Les questions sont toujours en surnombre sur les réponses.

Cela faisait une semaine que Nümia avait vu le jour.


Lorsque cette réalité l’avait frappée, Talya n’y avait tout d’abord pas cru. Une semaine. Une semaine depuis ce miracle. Une semaine pendant laquelle elle avait tout fait pour dissimuler la présence de la petite créature aux yeux de tous et de toutes, à l’exception de Trios lui-même. Alors que Nesa refermait la porte de sa cellule derrière elle, la jeune femme resta un moment immobile. Retenant sa respiration, la Tyroshi tendit l’oreille, afin de s’assurer que la Prêtresse s’éloignait bien. Les pas s’éloignèrent cependant bien vite. Le repas du soir venait de s’achever et l’autre femme avait encore fort à faire avant la prochaine prière.


Laissant échapper un soupir de soulagement, le regard noisette de Talya parcourut quelques instants la pièce, avant de déposer sa chandelle sur la table. Elle avait du réaménager sa cellule, depuis que Nümia lui avait fait le don de sa présence. Le coffre qui avait transporté ses quelques effets personnels était rapidement devenu la tanière de la petite créature. Aussi était-il ouvert en permanence, quand Talya était présente. La Tyroshi avait cependant vite remarqué que Nümia était tout à fait capable de l’ouvrir, si l’envie lui en prenait. Dès lors, afin d’éviter quelques incidents malheureux, la princesse avait abandonné l’idée de maintenir le coffre fermé à l’aide de quelques livres. Si la petite créature n’avait pas encore fait montre de telles capacités, la jeune femme ne doutait pas du fait qu’elle était bien capable de cracher quelques flammes.


« Mazigon Nümia. » souffla doucement Talya, dont le regard ne parvenait pas à se poser sur la petite créature.


En quelques instants, la petite tête reptilienne de la dragonne émergea du coffre, ses prunelles d’onyx se posant sur celle qui venait de faire son entrée. Alors, Talya ne put se retenir d’esquisser un sourire. Une semaine et pourtant, il lui arrivait encore de douter de l’existence du dragon qui vivait pourtant avec elle. Sortant une petite bourse de toile des plis de sa robe, la jeune femme répandit son contenu dans un petit récipient. Il s’agissait-là de quelques lamelles de poisson qu’elle avait pu subtiliser durant son propre repas. Les dragons préféraient la viande, d’après ce que la jeune femme avait pu entendre à Lancehélion au sujet de Seralyon. Un mets assez rare au temple. Les poissons et autres crustacés étaient cependant plus fréquents.


Nümia ne semblait pas s’en plaindre cependant. Si le poisson se révélait être assez cuit, la petite créature l’acceptait volontiers. Aussi, Talya faisait en sorte de récupérer les morceaux les plus à mêmes de convenir à sa protégée. Alors que la jeune femme s’assurait d’avoir entièrement vidé sa bourse, un premier cri se fit entendre. Surprise, la Tyroshi baissa les yeux, découvrant alors Nümia à ses pieds, le cou tendu dans sa direction. Un deuxième cri, légèrement plus intense, ne tarda pas à rejoindre le précédent. Talya aurait juré que la petite créature semblait s’impatienter ! A moins qu’elle n’ait sous-estimée la fin de la toute jeune dragonne ?


Le petit bol dans une main, la Tyroshi s’éloigna de quelques pas avant de mettre un genou au sol. Nümia restait sur ses talons. Si sa réaction amusa tout d’abord Talya, ses traits se firent tout d’un coup plus graves alors que la dragonne, sa dragonne, tentait de lui subtiliser le récipient qu’elle tenait à l’aide de ses mâchoires. Mâchoires qui claquaient auprès de ses phalanges. Un comportement poussé par la faim, à n’en pas douter. Et pourtant, la jeune femme ne pouvait tolérer cela. Un jour, Nümia ferait la taille de Seralyon, plus encore si Trios le voulait ! Hors de question de lui laisser prendre le dessus sur elle !


« Keligon bona ! Keligon ! »


Le Valyrien semblait avoir un plus grand effet que la langue commune sur Nümia. Du moins, c’était là ce que Talya avait pu remarquer, lorsqu’elle s’adressait à la petite créature. Un fait qui se vérifia à nouveau. Après un dernier grondement, Nümia se recula d’un ou deux pas. Satisfaite, la jeune femme déposa finalement le bol sur le sol, laissant la petite dragonne le rejoindre. Nümia ne se fit pas prier davantage, bondissant sur le récipient afin d’en dévorer avidement le contenu. Profitant de ces quelques instants de répit, la jeune femme enclencha à nouveau sa clepsydre. Trois heures s’écouleraient avant la première prière de la nuit. Que Trios permettent à Nümia de se calmer d’ici-là.


« Pendant combien de temps pourrais-je te cacher aux yeux du monde ? » murmura la jeune femme.


Peinée, Talya l’était grandement à cette pensée. Les œufs de dragon fossilisés étaient des biens d’une grande rareté. D’un grand prix également. Il ne suffisait qu’un ou deux d’entre eux pour se procurer plusieurs navires d’une grande qualité. Que dire d’un dragon bien vivant, dans ce cas ? Plus encore à présent que la nouvelle de leur retour à la vie était parvenue du Nord au Sud, en passant par bien des régions de Westeros ? Pour ce qui était d’Essos, la jeune femme ne doutait pas du fait que les échanges fréquents entre les deux territoires aient suffit à apporter la nouvelle de dragons bien vivants de l’autre côté du Détroit. Et Nümia était si petite. Si frêle encore… La petite dragonne n’était en sécurité qu’avec elle. C’était bien là la seule certitude que Talya pouvait avoir. Elle trouverait une réponse à sa question.


Elle devait trouver.

Après plusieurs heures de discussion, Nesa l’avait raccompagnée à sa cellule, d’autres parchemins dans les bras. La prêtresse semblait être de bonne humeur, bien que Talya ne parvenait à savoir si cela était de son fait ou d’une cause extérieure. A moins qu’il ne s’agisse d’un mélange des deux ? Toujours est-il que la Tyroshi retrouva sa cellule avec un certain réconfort. Nümia ne semblait pas y avoir causé de trouble notable. La jeune femme ne parvenait pas à croire qu’elle était parvenue à cacher la présence de sa dragonne autant de temps.


Alors que Nesa refermait sa cellule, non sans lui rappeler auparavant qu’elles se retrouveraient l’après-midi même pour réviser d’autres prières, la petite taille écailleuse de Nümia émergea du coffre. Le cœur de Talya s’emplit d’un profond apaisement, alors que la petite créature entrait dans son champ de vision. Entre ces murs froids, et parfois humides, il n’y avait rien plus à même de la rassurer que la présence de la dragonne, aussi caractérielle pouvait-elle être. La princesse mettait cela sur le compte de l’enfermement. Si Nümia ne semblait pas encore capable de voler, la jeune femme ne l’avait jamais vu planer non plus, l’enfermement devait jouer sur son moral comme sur le sien.


Se rapprochant de son bureau, la Tyroshi y déposa ses quelques parchemins. Désormais posée sur le rebord du coffre, Nümia l’observait faire, intriguée. Avant de s’asseoir, Talya se saisit de l’un des parchemins, s’asseyant de manière à garder la dragonne dans son champ de vision. La petite créature s’élança alors de son perchoir, tombant non loin du coffre sans même songer à déployer ses ailes. A cette vision, Talya fronça légèrement les sourcils. De part le rang qui était le sien et ses obligations, la princesse n’avait guère eut le temps de s’entretenir avec Boadicée. D’un autre côté, aurait-elle pu imaginer que son œuf donnerait naissance à un dragon aussi vivant que pouvait ne l’être Seralyon ?


Avec un soupir, la jeune femme déroula son parchemin, débutant sa lecture. Nümia n’avait qu’une semaine de vie. Cela ne représentait que peu de choses… A moins que ces instants ne soient les plus importants ? D’un autre côté, la petite créature ne semblait pas souffrir de sa condition, vacant de sa tanière improvisée à la couche qu’occupait Talya la nuit, quand elle ne se posait pas sur son bureau, le coffre ou encore sur le tabouret lorsqu’il se révélait être vacant. Tournant finalement le dos à Nümia afin de pouvoir écrire quelques mots, la Tyroshi remit à plus tard ces questions. Nesa avait le Verbe acéré. Aussi se devait-elle de préparer un argumentaire des plus fins pour à nouveau débattre avec elle de tel ou tel dogme, de tel ou tel récit.


Après deux heures de travail, Talya enroula à nouveau le parchemin qu’elle consultait jusqu’alors. Alors que son cerveau n’était plus perdu dans les limbes de mythiques récits, les questions qu’elle avait réussi à occulter ne tardèrent pas à lui revenir. Se retournant sur son tabouret, la jeune femme ne tarda pas à repérer Nümia, à l’autre bout de la pièce. Se rendant compte qu’elle avait son attention, Nümia poussa un petit cri, étirant largement ses ailes encore si petites. La Terreur Noire avait-elle pu être si petite, à un moment de sa vie ? Esquissant un sourire, la Tyroshi se baissa légèrement, tendant sa main en direction de la dragonne.


« Mazigon Nümia. Mazigon nuha häedar. » prononça doucement Talya.


A la grande joie de la jeune femme, la petite dragonne se rapprocha d’elle. Lui flattant la tête quelques instants, la récompensant d’être venue jusqu’à elle, les prunelles de la princesse se posèrent alors sur les ailes de la petite créature. Pouvait-elle espérer les observer, les étudier quelques instants ? Elle pouvait toujours essayer. Idée qui, hélas, sonna la fin de leur moment de grâce. Alors que Talya déplaçait ses mains, les portant au niveau des flancs de la toute jeune dragonne, celle-ci se cambra, tentant de se dégager de son étreinte. Prise au dépourvu par une réaction aussi vive, la Tyroshi lâcha la petite créature, qui s’en fut sans demander son reste non sans un dernier petit cri.


« Soit, nous en resterons là pour aujourd’hui. » souffla Talya, dépitée.


‘’On ne dresse pas un dragon comme on dresse un chien.’’ La jeune femme ne se souvenait plus dans quel ouvrage elle avait pu lire cet adage. Des ouvrages. Si seulement elle avait pensé à emporter certains d’entre eux. La princesse doutait qu’une telle chose aurait été acceptée par Nesa, cependant. Son œuf de dragon avait déjà était la source de quelques remontrances, alors des livres jugés inutiles ? Mieux valait ne pas y songer…

Après une journée passée dans les ténèbres, Talya retrouva avec un certain réconfort sa cellule. Malgré l’humidité, mieux valait cet endroit à celui qui accueillait les corps en attente de soin. Même après deux semaines, la jeune femme ne pouvait se faire à cet exercice. Nesa la confiait toujours à la même novice, que la princesse appréciait, il est vrai. Cela rendait son propre office plus aisé, bien que la Tyroshi ressentait toujours un profond sentiment de répulsion à ce sujet. Comme à chaque fois dans ce cas, Nesa ne lui adressa pas la parole. Elles ne pourraient à nouveau converser qu’une fois que Talya se serait purifiée, le lendemain. Il en allait de même avec les autres créatures vivantes. Aussi, c’était en compagnie de sa comparse d’infortune que la princesse avait dîné. Avec elle qu’elle prierait également, dans une partie du temple prévu à cet effet.


« Vivement demain. » songea Talya, avant de pousser un léger soupir.


D’un geste mut par l’habitude, la jeune femme remit la clepsydre en marche. Alors qu’elle agissait de la sorte, la petite silhouette blanche de Nümia apparut dans son champ de vision. La petite dragonne avait trouvé refuge dans sa couche, enroulée comme l’aurait fait un chat au niveau de son maigre oreiller. Le regard de Talya passa de sa dragonne à la clepsydre. Elle avait trois heures devant elle. Trois heures avant que Nesa ne revienne pour la confier à l’autre novice. Peut-être pouvait-elle les mettre à profit pour tenter d’approcher Nümia ? Il était par ailleurs étonnant que la petite créature ne l’ait pas approché immédiatement. Peut-être n’avait-elle pas encore faim ?


S’approchant de son bureau, Talya ouvrit sa petite bourse de toile. Qui disait jour impur disait viande. Il ne s’agissait-là que de la chair d’une volaille bien trop cuite. Nümia y verrait là une amélioration, contrairement à elle. Après avoir réparti la viande dans un petit bol, la Tyroshi déposa le récipient au sol, non loin du coffre. Ainsi, la petite créature le trouverait aisément lorsqu’elle aurait faim. Pour le moment, elle semblait plus intéressée par le fait de poursuivre sa sieste que part la possibilité de se nourrir.


« Nümia ? » appela doucement la jeune femme, espérant faire réagir la petite créature.


La jeune femme n’obtint aucune réaction. Ce ne fut qu’au moment où Talya s’approcha de quelques pas que la petite dragonne daigna lever la tête, plantant ses prunelles d’onyx dans les siennes. La Tyroshi aurait juré que Nümia lui en voulait, à cet instant. Qu’y pouvait-elle si le quatrième jour de la semaine la forçait à passer plus de temps loin d’elle ? Pour une tâche pour le moins complexe, qui plus est… Talya fit un autre pas. Le pas de trop. Nümia se leva de sa couche, lui passant devant, l’ignorant superbement. Alors, la jeune femme poussa un soupir, passant une main dans sa chevelure bleutée.


« J’ai connu des perroquets bien plus aimables. » marmonna la fille de l’archonte, en levant les yeux au plafond.


Comme Pelar pouvait lui manquer, à cet instant. Alya en prenait soin, Talya n’en doutait pas. Pelar… Darna aurait aimé l’avoir à ses côtés. Elle adorait cette petite perruche. A cette pensée, les prunelles noisettes de la jeune femme se voilèrent. Non. Elle avait fait le meilleur choix. Secouant vivement la tête, la Tyroshi se saisit de l’un de ses parchemins, le déroulant sur son bureau. Elle avait fait le meilleur choix. Demain serait un autre jour. Un meilleur jour.

Au cours de la nuit puis de ses bains de purification, Talya avait eu tout le loisir de penser. De penser, de retourner dans son esprit le problème qui était le sien. Nesa avait du la trouver quelque peu songeuse. Il était vrai que si la jeune femme avait répondu à toutes ses sollicitations, priant à ses côtés comme de coutume dans un tel cas, ses réponses avaient été moins rapides qu’à l’accoutumée. A la fin de son second bain, la prêtresse était donc venue s’entretenir avec elle. La Tyroshi la savait envoyée par son père. Tout du moins avait-il du la rencontrer avant qu’elle ne vienne à Dorne. Et pourtant, la princesse était restée discrète quant à ses troubles. Elle manquait un peu de sommeil et était peu habituée à la vie de novice, voilà tout.


Nesa avait semblé s’en contenter. Pour le moment du moins. Car des problèmes, Talya en avait plusieurs dans les faits. Nümia était un réel miracle. Son miracle, envoyé par Trios pour la pousser dans cette voie qu’elle empruntait désormais. Et pourtant, au-delà du caractère dont faisait preuve la dragonne, il y avait d’autres écueils à éviter. La nourrir était le premier. Sa petite taille faisait qu’elle réclamait bien moins de nourriture que Seralyon pouvait le faire. Talya craignait cependant de la priver involontairement, à ce sujet. Elle-même commençait à ressentir de la faim, se privant d’une partie de ses propres repas pour nourrir la petite créature. Cela n’était suffisant ni pour Nümia, ni pour elle.


A cela s’ajoutait un problème de discrétion. Nümia semblait ne pas encore avoir attiré l’attention sur elle. Il était vrai que les murs de sa cellule étaient épais, ce qui devait permettre de retenir une partie des bruits dont elle était à l’origine. Mais pour combien de temps ? Qui plus est, la pièce restait de petite taille. Si cela était suffisant pour une humaine comme elle, et encore Talya n’aurait pas dit non à un peu plus d’espace, bientôt, ses ailes seraient un jour assez puissantes pour la porter. Ou, tout du moins, pour lui  permettre de planer. Et que dire des flammes que n’importe quel dragon pouvait cracher ? Si le jeune âge de la créature semblait rendre impossible ce fait, ou en tout cas ses flammes seraient d’une puissance moindre, combien de temps cela durerait-il ?


Combien de temps pourrait-elle garder son secret ? Le temple de Trios était peuplé par de nombreuses personnes, que cela soit des novices, des prêtres ou des prêtresses, des personnes de passage ou tout simplement des serviteurs et des servantes qui s’assuraient de la bonne tenue du lieu. L’un d’eux pourrait finir par apprendre la vérité sur Nümia. Cette idée terrifiait Talya au plus haut point. Écrire lui était encore revenu à l’esprit. Écrire à son père, à ses frères ou encore aux Martell pour les prévenir de ce qui se jouait ici. Hélas, la jeune femme ne savait à qui confier des lettres d’une telle importance… Nesa était devenue comme une deuxième conscience. Peut-être même demanderait-elle à les lire avant de les remettre à l’archonte ou à toute autre personne de confiance. La prêtresse lui avait déjà signifié le fait que, si courrier elle recevait, elle ne lui remettrait qu’une fois le moment venu.


Ecrire n’était pas une solution. Fuir non plus. Pour aller où, qui plus est ? Auprès de son père ? Ce n’était pas une solution. Pour retourner à Dorne ? Elle ne ferait que briser à nouveau sa promesse envers sa foi. La Tyroshi ne trouvait de réponse probante à aucune de ses interrogations. A cela s’ajoutait le fait que Nümia semblait la tester, ou tout du moins tester ses limites, en la poussant encore et toujours dans ses retranchements. Sans doute était-ce le seul problème auquel la princesse pouvait apporter une solution. Un premier pas avant d’entamer une marche bien plus difficile.


Les travaux d’aiguille n’avaient jamais été son fort. Si feue sa mère avait tenté de lui apprendre les rudiments de la chose, Talya s’était toujours montrée plus intéressée par la musique, les chants et les danses. Aux voyages également, bien qu’il s’agissait-là d’un monde bien différent. Nesa n’avait cependant rien trouvé à redire lorsqu’elle avait demandé une aiguille et un peu de fil. Pour ce qui était du tissu, il était vrai que la Tyroshi n’en possédait que peu. Fort heureusement, la tunique de lin qu’on lui avait donné à son arrivée s’était révélée trop grande, de part la taille qui était la sienne. Aussi avait-elle pu en récupérer une petite partie et s’était activée sur son travail d’aiguille.


Ce n’était que peu de choses. Dans les faits, sans doute aurait-il mieux valu du cuir pour cela. Talya n’en avait cependant que peu et tenait à le conserver en l’état. Les crocs de Nümia auraient vite fait de détruire son maigre ouvrage. Elle n’avait droit qu’à un essai. Il s’agissait, bien que de moindre qualité, d’une copie de ces dispositifs utilisés normalement pour les aigles et les autres oiseaux de proie. Un dispositif qui servait à leur apprendre à chasser pour l’Homme. Une petite pièce de cuir, ici remplacée par un morceau de lin, relié à une lanière, ici de tissu. L’usage voudrait de le faire tournoyer en l’air. La pièce était cependant trop petite pour cela. Qui plus est, Nümia ne semblait pas capable de voler. Aussi, cela ne devrait guère la déranger si les rotations se faisaient plus près du sol.


Des gants de fauconnier. Voilà une autre chose qui aurait pu avoir son intérêt dans la situation où elle se trouvait. Achevant de vérifier son ouvrage, Talya se leva de son tabouret. Nümia l’observait depuis le rebord du coffre, le cou tendu dans sa direction, semblant la dévisager de ses yeux d’onyx. Au cours de la semaine, la jeune femme avait pu se rendre compte de l’intelligence de la petite créature. Sans doute l’était-elle bien plus que tous les félins qui pouvaient se trouver au temple, et de loin. Adressant un sourire à la petite créature, Talya fit glisser l’une de ses mains sur la lanière.


D’un mouvement de poignet, la jeune femme intima un léger mouvement circulaire qui semblât intriguer Nümia. Si durant quelques instants, Talya pensa avoir manqué son coup, la petite dragonne sauta prestement du coffre, attrapant l’appât, étirant ses ailes par la suite, victorieuse. Une réaction qui arracha un petit rire à la Tyroshi. Elle avait réussi ! Tirant sur la lanière, la jeune femme répéta plusieurs fois l’expérience, à différentes vitesses. Si sa dragonne ne pouvait pas voler, fort était de constater qu’elle se montrait déjà bien agile ! Il ne lui fallut que peu de temps pour saisir la manière dont fonctionnait l’exercice ainsi crée.


Délaissant la lanière quelques instants, Talya se rassit sur son tabouret. Au moins, cette expérience répondait à l’une des questions qu’elle se posait depuis plusieurs jours à présent. Nümia semblait se faire à l’enfermement. Tout du moins, ses capacités physiques ne semblaient pas en être altérées. Pour le moment, il s’agissait-là d’une bonne chose. On disait qu’aucun des dragons des Targaryens nés après la Conquête n’avaient atteint la taille de la Terreur Noire. La faute à l’enfermement, disaient certains. ‘’Un pas à la fois.’’ se sermonna la jeune femme. Nesa ne la garderait pas enfermée pour toujours.


Du moins, elle l’espérait.


« Ilon lilagon sÿrï. » remarqua alors Talya, espérant sincèrement que la dragonne pouvait la comprendre.


Pour toute réponse, Nümia poussa un petit cri. La petite créature se trouvait à une si petite distance… Et si… ? Elle devait essayer. Une fois de plus. Tendant doucement la main, Talya eu la bonne surprise de pouvoir frôler la tête de la petite créature. Cette dernière se laissa faire, gardant son regard d’onyx sur elle. Encouragée par le comportement de la toute jeune dragonne, la main de la Tyroshi passa ensuite à son cou, puis à son dos. Les écailles de Nümia dégageaient une douce chaleur. Le feu fait chair. Elle était le feu fait chair, bien que sa chaleur ne s’apparentait pas à un brasier pour le moment.


« Ilon rhaenagon arlï, Nümia. »


Talya esquissa un dernier sourire à ces mots, avant d’ôter sa main du dos de sa dragonne. La petite créature la dévisagea encore quelques instants, avant de s’éloigner et de reprendre le cours de son existence. Tout cela n’avait duré que quelques instants. Un moment hors du temps, comme lorsque la jeune femme avait découvert la petite dragonne lovée contre elle, peu de temps après son éclosion. Si elle s’était sentie épuisée la veille après la tâche qui avait été la sienne, puis à cause du froid qui lui avait mordu la chair durant sa purification, à présent, la Tyroshi pouvait l’avouer sans crainte. Il lui semblait ne jamais s’être sentie aussi bien.

La clepsydre s’était déjà écoulée de moitié.


Enroulant le parchemin qu’elle étudiait jusqu’alors, un récit plus que parcellaire relatant les hauts faits d’un héros de Tyros, Talya finit par se lever. Jetant un regard dans la pièce, afin de ne pas trébucher sur Nümia, la Tyroshi ne la remarqua nulle part. Sans doute était-elle dans le coffre, afin de s’y reposer. Une pensée que la jeune femme confirma bien vite, jetant un regard dans ledit coffre. Ceci fait, Talya déposa son parchemin sur l’étagère qui se trouvait dans sa cellule. Fort heureusement, celle-ci se trouvait encore trop haut pour que Nümia puisse y accéder comme bon lui semblait. Il aurait été plus que dommageable que la petite créature mette à mal les archives que le temple de Trios mettait à sa disposition par le biais de Nesa.


Se frottant les mains, satisfaite du travail qu’elle venait de fournir, Talya attrapa le sac qui se trouvait non loin de sa couche. En fouillant à l’intérieur, la jeune femme ne tarda pas à mettre la main sur un petit carnet. Elle ne l’avait retrouvé que récemment, étant persuadée jusqu’alors de l’avoir laissé à Dorne par mégarde. Si au départ, la jeune femme le destinait à quelques notes en lien avec sa foi, fort était de constater qu’il serait bien plus utile en ayant Nümia comme sujet. Les ouvrages au sujet des dragons étaient bien rares. Si Talya comptait bien essayer de se procurer certains d’entre eux, Essos regorgeait de surprises après tout, prendre quelques notes au sujet de sa propre dragonne pouvait toujours être utile.


Toute à son ouvrage, Talya ne remarqua pas immédiatement que Nümia avait quitté le coffre où elle avait établi sa tanière. Cette cellule était devenue le domaine de la petite créature, tout comme il pouvait être celui de sa maîtresse. Maîtresse qui semblait bien affairée. Tant et si bien que si la créature poussa quelques cris, la jeune femme n’eut pour ainsi dire aucune réaction. Alors, la toute jeune dragonne reprit son errance, tombant finalement sur le sac que Talya avait reposé sur le sol. Plongeant son museau, puis son cou, dans la sacoche, la petite créature émit un grondement avant d’en sortir ce qui s’apparentait à une étoffe bleutée. Étoffe fort longue, s’il en était, car il s’agissait-là d’un des voilages que la Tyroshi portait en certaines circonstances.


« Nümia, non ! »


Talya ne sut dire laquelle d’entre elles fut surprise. La jeune femme faisait en effet l’effort de toujours s’adresser à sa dragonne en Tyroshi, ou en Valyrien le cas échéant. Qui plus est, c’était en Tyroshi que la jeune femme s’exprimait le plus souvent depuis son arrivée au temple, pour des raisons évidentes. Secouant la tête, la princesse se baissa, ramassant son voile que Nümia avait délaissé. La voyant faire, la petite dragonne poussa un nouveau cri. En certaines circonstances, il arrivait à Talya de comparer Nümia à une jeune enfant. Un parallèle à ne pas effectuer, il est vrai. Le caractère de la jeune dragonne la poussait cependant en ce sens.


« Kesi lilagon tolï. » reprit la jeune femme, sur un ton plus doux.


Nümia avait du caractère, Talya n’avait pas manqué de le remarquer. Aussi valait-il mieux l’apaiser au plus vite. Toujours est-il que la petite dragonne se détourna bien vite de sa sacoche, entreprenant d’explorer une autre partie de leur cellule. Alors, Talya reprit son travail là où elle l’avait laissé. Elle n’avait que peu de temps avant la prochaine prière et encore bien des choses à faire.