What is terrible is not to suffer or to die, but to die in vain

I’m not going anywhere

- Il faudra vous ménager, mon seigneur. Votre jambe va guérir mais cela prendra du temps. Beaucoup de temps.

- Je sais. Je sais…

Ashter n’avait quasiment rien vu du voyage de retour. Trop affaibli par sa blessure, trop souffrant pour être conscient, il se voyait désormais alité dans son lit, la jambe bandée, la douleur piquante. Il était enfin de retour à Bulwark et cela faisait du bien. Passant dans la cour dans un état pitoyable, il n’avait pas entendu les cris de joie des gens qui étaient heureux de retrouver leur seigneur malgré la défaite qui se lisait sur tous les visages. Il n’avait pas vu les regards de sa mère et de son épouse. Il n’avait pas fait attention à son jeune écuyer resté à son chevet quelques instants plus tôt. Alors que le mestre lui faisait ses recommandations, l’incitant à ne plus partir au combat dans les lunes à venir, l’incitant à se ménager dans les activités sollicitant sa jambe, Ashter ne pensait qu’à une chose, une personne : Melleah. Il interrompit donc Orderic pour qu’il aille quérir son épouse, qu’elle vienne immédiatement à son chevet. Il ne pouvait supporter être loin d’elle plus longtemps, pas après cette longue absence. Il se revoyait sur le navire, les flots se déchainant autour d’eux, les bateaux s’entrechoquant, le ciel se brisant. Puis, il revoyait la bataille de Bel Castel, celle qu’ils avaient perdu. Son regard s’échappa dans un coin de la pièce où étaient posées deux épées. Ce n’était pas n’importe quelles épées. Elles étaient magnifiquement et finement bien travaillées. Elles brillaient à nouveau. Quelqu’un avait du les nettoyer. Ashter soupçonnait Beren. Les deux épées étaient rares en ce monde et étaient forgées dans un métal plus que précieux. Jamais le seigneur des lieux n’aurait pensé que deux épées valyriennes trouveraient leur chemin jusqu’à Bulwark et pourtant, c’était le cas. À gauche, Dent-de-Lion, la sienne, celle qu’il avait trouvé il y a plusieurs années maintenant, signe d’un destin particulier. À droite, Lamentation, celle d’un ami, un cousin. C’est là que le souvenir lui revint violemment. Dans le tumulte de la retraite des troupes, Ashter n’avait pas compris tout ce qu’il s’était passé. Mais en arrivant sur le navire, il comprit que lord Darren Kenning avait été fait prisonnier et qu’il avait récupéré son épée sur le champ de bataille. Dès lors, les deux armes n’avaient plus quitté le jeune seigneur qui en avait pris grand soin. Son regard se porta ensuite sur la porte qui s’ouvrit de nouveau, laissant entrevoir lady Melleah, son épouse. Ashter se redressa avec difficulté afin de s’asseoir plus correctement. Affichant un faible sourire, il était si heureux de la voir, si heureux de la retrouver enfin. Il l’avait abandonné à nouveau, au pire moment de leur histoire mais voilà qu’il était de retour auprès d’elle. Ses mots l’atteignirent et l’émotion était palpable entre eux. Elle lui prit la main qu’elle baisa tendrement.

- Melleah…

Sa question ne se fit pas attendre. Il était certain que la jeune dame avait des questions et voulait des réponses. Les hommes étaient revenus dans un état pitoyable et beaucoup moins nombreux qu’au départ. Les visages étaient ternes, fermés, déconfis. La défaite se lisait dans leur regard. Il était temps de raconter ce qu’il s’était réellement passé. Ashter débuta donc son récit par le voyage en mer et l’arrivée près de Belle Île. La bataille navale qui se déroula près du port d’attache de Bel Castel fut une victoire, marquant la déroute de la flotte Farman qui avait perdu la moitié de ses forces. Mais tout n’était pas encore joué. Les armées débarquèrent sur terre, se positionnèrent face au fief des rebelles. Ashter ne détailla pas toutes les conversations, disputes et autres détails insignifiants pour sa dame. Cela n’était pas nécessaire. Tout ce qu’elle avait besoin de savoir était qu’ils avaient lamentablement perdu. Il confia néanmoins que la témérité de Leo Lefford avait causé en partie leur défaite face aux forces Farman rejointes par les forces Clifton. Pris en tenaille, les loyalistes avaient du se replier jusqu’aux navires. Les pertes étaient immenses. Reportant son regard sur l’épée de son ami, le seigneur de Bulwark annonça même à Melleah que lord Darren et lord Leo avaient été faits prisonniers. Quant à lui, il en était ressorti vivant et n’aurait de cesse de remercier le Guerrier et les prières qui lui ont été faites en son nom. Portant la main de son épouse à son visage, il l’attira à lui et l’embrassa tendrement, grimaçant quelque peu de douleurs lorsqu’il se releva pour atteindre ses lèvres.

- Vous m’avez tant manqué, Melleah.

Son regard était doux et se remplissait de larmes. Si à la bataille de Winterfell, il avait déjà cru mourir, il n’était pas le même à l’époque. Aujourd’hui, le temps avait passé. Il aimait son épouse plus que tout. Ils avaient eu une fille ensemble. Ils avaient vécu des choses. De bonnes choses. De mauvaises choses. Il ne voulait pas perdre ce qu’il se construisait entre eux. Il ne voulait pas laisser derrière lui sa maison, sa famille, ses êtres chers qui comptaient énormément pour lui. Gardant cette proximité avec son épouse, il la regarda droit dans les yeux et lui fit part d’une décision qu’il venait de prendre et qu’il tiendrait.

- Plus jamais, je ne vous quitterai. Plus jamais, je ne partirai. Ma place est avec notre fille, notre famille… avec toi.

Il l’embrassa de nouveau tendrement et passionnément.