[EXPRESS] Daenerys Taragaryen & Jorah Mormont

  Jorah ignorait toujours quel sentiment prédominait en lui quant à son retour au Conflans. Une étrange légèreté l’avait étreint après cette éprouvante bataille car les horreurs vécues étaient sans commune mesure à ses expériences passées malgré la longévité de son existence et les batailles menées. Pourtant, le décès de son père avait assombri ce sentiment bien assez rapidement pour qu’il en est déjà oublié la saveur. A cela s’ajoutait la difficulté de devoir quitter les siens qu'il retrouvait seulement. Heureusement, revoir celle qu'il considérait aujourd'hui comme une fille, saine et sauve, lui apparaissait comme un soulagement bienvenu.

Pourtant, les retrouvailles de la veille avaient été glaciales, pour ne pas dire inexistantes. Il avait envisagé la possibilité que la Princesse puisse lui tenir rancœur de sa décision de rester au Nord pour combattre, mais il ne s'attendait néanmoins pas à une telle ignorance. Elle ne lui avait pas jeté un regard, pas le moindre mot. Rien. Depuis, son cœur était étreint par le doute et l’inquiétude. Se pourrait-il qu’il l’ait blessé plus profondément qu’il ne l’aurait pensé ? Ou même qu’elle ait prit ombrage de sa désobéissance ? Il se devait de l’avouer, il avait prit pour acquis son affection et n’avait pas imaginé un instant qu’elle put le remettre en cause, là où lui était prêt à sacrifier son existence pour elle sans hésitation.

C’est dans cet état d’esprit qu’il prit la direction de ses appartements, conscient que la confrontation future ne serait pas si simple qu’il l’avait imaginé. Or quelque part au fond de lui, il ne comprenait pas. Pour cause, il ignorait encore à quel point elle avait pu changer en son absence. Un garde se trouvait devant les appartements de la Suzeraine et il prit congé de son poste lorsque le Chevalier franchit la porte, reprenant symboliquement la place qui était sienne auprès d'elle. Elle l'attendait déjà, où en tout cas était-elle là, et il se présenta respectueusement.

« Votre Altesse. »

Une formule de politesse dès plus neutre, comme l'expression qu'il afficha. Il chercha son regard, ne dit pas un mot de plus. Dans ses yeux, il essaya de lire les réponses qu'il cherchait depuis la veille. Une tension insoutenable enflait dans son cœur, marchant sur des œufs, incertain quant à la suite. N'y tenant plus, il mit finalement un genou à terre, baissant la tête, comme penaud. Repentant. En attente du jugement du Dragon Argentée.

  La vie à Corneilla allait pouvoir reprendre son cours. Brynden était rentré avec une partie des hommes la veille et désormais le quotidien allait pouvoir reprendre comme avant son départ à quelques différences près. La suzeraine du Conflans n’était pas tout à fait la même, et un bébé dragon avait trouvé sa place à ses côtés. Elle n’était plus l’enfant apeuré, qui cherchait sa place. Désormais elle savait où elle désirait aller.

Ce matin-là, Daenerys allait être confronté à Jorah Mormont, son bouclier lige qu’elle n’avait pas revu depuis cinq lunes. Il avait tenu à se battre au Nord malgré la demande de la princesse de le voir rentrer dans le Conflans. Et aujourd’hui, elle allait le revoir. Elle ne savait pas quoi ressentir envers l’homme en qui elle avait accordé toute sa confiance, qu’elle avait réussi à considérer comme un père bienveillant et protecteur. Elle l’avait laissé partir au Nord pour rendre hommage à sa tante décédé, lui permettant de revoir ses terres natales qu’il n’avait pas vu depuis dix ans. Daenerys avait sacrifié bien trop de chose, avait vécu dans la peur bien trop longtemps pour pardonner facilement et faire comme si de rien était. Cela aurait pu se passer ainsi avec l’ancienne princesse argenté. Mais désormais elle était tout autre.

Daenerys finissait de se préparer en compagnie de Vittany quand la porte de ses appartements s’ouvrit sur le chevalier qui s’inclina et la salua. Elle sentit son malaise. La princesse lutta contre son cœur encore trop doux et trop gentil, luttant pour ne pas céder.
« Ser Jorah. » Sa voix était différente, plus affirmé, moins enfantine, moins naïve.  « J’espère que votre escapade au Nord a été agréable. »

  Cette froideur dans la voix. Cette façon de lui parler, cela n’avait rien à voir avec sa douceur habituelle. Il l’avait déjà vu froide certes mais plutôt par timidité -pour se protéger- qu’autre chose. Or elle n’avait aucune raison de se protéger de lui ... n’est-ce pas ? Il releva la tête pour la regarder à nouveau. Il ne trouva rien dans son expression qui ne put l’aiguiller. Elle n’était que marbre. Un rapide regard à lady Vitanny ne lui en apprit pas plus, si ce n’est que cette dernière sembla vouloir être partout ailleurs qu’en leur présence. La tension était palpable.

Il n’était sur de rien à son arrivée et le voilà conforté dans son impression. Elle lui tenait bien rigueur de son absence et il en fut affecté. Ne comprenait-elle donc pas pourquoi il avait fait cela ? L’importance de cette bataille ? Cela ne relevait en rien d’un caprice, mais bien d’une nécessité. Se put-il que cela ait pu lui échapper ? A leur tour, ses mots le frappèrent par leur réserve, il craint d’en comprendre le sens. Ses sourcils se froncèrent imperceptiblement. Qu’entendait-elle par là ?

« Revoir les miens fut seule source d’agrément durant ce voyage, je le crains. »

Sa voix suinta d’une légère sécheresse, bien malgré lui. Le souvenir du cadavre de son père étendu dans la neige lui était revenu soudainement, ravivant sa souffrance. Il darda son regard au sien. Certes, elle l’ignorait sûrement. Il dut s’efforcer de s’en rappeler. Mais oubliait-elle les conditions de son départ, le deuil qui était déjà sien à cette époque ? S’imaginait-elle qu’il eut prit plaisir à demeurer loin d’elle aussi longtemps, ou même qu’il eut bataillé contre la mort en personne au péril de sa vie, et de celle de tout le Royaume, pour son simple plaisir ? Cette idée avait comme un arrière-goût d’injustice et il lui parut évident qu’elle en saisirait la teneur sur ses traits tant il peina à le dissimuler. Il aurait pu tenter de le faire ... mais à quelle fin ? Elle était comme sa fille. Il reprit la parole après un silence.

« J’ose espérer que ces dernières lunes furent plus clémentes pour vous. »

Il n’avait aucune idée de ce qu’elle avait pu vivre en son absence. Mais elle était saine et sauve et c’était malgré cela tout ce qui comptait pour lui.

  Daenerys se refusa de réagir à la première phrase du chevalier. Elle refusait de laisser sa colère s’exprimer et emmètre des mots qu’elle pourrait regretter par la suite. Elle ne voulait pas vivre dans la rancœur et la rancune. Alors son silence fut la seule réponse qu’elle lui fit.
Un rictus désabusé s’installa sur le visage de la princesse argentée. N’était-il pas au courant des attaques qu’avaient subi le Conflans ? Ne s’était-il pas demandé pourquoi son seigneur rentrait si précipitamment après la bataille ? Visiblement non, et cela peinait d’autant plus la dragonne de Corneilla.
« Nullement. Vous n’êtes visiblement pas au fait que durant l’absence de troupes et de protection de nos terres, que des bandits ont ravagé le Conflans. C’est un miracle qu’ils se soient cantonné à l’Oeildieu et les maisons n’ayant pas envoyé de troupes aient pu les anéantir avant qu’ils ne viennent jusqu’à Corneilla. »

Des maisons qui avaient désobéi à leur suzerain et à sa convocation du ban. Les Bracken en tête de liste. Vidée de ses troupes, Hoster n’avait pas pu faire grand-chose hormi gérer la situation du mieux qu’il pouvait. Daenerys s’était sentie profondément impuissante.
« Et je vous épargne les craintes liées à la guerre. »

Ne pas revoir ceux qui comptait pour elle avait été source d’angoisse. Mais c’était un soucis de femme…pas d’homme malheureusement.

  Il n'ignorait rien de ces évènements, bien entendu. Son entretien avec Lord Brynden et leur longue route depuis le Nord leur avait largement laissé le temps d'aborder ce sujet. C'était d'ailleurs précisément pour cette raison qu'ils avaient prit le départ aussi tôt, alors même que Ser Lucas n'était pas en état de rentrer en leur compagnie. Il avait aussi remarqué l'absence des troupes Bracken, entre autres, après la bataille de Winterfell et n'avait pas manqué de s'en inquiéter auprès du Suzerain conflanais. Sa dernière phrase n'était au final été qu'une pirouette rhétorique destinée à poursuivre la conversation sans heurt, alors même qu'ils s'était montrés tous deux plutôt cassant jusqu'ici. Il déplorait que cela ne fut pas perçu par sa protégée qui continua de se montrer particulièrement acerbe à son égard. Sa rancoeur était réelle, il n'y avait plus à en douter. Il entreprit d'ignorer son propre agacement face à ce comportement qui lui apparaissait des plus puéril.

« Votre époux a eut l'amabilité de m'en informer. » répondit-il avec neutralité, « Je suis heureux que cela n'eut pas de plus grave conséquence encore. Il va de soi que de retour, à présent, lord Brynden ne manquera pas d'éclaircir tout cela, j'en suis certain. »

Sans compter qu'étant revenu de la veille, Jorah ignorait tout de la capture d'une troupe fer-nés au large de Salvemer. Le couple suzerain n'était pas au bout de ses peines. Visiblement, la situation en leur absence avait préoccupé la suzeraine mais elle s'en était parfaitement sortie, en témoigne son assurance actuelle. A dire vrai, le Chevalier peinait à la reconnaitre.

« Je n'ai jamais douté que votre Altesse parvienne à y faire face. » fut la seule réponse qu'il lui apporta à ce sujet.

Elle avait toute sa confiance et si quelqu'un était bien placé en ce lieu pour savoir qu'elle avait toujours été capable de bien plus qu'elle ne le croyait elle-même, c'était bien lui. Il était en revanche peu habitué à si peu de considération de la Princesse pour les état d'âme de son entourage, à savoir ici celle de son propre bouclier-lige. Leur relation avait connu des jours plus tendres. Croyait-elle avoir été la seule à souffrir ces dernières lunes ... ? Un nouvel échange de regard entre eux sembla poser les questions qu'il ne se permit pourtant pas de prononcer. Elle n'était apparemment pas en mesure de les acceuillir ...

  Brynden avait bien des choses à régler… Les brigants, les maisons n’ayant pas répondu convenablement à l’appel du ban…Tant de chose urgente que le suzerain du Conflans devait mettre au clair et faire justice. Daenerys l’aiderait à son niveau, avec son inexpérience et ses maigres capacités. Mais elle ne laisserait pas son époux sans soutien désormais. Cette période là de sa vie était terminée. Elle ne répondit rien se contentant de le regarder.

Un rire nerveux s’arracha des lèvres de la princesse argenté en entendant les mots du nordien. Il n’avait jamais douté de sa capacité à surmonter les angoisses de la guerre… Elle secoua la tête. Les angoisses étaient une chose, les conséquences une autres. Au final tout se terminait bien, ils rentraient tous à la maison et Daenerys pouvait en sortir grandit et plus forte.
« Et les conséquences ? Pensiez vous réellement que j’aurais été capable de gérer la situation si Brynden n’était pas revenue ? Si vous n’étiez pas revenu… ? »

Une boule se forma dans sa gorge, laissant cette dernière vibrer sous l’émotion qui déferlait sans prévenir. Prononcer ses possibles craints de ne pas le voir revenir…
« Vous n’avez peut-être pas peur de la mort et ses conséquences ser Jorah. Mais moi si ! J’avais besoin de vous, j’avais besoin de l’homme qui me donnait ma force et mon courage mais vous avez préféré rester vous battre pour soi-disant l’honneur et protéger le reste de Westeros. Un seul homme n’aurait rien changer à l’issu de cette guerre ! »

Sa voix s’était élevée sans qu’elle ne s’en aperçoive. Une larme froide coula sur sa joue pour venir mourir au coin de ses lèvres. Elle laissait son cœur s’exprimait comme jamais il ne l’avait fait. Elle laissait la flamme brûler et le dragon s’exprimer.

  A nouveau debout, il l’écouta envisager une issue plus funeste. Elle avait certes raison, la guerre n'était jamais sans conséquence. Et par chance, les Anciens lui avaient toujours permis de revenir sain et sauf, malgré la peur qu'elle avait nourri pour lui. Mais l'idée qu'elle put lui faire la leçon à ce sujet, remettant par là-même en cause ses propres capacités à gérer la situation acheva de l'agacer. Combien de fois entendrait-il ce discours de sa bouche ? Combien de temps encore pour qu'elle prenne confiance en elle, en sa force, en sa place ?

« Vous l'auriez fait car vous n'auriez pas eu le choix ! » s'exclama-t-il d'une voix soudain plus forte, « Les guerres amènent la mort et ceux qui y survivent ne peuvent que s'y plier. »

S'était-il laissé allé au décès de sa première épouse ? S'était-il effondré lorsque sa deuxième l'avait abandonné à son triste sort ? Lorsqu'il avait tout perdu, terre, titre et famille ? Lorsque sa tante avait été assassinée, et son père abattu sur le champ de bataille ? Non ! Il se relevait, quelqu'en soit la peine, et il avançait. Il était là aujourd'hui, face à elle, toujours fidèle au poste. Ne pouvait-elle point le voir ? Comprendre qu'elle agirait de même car tel était le lot de leur existence à tous ?

Pourtant, la colère qu'il sentait enfler en lui se trouva mise à mal alors même qu'elle s'emportait, une unique larme coulant sur sa joue, mettant enfin un doigt sur ce qui se tramait entre eux depuis son retour. Il la savait sensible, mais jamais ne s'était-elle permise de montrer ainsi ses émotions face à lui, ni face à quiconque. Plus encore, jamais n’avait-elle oser hausser le ton. Il avait deviné la blessure mais c’était autre chose que d’en avoir les signes sous les yeux. Il se radoucit.

« Un seul homme n’aurait peut-être pas fait la différence, mais il m’aurait été intolérable de rester en retrait face à telle menace, sachant mon propre sang sur le champ de bataille. » se justifia-t-il, «  Vous sachant vous, ici, et bien que loin du Nord, à la merci de ces horreurs. Vous n’y étiez pas Princesse, mais croyez-moi, je n’aurais jamais toléré que pareilles abominations vous menacent de prêt ou de loin. »

L'excuse était légère mais il ne mentait pas, il l’avait aussi fait pour elle.

  Oui elle n'aurait guère eut le choix que de composer avec le fait qu'elle aurait pu perdre son époux. Mais a quel prix ? Elle n'avait pas d'expérience en politique et même avec Hoster à ses côtés, elle doutait sérieusement de sa capacité à conserver la régence du Conflans pour son fils. Mëme aujourd'hui alors que les choses avaient changés. Si son caractère s'affirmait plus, elle n'en restait pas moins inexpérimenté et prompt à faire des erreurs. Et qui aurait été là pour la protéger ? Quelqu'un aurait-il pu remplacer l'ours chevalier ? Probablement pas. Il y avait suffisamment d'opportuniste dans le Conflans pour la faire tomber et prendre ce qui serait revenu de droit à son fils. Elle n'aurait gérer que temporairement.

Il tenta de se justifier mais le coeur de la dragonne ne recevenait nullement le message. L'honneur des hommes, cette roue de la violence qui les faisait sombrer les un après les autres. Plus le temps passait plus elle haïssait cette notion qui lui devenait insupportable à supporter.
"Je n'ai pas eu besoin d'y être pour savoir ce que vous avez vu là bas ! Je sais que mon neveu y a perdu la vie par un de ses monstres aux yeux plus bleu que la glace ! Je n'y étais pas mais je les ai vu tout autant que vous alors que j'étais ici, à Corneilla, à des lieus de Winterfell. Ils étaient ici, dans mes songes. Et personne n'était là pour me protéger de ça, de leur magie ! Il n'y avait personne cette nuit là pour me protéger du froid et des ténèbres qui se sont abattus aussi sur Corneilla."

Daenerys restait enflammé, laissant son coeur parler, se confier de ce secret qui avait habité la nuit où tout avait changé. Il était le seul à connaître cela. Car il était le seul à avoir sa confiance aveugle malgré ce profond sentiment de trahison qui étraignait son coeur.

  Loin d'être apaisée par ses mots, la souffrance de la Princesse lui sembla toujours aussi vive. Il l'avait profondément blessé et il comprit enfin pourquoi. Il avait eut peur sur le champ de bataille. Pour la première fois, il avait viscéralement craint pour sa vie avant même que la bataille ne commence. Mais il n'avait pas été seul, ils étaient des milliers, tous ensemble dans cet enfer. Elle, ne l'avait vécu que seule, dans la solitude et la terreur.

De cet aveu, il ne sut que penser. Comment cela était-ce possible ? Comment donc aurait-elle pu assister à la bataille sans y être ? Mais dans un monde où les dragons renaissaient, où les Targaryen ne souffrait d'aucune brûlure, où les morts se relevaient de la terre, tout était désormais possible. Il le savait, à présent. Il l'observa attentivement, soudain troublé.

« J'ignorais tout de cela ... » balbutia-t-il, « Comment aurais-je pu seulement l'imaginer ? Nous ignorions ce qui nous attendait. Je peine aujourd'hui encore à y croire. Les marcheurs, les dragons ... Cela dépasse l'entendement. Je vous croyais à l'abris, auprès de votre famille, auprès de vos enfants. »

Comment aurait-il pu savoir ? Il n'était en rien responsable de cela, il le savait. Pourtant, la culpabilité se frayait un chemin dans son coeur, ce coeur de père qu'il s'était découvert. Il n'osait imaginer sa frayeur. Avait-elle été physiquement impactée ? Quelle conséquence pour elle ? Avait-elle su qu'elle voyait la vérité, ou s'était-elle imaginer des songes modelés par la peur ? Visiblement, cela lui était apparu des plus réalistes. Que savait-elle encore ?

« Votre neveu, le Prince Aegon. » reprit-il, « Votre neveu a survécu. Il ... Il est revenu d'entre les morts. Pas comme ces monstres, non, il est bel et bien vivant. Et son dragon … Leurs dragons ... »

Celui du Prince Viserys. Par les Anciens, comment lui annoncer cela ? Était-ce seulement nécessaire ? Lord Brynden l’avait sûrement fait avant lui. Il la fixa avec intensité. Ces questions obsédantes l’ayant accompagné durant le retour à Corneilla ressurgirent dans son esprit. Quel sentiment l'agiterait vis-à-vis du retour du Prince exilé ? Et surtout, qu’allait-elle décider … ? Une guerre entre dragon aurait lieu, elle allait devoir choisir son camp. Il ne dit rien de plus mais ses yeux questionnèrent pour lui.

  Personne n’aurait pu savoir que les monstres de glace auraient hanté les songes d’une princesse à des milles du champ de bataille, bien au chaud dans son château. Tout le monde avait sous-estimé cet ennemi venu du Nord. Trop nombreux étaient ceux qui étaient tombé au front. Cela servirait-il de leçon ? Daenerys en doutait, les hommes étaient enveloppés de leur égo de mal, ne voyant guère plus loin que leur nez. Rare était ceux doté d’assez de clairevoyance pour se méfier, craindre le pire et à ne pas courir droit vers le danger, vers la mort.
« Car tout le monde a sous-estimé cette menace, pensant qu’elle n’était que physique, personne n’a pensé à ce que la magie pouvait dépassée les frontières du nord. »

La magie avait repris ses droits depuis plusieurs lunes voir années désormais. Tout le monde avait vu la comète rouge traversait le ciel de Westeros, la rumeur du retour de la magie s’était répandu mais personne n’y avait cru. Pas même elle à vrai dire. Bien qu’insensible à la morsure des flammes, Daenerys n’y avait jamais vu un signe de magie. Et la comète ne l’avait nullement intéressée, rongée par le deuil de la perte de sa mère. Elle s’était fait dupée elle aussi par la puissance de la magie sur leur continent.
« Je sais, mon époux m’en a informé. Ainsi que de la présence de trois dragons. L’un serait à Aegon, un autre à mon frère et le dernier à Lady Wynafryd de la maison Manderly ? »

Une non Targaryen avait un dragon. Si d’autres étaient dans le même cas les prochaines guerres seraient à l’image de la terrible devise de la maison au dragon tricéphale : dans le feu et le sang.

  Ainsi, elle savait. Rien ne lui permit d’en savoir plus sur son ressenti à ce sujet, néanmoins. Elle ne lui confia pas ses états d’âmes. Sûrement car il ne l’avait que trop blessé. Pourtant ces révélations soulevaient d’autres questions. Elle semblait en avoir autant que lui. Il ignorait ce qu’elle avait vu dans ses étranges songes et ce qu’elle ignorait encore. Sa loyauté à son égard le poussa à parler librement.

« Oui Princesse, lady Manderly semble en possession de l’une de ces créatures. J’ignore comment. A ma connaissance, les légendes n’ont jamais parlé d’un dragon répondant à une autre famille que celle du Dragon Tricéphale. C’est une bête énorme, qu’elle a pu monter, diriger des cieux. Tout comme celui de votre frère … tout aussi puissant. Le … » il hésita sur la formulation, se souciant de ne point la heurter, et par respect pour la condamnation divine prononcée à son encontre, « Le Prince Viserys a vaincu un autre dragon cette nuit-là. Une créature montée par l’un de ces Spectres, celui qui les contrôlait tous. Il en est parvenu à bout par les flammes et au prix d’une lutte acharnée. »

Une personnification de la devise Targaryenne qui ne pouvait que l’inquiéter. Feu et Sang, voilà ce que leur promettait le Prince Exilé. Rien de bon n’adviendrait de lui. La roue tournait, et une nouvelle guerre aurait lieu bientôt. Le Chevalier s’interrogeait toujours. Quel camp choisirait-elle alors … ? Le Roi n’avait aucun dragon lui. Juste celui de son fils, une faible créature en comparaison de la bête montée pour Viserys. Il reprit.

« J’ignore qui est venu à bout du cavalier, la rumeur court qu’il s’agit d’une guerrière d’Essos, au service de votre frère. »

Il n’en savait pas plus et il laissa le silence s’installer, la laissant digérer les informations qu’il venait de lui rapporter. Une autre question le turlupinait, cependant. Il ignorait d’où provenait la bête de lady Manderly, mais il connaissait parfaitement l’origine de ceux des deux Targaryen. Il n’était pas innocent à leur venue sur le continent et quelque part, cela le préoccupait. Serait-il en partie responsable d’une prochaine Danse des Dragons … ? Une idée déplaisante mais non moins entêtante.

« Ces œufs ont été rapportés d’Essos. » prononça-t-il finalement d’un air grave, « Par ma personne. Deux d’entre eux ont éclos ... »

Sa phrase resta en suspend. Se pourrait-il qu’un jour … ?

  Comment une personne n'appartenant pas à la maison Targaryen pouvait avoir un dragon ? Dans le passé il y avait eu des cas de dragonnier ne portant pas le nom de Targaryen. Mais ils avaient soit disant du sang de valyrien : les semences de dragon. Serait-il possible qu'il y ait eu par le passé une alliance Manderly/Targaryen permettant d'amener du sang valyrien dans leur lignée, permettant ainsi à lady Wynafryd de chevaucher un dragon ? Elle n'en savait rien.
"Il y a eu lors de la danse des dragons des dragonniers qui n'appartenait pas à la maison Targaryen mais ils avaient, d'après la rumeur, tous du sang de dragon dans les veines. Les Manderly ont peut-être du sang Targaryen du à une vieille alliance ?"

Viserys n'avait pas seulement fait son retour officiel à Westeros, il s'était illustré en venant à bout du monstre de leur ennemi. Cela ne surprenait pas réellement Daenerys, son frère préparait son retour depuis de longues années et elle se doutait qu'il ferait un retour claquant afin que la population ne le voit pas comme un traître. Aujourd'hui certains le verrait comme un sauveur. Et il s'était visiblement entouré de gens loyaux venu d'Essos d'après les dire de ser Jorah.
"Viserys ne fait jamais les choses à moitié quand il s'agit de sa réputation. Cela ne m'étonne pas vraiment venant de lui. Cela ne le rendra que plus dangereux."

Et plus populaire n'en déplaise à Rhaegar.

Les oeufs des Targaryen, en dehors de celui de la princesse Rhaenys, avait été rapporté par le chevalier nordien. Lors de son exil à Essos, il avait trouvé trois oeufs fossilisés et les avait ramené au Roi qui en avait fait des cadeaux de mariage : un pour Viserys, un pour Aegon et le dernier pour elle. Jorah fit rapidement le rapprochement. Daenerys planta ses iris améthystes dans le regard bleu de l'ours.
"Trois ont éclos." corrigea-t-elle. "Mon oeuf a éclos il y a un peu plus d'une lune de cela."

  « Je l’ignore. » répondit-il, embêté de ne pouvoir lui apporter plus de réponses en sa qualité de nordien.

Les origines des Manderly remontaient à avant même la conquête, lorsqu’ils étaient encore les membres d’une maison bieffoise. Fusse-t-il possible qu’ils aient lié leur sang aux Valyriens bien avant cela ? Jorah aurait été bien incapable de le dire, et ses connaissances ne lui apportaient aucune réponse concernant une union avec les Targaryen par la suite. Pas qu’il le sache, du moins.

Étrangement, elle ne semblait pas s’étonner outre mesure du retour de Viserys. Jorah trouva cela étrange et ses sourcils se froncèrent imperceptiblement. Il s’était attendu à une réaction plus vive. Peut-être avait-elle eut le temps de digérer la nouvelle depuis la veille, lorsque Lord Brynden le lui avait annoncé ? Il chercha signes d’anxiété dans son regard, mais fit chou blanc. Elle était résignée. Étrange …

« Vous ne semblez pas surprise par sa décision. » s’étonna-t-il avec franchise. Je vous aurais imaginé plus préoccupée par le conflit à venir entre vos deux frères voulu-t-il rajouter, mais la réserve dont elle faisait preuve à ce sujet l’empêcha.

Rhaegar lui avait déjà demandé de faire un choix et elle lui avait refusé un témoignage contre leur frère. Cependant, elle ne pourrait se dérober cette fois, à moins de vouloir paraître traîtresse à la Couronne. Voilà qui avait de quoi préoccuper grandement le Bouclier. Ses sentiments pour Viserys ne la pousserait pas à la faute, n’est ce pas ? Qu’elle y songe serait insensé, aussi prit-il son silence pour de la réserve. Il n’était peut-être plus digne à ses yeux d’en savoir autant sur ses décisions. L’idée le blessa, alors que sa fidélité à son égard n’avait failli une seule seconde, lui confiant même ses propre doutes à demi-mot, concernant les œufs. Aussi ne sû-t-il plus quoi penser lorsqu’elle lui fit une révélation fracassante à propos du sien.

L’œuf avait éclos. Il en resta bouche-bée. Sans le savoir, sans même l’avoir imaginé, il avait fait cadeau à la famille royale de trois authentique dragons. Des bêtes immenses qui n’avaient rien à voir avec les derniers avortons nés avant leur disparition complète. Du moins, l’eussent-ils cru … Combien cela faisait-il de dragons vivants à présent ? Il n’aurait sur le dire tant il était abasourdi. L’énormité de la chose avait de quoi faire tourner la tête.

« Comment ? » balbutia-t-il.

  Jorah ne semblait pas savoir si les Manderly possédait une ascendance valyrienne dans leur lignage. Daenerys irait se renseigner à ce sujet, consulterait des livres sur la lignée des Targaryen et les diverses alliances effectuées avec leurs vassaux. Ainsi pourrait-elle peut-être trouver une réponse ?
Le chevalier semblait surpris de ne la voir si étonné que cela. Daenerys secoua la tête à la négative.
« Effectivement je ne suis pas étonnée. Je connais mon frère et il était évident que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il brave son exil. Il n’est pas du genre a accepté de se faire écarter de la sorte. Rhaegar lui a fait l’affront ultime à ses yeux. Il a patienté pour sa vengeance. Et maintenant il est là et une guerre va éclater à cause de leur égo respectif. »

Une guerre qu’elle avait craint, redoutée. Désormais elle ne savait plus trop quoi penser de cette guerre. Elle savait où se positionner. Elle ne soutiendrait aucun des deux rois. Elle ne portait pas Rhaegar dans son cœur et pour cette raison elle ne pouvait pas le soutenir. Mais elle ne pouvait soutenir Viserys qui mettrait à feu et sang Westeros pour sa vengeance, risquant de s’en prendre aux Nerbosc par la même occasion. Daenerys devait protéger Corneilla et ses membres. Aucun des Targaryen n’aurait sa loyauté.
Jorah fut surpris d’apprendre que l’œuf qui l’avait ramené avait éclos chez la princesse argentée également.
« Je pense qu’il a éclos la nuit de la bataille. Mais tout concorde pour que ce soit ça. Il y a un dragon dans mes appartements ser Jorah. Les œufs que vous avez ramené au Roi n’était pas de simples pierres. »

On pouvait dire qu’il avait ramené les dragons à Westeros.

  Elle énonça l’inéluctable avec une neutralité désarmante, au point qu'il en vint à s'interroger sur sa clairvoyance. Ne réalisait-elle point ce que les termes guerre fratricide signifiaient ? Son désir de paix la poussait-elle à nier l'évidence ? A moins qu'elle fut enfin résolue de l’inéluctable, elle, l'enfant qui voilà quelques minutes encore lui avouait sa peur de la mort ... ?

Mais où disparaissait-elle soudain cette enfant ? Cette gamine qu’il protégeait depuis maintes lunes maintenant, l’agaçant parfois par sa naïveté mais le touchant par son innocence, qui se serait habituellement confié à lui sur ses doutes, pesant le pour et le contre, se rassurant de son expérience et de sa protection, mais qui s'y refusait à présent ? Était-ce ce dragon qu’elle disait être né le soir de la bataille qui lui avait donné l’assurance lui manquant jusqu’ici ? Il semblait au chevalier que ce fut le cas -car sinon quoi d'autre ?son absence ?- et quelque part, il en était dérouté, presque méfiant.

« Si ce que vous dites est vrai. » murmura-t-il, « Ce dont nous ne pouvons plus douter ... alors j'ai condamné nombre de mes concitoyens à une mort certaine. »

Il n'avait su le deviner à l’époque. Comment l'aurait-il pu ? Ils avaient disparus depuis des siècles et les derniers spécimens étaient si rachitiques qu'aucun péril n’advint d’eux. A se demande si les bêtes récemment éclos étaient de la même espèce. Serait-ce aussi le cas de celui qu'elle cachait dans ses appartements ? Pouvait-il seulement faire confiance à cet être mystique ? Cela le laissa songeur, presque interdit.

« Vous aurais-je condamné, vous ? » demanda-t-il finalement, se parlant à lui-même tandis que se troublait son regard au grès de ses pensées.

Intolérable supposition que cela bien que quoiqu'elle eut décidé, il savait qu'il la suivrait, de prêt ou de loin. Restait à déterminer dans quelle direction ... De quel frère prendrait-elle le partie ? Dans quelle direction mènerait-elle la maison Nerbosc et le Conflans tout entier ? La loyauté à la Couronne et la protection du Roi, ou celle de son cœur à un frère mieux aimé mais damné ? Quoiqu'elle décide, le futur qui les attendait n'aurait rien de radieux. Elle restait une Targaryen de naissance et ne pourrait échapper au destin de sa famille, ce qui, au vue des révélations récentes sur les dragons, rendait le péril bien grand.