Lost medias and lost memories [Avec Boadicée Sand]

Lors de chaque conversation, j’avais l’impression de me tenir sur les bords d’un précipice, un précipice qui aurait dû être une montagne de souvenirs, ou un coffret. À sa place, juste un puits obscur et sans fond dans lequel l’absence semblait me regarder et me narguer, comme pour me dire « Je sais tout ce que tu ne sauras pas. ». J’aurais beau tomber encore et encore, tant que ce gouffre n’aurait pas accepté de recracher mes souvenirs je ne pourrais rien faire. Je luttais de tout mon être pour maintenir une certaine cohérence dans mes actions, dans ma manière de faire… Je faisais tout mon possible pour réussir à parler à la princesse… Je me mordis les lèvres un instant avant d’essayer de répondre à la princesse. Qui pouvait savoir que je n’avais plus de mémoire ? Edwyn. Edwyn. Edwyn c’était sûr. Quant à d’autres personnes… Je ne pouvais pas être sûre.

Thalya semblait être d’accord : Edwyn, c’était Edwyn. Il savait tout de moi. Alors… qui d’autre… qui d’autre aurait pût savoir ? Je ne pouvais pas le savoir… Est-ce que c’était possible ? Que j’en ai parlé à d’autre ? Mais j’expliquai comment je faisais pour survivre, pour me souvenir de manger. Boire ça va, il faisait assez chaud à Dorne pour que je pense à le faire régulièrement. Je triturai machinalement mes doigts pendant la conversation. J’en avais besoin pour essayer de canaliser mon esprit et essayer de maintenir quelques vagues souvenirs de la conversation. Poursuivre l’écriture des carnets… Je ne pouvais faire que ça après tout. Essayer de marquer pour savoir ce que je faisais de ma vie… C’était d’un… pitoyable… Je savais que cela ne durerait pas… Mais j’avais l’impression que chaque journée était plus longue que la précédente. Veiller sur moi… Est-ce que je m’en souviendrais en passant le pas de la porte.

« Je crois, que cela sera une perte de temps énorme altesse, de veiller sur moi. »

Et que cela n’éveille des soupçons… Mais c’était un autre détail. C’était bien pour ça que je vivais presque exclusivement à l’extérieur de la cité avec Seralyon. Au moins on ne me posait pas de question. C’était déjà ça… Mais, peut-être que son époux savait aussi pour ma mémoire flanchant… Cela ne semblait pas idiot, quand je pensais à lui, je n’avais ni son visage, ni son nom, mais j’avais une affection latente au creux de mon cœur. Alors, c’était que nous devions être proches…

Information qu’elle me confirma. Au moins pouvais-je me fier à mes sentiments sur les gens… C’était déjà cela. Lui demander pour moi… Mais s’il venait me parler ? S’il venait poser des questions ? J’hésitais avant d’ouvrir la main pour… Qu’est-ce qu’il y avait à l’intérieur ? Des noyaux de dattes ? J’avais mangé des dattes ? Il y en avait sur la table alors… cela ne serait pas si étonnant que ça… J’aimais bien les dattes, je crois. La question…

« Je… si vous le souhaitez vous pouvez voir avec lui. Mais j’ignore si cela sera utile. »

Elle… Il me semblait qu’elle avait parlé de veiller sur moi.

« Vous… voulez veiller sur moi… Je crois que vous l’avez dit, est-ce que vous avez une idée sur comment vous y prendre ? Je crois qu’il ne faut pas… que quelqu’un me suive. Je passe beaucoup de temps avec Seralyon et elle a mauvais caractère. Je ne sais pas si elle aimerait que quelqu’un me suive. »

Surtout si je ne savais pas qui il était.

Talya était une femme occupée, elle ne pouvait le nier. Elle trouverait le temps, cependant. Boadicée ne pouvait peut-être pas s’en rendre compte dans son état mais elle était précieuse pour Dorne. Dans un monde où les dragons s’éveillaient, les personnes qui se liaient à eux gagnaient un prestige tout particulier et devaient se protéger de toute une foule de menaces plus insidieuses les unes que les autres. Le pouvoir appelait le pouvoir et le dragon en était un des plus importants. Il n’en avait fallu que trois pour conquérir la majorité de Westeros, il n’en faudrait qu’un entre de mauvaises mains pour détruire bien des choses. Boadicée ne pouvait se protéger entièrement par elle-même. Dès lors, Talya se devait de le faire pour elle, que cela soit par compassion ou à cause de sa propre situation, bien similaire à celle de la Sand. Lorsqu’elle retrouverait sa lucidité, si toutefois cela pouvait se produire, Boadicée comprendrait.


« Je ne le pense pas. répondit simplement Talya, avec douceur. Vous avez veillé sur ma tante Ellaria avec une grande diligence. Ne voyez pas cela comme une charge mais comme un remerciement. Vous n’êtes pas la première personne à qui je porte secours. »


Et ce, sans que personne ne s’en aperçoive. Talya avait pour elle cette réputation fantasque qui faisait que ses faits et gestes intriguaient un temps avant de passer inaperçus. Elle ne comptait pas faire suivre Boadicée en toutes circonstances, non. Cela ne manquerait pas d’attirer ses soupçons. Mais qui s’étonnerait de la voir passer du temps avec elle si elle laissait entendre qu’elle s’intéressait à Seralyon ? Ou au fait qu’elle lui donne une occupation en l’absence de Lady Ellaria ? Bien peu de monde en définitive. Et si des doutes lui venaient, elle avait pour elles quelques serviteurs et servantes attachés à sa personne et qu’elle avait choisi avec grand soin.


« J’y réfléchirais plus en détails, dans ce cas. répondit Talya, rendue songeuse suite aux propos de la Sand concernant son époux. Pour le reste, vous m’aviez parlé de plusieurs carnets que vous possédez. Pensez-vous pouvoir en tenir un de plus, dédié à nos rencontres si je vous en offrais un ? Je pense qu’il serait bon que nous nous croisions plus souvent. Je ne peux décemment pas laisser une personne sans affectation à Lancehélion. Talya avait haussé légèrement la voix à la suite de cette phrase, reprenant son timbre naturel. Dame Ellaria m’en voudrait si je ne prenais pas soin de vous en son absence, Boadicée. Il faudra que je m’entretienne avec l’intendance mais ils ne devraient pas voir d’inconvénients à ce que vous passiez me voir une fois par jour. Vous comprenez, il m’arrive de me déplacer souvent et en votre compagnie, je ne serais que plus apaisée. »


Ces propos s’adressaient aussi bien à Boadicée qu’à de possibles personnes qui auraient pu se trouver aux alentours. Pour le reste, il n’y avait rien de plus vrai. Boadicée resterait libre de ses mouvements et Talya ferait en sorte que si l’une de ses servantes devait la suivre, cela ne se ferait qu’entre les murs du Palais Vieux. Elle ne souhaitait pas mettre la vie d’une tierce personne en danger, surtout qu’elle-même n’avait encore jamais rencontré Seralyon.


« Je ne vous retiens pas plus longtemps, à moins que vous n’ayez quelque chose à ajouter, Boadicée. Talya conservait son ton égal, bien qu’un sourire malicieux ornait ses lèvres. Seralyon doit vous manquer et je m’en voudrais de vous tenir éloignée d’elle plus longtemps. Je vous ferais apporter quelques affaires sous peu, une fois que j’aurais arrangé votre situation. je compte sur vous pour tenir votre engagement envers ma personne, notre collaboration s’annonce fructueuse à mon sens. Je vous prie d’accepter  une fois de plus mes excuses de la part du Prince Oberyn et je saurais me montrer présente en l’attente de son retour.  »

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Boadicée devait avoir besoin de prendre un peu de repos, en plus de souhaiter de toute son âme de retrouver​ Seralyon. Plus encore au vu de l’état de sa mémoire. Il en allait de même pour elle et Nümia​. ​Dès lors, Talya considérait cet entretien terminé. Le choix revenait désormais à la Sand, donc elle ne s’offusquerait ni du départ, ni des possibles questions.