Fate (solo)

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Theon Greyjoy

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Theon regardait sa mère. Il n'avait jamais vraiment fait attention à la manière dont ses traits étaient marqués, bien plus marqué que ceux d'aucune femme de son âge, fer-née ou continentale. Il se souvenait de ce que lui avait dit Victarion, un jour qu'ils voguaient vers Essos pour aguerrir le jeune homme à l'art du pillage : Alannys Greyjoy avait soudainement vieillie le jour où ses fils lui avait été arrachée. Elle pleurait encore la mort de Rodrik lorsque commença le siège de Pyk qui vit Maron rejoindre son frère après de leurs ancêtres et la nouvelle venait à peine de l'atteindre lorsqu'on lui arracha son dernier fils pour le mettre dans un bateau en direction du Nord. Seule rescapée des ambitions de son conjoins, sa fille, Asha, qui deviendrait avec les années, le fils que Balon n'avait plus. Victarion était peut être un homme aigri, bourru et avec une conversation des plus discutable, mais c'était grâce à lui que Theon avait comprit ce qui s'était joué en son absence. Trop fier pour demander à Asha, trop déprécié pour le parler avec son père, c'était bien auprès de son oncle que le jeune Greyjoy en était redevenu un. Les aiguilles d'Alannys Greyjoy passaient et repassaient dans le tissu qu'elle brodait, un motif de seiche dorée sur une couverture noire, un présent pour l'enfant qu'Alana était en train de mettre au monde. Lorsque son épouse avait été forcée de s'aliter, le mestre avait confirmé son hypothèse : la princesse, avait-il dit, attend sans doute deux enfants, des jumeaux étaient la seule explication au tour de taille exceptionnel qu'elle arborait. Une hypothèse que la jeune Gwendys Bonfrère avait partagé : cadette d'une famille très nombreuses, elle en savait sans doute bien plus sur les enfants que son jeune âge ne le laissait paraitre.

Loren dormait dans un berceau aux côtés de la reine. Son petit crane s'était rapidement recouvert de longue mèches châtains, laissant Halena comme seule représentante de la blondeur des Volmark. Cette dernière regardait d'un air ennuyé son cadet, Qhored, jouer avec des figurines de bois. Sans doute devait-elle regretter l'époque où il n'y avait qu'elle mais Theon remerciait le Noyé de la faire taire : il n'y avait rien de pire à ses oreilles que les chamailleries de ses deux aînés, la petite voix perçante des enfants lui vrillant les tympans. « Quand tu fronce les sourcils ainsi, tu ressemble énormément à ton père. » finit par dire la reine, brisant le silence de la pièce et attirant le regard de son fils. S'il n'était pas une chose c'était bien comme son père, on le lui avait répété bien assez souvent : pas assez hargneux, pas assez autoritaire, pas assez Greyjoy finalement. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas songé à cela, longtemps que ne lui était pas revenu en mémoire le sobriquet de Plus Loup que Seiche, mais parfois il le ressentait encore. Comment pouvait-il montrer de quoi il était capable si on le le gardait à Pyk ? Comment montrer qu'il avait le sang d'un vrai fer-né si on ne le laissait pas quitter l'archipel pour le prouver ? « Tu es fâché parce que je t'ai dis que tu ne pouvais pas partir, c'est ça ? » soupira la vieille dame tout en déposant son ouvrage. « Ou prévoyais-tu d'aller ? A Winterfell, chez les Stark qui t'ont arraché à ton peuple et à ton destin ? » Ce ne fut pas la remarque qui surprit le plus Theon mais le ton. Un ton autoritaire, un ton qui trahissait l'agacement qu'elle ressentait à ce moment, et pourtant un ton qui ne permettait pas aux enfants de sortir de leurs jeux innocents. « Pas à Winterfell, je voulais juste rejoindre Asha et ... » Le froncement de sourcil de la reine le coupa dans son élan. Elle aussi allait-elle lui reprocher de trop vouloir ce que sa soeur avait ? D'envier sa position et sa réputation ? « Tu es un crétin. » assena-t-elle avec une force qu'il ne lui connaissait pas. « Si tu continues de courir après ta soeur, tu ne la rattrapera jamais ... » ajouta la reine avec un détachement qu'il trouva presque vexant. Elle reprit son ouvrage sur la table, et les allers et venues de son aiguille entre les mailles du tissu.

Theon réfléchit. Ce n'était pas totalement faux, songea-t-il, il courrait derrière ce que sa soeur possédait depuis son retour, il cherchait, en marchant dans son ombre, à se faire sa place au soleil sans jamais réussir à en apercevoir un rayon, toujours dissimulé par l'obscurité que les succès d'Asha. Il était Capitaine du Trésor ? Elle était responsable des Expéditions. Ils partaient traquer leur oncle, elle était celle qui avait mis fin à ses jours. Le silence s'installa doucement avant qu'il ne le brise, après de longues minutes. « L'Est. » finit-il par dire. La reine releva la tête, une surprise certaine dans le regard. Theon plongea ses yeux dans ceux de sa mère. « L'une des gamines Bonfrère, la jumelle de Gertrude ... » Alannys fronça les sourcils. « Gwendys. »  gronda-t-elle et il balaya sa remarque d'un geste de main. « La jumelle de Gwendys ... Elle veut partir à l'Est, elle le disait à son retour de Volantis. Les dragons de nos légendes sont comme Nagga, des envoyés du Dieu des Tornades, des enfants de la mer. Ceux comme Ygg viennent de l'Est. Si je veux en savoir plus, je dois aller à l'Est.» Puisqu'Asha semblait vouloir découvrir les contrées cachées à l'Ouest du monde connu, pourquoi ne pas aller à l'Est ? Pourquoi ne pas suivre les traces qu'Euron avait commencé à disperser à travers le monde ? Il restait peut être une personne humainement discutable mais Theon reconnaissait volontiers qu'il avait été un grand fer-né. 

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Ygg volait déjà haut ce matin, telle une ombre noire dans un ciel éternellement gris. La journée n'était pas particulièrement belle, mais c'était la météo habituelle des Iles de Fer, sa maison et tandis qu'il quittait le château, il tâchait d'en savourer la luminosité aveuglante autant que le vent traitre qui venait chatouiller ses oreilles. Comme une marque d'un nouveau départ, Theon avait coupé ses cheveux la veille, arguant que cela serait plus simple pour les lunes à venir, en pleine mer, loin du confort relatif de Pyk. Alannys lui avait embrasser la joue, commentant cette nouveauté capillaire en assurant que cela le vieillissait juste ce qu'il fallait pour lui donner l'air plus mur. Alana, elle, ne lui avait pas dit un mot. Elle ne lui parlait plus depuis le jour où elle l'avait surprit au lit avec Volka et il ne pouvait réellement l'en blâmer mais cela l'affectait bien plus qu'il ne voulait le dire. Depuis leur mariage, ils avait toujours regardé dans la même direction, mais depuis son retour de l'expédition contre Euron, leur couple semblait ne plus fonctionner. Si, cela fonctionnait, songea Theon à la vue des deux nourissons de quelques lunes que portaient des serves au service de la princesse, mais ils ne parvenaient plus à se comprendre. Il n'était plus le jeune homme qu'elle avait connu, plein de doute et dissimulant son manque de confiance derrière une arrogance provocatrice. Mais elle n'était plus celle qu'il avait rencontré. Ou plutôt, le masque de sa perfection fondait face à l'ambition dévorante qui transparaissait à présent. Il aimait Alana, il aimerait toujours Alana, mais rien ne serait jamais plus comme avant. Il ne voulait plus être une marionnette qu'elle baladait en fonction de ses intérêts et de sa vision des fer-nés. Il ne voulait plus être l'homme qui laissait tout pouvoir à sa femme. Bien sur, il savait qu'il exagérait, que la plupart des insulaires ignoraient l'impact qu'Alana avait eut dans son existence, dans la réhabilitation de son image. Mais il ne voulait pas que l'on pense qu'il ne voyait que par les Volmark et les Forgefer. Il voulait montrer de quoi il était capable et non mendier des soutiens auprès des grands noms des Iles. Le fer-prix, en un sens.

Un peu plus au large se dessinait l'ombre du navire de Gran Bonfrère, d'ici peu, ils disparaitraient à l'horizon dans un voyage possiblement sans retour, un voyage jusqu'aux confins du monde, une première pour le jeune prince qui laissait volontiers l'Ouest à sa soeur pour naviguer vers l'Est et espérer aller plus loin que Corlys Velaryon et les autres grands explorateurs dont il avait entendu parler enfant. Theon salua son père d'un signe de tête, embrassa sa mère en lui adressant un léger sourire tandis qu'elle retenait ses larmes. Asha lui présenta sa main, lui arrachant un vrai sourire. Il ignorait ce qu'elle pensait réellement de son départ, mais ce geste signifiait beaucoup pour lui et, sa propre main vint se poser contre le bras de sa soeur, leur deux peaux se rencontrant dans un geste de sincère camaraderie que l'on réservait, généralement, aux plus proches marins de sa connaissance. Il finit par quitter sa soeur pour passer devant son épouse. Droite telle une statue de marbre, Alana braqua sur lui un regard vide, froid, plein de la colère qu'elle avait pour lui. A ses côtés, Halena enlaça sa jambe alors qu'il passa sa main dans les cheveux châtains de Qhored. Il caressa la joue de Loren et laissa son regard se poser sur les deux petits derniers. Des jumeaux, comme suspecté. Joran et Lenysa, ils les avaient appelé, désireux d'offrir un prénom d'hommage à ces enfants sans pour autant verser dans le classique. « Je vous souhaite bon courage, mon époux. » finit par dire la née Volmark d'un ton si neutre qu'il se demanda si c'était réellement de sa bouche que les mots sortaient. Il lui adressa un signe de tête avant de lui répondre. « Puisse-t-Il prendre soin de vous et des enfants jusqu'à mon retour. » Ils avaient déjà parlé, un peu plus tôt dans la journée. La première fois depuis des jours, des semaines même. Il leur faudrait du temps pour passer l'éponge, songea Theon, mais son départ leur permettrait peut être de se reconstruire plus fort. Tel que le crédo fer-né le promettait.

Pyk n'était plus qu'une masse rocheuse informe lorsque Theon quitta l'ile du regard pour reprendre pied dans la réalité. Le bateau approchait doucement de celui des Bonfrère, Ygg planait autour d'eux et le prince posa ses yeux sur son équipage, sa nouvelle famille. Roryn, adossé contre un mur répétait il ne savait quel précepte de la foi, Dagmer houspillait quelques jeunes recrues sur la propreté du pont et, à ses côtés, Volka contemplait l'horizon. C'était là le voyage d'une vie, songeait-il, et il était plus qu'impatient de le vivre. 

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Il regarda Volka le foudroyer du regard avant de se lever et de quitter la taverne sous les rires de certains membres de l'équipage. Leur relation était chaotique oscillant entre moments plein de passion et disputes virulentes que la promiscuité d'un navire n'aidait pas à apaiser. Theon ne pouvait pas lui en vouloir, il savait que la jeune fille attendait certaines choses de lui, mais il avait bien assez d'engagement à honorer avec Alana et n'avait pas manqué de le lui dire. Non, il ne voulait pas la traiter comme son épouse à bord du navire, non, il ne voulait pas qu'on croit qu'il lui faisait un traitement de faveur. De la même manière qu'il avait bataillé pour obtenir ce qu'il avait, Volka devait gagner le respect de tous et elle ne l'aurait pas en étant simplement sa maitresse. Pourtant, tandis qu'il avait moqué son oeillade indignée alors qu'une prostituée venait l'aguicher en lui proposant de lui faire découvrir les magnificence de Volantis, il avait remarqué qu'elle n'allait pas bien. Il la trouvait bien pâle depuis peu et bien qu'elle lui assura que tout allait pour le mieux, l'agacement avait finit par éteindre la lueur d'inquiétude dans son regard : très bien, puisqu'elle voulait jouer les grandes, elle jouerait toute seule, avait-il pensé avant de plonger ses doigts entre les pans du fin tissus qui dissimulait les trésors de son engageante hôtesse. Cette dernière eut un piaillement amusée, gloussant comme une adolescente tandis qu'elle se laissait renverser sur ses genoux. C'était ainsi que Volka avait claquer sa pinte sur la table avant de leur fausser compagnie.

La passe était agréable mais guère exceptionnelle et Theon quitta la chambre de la jeune inconnue une fois son désir apaisé, bien décidé à poursuivre la soirée en arrachant quelques pièces à Gran Bonfrère. Ils jouaient aux cartes quand Roryn entra en trombe, ses boucles brunes plaqué par la sueur d'une course trop vive, le souffle court d'un effort qu'il n'avait pas l'habitude de faire. Theon lui adressa à peine un regard, considérant sa main qui lui assurait la victoire tandis que, de part et d'autre de la table, leurs soutiens respectifs criaient leur bonne humeur.  « Tu m'ennuies prêtre, que veux-tu ? » siffla le prince, agacé par la pression insistante de la main du protégé de son oncle. Roryn se pencha sur son oreille, ses mèches caressant la peau rugueuse de sa joue et lui souffla quelques mots. Il ne fallut que quelques secondes à Theon pour devenir livide, et, se tournant brutalement vers Roryn, chercher du regard la lueur de malice du prêtre qui lui indiquerait qu'il plaisantait. Son anxiété augmenta tandis qu'il ne percevait rien et, reportant son attention sur Gran, posa ses cartes face visible sur la table. « Bonfrère, ta soeur ... Elle est où ? » demanda-t-il d'une voix blanche.

Il n'était arrivé dans l'auberge où il logeait que quelques minutes avant Gwendys. Assez pour demeurer paralysé par la vision sanglante qui s'offrait à lui, sortant de sa torpeur lorsque la blonde le poussa pour se précipiter vers Volka. Ses oreilles bourdonnaient, étouffant les cris et les larmes de la fer-née tandis que ses narines étaient saturées de l'odeur métallique qui embaumait la pièce. Gwendys se tourna vers lui, mais il ne parvenait à l'entendre, ce ne fut que lorsqu'elle hurla son prénom qu'il fut prit d'un sursaut et hocha la tête alors qu'elle lui donnait quelques indication. Il se glissa derrière Volka, plaquant son corps secoué de tremblement contre son torse, rabattant les longues mèches brun roux sur sa propre épaule. Elle était enceinte. Elle était enceinte et il ne le savait même pas. Bien sur, il avait remarqué que son corps s'était légèrement enveloppé d'une couche moelleuse mais rien qui ressemblait aux grossesses d'Alana et à la proéminence abdominale que son épouse avait arboré plus d'une fois. Entre deux sanglots, Volka lui assura qu'elle même ne le savait pas tandis que Gwendys lui chuchotait des paroles rassurantes entre deux ordres réclamant de l'eau et des linges propres. Cela arrive, parfois, avait dit la blonde avant de plonger entre les cuisses de la navigatrice pour faire il ne voulait pas savoir quoi. Il n'avait jamais assisté à un accouchement : à Winterfell, il demeurait avec les enfants Stark pendant tout le travail de Lady Catelyn et à Pyk, il avait toujours été banni de sa chambre lors du labeur de son épouse. Le temps s'était comme suspendu tandis qu'il demeurait là, rassurant sa maitresse de sa présence, caressant ses bras, épongeant sa nuque. Pour autant, cela fut rapide et la Bonfrère lui expliqua que cela avait du commencer bien avant qu'elle n'appelle à l'aide, peut être même avant qu'elle s'en rende compte elle même. Le sourcil froncé de la blonde inquiétait Theon mais elle garda le silence, le laissant à son travail de soutient. « Je ne veux pas mourir, Theon. Je ne veux pas mourir. » sanglotait Volka lorsque ses contractions la laissait enfin parler. « Tu ne mourras pas, je te le promets ... » lui chuchota-t-il avant d'embrasser son front et de grimacer sous la pression de sa poigne sur lui alors qu'une nouvelle vague de douleur vint.

Aux cris de Volka finirent par se mêler ceux d'un bébé. Un petit garçon s'il en jugeait par ce qui pendouillait entre ses jambes. Un bébé plein de sang et de matière visqueuse, loin des nourissons propres qu'on lui avait toujours présenté. Haletante, Volka ferma les yeux quelques secondes et Theon la quitta pour rejoindre Gwendys qui nettoyait le bébé. « Elle ne survivra pas. » lui chuchota la blonde après avoir assuré d'une voix forte que l'enfant allait bien. « Elle a perdu trop de sang, elle est restée seule trop longtemps, je ... Je ne sais pas ... J'ignore comment ... » A mesure qu'elle parlait, la Bonfrère fut prise de quelques tremblements et Theon posa sa main sur la sienne, attirant son regard avant de lui offrir un hochement de tête. Elle le lui rendit avant qu'il ne retourne vers la jeune mère dont le teint blafard témoignait de l'état précaire dans lequel elle se trouvait. Elle tentait de regarder la petite table sur laquelle Gwendys langeait le petit mais n'avait réellement la force de se redresser poussant Theon à la soutenir dans ses bras. « C'est un garçon, Val', un beau petit garçon en bonne santé. » lui chuchota-t-elle la laissant lui offrir un sourire fatigué, répétant ses mots. Il sentait la fièvre sur sa peau, dans son regard, dans sa voix et cela lui brisait le coeur. « Un garçon, un petit prince ... » murmura-t-elle et il n'eut à coeur de la détromper. Bien qu'elle soit de noble lignée, l'enfant demeurait un bâtard, un fils illégitime qui porterait le nom de Pyke et non de Greyjoy. Si cela devait être ses derniers instants, il ne voulait pas qu'elle les passe dans les désarrois et la peur. « T'sais c'qu'on m'a dit ? Parait qu'Ygg adore voler au ras d'l'eau au coucher d'soleil, tu veux voir ça ? » Le regard bleuté de la jeune fille se posa sur les iris noires du prince et elle hocha la tête sans grande conviction. « Gwen' doit s'occuper du p'tit, mais on va voir Ygg et on r'viendra dès qu'il s'ra prêt, d'accord ? » Son dernier mot fut reprit en écho tandis qu'il l'enveloppait dans la couverture qui n'était pas souillée et qui était à portée de main. Puis il la souleva, la laissant s'accrocher à son cou tandis qu'il ajustait sa prise sous ses genoux. Elle n'était pas un poids plume, mais l'adrénaline lui donnait plus de force. Il quitta la chambre, laissant la jeune guérisseuse à ses propres émotions et traversant la pièce commune où régnait un silence de mort malgré le retour rapide des membres de l'équipage. Dagmer fit un pas vers eux mais le regard de Theon le dissuada d'en faire plus.

Ils s'étaient installés dans l'auberge la plus proche du port mais il retint malgré tout le soupire de soulagement lorsqu'enfin, il s'installa sur l'un des quais, les jambes dans le vide à quelques centimètre de l'eau. Face à eux, l'étendue s'était parée de orange alors que le soleil déclinait lentement à l'Ouest, vers chez eux. Serrant Volka contre lui, ils restèrent ainsi, contemplant le couchant aux bruit des mouettes et de l'eau claquant les coques de bateau. 

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Les hurlements résonnaient contre les murs gris du château. Roulé en boule, Theon se sentait trembler malgré la main féminine qui caressant ses boucles noires. Je ne dois pas avoir peur. Je ne dois pas avoir peur. Il se répétait cela en boucle tandis qu'il repassait dans son esprit la mine victorieuse de Maron, l'assurance évidente de Rodrik. Il aurait aimé avoir la même. Il rouvrit les yeux, sa vue était striée des longues mèches brune de la femme qui s'enroulait au dessus de lui. Une mère protégeant son petit. Le bras d'Alannys l'entourait, sa voix fredonnait une chanson sur un marin qui traversait milles océans avant de rentrer chez lui, le berçant doucement. Ses petites mains s'agrippaient à la robe grise de sa mère, ses poings se serrant dès qu'un choc le faisait sursauter. Sur les joues de la Harloi se dessinait encore les traces de ses larmes, pleurées lorsqu'on lui avait annoncé la mort de Maron à quelques mètres d'elle et son regard perdu dans le vague ne l'empêchait pas de serrer ses enfants contre elle. Ses enfants. Ce fut à ce moment que Theon perçut la présence d'Asha, ses cheveux en bataille d'un noir de jais, son regard braqué sur la porte, plus courageuse qu'il ne l'était lui. Autour d'eux, des sanglots rencontraient les tremblements de Theon, la peur régnait plus surement que Balon Greyjoy ne le ferait jamais. Et au milieu de ce groupe terrifié, Asha et sa petite dague, une détermination de fer dans le regard.  Il lui sembla qu'il fixait Asha depuis des heures lorsqu'elle se leva brusquement, se faufilant comme une anguille entre les jambes des gardes, s'évadant de la tour. S'il avait été un vrai fer-né, il l'aurait suivit. Mais il demeurait là, en chemise de nuit, tremblotant d'autant plus quand Alannys l'avait lâché pour courir après sa fille, retenue par les hommes qui gardaient la porte, le nom d'Asha résonnant désormais par dessus les chocs qui venait de l'extérieur.

Son esprit brumeux perdit le fil des heures mais soudainement, le prénom d'Asha fut remplacé par le sien. La voix brisée d'Alannys Harloi lui tirant un regard vers l'arrière, la vision de sa mère, retenue comme elle l'avait été après la fuit d'Asha s'imposant à lui. Theon, hurlait-elle. Theon, pleurait-elle entre deux non étouffés tandis qu'on le tirait par le bras, le forçant à trottiner derrière un homme en armure. Theon.

•••

« Theon ! » Il s'éveilla en sursaut tandis que Gwendys lui assénait une grande tape sur le torse. Hagard, le prince regarda autour de lui tandis que sa respiration haletante brisait le silence nocturne. Il faisait nuit mais le silence n'existait que dans son esprit. Les pleurs commencèrent alors à lui vriller les oreilles. Dans les bras de la blonde, Veron pleurait réclamant il-ne-savait quoi et, rapidement, la jeune femme lui colla le bébé dans les bras tandis qu'elle se leva pour s'activer de l'autre côté de la chambre. Gauche tant par son éveil soudain que par la présence d'un nourisson dans ses bras à cette heure avancé, il mit quelques minutes à se lever pour la rejoindre. « Il a faim ! Il pleure depuis dix bonnes minutes ... Il va réveiller tout le monde et toi tu pionce comme une buche. » La mauvaise humeur de la Bonfrère était compréhensible, songea-t-il quoi qu'un peu décontenancé par la familiarité soudaine de la guérisseuse à son endroit. Elever un enfant ensemble, ça a de quoi rapprocher, songea-t-il avec un humour sombre tandis qu'elle s'approchait de nouveau, une corne de vache percée à la main remplaçant le sein maternel. Le Greyjoy le prit, entreprenant de s'installer avec la papine pour nourrir son fils, découvrant jour après jour comment pallier à l'absence de Volka et assurer la survie de leur enfant. C'était Gwendys qui, encore une fois, venait à son secours, trouvant de quoi substituer la mère, ou une nourrice, par l'emploi d'une alimentation artificielle tout en lui assénant qu'elle ne s'occuperait pas, elle même, du petit Veron. C'était son fils, son problème avait-elle déclaré au lendemain des funérailles de Volka, et si elle acceptait de l'aider, elle refusait de jouer les femmes-sel pour autant.

Plus qu'Alana ne l'avait jamais fait, Gwendys se montrait autoritaire, le réveillant au milieu de la nuit, lui jetant des linges à la figure, ordonnant et conseillant. L'agacement des premiers jours avaient finit par laisser place à une reddition lasse tandis qu'il s'exécutait avec plus ou moins de bonne volonté. Encore aux prises de son cauchemar, Theon se demanda si son égoïsme n'était pas la cause de tous ces maux : la grossesse niée de Volka, son décès soudain et ce qui s'en était suivi. Il avait tenté de faire au mieux mais s'était refusé à renvoyé Veron sur les Iles, craignant qu'autant de jour de bateau ne soit difficile pour un sil jeune enfant, qu'une telle responsabilité ne pouvait échoir au messager qu'il avait envoyé à Pyk pour annoncer le décès de sa navigatrice, que la fureur d'Alana ne saurait accepter la présence des preuves de son adultère. Quand à ses parents ... Il repensa au désespoir d'Alannys le jour où Pyk était tombé face aux loyalistes. Alannys n'aurait jamais fait de mal à un enfant, mais elle se devait de soutenir la progéniture légitime de son fils. Il n'y avait que lui pour protéger son bâtard. « T'as vraiment un caractère de cochon. » souffla Theon une fois que Gwendys avait rejoint sa paillasse, le laissant seul avec son fils. « Un vrai Greyjoy. »dut-il reconnaitre avec une pointe d'humour mélancolique. Et alors que Veron s'agripait à la corne percée, Theon songea à leur départ d'ici quelques lunes. Il ne pouvait jouer les mères non plus et Veron avait besoin d'une femme pour s'occuper de lui ...

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Il n'avait jamais vu un marché aux esclaves. La plupart du temps, les fer-nés pillaient et ramenaient sur les iles les prises du raid sans distinction entre l'humain et la richesse. Le terme n'existait pas plus dans leur culture, préférant celui de serf dont le statut, bien que comparable, offrait cependant plus de droit aux personnes. Malgré sa servitude, ils demeuraient des hommes et des femmes, malgré l'appartenance, ils restaient toujours libre de se marier, libre d'avoir des enfants qui, eux, naitraient en homme libres. L'esclavage dépossédait l'humain de tout, y compris du peu de dignité dont les dieux l'avaient pourvu et quoi qu'il fut peut être hypocrite pour un fer-né de s'en offusquer, il se sentait mal à l'aise de déambuler dans ce marché. On y trouvait des gens de tout horizon, tout genre, tout âge : des rabatteurs vantaient les mérites de leurs esclaves tout droit venus de Volantis -sans doute une simple escale mais qui fleurait l'exotisme occidental pour une cité plus habitué aux métisses des iles d'été ou agnelets épargnés par les dotrakis. D'autre criait sur le savoir faire de leur combattant, garantissant le bon investissement pour quiconque choisissait de les envoyer dans les arènes de Meeren. Il eut un mouvement de recul quand un homme lui attrapa le bras pour lui proposer une jeune lhazaréenne qu'il promettait intacte contre une grosse somme d'argent. Le regard de Theon se perdit derrière lui, et son regard presque noir contempla la jeune fille dont les joues portait encore les rondeurs de l'enfance qui tremblotait derrière le vendeur. Quel enfer ... songea Theon. En d'autre circonstance, il aurait fait comme si ce marché n'existait pas et aurait poursuivis sa route mais Veron avait besoin d'une femme pour s'occuper de lui tout le temps et Gwendys lui avait bien fait comprendre que ce n'était pas son rôle. C'était Dagmer qui l'avait amené ici tandis que Roryn se rongeait nerveusement l'ongle du pouce en pestant contre la manière de faire qui n'avait rien du fer-prix sacré de leurs iles. Theon avait menacé de taper sur le jeune prêtre si fort qu'il n'aurait d'autre choix de manger liquide pour le restant de ses jours et Roryn s'était tut, marmonnant des mots incompréhensibles mais nettement moins audibles. Ils continuèrent à déambuler dans le marché, évitant les amas de monde enchérissant sur une cargaison fraiche ou les esclavagistes amenant leurs marchandises jusqu'au lieu de leur propre vente. Le malaise de Theon ne passait pas et pourtant, il se força à avancer jusqu'à ce que les paroles mielleuses d'un homme dont l'accent, typique de Volantis ne l'arrête dans sa course. Il affirmait agir sous le mandat de Nyessos Vhassar, éminent triarque de la cité qui, selon lui, n'offrait que des biens de qualité. « Que cherches-tu l'ami ? Quoi que tu désires, Moreo peut te l'obtenir. » Dagmer grogna de la familiarité. Ce n'était pas tant le tutoiement, sans doute vendeur par ici, que par l'étrange attitude qui forçait l'agacement de tous. Mais l'homme ne s'arrêta guère à la mine coléreuse de l'acolyte de son possible client et entreprit de lui vanter les mérites d'un jeune combattant qui ferait une épée-lige de qualité dès lors qu'il entendit le mot prince. « Je t'arrête tout de suite. » commença Theon avec un peu plus de patience, essayant de ne pas fixer les tatouages que le garçon en question portait sur le visage. « Je recherche plutôt une femme, pas trop jeune, débrouillarde et travailleuse. » Le visage de Moreo s'éclaira avant qu'un sourire lubrique ne viennent assombrir ses traits et, repoussant le combattant dans la ligne des esclaves installé telle une brochette attendant d'être grillé, tira le bras de quelques femme qui s'y trouvaient. Guère convaincu, Theon écouta le volontains lui vanter les mérites de la première, ancienne courtisane revendu par sa maison de plaisir en raison de son âge, peu propice à attirer le client, puis de la seconde dont la poitrine avantageuse compensait l'enfant qui était encore dans son ventre mais dont, bon commerçant, il faisait cadeau si le fer-né posait son dévolu sur elle. Il continua avec une troisième, une quatrième mais les volutes noirs dessinés sur la peau le mettait constamment mal à l'aise. « N'en a tu aucune qui n'est pas ... Marquée ? La où je vais je n'ai pas envie qu'on connaissent sa condition. » Moreo, tout sourire jusque là, s'assombrit quelques peu tandis qu'il réfléchissait. « Et bien ... J'en ai une que j'ai reçu ce matin. Une naathie qui a été revendue par la veuve de son maître après son trépas. Je pensais la vendre à un bordel de Lys mais ... » Tapotant les ventres et hanches des femmes refusées par le prince, l'esclavagiste entra dans sa petite tente et l'insulaire entendit un cri avant qu'il n'en ressorte, trainant derrière lui une jeune fille.

« Voilà Nyeni, elle est obéissante et sait s'occuper d'une maison mais je ne vous garanti rien sur ses talents au lit. Son ancienne maitresse la revendue pour combler les dettes que son mari lui a laissé mais si j'étais vous, j'me méfierai : elle a survécu à trois propriétaires, j'sais pas ce qu'elle leur fait ... Mais c'est la seule que j'vais avoir et qui est pas marquée. » Elle était jolie malgré la faim évidente et la précarité de sa situation. Ses cheveux étaient sombre mais, sans doute trop touchés par le soleil, prenaient une teinte légèrement flamboyante à la lumière, ajoutant du bronze à sa peau cuivrée. Ses yeux, était d'un noir profond parsemé de paillettes d'or qui, quoi que fatigués, pétillaient d'une rancoeur tenace envers Moreo. Ce dernier proposa à Theon de tâter la marchandise mais plutôt que de glisser ses mains contre les formes amaigrie de la jeune fille, de vérifier ses dents ou l'état de sa nuque, Theon se contenta de lui relever le menton d'un doigt, plongeant son regard dans celui de la pauvre esclave. Il semblait la sonder et resta ainsi quelques minutes avant de la lâcher et d'hocher la tête.

Elle le suivait en silence, rigide comme un bout de bois, tenant dans ses mains les lambeaux de ce qui avait du être une robe, la mine baissée que le collier noir de cuir, trahissant son statut, meurtrissait par moment. Quand il s'arrêtait, elle s'arrêtait, quand il reprenait, elle adaptait son pas allant jusqu'à trottiner lorsqu'elle ne pouvait plus suivre le rythme. Ils arrivèrent à l'auberge bien assez vite et sans grande surprise cette dernière était vide de ses camarades insulaires : tous avaient bien des occupations en journée et si les plans de Theon n'avait pas été de trouver Nyeni, sans doute aurait-il grimpé sur le dos d'Ygg pour poursuivre son exploration de la région. Ils grimpèrent dans la chambre qu'occupait le prince et ce dernier ferma la porte derrière eux. « Déshabille toi. » ordonna Theon avant de glisser le nez dans une malle, visiblement à la recherche de quelques chose. Il n'entendit pas le halètement paniqué de la jeune fille, continuant de fouiller entre les tissus et morceaux de parchemin. Puis il s'arrêta, se redressant avec un amas de vêtements dans les bras et se retourna pour constater, avec horreur, que Nyeni s'était allongée, nue, sur le lit, les yeux fermés et la mine crispée tandis qu'elle récitait quelque chose dans une langue qu'il ne connaissait pas. « Non mais ... Pas pour ça ! » dit-il à demi-outré, à demi-stupéfait en lui lançant la pile de tissus. « C'est sans doute un peu grand pour toi mais ce sera toujours mieux que des haillons ! » dit-il avant de se retourner pour faire le coffre, n'entendant que le bruit feutré de quelqu'un bougeant sur le lit, du coton glissant sur la peau.

La journée allait être longue.

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