Une nouvelle rencontre | Lanna

Une nouvelle rencontre

Noirport, An 303 Lune 5 Semaine 4, @Bethany Selmy & Lanna Cole

Retrouver Noirport, après tout ce qui s’était passé dans sa vie et celle de sa famille depuis son dernier passage, lui était étrange. D’un côté, Lanna s’était toujours languie de revoir les murs du domaine des Manning et de pouvoir à nouveau y séjourner. Elle avait apprécié l’accueil qui lui avait été fait lorsqu’elle était venue avec Melara, il y avait des Lunes de cela. L’amabilité des Manning lui avait réchauffé le coeur et l’avait réconforté en sachant qu’un jour, sa fille s’en irait pour vivre avec son époux, Ser Godric Manning. Mais au moins, elle vivrait auprès de gens bien et cette constatation ne pouvait que la rassurer. La seule ombre au tableau restait l’atmosphère tendue entre Melara et Jyana Manning mais, sans doute un peu naïvement, Lanna espérait que cette future cohabitation les aiderait toutes deux à revenir l’une vers l’autre. Cependant, revoir Noirport lui était aussi douloureux car elle se revoyait à cette époque, dame d’Essos et de Myr, née à Volantis, épouse d’un Seigneur d’une maison autrefois exilée par la famille royale et priant un Dieu qui ne fait guère l’unanimité sur ces terres. Elle, l’étrangère, avait dû s’adapter à cette nouvelle vie et, avec l’aide tant de sa famille que d’amis – Lady Taena ou encore la Princesse Margaery pour ne citer qu’elles – elle était parvenue à se dire qu’ici, avec son époux et ses enfants, elle pourrait être heureuse. Seulement voilà, son époux n’est plus de ce monde et Lanna redoutait désormais âprement le fait de se retrouver en société, lors d’un événement semblable à celui qui approchait pour sa fille, à devoir évoluer parmi des couples. Elle, désormais veuve quoiqu’en âge de se remarier, peinerait à coup sûr à trouver sa place. Elle comptait sur la présence de ses garçons et de Melara mais aussi de ses retrouvailles avec des personnes chères à son cœur pour lui donner la force de sourire et la force de paraître heureuse, si ce n’est pour elle, au moins pour sa fille.

C’est d’ailleurs pour elle qu’elle s’activait quotidiennement à Noirport depuis leur arrivée. En tant que mère de la mariée, elle ne voulait pas rester constamment assise à regarder les Manning et leur maisonnée œuvrer pour le mariage et les festivités qui s’en suivent. Aidant donc tour à tour Lord Corlys, Ser Arys, Lady Zhoe et Lady Jyana et, bien sûr, passant tout le temps qui lui restait en compagnie de Melara dont la présence lui était salvatrice, il était rare que Lanna ne soit assise, exceptée aux heures des repas. Mais ce matin, voyant que tout était entre de bonnes mains, les Manning l’avait presque obligé à se reposer un peu. A contre-cœur, Lanna alla donc chercher son livre de chevet et se mit en quête d’un petit salon qu’elle avait déjà repéré à sa précédente venue. Fort heureusement, il n’y avait personne et une douce chaleur l’habitait. Elle prit place dans un fauteuil face à la cheminée, rabattit son châle sur ses épaules et ouvrit son livre. Elle dut lire trois ou quatre page avant d’entendre des pas approchés, ainsi qu’une voix qu’elle ne connaissait pas lui demander si le fauteuil à sa droite était libre. Levant les yeux de son livre, Lanna vit une femme aux longs cheveux bruns se tenir debout non loin d’elle. Il y avait quelque chose de douloureux dans sa voix et dans sa position, ce qui poussa Lanna à répondre de son accent chantant de Myr:

Je vous en prie ma Dame.

Tandis qu’elle s’asseyait, Lanna marqua la page qu’elle lisait en la cornant un peu, posa son livre sur l’accoudoir de son fauteuil et observa l’inconnue discrètement. Celle-ci était vêtue chaudement et une jeune femme, probablement à son service, se tenait debout derrière elle et la considérait avec beaucoup d’attention, comme si quelque chose de grave pouvait lui arriver d’un instant à l’autre. C’est alors qu’elle se présenta comme était Lady Bethany Selmy, des Eteules.

C’est un plaisir de faire votre connaissance, Lady Bethany. Lady Lanna Cole, la maman de la mariée, répondit-elle, un soupçon de fierté dans la voix. Selmy…ce nom ne lui était pas étranger et elle se rappela alors qu’un des gardes de Sa Majesté, qu’on disait le plus illustre qui n’est jamais vécu, portait le même nom. Vous êtes de la famille de Ser Barristan ? demanda-t-elle. Cet homme et son histoire fascine beaucoup mon second fils, Landor. Je crois qu’il rêve de lui ressembler, comme beaucoup d’autres jeunes hommes certainement. Elle marqua un temps d’arrêt et reprit : Vous devez être une amie de ma fille je suppose ? De part son enfance sur les Terres de l’Orage, c’était du moins ce que présumait Lanna.

Une nouvelle rencontre

Noirport, An 303 Lune 5 Semaine 4, @Bethany Selmy & Lanna Cole

Avoir de la compagnie n’était pas ce que recherchait Lanna en venant s’isoler ici mais la dame qui prenait place près d’elle ne semblait pas être une de ces femmes curieuses et envahissantes qu’elle avait entr’aperçu lors de ses séjours à la capitale. En cela, elle admirait son amie Taena de supporter cette vie à la cour, dont les moindres de vos mouvements, mots et fréquentations sont épiés avant d’être probablement déformés pour nourrir la soif de rumeurs des courtisans. La Princesse Margaery évoluait elle aussi dans ce milieu depuis des années et pourtant, cela ne semblait pas avoir altérer son comportement, sa bonté d’âme ou son grand cœur. Assurément, aux yeux de la Myrienne, il fallait avoir un caractère fort pour survivre dans un environnement pareil. Elle savait très bien que Taena en était dotée, pour l’avoir connu toute jeune fille de l’autre côté du Détroit et donc, son aisance en ces lieux ne la surprenait guère. Quant à Margaery, elle ne pouvait pas dire qu’elle la connaissait autant que la dame de compagnie de la Reine mais elle aussi devait avoir cette force en elle, dissimulée derrière de beaux sourires et de douces paroles. La dame qui s’était présentée comme étant Bethany Selmy, des Eteules, avait-elle elle aussi cette force en elle ? Les femmes de ce côté-ci du Détroit sont bien différentes que celles qu’elle a toujours côtoyé depuis sa naissance jusqu’à son arrivée à Accalmie. Peut-être est-ce aussi son cas, songea Lanna en hochant respectueusement la tête face au bonheur exprimé par son interlocutrice de pouvoir faire sa connaissance. En tout cas, quelque chose de doux et de très agréable se détachait de sa personne et avait même un certain don de l’apaiser. Peut-être était-ce son sourire ou sa voix calme qui avait ce pouvoir-là. Toujours est-il que Lanna fut presque heureuse que cette femme ait choisi cette pièce pour venir quérir un peu de repos et de tranquillité.

Elle joignit ses doigts ensemble et posa ses mains sur ses jambes tout en se redressant face à la Selmy tandis qu’elle lui expliquait ses liens de parenté avec le grand Ser Barristan Selmy. Lanna sourit tout en hochant la tête à intermittence régulière :

Que cela doit être un grand honneur ainsi qu’une grande fierté de porter pareil nom, s’exclama Lanna, songeuse. Pardonnez-moi si je fais erreur, mais le nom de Selmy semble être aussi connu et célèbre que celui de notre Roi ! Certes dans une mesure différente mais même nous, de l’autre côté du Détroit, connaissons ces deux noms ; l’un pour être lié au pouvoir et à la grandeur et l’autre à l’honneur et à l’art de la chevalerie. Celle-ci n’est pas très présente en Essos mais nos guerriers, même les plus grands, connaissent les noms de vos grands guerriers. Elle s’interrompit pour remettre une mèche brune derrière son oreille droite : Quel dommage que mon Landor ne soit pas là. Vos paroles l’auraient beaucoup intéressé !

Ou alors non, pensa-t-elle après avoir dit cela. Son enthousiasme d’enfant aurait pressé, sans le vouloir, la dame de questions au sujet du grand-oncle de son époux et pour avoir été bénévole dans bien des auspices en Essos, elle savait reconnaître une personne qui souffre mais n’en dit mot. Elle était souvent abasourdie et muette de respect face à la douleur qu’endurait parfois même des enfants. Et pourtant, ils restaient silencieux, souriaient même et jamais ne se plaignaient alors qu’ils auraient eu tous les droits du monde. Quelque chose dans la posture cette femme trahissait aussi la douleur, mais laquelle et où souffrait-elle, Lanna n’osait le demander. Après tout, elle venait à peine de la rencontrer et ce genre de questions sont bien trop intrusives à son goût pour être posées si tôt. A la place, la discussion s’orienta vers un autre de ses enfants ; sa première-née, sa Melara. Dès la mention du prénom de sa fille dans la bouche de Bethany, Lanna ne put s’empêcher d’avoir ce sourire à la fois tendre et fière qu’ont les mères. Et puis, en apprenant que Bethany la connaissait depuis son enfance, Lanna ne put que se montrer encore plus attentive, elle qui désirait tant pouvoir rattraper toutes ces années qu’elle a manqué, séparée qu’elle fut de sa fille :

Oh mais alors, je dois vous remercier d’avoir été si bonne envers elle, fit-elle remarquer. Melara m’a conté beaucoup de choses de son enfance, plus encore lorsque nous nous sommes rendues à Havrenoir. Vous savez…fit-elle, un peu hésitante. Cela m’a quelque part coûté de me rendre en ce lieu où elle a grandi, si loin de moi. Mais une fois sur place, j’ai réalisé à quel point je faisais erreur. Cela m’a au contraire fait du bien de voir l’endroit de mes yeux, de rencontrer la veuve de Lord Beric, Lady Allyria, de partager sa peine et d’entendre anecdotes et souvenirs être relatés dans le lieu-même qui les a vu se produire. A présent que vous me dîtes cela et que je vous vois, je peux me représenter ma fille et vous à Havrenoir et cela me fait un pan de plus de l’histoire de ma fille. Et à la mention de Jyana Manning, Lanna osa demander, sur un ton un peu plus léger : Nous devons avoir alors quelque lien de parenté ! Par alliance tout du moins ! Lady Jyana semble avoir du caractère mais elle a un bon fond, j’en suis sûre, même si je ne la connais pas assez pour l’affirmer. Je déplore seulement ce froid qui semble impossible à briser entre elle et ma fille…