Wicked game (Shôren)

Le tournoi de Lestival.


Dire que Shôren avait attendu ce moment aurait été un euphémisme. Depuis le moment où Père lui avait annoncé qu’elle pouvait être du voyage, la jeune fille n’avait pu que faire montre d’une joie certaine ! Tout Westeros semblait s’être réunis au même endroit  le temps des différentes épreuves. Tir à l’arc, mêlée, joute, la jeune Baratheon en avait presque le tournis. A toute cette excitation mue par l’évènement s’en ajoutait une autre, bien plus discrète. Dans une semaine à peine, Shôren aurait treize ans. Aussi, toutes les conditions étaient réunies pour que la jeune fille soit de la meilleure des humeurs. Pour l’occasion, elle avait revêtit une robe aux teintes carmines, ce qui avait semblé tirer un sourire à son père. Peu sûre de sa foi, Shôren souhaitait cependant l’afficher en ces jeux d’importance. Elle allait sur ses treize ans, après tout. Il fallait qu’elle se montre digne des siens !


Les joutes étaient spectaculaires. Peut-être un peu trop. Si elle tâchait d’observer le spectacle qui se déroulait sous ses yeux, fort était de constater qu’il lui arrivait de les détourner de temps à autre. Shôren se surprit même à frisonner, alors qu’un impact plus violent que les autres se faisait entendre. Si la jeune fille ne voulait se l’avouer, sans doute préférait-elle les performances liées aux archers. Quant à la mêlée, mieux valait ne pas y songer. Si Oncle Renly lui avait volontiers confié que son défunt oncle Robert était particulièrement friand de cette épreuve, le faon d’Accalmie se disait que mieux valait les joutes que la mêlée au final.


Une accalmie se produisit finalement dans l’épreuve, permettant aux spectateurs et spectatrices de se lever. Les autres duels auraient lieu plus tardivement dans la journée. Aussi, Shôren quitta volontiers les gradins en compagnie des quelques personnes de son entourage avec qui elle avait siégé jusqu’alors. Personnes que la jeune fille ne tarda pas à perdre de vue, dans la cohue qui s’était formée. Mieux valait s’éloigner un peu, afin de pouvoir repérer plus aisément la chevelure rousse de tante Desmera ou la silhouette familière de Lady Randa. A cet instant, la plus grande crainte de la jeune fille n’était pas tant d’être perdue, elle ne pouvait l’être sur les terres de son père, que d’infliger une quelconque inquiétude au reste de sa famille…


Peut-être valait-il mieux qu’elle retourne à leurs appartements ? Cela serait sans doute le premier endroit où on viendrait la chercher, une fois que son absence aurait été remarquée. L’espace de quelques instants, Shôren porta sa main à sa joue rongée par la grisécaille, avec la volonté de se gratter. Se rendant compte de ce geste pour le moins involontaire, lié à l’inquiétude qu’elle ressentait, la Baratheon poussa un soupir. On remarquait bien assez ce trait physique chez elle. Mieux valait ne pas le mettre davantage en valeur de la sorte. Elle devait se mettre en marche. Plus tôt elle partirait, plus tôt elle arriverait.


Alors que Shôren avait reprit sa marche, le vent fit voleter jusqu’à elle un morceau de papier. Morceau de papier qui fut suivi par une autre jeune fille, visiblement à sa poursuite. Le faon n’en était cependant pas au bout de ses surprises, car c’est presque à quatre pattes que l’inconnue acheva sa course devant elle. La jeune fille retrouva cependant rapidement contenance, esquissant une révérence. Une fois de plus, son visage devait l’avoir trahie. Et ce n’était pas des traits si typiques des Baratheon auxquels Shôren songeait en ce cas. Esquissant à son tour une légère révérence, Shôren prit ensuite la parole :


« Enchantée de faire votre connaissance, Lady Marla Farring. La main au niveau de sa poitrine, la jeune fille à la chevelure sombre se présenta à son tour. Lady Shôren Baratheon. Permettez-moi de vous rendre ceci. Il semblerait que cela vous appartient. »


Le ton de Shôren dégageait toujours une grande douceur. Déplaçant délicatement son pied, la jeune fille récupéra le papier qui se trouvait dessous. D’un mouvement de la main, la Baratheon en ôta la poussière. Fort heureusement que le climat était plutôt doux ! S’il s’était mis à pleuvoir, ce pauvre feuillet n’y aurait sans doute pas survécu. Ceci fait, la jeune fille tendit le feuillet en direction de celle qui semblait être sa propriétaire légitime. C’est alors que les prunelles bleutées du faon se posèrent sur la surface dessinée du papier, avant que son regard ne se reporte sur la jeune Farring.


« Je ne sais qui a réalisée cette œuvre mais je ne peux que lui trouver une ressemblance certaine avec votre personne, Lady Farring. Vous avez une grande chance de connaître une main aussi fine que celle qui a tracé ce portrait. »


Seules. Il semblait à la faon qu’elles étaient seules. Sans doute avait-elle grandement dévié de son chemin d’origine sans même s’en apercevoir. Il fallait dire qu’il était fort aisé de se perdre, dans ce dédale de tentes en tous genres. La présence de Lady Marla en devenait quelque peu étonnante. Qui plus est, la Baratheon était certaine d’avoir aperçu une autre personne disparaître, un peu plus loin. Mieux valait ne pas s’attarder ici. Si Lestival serait encore peuplé de nobles pendant plusieurs jours, deux jeunes filles ne pouvaient rester seules. Aussi, d’un mouvement de main, Shôren indiqua le chemin qui se déroulait devant elles.


« Puis-je vous proposer de partager quelques pas en ma compagnie ? Il m’a semblé voir quelqu’un, plus loin. La jeune fille se tut, avant de reprendre, souriante cette fois. On m’a dit grand bien des jardins de Lestival mais je n’ai guère eu l’occasion de les contempler par moi-même. De vous à moi, je pense que des fleurs et des bosquets me feraient grand bien, après les dernières joutes. »


A deux, le risque était moins grand. Qui plus est, leurs proches seraient sans doute rassurés en les voyant ensemble. A cela, s’ajoutait le fait que le faon n’était plus sûre de la direction à emprunter pour retourner auprès des siens. Sans doute s’était-elle déjà plus éloignée qu’elle ne l’avait pensé jusqu’alors. Retrouver les jardins devrait être simple. Du moins, la jeune fille l’espérait.

Un certain trouble semblait animer la jeune fille qui se trouvait devant elle. L’espace de quelques secondes, Shôren en fut quelque peu retournée également. Il n’avait jamais été dans son intention de la mettre dans un pareil état ! Fort heureusement, les tensions s’apaisèrent rapidement. Alors que la Farring la remerciait pour son geste, le Faon d’Accalmie esquissa un nouveau sourire, retrouvant toute sa contenance et son assurance. Bien qu’elles se trouvaient seules, situation qui n’était pas sans lui causer quelques inquiétudes, la jeune Baratheon devait avouer que cette rencontre était parvenue à l’apaiser, malgré l’aspect étonnant qu’elle revêtait. Et ce, malgré ce page que Marla avait mentionné. Si la présence d’une telle personne n’était en rien surprenante, Shôren devait avouer qu’elle ressentait un certain apaisement en ne se sachant plus seule, bien qu’elle ne doutait pas du fait que son absence serait rapidement remarquée. Peut-être même était-ce déjà le cas.


« En ce cas, je ne peux que comprendre vos craintes de penser une telle œuvre perdue. avoua Shôren, sur un ton doux. Je suis également heureuse d’avoir pu participer à vous le restituer, bien que cela fut malgré moi. »


Les traits de Shôren affichaient une certaine bonhomie, alors qu’elle prononçait ces mots. Marla accepta alors son invitation. L’affaire était donc entendue ! Contrairement à ce qu’elle avait pu penser jusqu’alors, elles n’étaient pas fort éloignées des jardins. Un certain nombre de personnes semblaient avoir eu la même idée qu’elles-deux. Il n’en restait pas moins qu’un calme pour le moins agréable régnait en ces lieux. Tout valait mieux que ce chemin dissimulé entre les tentes. Ici, elles étaient comme revenues dans un monde qui leur était adapté. Alors que l’autre jeune fille s’adressait à elle, Shôren acquiesça, silencieuse. Si elle avait attendu le tournoi de Lestival avec une réelle impatience, fort était de constater que l’évènement ne ressemblait pas tout à fait à ce qu’elle avait pu imaginer.


« N’ayez crainte, votre secret sera bien gardé avec moi. assura Shôren, avec un léger rire. Sans doute sommes-nous dans un cas semblable, qui plus est. Le regard de Shôren se posa sur un bosquet tout proche. Tout est si calme, ici. Nous pourrions presque en oublier que le tournoi se poursuit, non loin. »


Si la jeune fille ne doutait pas du courage dont faisaient preuve les hommes qui s’élançaient durant les joutes ou les mêlées, ses jambes étaient encore comme cotonneuses après ce qu’elle avait pu observer. Elle se souvenait du choc des lances contre les boucliers, des cris de la foule. De la chute du perdant, également. A cette dernière pensée, un frisson parcourut le dos de la jeune fille, se faufilant dans toutes les fibres de ses muscles. Oui, mieux valait les jardins à cette cohue. Il lui faudrait un peu de temps pour se ressaisir, avant de retrouver les siens. Qui plus est, la compagnie de Lady Marla n’était pas désagréable, au contraire. Le destin faisait parfois bien les choses !


« Nullement ! Shôren s’était approchée d’un bosquet. Il faudra encore quelques années, et des hivers doux, pour que ces plantes gagnent toutes leurs couleurs mais je ne doute pas que nous les trouverons plus agréables encore d’ici quelques années ! En avez-vous de semblables, à Castle-Farring ? Je dois vous avouer que ceux d’Accalmie sont davantage… Shôren sembla chercher ses mots quelques instants. Hélas, notre proximité avec les flots fait que seules les plantes les plus vivaces peuvent réellement survivre. Elles ont cependant leurs propres charmes, malgré leur manque de couleurs. »

Shôren espérait ne pas faire d’erreur quant à la demeure de sa compagne du jour. Les Farring vivaient sur les Terres de la Couronne, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut. L’une de leurs membres était devenue, par ailleurs, la seconde épouse de leur Roi. L’espace de quelques instants, la Baratheon se demanda quel lien pouvait bien exister entre Lady Marla et leur Reine actuelle. Une cousine peut-être ? Ou alors, une nièce peut-être ? Les deux hypothèses pouvaient se valoir, dans les faits. Le Faon d’Accalmie garda cependant ses questions pour elle. Si le protocole avait une grande importance, elle devait avouer qu’elle ne voulait briser la légèreté de ce moment.


« … Me permettriez-vous une question, Lady Marla ? La jeune fille s’était tut, attendant l’accord de celle qui l’accompagnait avant de reprendre. Est-ce là votre premier tournoi ? Peut-être avez-vous une épreuve que vous préférez par rapport aux autres, bien que je comprendrais aisément que ces fleurs aient davantage votre préférence ! »


S’habituait-on aux spectacles souvent violents, parfois sanglants, qui se donnaient en de telles circonstances ? Sans doute était-ce cette question, que la jeune fille aurait voulu poser. Elle se devait cependant de rester digne. Une digne représentante de sa lignée et de cette nouvelle religion qui était la leur. Rien ne devait entacher son image. Peut-être s’agissait-il là des effets de son premier tournoi ? Peut-être que, après une ou deux fois de plus, elle s’habituerait aux joutes et à la mêlée ?

L’espace de quelques instants, il semblait à Shôren avoir oublié les joutes et les mêlées. La jeune fille observait avec trop de ravissement ce qui se passaient autour d’elles pour cela. Si les jardins de Lestival gardaient une trace du délabrement précédent du lieu, il n’y paraîtrait plus d’ici quelques années. Qui plus est, les lieux restaient agréables malgré cela. Les autres personnes présentes ne remettraient pas en doute son opinion sur le sujet. Les prunelles bleues du Faon d’Accalmie se posèrent quelques instants sur ces dernières, suivant leurs allées et leurs venues quelques instants. D’où pouvaient-elles venir ? Du Nord ? Du Conflans ? Des Terres de l’Ouest ? A moins qu’il ne s’agisse de leurs voisins Bieffois ? Cela avait de quoi rendre la jeune fille rêveuse, elle qui connaissait surtout les Terres de l’Orage.


« Je crains que les forgerons ne soient pas de votre avis. fit remarquer Shôren, tout en portant sa main à ses lèvres pour étouffer un rire. Les Mestres seraient sans doute d’avantage en accord avec nous, cependant. »


Shôren avait conscience de l’importance d’évènements comme ces derniers. Pour certaines personnes, il s’agirait d’une occasion rêvée pour affirmer ou réaffirmer des alliances. D’autres y verraient une manière de faire prospérer leurs commerces respectifs ou encore d’acquérir gloire et richesses. Et pourtant, elle appréciait ce moment de flânerie. Fort était de constater qu’Accalmie était une demeure des plus calmes, si on exceptait le caractère orageux des Terres de l’Orage. Aussi, toute cette agitation était nouvelle pour la jeune fille, bien qu’elle ne doutait pas qu’elle l’apprécierait au final, et un peu de calme ne pouvait qu’être profitable.


« Ainsi, vous avez la main verte, Lady Marla ? s’enquit Shôren doucement, visiblement intriguée bien que nullement choquée par cet aveu. Ce n’est hélas pas mon cas. Si le Mestre qui fut chargé de mon éducation ne m’a refusé aucune lecture pour peu que je sois en mesure de comprendre la teneur des pages qu’il me présentait, je crains ne pas être la meilleure agronome qui soit. »


Shôren ne pouvait qu’avoir conscience du fait que son éducation avait été particulière, pour une jeune fille. Si son sang noble lui offrait de nombreux privilèges, le Faon d’Accalmie avait longtemps été le seul enfant de son père. Une unique fille qui avait également été son héritière, jusqu’à ce qu’Orys vienne au monde. La Baratheon ne regrettait cependant pas la perte de ce rang. Elle chérissait ce qu’il avait pu lui apporter sans pour autant y songer avec nostalgie. Orys était son petit frère, jamais elle n’oserait lever la main sur lui pour autre chose que pour lui offrir son secours. Sa destinée serait différente, voilà tout.


« Si une telle chose venait à se produire, il me faudrait demander quelques aménagements dans nos jardins. ne peut s’empêcher de remarquer Shôren, avec douceur. Je m’en voudrais que vous quittiez la demeure qui est la mienne avec cette image d’austérité que plus d’un rapporte. A bien des égards, Accalmie est une place forte, Lady Marla, avec de hautes murailles et le moins de prises possibles dans tous les sens du terme. Nous y sommes en sécurité des affres du climat et de la guerre mais le confort laisse parfois à désirer, je le crains. Néanmoins, il est possible de lui trouver un certain charme, en y regardant de plus près. »


Accalmie avait toujours été son foyer, l’endroit où Shôren se sentait le mieux. Si l’humidité lui avait causé des déboires dont elle gardait encore des traces à l’heure actuelle, l’imprenable forteresse restait cet endroit où elle avait vu le jour. Ses souvenirs se trouvaient entre ses épaisses murailles et dans les bourrasques qui se faufilaient dans ses tours.


« Nous sommes dans une situation semblable, en effet ! Je n’étais que trop jeune pour assister au précédent tournoi. La jeune fille s’était tut, alors que Marla s’était approchée davantage d’elle, lui glissant quelques mots à cette occasion. N’ayez crainte, votre secret sera  bien gardé avec moi, vous avez ma parole. »


Joignant le geste à la parole, Shôren avait porté son index à ses lèvres, montrant qu’elle garderait le silence. La jeune fille devait avouer qu’elle trouvait la présence de Marla rafraîchissante. La Farring lui semblait différente des autres jeunes filles de bonne famille qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer au cours du tournoi. Non pas dans le mauvais sens du terme. Si le Faon d’Accalmie appréciait les loisirs propres à son rang et à sa condition, fort était de constater qu’on lui avait appris à nourrir d’autres inspirations. Inspirations qu’il était bon d’entendre de la part d’une autre personne. Qui plus est, Marla s’était approchée d’elle sans se soucier des marques de grisécaille qu’elle porterait toute sa vie durant, lui semblait-il. Tout cela ne rendait cette rencontre que plus agréable encore.


« Je le conçois aisément. assura Shôren, en hochant doucement la tête. Pour ma part… Je vous avoue préférer peut-être le tir à l’arc. Du moins, s’il me fallait choisir une épreuve en particulier. La jeune fille se frotta le menton quelques instants, visiblement songeuse. Oui, le tir à l’arc, c’est cela. La force n’y a pas une grande place, il s’agit surtout d’un art précis et qui requiert beaucoup de concentration… Sans quoi, votre flèche pourrait ne pas atteindre le centre de votre cible. Shôren ne tarda pas à reprendre, comme si elle souhaitait dissiper un malentendu. Je ne suis pas experte en la matière, bien sûr ! C’est ce qu’il m’a semblé remarquer du moins. »


Depuis la loi édictée par la Princesse Rhaenys, filles et femmes pouvaient prétendre à l’héritage de leurs parents sous certaines conditions. A la réflexion faite, Shôren se demandait si cela changerait quelque chose pour les tournois à venir. Si, un jour, Marla ou elle-même pourrait voir de leurs propres yeux une autre femme porter les couleurs de sa famille lors de joutes ou encore pour l’épreuve de tir. L’idée lui semblait étonnante, à dire vrai. Une telle tâche lui semblait si… ardue, à dire vrai. Totalement ubuesque, diraient d’autres.

Avec cette conversation, Shôren en oubliait presque qu’elle se croyait perdue il y a encore quelques poignées de minutes. Si ce fait ne lui causait que peu d’inquiétudes, elle aurait rapidement retrouvé son chemin, elle espérait que les siens ne s’inquiéteraient pas de trop. D’un autre côté, les représentants de la haute noblesse logeaient non loin des jardins. Un membre de sa maisonnée ne manquerait pas de la retrouver ici. Qui plus est, personne ne pourrait lui en vouloir d’avoir souhaité discuter avec une autre jeune fille, nièce de leur souveraine qui plus est. Pour une jeune fille peu habituée aux grands évènements, le fait de pouvoir s’éloigner du reste de la foule était plutôt salvateur. Plus encore lorsqu’elle pouvait le faire en bonne compagnie.


« Vous en savez et saurez toujours davantage que moi sur le sujet, à mon humble avis. remarqua Shôren, tout sourire. Je suis plus familière des côtes et de ce qu’il est possible d’y trouver, j’imagine. Avez-vous déjà vu l’océan, Lady Marla ? Depuis Accalmie, il y a une vue imprenable sur la Baie des Naufrageurs et sur le Pas de Torth. Peu de navires osent venir jusqu’à nous, tant ces eaux sont dangereuses mais la Nature offre un magnifique spectacle en ces lieux. »


Shôren savait que son père n’appréciait pas cette baie. Elle n’en comprenait que trop bien les raisons. Les choses étaient un peu différentes pour elle. Bariol lui avait conté bien des choses sur les flots, entre deux de ses délires. Quant à Mestre Cressen, il ne lui avait jamais refusé des réponses à ce sujet. Il la renseignait sur les coquillages qu’elle pouvait trouver sur les plages, sur les oiseaux marins qu’elle apercevait parfois. Quant à sa nourrice, elle s’amusait parfois du fait qu’elle semblait davantage tenir d’Elenai que de Durran Dieux-Deuil, de part l’intérêt qu’elle portait à cette étendue d’eau pourtant si dangereuse. Pourtant, plus jeune, Shôren en faisait des cauchemars, à ce sujet. La mauvaise influence de Bariol, disait certains.


« Avec vous, je ne doute pas qu’Accalmie se découvrirait bien des couleurs. commenta la jeune fille. Si un jour vos pas vous mènent jusque dans les Terres de l’Orage, ma famille se ferait une joie de vous accueillir, je n’en doute pas. Quant à moi, je me ferais un plaisir de vous faire découvrir ma demeure. La jeune fille se tut quelques instants. Peut-être pourriez-vous m’en dire plus sur Castel-Farring ? Je vous avoue n’être jamais allée sur les Terres de la Couronne par moi-même. »


L’envie ne lui en manquait pas. Shôren n’avait cependant eu que peu d’occasions de quitter Accalmie. Enfant malade dans les premières années de sa vie, il lui avait fallut du temps pour se fortifier et rendre les voyages possibles pour sa personne. A dire vrai, il lui avait été plus fréquent de recevoir des personnes à Accalmie, que de quitter la forteresse en question. La jeune fille regrettait quelque peu ce fait. Si cela l’avait protégée du regard des autres pendant bien des années, un fait qu’elle ne regrettait pas, elle devait avouer que les alentours d’Accalmie ne lui suffisaient plus réellement. Le tournoi de Lestival lui faisait découvrir ce fait.


« Je dois vous avouer être assez peu familière de cette activité. Il m’est déjà arrivé d’avoir un arc entre les mains, mais je ne saurais affirmer que je sais m’en servir convenablement. Le sourire de Shôren se fit plus contrit, bien qu’elle ne semblait pas réellement gênée par cet aveu. J’ai cependant aperçu quelques femmes s’entraîner au tir, sur un terrain. Je vous avoue avoir été intriguée par ce fait. Elles ne peuvent participer à la compétition de tir mais elles m’ont semblé grandement douées. »


Shôren avait prononcé cette dernière phrase sur le ton de la confidence. Les femmes à porter des armes étaient pour le moins rares. Les moqueries allaient bon train sur elles également. Aussi, la jeune fille se sentait le besoin de les protéger, en agissant de la sorte. Elle-même avait de nombreuses femmes au fort caractère et aux grandes aptitudes dans sa généalogie. Si elle ne pouvait pas être l’une d’elles, de par son jeune âge, le Faon imaginait au moins pouvoir les aider de la sorte.