L'art pour tromper l'ennuie (Feat Thracy)

# Mer 15 Avr - 22:57

L'art pour tromper l'ennui ¤ Ft. @Grayce Bonfrère

An 302, lune 6, semaine 3

Ce qui n'avait d'abord semblé qu'un jeu prit un tour plus sérieux au regard de Grayce, comme Thracy le devina à son attitude désormais plus posée – presque grave par moments. L'ancien vagabond en avait l'habitude. Il conservait la même posture détachée, prompte à accueillir sans jugement toute la collection de réactions diverses et variées face à ce qu'il proposait : si certains ne prenaient le tirage que comme un divertissement, d'autres finissaient par s'y intéresser avec une grande solennité – et aux besoins de l'un comme de l'autre, le garçon devait répondre. Il arrivait cependant, quelquefois, que des gens en consultation mettent tellement d'eux dans cette expérience et en attendent tellement... que l'infirme redoutait de se sentir débordé, pas à la hauteur, incapable...
Mais en l’occurrence, le tirage s'engageait sur des bases solides – l'évidence de la Dame de Bâtons pour représenter la charpentière, et ainsi qu'elle-même le soulignait. La carte qui suivit en revanche jeta un trouble certain entre le serf et la demoiselle Bonfrère. Son silence et les remuements de sa joue sans doute mordue en disaient long. Thracy pour l'heure s'appliqua à ne pas commenter. La gêne pouvait venir d'un sujet – l'amour, le choix – qu'elle ne s'attendait pas à voir sortir... ou au contraire du fait que les cartes avaient visé exactement dans le mille.

L'ambiance incommodante laissa même place à un malaise prégnant quand apparurent la Reine de Coupe puis l'Impératrice. Devant le très subtil tremblement perçu à la main de Grayce, le serf perdit toute sa légèreté de jeu en comprenant que des choses sérieuses surgissaient. C'était ainsi avec le Tarot, on ne savait jamais ce qui allait sortir et la parole des arcanes, d'abord prise à la légère, avait parfois de quoi jeter un froid. La jeune femme se confia : sa sœur jumelle ; un amour inconditionnel mais purement filial évidemment. La demoiselle Bonfrère était déstabilisée et voulait comprendre. Thracy hocha la tête, avant de la voir hausser nonchalamment les épaules : était-ce là une manière de déguiser ses émotions ou le signe qu'après tout, elle n'accordait guère plus d'intérêt que cela à ce que dessinaient les lames entre elle et lui ? Et là-dessus, elle lui demanda son opinion.

C'était maintenant à lui de prendre une décision, vite et bien. Il ne fallait ni attirer sur eux l'attention de la troupe des convives, ni mettre Grayce mal à l'aise. Ce qui n'avait commencé que comme un jeu exprimait maintenant des choses importantes.... « Quel bol ! » ironisa intérieurement Thracy. Il ne manquait plus que cela... Non, pour sûr, c'était plus que des relations filiales qu'il avait vues. Ne restait qu'à répondre avec doigté. Et avec honnêteté, décida-t-il. Alors en funambule, il s'engagea à tâtons sur une des cordes les plus périlleuses de sa vie depuis qu'il se trouvait sur les Îles de Fer – ayant au passage une idée du quotidien des diplomates, à devoir tortiller du cul pour exprimer les choses habilement et ne pas risquer de se voir assassiner – se faire suicider pour le dire poliment.

« C'que j'en pense... En bien c't'un tirage de figures exclusivement féminines, et au milieu d'elles : les amoureux. » Son doigt vint tapoter l'arcane d'un geste fébrile. « J'pense pas, donc, honnêtement, qu'y soit juste question d'vot' sœur. En r'vanche z'avez raison, y a un lien clair avec vot' travail. C'est par lui que va arriver quelque chose. Enfin, quelqu'un. Pour l'instant, la personne est un peu à l'écart... » nota-t-il en revenant sur l'Impératrice « mais elle est bien là, et cette figure évoque le lien par la créativité, puis un contact fort. C'est quelqu'un qu'est sur l'point de s'affirmer, d'entamer quelqu'chose d'important. Et bien sûr il y a cette carte d'amoureux, et cette coupe qui parle des sentiments autant que de l'élément de l'Eau. Z'allez être unies fortement, et en même le b'soin de se taire, de cacher... vous tiendra un peu écartées aux r'gards de tous. »

Sa voix était restée très basse, confidente, aussi douce que sérieuse : pas question pour lui d'avoir l'air de juger sa découverte, au contraire il se sentit en empathie avec tout ce que cela impliquait sur les Îles de Fer. Il avait enrobé ses propos, mais le message s'avérait clair. Sans doute n'était-ce pas le discours idéal, néanmoins il demeurait le plus raisonnable : son interprétation et sa mise en œuvre appartenaient désormais à Grayce. Thracy n'était que l'humble traducteur du langage des arcanes – et honnête s'était-il voulu, malgré les risques. Aussi prit-il soin de préciser aussitôt, avec toute la gravité et la solennité qu'il pouvait impulser dans son ton : « Tout c'qui est dit pendant un tirage reste strictement entre la personne concernée et moi. J'vous l'promets. Sur c'que vous voulez. »

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Date d'inscription : 29/07/2019

# Jeu 16 Avr - 11:35

[quote="Grayce Bonfrère"]

L'art pour tromper l'ennuie

Je n’aimais pas spécialement ce que je pouvais voir sur la table entre deux bols et couverts du banquet. De ce qu’avait décrit le petit vagabond… Le doux visage de Snofrïd, à tomber ce soir dans sa tenue, se dessina dans mon esprit. Elle m’avait embrassé puis maintenant elle m’évitait cette garce ! Tout en même temps je lui souhaitais le paradis et l’enfer ! Mes doigts continuaient de tapoter ma cuisse alors que je regardais les cartes avec l’impression d’avoir sur le visage une figure qui aurait aimé déchiqueter les cartes… Ainsi que le gamin. Lui prendre sa tête et la presser entre mes mains jusqu’à ce que le sang jaillisse de ses orbites. Qui m’en aurait voulu d’avoir assassiné un serf ? Alana peut-être quelque temps, mais un serf… Inspire, expire Grayce. Calme-moi les tremblements de ta main. Je plongeais mon regard sombre dans celui du jeune homme qui n’avait rien fait. Reste calme, ne te montre pas agressive, il ne saura rien.

Je le fixai, ce petit messager des cartes sans rien dire. J’espérais pour lui qu’il avait une réponse idéale pour lui. Ou il pouvait finir avec en plus un bras en moins. Le casser au bon endroit et on pouvait dire adieu à sa mobilité. Enfin, reste calme Grayce, c’était pas le moment de faire un scandale. Je l’écoutais avec attention. Il était malin le p’tit, très malin, fallait le reconnaître. Je ne dis rien, l’écoutant avec attention. L’eau, se cacher… Je fermai les yeux, Snofrïd revient comme une apparition, avec un sourire paresseux au visage. Par le Noyé… Cette femme, une telle femme. J’inspirais profondément. Forcément que ce genre d’amour ça finissait cacher. Sauf quand on s’appelait Asha… Mais tous avaient pas cette chance. Je faisais ça : mon père m’arrachait la tête et me mariait au premier venu. Un boutre de plus ou de moins dans la collection de mon père s’il pouvait sauver son honneur et le mien, il le ferait. J’écoutais le gamin avant de soupirer longuement. Il avait l’air sincère.

« J’vais t’faire confiance sur c’coup. »

À qui pourrait-il en parler ? Il ne connaissait pas ma famille. Et c’était du coup pour le mieux. Je détournai la tête quand je vis une silhouette se découper et s’approcher. Gwendys. Elle ébouriffa en passant les cheveux du gamin et s’installa prêt de moi en observant le tirage. Elle demanda une explication et après un instant me regarda et je lui fis une grimace.

« Allez ! À mon tour !

Allez p’tite sœur, occupe-le. Je m’apprêtais à détourner la tête quand Gwendys tira brutalement une de mes nattes pour me faire concentrer. Elle observa Thracy.

« Pas de secret entre jumelle. »

Je hochais la tête sans rien dire avec un petit sourire, elle savait tout de moi comme moi je savais tout d’elle.

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# Jeu 16 Avr - 23:59

L'art pour tromper l'ennui ¤ Ft. @Grayce Bonfrère

An 302, lune 6, semaine 3

Tension insoutenable. Mâchoire crispée et flammes à vif au fond des pupilles de la jeune femme. Ses doigts s'oubliaient encore et toujours à tapoter ses cuisses dans un mouvement nerveux qui cette fois-ci n'avait plus rien de léger... mais agissait tel un bouclier devant le flot brûlant d'émotions dont enrayer l'éruption. L'infirme en avait le souffle suspendu. Sa vis-à-vis mettait tout en œuvre pour se contenir, et cependant Thracy sentait bien que le moment pour elle était pénible. Qu'il avait touché un point sensible, fort même de nombreux dangers s'il venait à être éventé. Pire encore : que sous l'effet de la crainte générée en Grayce, le serf faisait en cet instant l'objet des plus vivaces pulsions. S'il ne venait pas de lui promettre son silence, pourrait-elle aller jusqu'à l'assassiner ? Ou vouloir le faire taire d'une façon ou d'une autre... Un frisson d'horreur lui galopa l'échine : jamais – Grands Dieux ! – il n'aurait ne fut-ce que l'envie de trahir un secret de cette nature ! L'estropié était bien placé pour connaître la rançon de la différence. Pourquoi ferait-il souffrir autrui sur ce terrain-là ? L'enfer des moqueries, de l'ostracisation, voire des maltraitances, Thracy ne le souhaitait à personne ; encore moins à quelqu'un dont il avait à ce point apprécié la compagnie jusqu'alors.
Car oui, ce moment avait si bien commencé ! Le jeune serf aimait l'entrain de Grayce, sa passion pour l'art et les travaux manuels. Il sentait que tous deux pourraient encore avoir à l'avenir de très bonnes conversations, qu'ils avaient eu du bol de se trouver et seraient en mesure de se partager des techniques, de se montrer leurs créations... Grayce s'était même si généreusement proposée pour améliorer son chariot. Peu de gens auraient spontanément et gratuitement adressé une proposition de cette nature à un serf. Ce tirage, cependant... Ne venait-il pas de jeter un vent polaire entre eux ? Il s'en voulut. Ses mains se recroquevillèrent sous les pans loqueteux de sa vieille écharpe.
Il dut poser son souffle. Trouver à se rassurer. Après tout, le garçon n'avait rien forcé et la demoiselle Bonfrère avait souhaité une lecture de tarot. Il n'avait aucune raison de le lui refuser, la chose s'était même engagée comme suite logique de leur plaisante conversation. Non... Il n'était pas coupable. Thracy s'efforça de s'en persuader.

Mieux encore, sa promesse de demeurer aussi muet qu'une tombe sembla rassurer sa vis-à-vis. Grayce croyait apparemment à sa sincérité et d'une voix posée, elle lui accorda sa confiance. Le petit infirme ne répondit que d'un grave hochement de tête valant mieux que tout nouvelle parole. Désormais, tous deux pouvaient considérer ce qui venait d'arriver comme clos sous le sceau du silence... voire même comme n'ayant jamais existé si Grayce le souhaitait.
Et comme pour symboliser cela, le serf s'empressa de remballer les cartes tirées pour la charpentière puis de les mélanger avec toutes les autres dans des gestes pressés. Ni vu, ni connu... Ses mains dansèrent dans le tas des arcanes répandues sur la table, pour mener un brassage comme on en ferait difficilement de moins paresseux. Cela n'éveillerait nul soupçon, jugea-t-il : on savait Thracy alerte, la main leste et le geste plein d'enthousiasme. Un sourire complice flotta à ses lèvres – manière de signifier à sa vis-à-vis : ''voilà qui a disparu, maintenant''.

À peine eut-il repris son souffle et ralenti ses mouvements que le pas spontané d'une autre jeune femme résonna auprès d'eux. Le garçon ne s'attendit pas à ce que la demoiselle – qu'il comprit être la jumelle de Grayce – lui ébouriffe les cheveux dans un geste complice, mais ce geste lui mit du baume au cœur : une franche légèreté revenait après l'extrême tension du tirage qui s'achevait. Déjà, la page se tournait – un peu comme si l'arrivée de l'alter-ego de la charpentière faisait virer l'atmosphère du noir au blanc. Les sœurs lui apparurent en cet instant semblables à deux facettes d'une même pièce, tant l'approche de l'une avait effacé d'un coup la pesanteur qui s'était installée avec l'autre.

Thracy retrouva donc lui aussi son expression la plus avenante. Il se voulut très accueillant et salua Gwendys d'un petit hochement de tête, avant de l'entendre réclamer à son tour une lecture. Bref suspend. Lèvres pincées. Un discret raclement de gorge. Attendue la façon dont les choses avaient tourné avec Grayce, le jeune serf redouta de renouveler directement l'expérience – de commettre bien malgré lui une nouvelle bévue. Finalement, il haussa les épaules et prit le partie du bon joueur. Allons, il ferait ainsi plaisir à l'humeur joueuse de Gwendys et partagerait un peu des secrets de ces jumelles puisque cela lui était si gentiment demandé.
L'infirme tendit le bras, désignant une place sur la banc où la jeune femme pouvait prendre place. Il réunit ses cartes en un tas bien lisse. Se redressant, retrouvant du même coup les sautillements de sa voix avenante, il exposa à Gwendys comme il l'avait fait pour Grayce :

« Eh bien, il faut que vous pensiez fort à un sujet sur quoi vous voulez qu'les cartes vous parlent. Ou qu'vous leur posiez une question. Vous pouvez garder ça pour vous ou bien m'le dire, c'est comme vous voulez. » Puis il avança le tas vers elle : « Une fois qu'c'est fait, vous pouvez piocher quatre cartes et les laisser face retournées d'vant vous. »

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Date d'inscription : 29/07/2019

# Ven 17 Avr - 10:07

L'art pour tromper l'ennuie

Gwendys se glissa sur le banc et j’entourai sa taille de mes bras. J’écartai légèrement ses cheveux pour éviter de me prendre sa collection de perle que je lui avais fait et qu’elle portait. Elle était adorable, mais se les prendre dans le visage, ce n’était jamais très agréable. Enfin, ma jumelle avait eu la chance de faire baisser la tension entre Thracy et moi. Et comme moi, Gwendys avait discrètement quitté la troupe des filles Bonfrère. Je la laissai faire et je me mis à tapoter machinalement sa cuisse. Elle détestait ça, vraiment, mais moi c’était un tic machinal quand je n’avais pas les mains occupées. Il fallait bien que… que je m’occupe les mains d’une manière ou d’une autre non ?! Je laissai ma sœur s’appuyer sur moi tranquillement en regardant Thracy mélanger les cartes.

J’eus un très léger tremblement, est-ce qu’il allait révéler des secrets de ma jumelle ? Je l’observai du coin de l’œil sans rien dire. Gwendys ne semblait pas inquiète le moins du monde, comme-ci tout était normal. Je me promis de lui raconter ce qu’avait découvert le petit vagabond. Enfin, ce n’était pas avec ma sœur qu’il allait découvrir ce genre de chose. Ma sœur savait tout sur moi et l’inverse était vrai. Elle était plus portée sur la politique et la médecine que moi. J’ignorais qu’elle était sa situation idéale pour le futur, mais il fallait bien le faire d’une manière ou d’une autre. Elle me jeta un regard sans rien dire et je passai une main dans ma tignasse.

« Grayce ! »

Elle me jeta un regard assassin. Elle détestait quand je ruinais les coiffures qu’elle mettait des heures à me faire. Elle eut une moue paresseuse à la remarque du petit messager des cartes. J’espérais vraiment qu’elle ne souhaite pas l’assassiner comme moi juste après avoir posé sa question. Le pauvre serait persuadé d’avoir fini en enfer avec les sœurs Bonfrère. Elle m’observa longuement et je devinai sa question sans rien dire. Soit elle se demandait si elle pourrait continuer ses cours pour devenir guérisseuse, soit si elle réussirait à avoir un bon mariage. Elle ne dit rien et tendit la main pour piocher les quatre cartes. Je me penchais pour examiner avec elle le tirage.

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# Mar 19 Mai - 12:10

L'art pour tromper l'ennui ¤ Ft. @Grayce Bonfrère

An 302, lune 6, semaine 3

Les jeunes femmes, semblables comme deux gouttes d'eau, parfaits miroirs l'une de l'autre, s'installaient en face de lui sur le même banc. Thracy observa avec un sourire teinté de mélancolie leurs gestes d'intense sororité. Il n'avait jamais eu de frère ou de sœur... et même très peu de camarades au sens large. Ou du moins s'il en avait eus, le petit vagabond ne l'aura jamais su : il n'avait pas le moindre souvenir de ses parents et ne savait rien d'eux - abandonné qu'il fut dès sa naissance.
Il quitte ses tristes souvenirs quand ses prunelles dorées accrochèrent, avec intérêt et admiration, la cascade de perles qui ornaient les cheveux de Mademoiselle Gwendys. Cette dernière semblait aussi enthousiaste, aussi pétillante et dynamique que sa jumelle. Comme cela devait remuer chez les Bonfrère si toutes les filles de la maison étaient comme elles ! Amusé par ce constat, Thracy retrouva toute sa bonhomie et se redressa contre le dossier de sa modeste chariote.

Le jeune serf se demanda, un instant, si ce qu'il allait révéler à Gwendys serait aussi une découverte pour Grayce... ou bien si les sœurs savaient absolument tout l'une de l'autre. Gwendis était-elle au parfum, notamment, des orientations amoureuses de sa jumelle ? L'invalide voulut faire comme si de rien n'était. Il l'avait promis : le résultat d'un tirage restait strictement entre lui et le bénéficiaire. En l'occurrence, les deux jeunes femmes allaient observer ensemble la seconde lecture de tarot. Clairement, elles ne se cachaient rien. Thracy admirait avec un fond d'envie une telle proximité. Tout, jusque dans leurs taquineries, leurs regards et leurs faux mécontentements, démontrait un lien si fort !
Le petit invalide s'intéressa de plus près au visage de Gwendys, à ses expressions, à ce qu'il lui semblait pouvoir déjà y déchiffrer tandis que ses mains frêles achevaient de brasser les cartes à vive allure.

HRP:

# Mar 19 Mai - 18:24

Quel foutu ennui ce dîner ! Interminable, et je m’ennuyais comme un rat mort. Grayce aussi avait eu l’air de s’ennuyer ferme, jusqu’à ce que je lui tende une bourse dont je savais que le contenu serait apprécié. Ses outils, et quelques petits morceaux de bois que j’avais récupéré en passant avant de partir. Mais maintenant qu’elle était loin de moi, sa présence me manquait, d’autant que, jetant des coups d’œil dans sa direction, je remarquais qu’elle était plus tendue qu’au début de sa conversation avec le serf. Celui-ci avait sorti un jeu de cartes, et ils étaient maintenant en grand conciliabule par-dessus les lames. Quelque chose me disait que c’était le moment de m’éclipser de la table de dîner et de mettre mon nez dans les affaires de ma sœur. Je jetais un œil à mon père, trop occupé à discuter avec Mère et mes aînées, et me levais discrètement dans la mesure de ma robe encombrante.

M’approchant avec un sourire, j’ébouriffais les cheveux du gamin au passage et m’installais près de ma sœur.

- Alors, qu’est-ce que vous faites ? Je peux vous rejoindre ?

Après avoir reçu une explication en bonne et due forme, je m’installais en face du petit voyant, intriguée et amusée aussi.

- Allez ! À mon tour !

Lorsque Grayce menaça de se laisser déconcentrer, je tirais gentiment sur l’une de ses tresses, remarquant au passage qu’elle n’avait presque plus rien à voir avec ce que j’avais réalisé au début de la soirée. Mais son bras passé autour de ma hanche me réconcilia avec son aspect brouillon, et je me reconcentrais sur les cartes. Fixant le jeune homme avec une curiosité dévorante, j’acceptais qu’il dévoile ses soi-disant prédictions devant ma sœur.

- Pas de secret entre jumelle.

Aucun, pas même celui que venait probablement de dévoiler le garçon, au vu du trouble de ma sœur. A moins que ce ne soit quelque chose d’autre, mais je savais ce qui troublait son cœur ces derniers temps, et je me doutais bien qu’il s’agissait de la question qu’elle avait posé aux cartes. Quant à moi…quelle question allais-je bien pouvoir poser ? J’avais l’impression d’être à ce moment particulier de la vie où plusieurs chemins s’offrent à nous, tous aussi intéressant les uns que les autres, mais le choix s’avérait trop difficile. Et dans la majorité des cas, le choix que j’arrêterais m’éloignerait de ma sœur. Choisir les soins qui m’intéressaient tant, et m’engager comme soigneur à bord d’un bateau, ou bien rester à terre et manquer les terribles et fascinantes découvertes que la mer me promettait ? Ou encore, me marier, enfanter comme ma mère, rentrer dans le rang et être une Lady comme elle l’avait toujours souhaité. Dans la plupart des cas, Grayce serait loin de moi, avec son travail de charpentière. Nous ne nous verrions plus autant qu’avant, et cela m’attristait profondément. Mais n’était-ce pas là la question justement ?

Quel que soit mon choix de vie, serais-je toujours aussi proche de Grayce ?

Mes réflexions intérieures m’avaient plongé dans un soudain sérieux tandis que je réalisais que je redoutais cette réponse autant que je la cherchais. Mais j’était déterminée, alors je tirais les cartes, une par une, laissant mes doigts me guider. Et advienne que pourra. De toute façon, je n’étais pas obligée de croire en cette prédiction ? Si ?

Date d'inscription : 29/07/2019

# Mar 19 Mai - 18:57

L'art pour tromper l'ennuie

J’aimais bien avoir ma sœur dans mes bras… Elle était rassurante, elle avait une aura rassurante je trouvais. Alors j’aimais lui faire des câlins. C’était un peu comme… un doudou ? Oui bon… ma sœur était bien plus qu’un simple doudou. C’était mon complément, ma doublure, la moitié de mon âme. Je l’aimais de tout mon cœur. Alors bon… Je restais contre elle, un bras autour de sa taille, observant tour à tour, elle, le petit vagabond, les cartes. Qu’est-ce qu’elle allait avoir ? Je serrais ma jumelle contre moi, comme pour la protéger. Même si elle ne risquait rien. Je l’observai avec attention. Qu’avait-elle demandé ? J’observai le visage tendu de ma sœur et je glissai une main dans sa nuque pour la masser délicatement, de mon autre main je saisis celle qu’elle avait de libre. Je lui soufflais :

« T’inquiète pas… On sera toujours ensemble. »

Elle savait pour moi, elle savait que je bavais, presque littéralement, devant Snofrïd. Même si elle me fuyait. Je lui avais raconté, comme je lui avais raconté pour Asha. Je posais ma tête contre celle de ma sœur observant avec une légère pointe d’angoisse le tirage. J’avalais ma salive avant de détourner un instant les yeux pour observer la troupe des Bonfrères plus loin. Je reconnaissais de dos les triplés, mais je ne pouvais pas les différencier. Je reportais mon attention sur les cartes que ma sœur venait de tirer. Je fronçais les sourcils en essayant de comprendre le tarot. Je ne pressais pas le gamin, c’était à lui que les cartes parlaient. C’était beaucoup trop troublant de vérité pour que cela ne soit qu’une… Qu’un coup de chance. J’attendis avec angoisse la suite, serrant for la main de ma sœur dans la mienne. Pas la mort… Pas le mariage… Pas quelque chose qui éloigne ma jumelle de moi… Par pitié… Tout mais pas une séparation…

Codage par Libella sur Graphiorum

# Ven 29 Mai - 22:39

L'art pour tromper l'ennui ¤ Ft. @Grayce Bonfrère et @Gwendys Bonfrère

An 302, lune 6, semaine 3

Le tirage, pour que vous visualisiez ^^:

Une nouvelle fois, Thracy sentit tellement d'attente sur ses petites épaules. La tension sur le visage de Gwendys, les mains intensément serrées de Grayce autour de celles de sa sœur. Et la remarque de cette dernière... Serait-ce là leur plus grande crainte à toutes les deux ? Être séparées par ce que déciderait l'avenir – ou par un choix de l'une d'elles ? La vie ici ne manquait en effet pas d'occasions pour risquer de distendre leurs liens. L'aridité des îles, la dangerosité permanente du quotidien des Insulaires pillant pour subsister – et bien entendu, le fait qu'elles étaient des femmes, qu'un père pouvait à tout moment choisir de les marier et qu'il semblait plutôt malvenu en ces lieux qu'une demoiselle demeure seule. Il se pouvait aussi que l'une d'elles finisse par choisir l'amour – celui avec un grand A et que tant de chansons vantaient – à l'amour filial.
Thracy se pinça la lèvre. Il espérait que, tout de même, les filles Bonfrère ne mettent pas trop d'elles ni trop de gravité dans cette lecture de tarot. Ce n'était qu'un tirage. Le jeune serf lui-même préférait croire à un jeu, plutôt qu'au fait qu'il aurait un accès sérieux à des vérités cachées avec ces arcanes. Il savait bien, pourtant, avoir toujours été des plus intuitifs – mais redoutait sans doute les trop grandes conséquences que cela engendrait. Peut-être avait-il peur de la responsabilité de ce don si celui-ci s'avérait juste ? Peur de la portée de ses petites paroles ?

« Dans ce cas, allons-y. » déclara-t-il, lorsqu'il eut fini ses préparations. Il ajouta dans un sourire d'espièglerie attendrissante, pour détendre l'atmosphère et s'apaiser lui-même : « Z'êtes pas déçues si j'ai pas d'foulard à médailles et si je ne susurre pas des ''Je vois...'' ? »
Il retrouva son sérieux en présentant le jeu à la jeune fille, la laissant tirer ses quatre arcanes. Thracy commença alors à les retourner, s'appliquant à commenter au fur et à mesure. « La première carte, elle va vous représenter, vous. » dit-il en fixant Gwendys. Il découvrit La Grande Prêtresse* et en énonça le titre. « J'vous rassure 'de suite, c'est symbolique, ça a pas forcément un lien avec la religion. En fait, elle veut dire que z'êtes quelqu'un avec un jugement sûr, et une bonne intuition. Ça évoque aussi quelque chose en préparation, en gestation... Je dirais que vous êtes en apprentissage et que vous y mettez force et ambition. Vous êtes déterminée, vous aurez des connaissances qui ont un certain pouvoir sur les aut'. » Passant à l'arcane suivante, le serf craignit quelque peu ce qu'il allait découvrir. Il annonça : « Voilà la carte qui va évoquer la question ou la thématique qui vous occupe. » Sa main retourna le Diable – renversé. Sur le bout de carton apparaissait une grande figure cornue. Elle se tenait entre deux petits faunes, par lui séparés – et pourtant attachés l'un à l'autre par un genre de cordon. « Le Diable. Aussi appelé ''le Diviseur''. Hm... » Thracy croyait bien deviner le sujet qui avait préoccupé Gwendys et que semblait avoir pressenti sa jumelle en affirmant, cherchant à la rassurer, qu'elles ne seraient pas séparées. D'ailleurs, ce tirage se plaçait sous le signe du chiffre deux : c'était ce numéro qui se trouvait inscrit en bâtons sur l'arcane de la Grande Prêtresse – et voilà qu'il réapparaissait via le tandem de faunes aux côtés du démon. « Quand cette carte est tirée comme ça, la tête vers l'bas, elle met l'doigt sur des sentiments négatifs ou... la dépendance affective. C't'aussi la question d'une rupture qui est pointée, d'une séparation. » Avançant vers la troisième lame, non sans un regard légèrement baissé et timide devant le sujet sur lequel était guettée une réponse, Thracy révéla l'Impératrice. « Oh ! » lâcha-t-il, devant cette figure déjà sortie lors de la lecture pour Grayce. Hasard ? Sans doute pas. « C'est une femme de pouvoir, une femme active et de relations. Qu'est déjà intervenue dans l'tirage pour vot' sœur. C'est sûrement pas anodin si vous voulez mon avis. » fit-il en glissant un regard vers la concernée. « Et si... c'était autour d'cette personne-là que va se jouer vot' proximité qui pourra continuer... ou au contraire vot' éloignement ? » Le serf ne pouvait encore trancher pour l'une des deux réponses. Et puis cette carte, elle, était marquée d'un trois : tels deux bâtons – à nouveau ce numéro ! – et un dernier au milieu d'eux... pour d'autant mieux les unir ou au contraire les diviser, ainsi placé entre. Thracy inspira, se dirigea vers la dernière arcane – suspendu comme rarement il l'avait été à ce qu'il allait y voir. Et ce fut, en la retournant : « Le deux de coupes. Les coupes, c'est la famille de cartes qui parle des émotions, des sentiments, du domaine affectif au sens large. Et qu'est aussi lié à l'élément de l'eau. » Cette carte était très harmonieuse, avec une agréable symétrie entre les deux calices dessinés, la présence d'un couple de poissons, ainsi que d'herbes aux ondulations tranquilles venant se nouer autour des deux coupes comme pour les garder ensemble. Le tout ressemblait quelque peu à un arbre... proche de celui qui évoquait souvent les généalogies. Signe que Thracy estima positif. « Je crois que c'est un bon présage. Avec cette carte, ce sont des sentiments partagés et surtout, un duo réussi, proche, et qui le reste. Ce tronc, ces feuilles, je dirais que ça confirme que c'est vot' amour filial qui va réussir à s'tenir quoi qu'il arrive dans vos vies. »

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* P'tite note : Généralement cette carte s'appelle "La Papesse", mais parfois, plus rarement, "La Grande prêtresse". J'ai opté pour cette seconde option dans l'univers non chrétien de GoT L'art pour tromper l'ennuie (Feat Thracy) - Page 2 2069860368

L'art pour tromper l'ennuie (Feat Thracy) - Page 2 2069860368

# Ven 12 Juin - 23:13

Le souffle de ma sœur, ses mains dans les miennes ou autour de moi, toute sa présence me rassurait, apaisait la tension qui m’avait saisie lorsque j’avais réalisé ma question pour les cartes. Et ses paroles dites dans un souffle, tranquillisaient mon esprit. Tout comme je savais tout d’elle, elle savait tout de moi, et devinait toujours ce qui me tracassait. Enfin, je déposais la dernière carte devant moi, et avalais difficilement ma salive avec un regard inquiet vers le jeune serf. Lui aussi avait l’air grave, lèvres pincées comme s’il était inquiet. Cela ne me disait rien qui vaille, et je commençais à me demander si c’était vraiment une bonne idée cette histoire de cartes. Il semblait tellement sérieux que je commençais à me dire qu’il fallait peut-être croire à plus qu’un simple jeu de cartes…

Heureusement, le jeune homme détendit très vite l’atmosphère en blaguant sur les voiles et les médailles de diseuses de bonne aventure, ce qui me tira un sourire amusé. Bientôt, la première carte fut révélée, et je me reconcentrais. La grande prêtresse, voilà une carte énigmatique. Ma jumelle ne l’avait pas tirée, et j’écoutais attentivement le serf. Jugement sûr, bonne intuition. Oui, on pouvait dire cela de moi, mais aussi de Grayce. Quoi que son jugement soit probablement un peu altéré lorsqu’elle était en présence de Snöfrid. Mais ça ne serait pas moi qui le lui apprendrais. Quelque chose en préparation, comme un apprentissage, des connaissances qui me donneraient un pouvoir sur les autres ? J’y comprenais mon amour pour les soins et les plantes, mais de là à avoir un pouvoir sur les autres…Cette première carte me laissait déjà perplexe. Je jetais un œil intrigué à ma sœur, mais déjà l’homme continuait en dévoilant la deuxième carte.

Je blêmis en voyant que ce qui selon lui corespondait à ma question se révélait être le Diable. N’était-ce pas inquiétant ? D’autant que son deuxième nom était « le diviseur ». J’avalais difficilement ma salive, m’imaginant déjà mariée à un inconnu que j’imaginais loin de ma sœur, sur le continent même. Ma mine grave s’accentua lorsque Thracy me dévoila la signification de la lame. Dépendance affective, rupture et séparation. Tout ce que je redoutais, en somme. Je m’interdis de pleurer, et un feu farouche s’alluma dans mes yeux. Si c’était ce que le destin nous annonçait, alors je le combattrais aussi longtemps qu’il le faudrait ! Rien ne pourrait me séparer de ma sœur, si ce n’est la mort elle-même.

La carte suivante, droite cette fois-ci, ne m’était pas inconnue. Grayce avait eu la même !

- Est-ce que…ça représente Grayce ou moi ? Ou peut-être que ce n’est pas si spécifique…

Le rapprochement, ou l’éloignement, avec une figure féminine. J’espère juste que ça n’a pas de rapport avec les mœurs de ma sœur jumelle, parce que je suis loin de les partager. Le tout reste très énigmatique, et je suis suspendue aux lèvres du devin. Les trois premières cartes étaient trop justes pour être une coïncidence, et je meurs de ne pas encore avoir la signification de la dernière. Et pourtant, lorsqu’il la retourne, c’est la plus mystérieuse des quatre. Le deux de coupes d’après lui. J’apprécie son interprétation, elle me tire un grand sourire et je regarde ma sœur avec les yeux brillants de joie. Alors nous ne serons pas séparées finalement !

- Merci Thracy pour cette lecture intéressante !

Je lui souris, sincère. Si auparavant je prenais son jeu pour un simple charlatanisme autour de cartes doublé d’une grande observation, maintenant, je le crois vraiment.

Date d'inscription : 29/07/2019

# Sam 13 Juin - 9:28

L'art pour tromper l'ennuie

Ma sœur était plus tendue que la corde d’un arc ou d’une arbalète. J’avais l’impression qu’elle allait arrêter de respirer au moindre évènement que le petit vagabond allait nous sortir. J’avais aussi de l’inquiétude pour elle, mais ce n’était… Le tirage pour moi avait été plus que troublant, je devrais en parler à ma sœur, le petit devrait garder sa langue pendant toute sa vie à mon sujet. Sinon… Je ne tenais pas à ce que cela arrive aux oreilles de mon père, je tenais à ma tête. Et à ma liberté autant que possible. Enfin, j’eus un petit sourire à la remarque de Thracy. Il avait de l’humour, c’était toujours bien également, j’imaginais qu’il fallait pour survivre ou un truc du genre ? Je ne savais pas.

Je baissai la tête sur les cartes, cramponnée aux mains de ma jumelle. La grande prêtresse ? Je me mordis les joues en écoutant sagement. Ce n’était pas si… Je ne savais pas, oui ma sœur était avide de connaissance médicale, ça c’était sûr. C’était pour l’instant une bonne carte non ? Déterminée… Ça ma Gwendys elle l’était ! Le diable ? Le Diviseur ? Je glissais un regard à ma sœur avant de souffler :

« Diviseur ? Ça s’me rappelle Père. »

Et sa sale manie de vouloir nous séparer pour un oui ou un non. Enfin, je me concentrais à nouveau sur le tirage de ma sœur. Dépendance affective ? Rupture ?! NON ! Or que question que Gwendys et moi soyons séparées ! Non et non ! Et le petit retira une carte que j’avais déjà vu pour mon tirage à moi. Lié avec moi ? On avait besoin l’une de l’autre, on partageait beaucoup de choses et une forte complicité, mais parce qu’on était jumelles et que je l’aimais de tout mon cœur. Encore un deux ? De ce que je voyais c’était qu’il y avait des deux de partout sur les cartes. Éléments de l’eau ? Peut-être qu’elle pourrait partir avec moi et Snöfrid ? Je la sentis se détendre entre mes bras. Je lui souris.

« C’est un bon tirage j’trouves. Tu pourrais p’tre partir avec moi sur les bateaux, non ? On à toujours besoin d’gens qui savent soigner sur l’bateau. »

Je souris avant de voir une silhouette se dresser à la table de notre famille.

« Gwen ? J’crois qu’on d’vrait retourner à table. Père il nous cherche. »

Et s’il nous attrapait, on était mal. Je souris à Thacy avant de me lever tranquillement. Je lui souris.

« Merci pour l’tirage Thracy, j’reviendrais t’voir pour ta nouvelle chaise. »

J’inclinais la tête vers lui. Et nous on avait intérêt à se dépêcher.

Codage par Libella sur Graphiorum

# Mer 24 Juin - 13:03

L'art pour tromper l'ennui ¤ Ft. @Grayce Bonfrère et @Gwendys Bonfrère

An 302, lune 6, semaine 3

Un court instant, il sembla à Thracy que Gwendys elle même regrettait déjà cette demande de séance divinatoire. La déglutition et la tension de la jeune femme n'étaient guère de bons signes. Dans ce genre de moments, le jeune serf lui-même aurait préféré croire que ce n'était là qu'un jeu sans conséquences. Et s'en convaincre. Néanmoins, trop de signes sérieux lui avaient déjà surgi sous les doigts lors de ces pratiques pour qu'à présent il soit dans le déni de son don... Au moins, sa petite boutade détendit l'ambiance et la lecture des arcanes s'ouvrit.

Gwendys écouta avec attention - mais non sans un fond de perplexité logé au creux de ses sourcils - les explications de Thracy quant à la figure qui venait la représenter. Elle ne dit rien cependant : le garçon ne saurait pas quel point la laissait sceptique. Peut-être la description de ses centres d'intérêt, ou l'influence qu'ils pouvaient avoir sur autrui dès que la demoiselle Bonfrère y serait pleinement initiée ?
La pâleur de Gwendys peina Thracy tandis que se révélait l'arcane du "Diviseur". Oh comme il détestait ces moments où il avait des choses peu sympathiques à annoncer à la personne en face de lui ! Il en parut gêné, rentra la tête dans ses épaules comme en posture d'excuses - et s'empressa de passer à la carte suivante. Il savait à présent qu'il avait visé un point douloureux pour les jumelles. Que ce serait question de leur lien dans l'avenir. Lui-même se trouva alors aussi tendu qu'elles, vibrant du soucis de leur apporter une réponse qu'il souhaitait rassurante. La petite remarque de Grayce au passage, qui voyait leur père sous les traits de ce Diable Diviseur, tira un plissement de lèvres crispé à l'infirme. Il ne sut dire si l'image était drôle ou effrayante... En tout les cas, il lui apparut que si effectivement leur père venait à connaître les orientations amoureuses de Grayce, cela pourrait être terrible et il n'y aurait sûrement pas de quoi rire. Du reste, ce père était-il de nature à imposer des embûches aux jumelles ? Il guetta la carte suivante autant que les deux jeunes femmes pour plus de précisions.
"L'Impératrice" revenait. Décidément ! A la question de Gwendys, le garçon suivit son intuition et répondit sans trop d'hésitation ce qui lui apparaissait : « Je crois qu'c'est ni vous ni Grayce. Mais la figure... la figure autour de qui va s'jouer vot' avenir à vous deux. » Celle qui allait donc les conserver unies ainsi qu'elles le souhaitaient... ou les séparer... Thracy se garda bien d'ajouter cette précision, d'autant que la réponse viendrait sous peu. « C'est une femme. Quelqu'un d'influent sur les Îles. Ce que chacune de vous sait faire, elle sera engagée à l'faire auprès d'elle. » A peine venait-il de préciser cela que Grayce justement amenait à sa sœur l'idée de s'engager sur un navire en tant que soignante. Et si leur avenir était là ? L'ensemble formait une dessein loin d'être incohérent ! Là encore, toutefois, l'invalide se garda bien de préciser que cette Impératrice représentait aussi la femme qui aurait le cœur de Grayce. La division se trouverait-elle là ? Ou bien les jumelles resteraient tout de même autour unies, même avec cette figure... ou plutôt grâce à elle ?

Et enfin la tension retomba d'un coup avec le dévoilement de la dernière arcane ! Cette harmonie sur le dessin, l'équilibre d'un arbre comme ceux des généalogies, ces deux poissons, ainsi que la parfaite symétrie : la carte semblait bien pointer le lien qui resterait toujours aussi fort entre les deux sœurs. Cette femme de la carte précédente allait donc bien les tenir unies plutôt que de les diviser... et ce malgré les sentiments de Grayce pour elle. Thracy ne put que partager le sourire de Gwendys et senti toute sa pression s'évaporer. Il s'en redressa d'un coup, mine radieuse, et s'étira comme après un effort prolongé dans ses muscles. Être le porteur de mauvaises nouvelle, le jeune serf détestait cela et quand ce genre de tirages arrivait, il ne savait jamais où se mettre, restait crispé, peinait même à trouver parfois quoi dire. Tel ne fut pas le cas en ce jour.

« Oh mais j'vous en prie ! C't'ait un plaisir ! » répondit-il aussitôt, enjoué, tandis que Grayce et Gwendys le remerciaient. « Oh oui, j'ai hâte ! » s'enjoua-t-il dans la foulée, à la promesse que lui renouvelait la charpentière quant à l'amélioration de sa petite chariote.
Puisqu'elles devaient s'en retourner auprès de leur famille, Thracy les salua en retour. « A bientôt ! » Lui-même s'empressa de retourner à son travail : il y avait de nombreuses assiettes à rassembler et à aller laver en cuisines. Le serf retourna sans attendre à ses besognes, l'esprit encore tout occupé néanmoins par ses récentes découvertes. Ce qui s'annonçait pour les sœurs Bonfrère serait aussi passionnant... que tendu et avec son lot de secrets entre femmes.

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