bêtes sont aussi comestibles que celles du Conflans. Mon oncle m’a toujours dit que les animaux les plus colorés sont le plus souvent mortels à la consommation. A croire qu’ils se servent de leurs couleurs pour signifier à leurs prédateurs qu’il ne ferait pas bon de faire d’eux leur repas. Et colorés, les escargots de Tyrosh le sont ! Nous nous servons d’eux pour fabriquer les colorants qui font la fierté de notre Cité. Comprenez à quel point ils sont précieux. Une raison de plus pour ne pas en manger !


Je me suis déjà bien attardée, je le crains. Puisse votre retour à Winterfell se dérouler dans les meilleures conditions. En l’attente de votre réponse, puissent vos Dieux vous garder en bonne santé vous et votre famille,


Talya de Tyrosh, Princesse de Dorne et fille de l’archonte de Tyrosh.

Palais-Vieux – An 302, lune 8, semaine 1.


A l’attention de Robb Stark, Seigneur de la maison Stark,


Milord,


Il m’a fallut du temps pour oser reprendre la plume, Lord Stark. Je ne sais pourquoi. A croire que mes mots ne me semblaient jamais à la hauteur de la situation que vous décrivez. Je me désole que les noces de votre sœur se soient achevées de cette manière. Ôter la vie à un père le jour du mariage d’un de ses enfants, devant tant de gens, quel acte ignoble… Si le fait que cet acte ne restera pas impuni ne peut que me mettre un peu de baume au cœur, tout cela a étranglé ma plume au même titre que mon esprit. Si je ne puis douter du courage de votre sœur, ou de la résilience de votre beau-frère, fort est de constater que leur union ne débute guère sous les meilleurs auspices et qu’ils auront fort à faire pour se forger de beaux souvenirs.


Vous en retournez en votre demeure semble avoir été une réelle épreuve ! Puisse cet hiver ne pas durer de trop. Sans quoi, je crains que vous ne restiez enfermé dans Winterfell car la glace aura rongé jusqu’aux portes et aux murs ! Un fait qui serait quelque peu comique, je ne peux qu’en convenir, bien que des plus dommageables pour nos courriers. J’ai relu plusieurs fois votre courrier, durant cette lune, afin de m’imaginer la scène que vous décrivez. Votre croquis d’Arbre-Coeur a été un grand secours, à ce sujet ! Je n’avais encore jamais rien vu de tel auparavant. Un arbre à face, voilà qui ne peut que sortir de l’ordinaire. Si mes yeux se sont déjà posés sur des arbres gravés de multiples d’histoires, les Estiviens les appellent arbres-palabres, un visage est assurément une grande nouveauté. Vos Dieux doivent s’y glisser aisément, afin de vous observer, comme Trios peut le faire dans le vent ou dans la marrée dans mon cas. Quel acte ignoble d’en empoisonner un ! Cela reviendrait à tuer les poissons de l’océan, les algues sous les flots ou encore les oiseaux marins jusque dans leurs falaises, aux yeux des Tyroshis !


Il est amusant de se rendre compte des similitudes qui existent entre ce rituel et d’autres en Westeros ou encore en Essos. Comme si, au fond, nous n’étions qu’un grand Tout. Comme si nous étions tous et toutes les fils d’une seule et même tapisserie. Je suis sincèrement navrée que votre père n’ait pu officier lui-même au cours de cette cérémonie, plus encore au vu de la fin qu’il a rencontré. La mort nous frôle toujours de bien trop près. Le poison, l’eau, la maladie… A croire que le simple fait de rester en vie est un miracle à part entière dans ce monde qui est le nôtre. L’écriture de Talya se fait plus hésitante. Veuillez m’excuser de tenir de tels propos. J’ai moi-même mon lot d’épreuves en la matière et chaque mort ne peut que me rappeler celles qui sont advenues ou qui auraient pu advenir. Vous avez perdu votre père, je pleure encore sincèrement ma mère ou ces folies qui tirent de nos bras des êtres que nous pensions connaître. Prenez soin des vôtres, je ne manquerai pas de faire de même avec les miens.


N’ayez que peu d’inquiétudes pour le carnaval. Braavos connaît l’hiver au même titre que le Nord, m’a-t-on dit. Dès lors, s’il ne saurait être annulé pour rien au monde, il est bien plus beau lorsque la belle saison nous revient ! Vous aurez l’occasion d’en profiter pleinement à ce moment. Une fois l’an, cela vous laisse le temps de vous préparer, je ne m’abuse ! Je suis sûre que l’endroit vous plairait, au-delà des réjouissances propres à cette période de l’année au combien particulière. Vous pourriez y amener vos frères et sœurs restants, si tel venait à être votre projet. Ma défunte mère, Trios la garde en sécurité, me disait souvent que nous n’apprenons que peu de choses en restant enfermés sur nous-même. Le monde est vaste et il nous tend les bras ! Refuser de telles avances est bien regrettable, à mon humble avis. Pour ce qui est du nom même de Braavos, politique n’est pas le terme que je choisirai. Il s’agirait plutôt d’une plaisanterie entre historiens, à mon sens. On la dit Fille Bâtarde de Valyria car elle est née de plusieurs navires esclavagistes en fuite qui ont trouvé refuge dans ce qui est devenu ensuite Braavos. Son existence n’a été révélée que sur le tard et le surnom semble s’être imposé assez aisément, au vu des circonstances de la création d’une telle Cité.


Ainsi, mes mots auront su attirer votre attention. A dire vrai, il ne me semble pas que cette personne fasse partie de mes ancêtres. La chose n’est pas impossible, cependant. Si la noblesse de Tyrosh apprécie de se marier en dehors de ses murailles, nous nous marions aussi aisément entre nous. Dès lors, que cette fille née des amours de Ser Orryn Baratheon et d’une femme de ma Cité, alors fille de l’archonte en titre à cette époque quelque peu reculée, est de l’ordre du possible. Sans parler d’alliance par le sang, ma Cité a également été l’alliée du Roi Argilac Durrandon dernier du nom, dans un conflit précédent grandement la Conquête d’Aegon et de ses sœurs. Quant à moi… L’écriture de Talya se fait plus légère, comme amusée. Que voulez-vous ? Mon sang est fier et puissant. S’il s’associe volontiers à celui des Princes et Princesses de Dorne, ainsi qu’à celui de la Reine Nymeria, il ne saurait s’effacer devant lui. Dès lors, mes deux titres s’alignent on ne peut mieux et les choses ne sauraient être différentes à ce sujet.


Je vous saurais gré d’accepter mes plus sincères excuses si mon précédent courrier vous a heurté vos sentiments d’une manière ou d’une autre. Tout cela n’était qu’une plaisanterie, ni plus, ni moins ! J’apprécie grandement les personnes qui ont été dotées d’une grande curiosité. Il s’agit d’une vertu rare dans ce monde, plus encore lorsqu’il est question de la maîtriser convenablement. En guise de pardon, veuillez accepter ces nouvelles explications de ma part. Tyrosh est une fille de Valyria, qui elle-même était dirigée par un certain nombre de magistrats, dit-on. Il s’agit-là d’une part de notre héritage, bien que notre pratique du gouvernement ait évolué au fil du temps. L’élection est sans doute une part de notre héritage valyrien, ou une déformation de ce dernier peut-être. Les textes qui nous sont parvenus sont trop rares pour que nous puissions en avoir la certitude. Si je sais lire un si noble langage, sans le moindre document, je serais bien incapable de vous en dire plus.


L’élection se déroule alors en plusieurs temps. Les différents candidats se présentent, font part de leurs projets pour notre Cité sur un temps limité et prévu à l’avance. Cela peut prendre plusieurs mois, afin que tout un chacun soit informé des volontés de chacun. Lorsqu’un archonte achève son mandat, les élections au sens propre débutent. Les différents membres du Conclave font savoir qui est leur candidat préféré, à raison d’un choix par représentant, et la personne qui réunit le plus de soutien devient notre nouvel archonte. Si nous reconnaissons les mérites du sang noble, distribuer le pouvoir de la sorte nous permet de renouveler aussi bien nos politiques que d’apaiser les prétentions de familles qui auraient pu se sentir lésées en d’autres circonstances.


Je vous remercie de prendre soin de nos oiseaux. Notre Mestre se plaint déjà bien assez de moi et de mes lubies, il ne manquerait plus que certains de ses précieux volatiles ne nous reviennent pas, la faute à une imprudence de ma part ! Cela me fait rire, pour ne rien vous cacher, bien que ce pauvre homme doit se faire un sang d’encre pour ma personne, je pense. Si le temps n’était pas si mauvais, et votre Nord si froid même en été, je me serais fait un plaisir de vous offrir certaines de ces perruches que j’affectionne tant. Il s’agit de petits oiseaux colorés au chant des plus agréables. Elles sont apparentés aux perroquets, bien que la plupart ne soient pas dotées de la parole comme leurs congénères plus imposants. Je ne suis guère bonne dessinatrice mais je tacherai de demander à certaines personnes de mon entourage de croquer sur papier l’une d’entre elles. Une chose est sûre, avec leurs couleurs vives, elles détonneraient dans avec votre neige si blanche comme décor !


Avec toute mon amitié, et en offrant un peu de la chaleur et du soleil de Dorne par ce courrier,


Talya de Tyrosh, Princesse de Dorne et fille de l’archonte de Tyrosh.

Palais-Vieux – An 302, lune 10, semaine 1.


A l’attention de Robb Stark, Seigneur de la maison Stark,


Milord,


Je vous prie de m’excuser. J’ai reçu promptement votre lettre mais je crains que mon propre corps se refusait d’y répondre. L’odeur de l’encre me retourne l’estomac et me rend nauséeuse. Aussi, il m’a fallut bien du temps et des efforts pour rédiger entièrement ce courrier. S’il m’arrive de dicter à l’une de mes amies une ou deux réponses, cette correspondance me tient bien trop à cœur pour que je puisse m’y résoudre. N’ayez crainte, ma santé est pourtant des meilleures malgré que la saison froide batte désormais son plein. Il ne s’agit que d’un tort passager et qui devrait disparaître d’ici quelques semaines. Il s’agit de l’une de ces épreuves qui vous préparent à être mère. Je me réjouis du fait que ces troubles soient mineurs et bien aisément oubliables dans mon cas !


Je ne peux vous cacher l’horreur et la stupeur qui a été la mienne alors que je lisais vos mots. Pour cette raison, j’ai tâché de vous répondre au plus vite, sans pour autant y parvenir. Peut-être voulais-je vous apporter un peu de légèreté également… Je crains cependant que cela soit impossible. Des spectres ? Qui pourrait faire l’usage d’une telle magie ? Et moi qui pensait qu’elle faisait partie au mieux du passé, au pire des contes pour enfants… S je ne vous sentais pas si sérieux, j’aurai presque pu croire que vous me faisiez là une bien mauvaise plaisanterie ! Mais n’ayez crainte, je ne peux que vous croire. Vous n’êtes pas homme à faire une frayeur pareille à une femme telle que moi.


Je ne peux que vous enjoindre à la prudence, Robb. Si le Mur ne peut retenir de telles créatures, qui peut savoir ce qui le pourra ? Mon âme n’est pas prompte à se laisser bercer par d’obscures pensées. Aussi, une petite voix au fond de moi me murmure que quoiqu’il arrive, cette menace pourra être combattue avec l’efficience nécessaire. Encore et toujours, l’union fera la force. Je ne sais si vous aurez l’occasion de lire cette lettre. Je l’espère en tout cas. Peut-être ne s’agit-il là que d’une facétie de mes nerfs, adoucies par la Vie que je porte moi-même, mais je ne peux imaginer un monde où la Mort prendrait le dessus. Cela irait à l’encontre du tout ce qui est connu en ce bas monde. J’ose espérer pouvoir vous lire à nouveau, une fois que cette menace ne sera plus qu’un lointain souvenir. Ou mieux, vous revoir que cela soit à Braavos ou ailleurs.


Je ne sais si cela vous apaisera d’une manière ou d’une autre mais je vous ai fait parvenir un ouvrage que vous devriez trouver à votre convenance. Il s’agit d’un présent, non pas d’un prêt. Il se trouve qu’il était en doublon dans ma propre collection. Voyez-vous, j’ai eu la volonté de faire un peu de rangement dans les coffres et parmi les babioles que j’avais ramené de ma Cité. J’ai l’impression de faire mon nid, qu’elle chose étonnante pour moi qui ait temps voyagé ! J’espère que cette copie de l’ouvrage de Mestre Greydon trouvera sa juste place dans la bibliothèque de Winterfell. Mieux ! J’espère que vous aurez tout le loisir de le lire lorsque le printemps nous fera à nouveau grâce de sa présence. Pour ma part, je vous promets de prendre grand soin du livre que vous m’avez remis. Sa lecture est déjà fort avancée pour ma part. Je ne manquerai pas de vous le rendre dans le meilleur état possible après y avoir pris quelques notes. A défaut de voyager par moi-même, (rendez-vous compte notre Mestre m’empêche même de monter sur un navire alors que je me porte comme un charme !), je voyage par les mots. Je saurais m’en contenter pour le moment !


J’ai été navrée d’apprendre que votre famille avait vécu une telle tragédie avant même votre naissance… Je vous assure cependant que jamais mes mains ne tisseront un pareil nœud pour votre gorge. Vous vivrez, Robb de la maison Stark. Les Dorniens pourraient vous le dire, on me prétend sorcière en ces lieux. Ce n’est pas le cas. Mais j’ai l’intime conviction, l’intime certitude, que cette année n’est pas la dernière que vous passerez en ce monde. Alors, pour une fois, je vous en prie, faites honneur à ma réputation de mage, de sibylle. Je vous en supplie. Perdre un ami dans une telle guerre me serait bien trop douloureux. A qui rendrais-je l’ouvrage de Mestre Greydon, dans le cas contraire ?


Au plaisir de vous lire aussi prestement que possible,
 

Talya de Tyrosh, Princesse de Dorne et fille de l’archonte de Tyrosh (et sorcière à ses heures perdues).