Fate (solo)

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Theon Greyjoy

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Il était allongé dans son lit, la tête reposant sur l'un de ses avant-bras. A l'extérieur, la nuit était noire, mais les jours semblaient se rallonger ce qui n'était pas sans le réjouir : à mesure que la nuit tombait tôt, il avait le sentiment que son moral suivait, le plongeant dans une humeur maussade qui ne trouvait nul réconfort. Harren était muet, Snöfrid était recluse dans sa chambre, il évitait Volka comme la peste et il sentait l'agacement de l'inactivité monter au sein de son équipage. Prendre la mer, voilà ce dont ils avaient tous besoin. Mais il était là, encore en pleine réflexion lorsqu'Alana vint s'allonger à ses côtés. Sa grossesse n'était pas encore visible mais Theon était persuadé de percevoir un léger renflement qui révélait la présence de son enfant. Après lui avoir donné une fille et un fils, Alana semblait plus apaisée, plus épanouie par cette troisième grossesse et cela ne l'en rendait que plus radieuse. Il avait cessé son flirt avec Volka lorsqu'elle lui avait annoncé attendre un enfant à nouveau mais s'il ne pouvait dire que son intérêt pour la navigatrice s'était éteint, il était certain que celui que provoquait son épouse avait gagné en intensité. S'il était plus doux et prévenant lors de leurs étreintes charnelles, il ne parvenait à se repaitre de cette lumière qu'elle semblait dégager et se félicitait d'avoir été assez discret pour que nul mot de sa semi incartade ne soit venue à ses oreilles. Un toussotement le fit sursauter et il tourna la tête pour voir Alana, appuyée sur son coude, le regarder en fronçant les sourcils. « Tu ne m'écoutais pas ... » fit-elle remarquer en soupirant. Theon se redressa à son tour, refoulant l'envie de regarder la chute vertigineuse du décolleté de sa chemise de nuit pour se concentrer sur ce qu'elle lui avait dit. « Pardon. tu disais quoi ? » demanda-t-il alors en se rallongeant, attirant sa femme contre lui. « Que j'ignorais si je préférais un garçon ou une fille. » répéta la blonde dont le doigt dansait sur le torse du jeune homme. Il savait d'où venait l'hésitation. Le fait qu'il ait confié l'éducation de Qhored a Asha n'y était sans doute pas étranger, pas plus que ne devait l'être la conscience de la mortalité infantile sur les îles. Toutefois, elle n'avait pas caché qu'elle aurait aimé avoir d'autre filles, des petites princesses à élever en belles demoiselle, à qui organiser de beaux et avantageux mariages. « Mon père n'a eut que quatre enfants mais au sein de sa propre fratrie, ils étaient neuf garçons ! » rappela Theon. La blonde marmonna quelque chose qui le fit rire : il se doutait que cela avait à voir avec les mauvais choix et mauvaises maladie qui avait réduit cette fratrie à trois fils. Harlon, le premier fils, n'avait survécu à la léprose infantile qui l'avait atteint à un très jeune âge. Quenton, tout comme Donel, était mort dans l'enfance sans que Theon n'obtiennent plus d'information à ce propos. Son oncle Urri avait succombé des suites d'une infection lorsque son jeu avant Aeron avait connu un tour dramatique. Quand au petit Robin, seul enfant que son grand-père eut avec sa troisième épouse, conflanaise, il était maladif et disparut rapidement. De ses trois mariages, seuls quatre des fils que Lord Quellon avait eut, avaient survécu assez longtemps pour connaitre le règne de Balon. La mort récente d'Euron abaissant à nouveau ce chiffre.

Peut être étaient-ils maudits ? songea Theon alors que sa propre fratrie n'avait connu un sort plus enviable. S'il ne regrettait pas vraiment Rodrick et Maron, gardant le souvenir de deux adolescents cruels, il prenait conscience de combien son départ avait du être difficile pour sa mère, endeuillée de ses deux aînés en quelques lunes. La main du jeune homme se posa sur le ventre de son épouse. Fille ou garçon, il espérait juste que la naissance de ce troisième petit ne soit pas le début d'une nouvelle guerre au sein d'une fratrie. Si les choses s'étaient à peu près arrangées entre Asha et lui, il se sentait comme marchant sur un fil avec elle, guettant le moindre faux pas qui pourrait rompre, sans doute à tout jamais, le lien qu'ils avaient ensemble. Toutefois, ce n'était ce qu'il voulait. Pour autant qu'il eut désiré retrouvé sa place après son retour de Winterfell, il avait, pour Asha beaucoup d'affection. Elle était la dernière soeur qu'il avait, la seule qui connaissait le poids que l'on ressentait à être un enfant de Balon Greyjoy.  « Qu'est-ce qui te tracasse ? » finit-elle par demander tandis que la pensée du prince courrait hors de son contrôle. Il posa sur regard sombre sur elle. Que pouvait-il répondre à cela ? Qu'il s'inquiétait d'être toujours aussi impuissant alors même qu'il était lié à un dragon ? Que sa discussion avec Harren n'avait donné les résultats escomptés ? Qu'il craignait qu'Asha lui en veuille si elle apprenait que Snöfrid lui avait fait part de sa situation et de jusqu'où elle était prête à aller ? Il soupira et caressa ses longs cheveux blonds. Il s'était promis de ne plus être faible, il avait assuré que ses décisions au banquet et ailleurs l'aiderait à devenir le fer-né qu'il voulait être, il ne pouvait pas lui dire qu'il avait le sentiment d'avoir creusé sa propre tombe, par moment. Aussi étouffa-t-il un rire nerveux. « Rien. Je me disais jusque que, si c'était un garçon, l'appeler Harren risquait d'être ... une mauvaise idée. » Elle pouffa contre son épaule. « Tu y as songé sérieusement ? » lui demanda-t-elle alors. Il hocha la tête. Il aurait aimé rappeler tant son amitié pour le Kenning que celui qui avait été le dernier Roi avant son père. Mais il doutait que la référence au fer-né de Nuéclairs soit apprécié par ses cousins Harloi, ni même par Asha. « Theon ! C'est un infirme avec une case en moins. Sait-tu que son cousin pense pouvoir parler avec le Dieu des Tornades ? » Elle paraissant horrifiée et, hors du contexte, il aurait sans doute pu le comprendre. « Quelque chose me dit qu'Euron ne serait pas bien mieux acceuilli. »  dit-il sur un ton provocateur tandis qu'elle se redressait et lui donnait un coup sur l'épaule. « Pour la peine, je prierai le Noyé de nous donner une fille. » rétorqua--elle avec une moue boudeuse. Theon ricana, ne pouvant résister à la tentation. « Oh oui, une petite Gysla ... Ou une Asha, je ne parviens à me décider. » répondit-il d'une voix à la fois trainante et moqueuse. Elle poussa un râle d'agacement et se retourna, soufflant la bougie dans le mouvement, les plongeant dans le noir.

Dans l'obscurité et le silence, les gloussements de Theon s'achevèrent par un grognement tandis qu'elle frappait son tibia avec l'un de ses pieds.
 

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Theon Greyjoy

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Il délaçait ses bottes, encore dans ses pensées, tentant d'ignorer le regard pesant d'Alana sur lui. Depuis que sa grossesse l'empêchait de quitter la chambre -soit depuis qu'elle était trop grosse pour faire plus de quelques pas dans ce maudit chateau plein de marches- il vivait chaque retour dans ses appartement comme un interrogatoire. La jeune femme recevait de la visite, mais elle se languissait de ce qu'il se passait dehors, des nouvelles et de la vie tout simplement. Et il ne pouvait lui en vouloir. Cependant, une véritable tension apparaissait dès qu'il passait la porte, le faisant revenir de plus en plus tard le soir, procrastinant l'inévitable instant où le regard azur de la blonde viendrait sonder les tréfonds de son âme. Il ne se sentait pas le courage de lui en faire la remarque: ses humeurs étaient proportionnellement plus sensibles à mesure que son ventre l'immobilisait. Alana pestait contre les consignes : si elle se sentait plus fatiguée à mesure que l'enfant prenait de la place dans son corps, elle se sentait parfaitement capable de bouger. Cependant, ses deux précédentes grossesses s'étant soldé par un accouchement compliqué et un alitement de quelques lunes après la naissance, il avait été décidé que, pour son bien, elle devait se reposer autant que possible. Une décision médicale que Theon approuvait, se mettant alors à dos les humeurs changeantes de son épouse. « Si tes yeux pouvaient tuer, je serai déjà auprès du Noyé. » lui dit-il d'un ton las et moqueur. Alana soupira. Mauvais signe, songea le prince. Pourquoi n'avait-il pas proposer à Asha de boire un verre ? se demanda le prince avec ennui. Si cela continuait ainsi, il irait dormir sur son navire jusqu'à la naissance de l'enfant. Elle soupira une deuxième fois, l'agacement en moins. « L'on m'a dit que ton oncle était de retour à Pyk ? » ennonça-t-elle sans plus de détails. « Duquel de mes oncles parles-tu ? » plaisanta-t-il avant d'être foudroyé du regard par une Alana peu amusée par la blague. « Theon »  gronda-t-elle, posant ses mains sur l'arrondi de son ventre, ce dernier ressortant particulièrement tandis qu'elle était avachie dans l'un des fauteuils. Il soupira, ôtant l'une de ses bottes avec le pied opposé avant de s'attaquer à délasser la seconde. « En réalité, Aeron est arrivé hier soir, mais il ne s'est annoncé officiellement que ce matin. Je le soupçonne d'avoir voulu voir mon père seul avant de venir dire ce qu'il avait à dire. » dit-il d'une voix neutre. La présence du prêtre avait concentré tout la séance du conseil sur ce qu'il avait à raconter, preuve de l'importance accordé par son frère aîné à sa religieuse personne. Mais Theon peinait encore à prendre au sérieux les élucubrations mystiques du cadet Greyjoy. « Il dit que le Noyé lui a envoyé une vision. Quelque chose du genre ... Si tu veux mon avis, le jeûne et les noyades, c'est plus de son âge. » Railla-t-il avec un sourire narquois avant que sa conscience ne le rappelle à l'ordre avec le souvenir des ces lunes partagée. Sa conscience était, visiblement, parfaitement raccord avec Alana, constata-t-il en jetant un regard à la blonde.  « Qu'a-t-il dit ? Quel est le message du Noyé ? » demanda-t-elle, curieuse.

Theon secoua la tête. Il détestait l'idée qu'elle lui en veuille, mais s'il avait apprit une chose durant son pèlerinage, c'était de mettre de la distance entre les affaires du conseil et la curiosité de son épouse. Certes, Alana avait toujours été de bons conseils, mais dans son état, elle ne devait pas s'énerver et lui même ne savait quoi lui raconter tant le discours d'Aeron lui avait parut décousu. « Je dois en parler avec Asha d'abord. Je ne suis pas certain d'avoir tout compris. » répondit-il, expédiant sa seconde botte à l'autre bout de la pièce. Le regard de la née Volmark brulait de colère et Theon sentant la dispute venir. « Avec Asha ?! Suis-je donc devenue stupide en même temps que grosse ? » s'énerva-t-elle. « Tu m'avais promis de ne plus me faire de cachotterie Theon ! » Theon secoua à nouveau la tête, se levant du lit pour franchir les quelques pas qui le séparait de la blonde, s'agenouillant entre ses jambes pour caresser son ventre rebondi. « Je ne cache rien, Alana ... Je veux juste ... Prendre le temps de digérer l'information. Ce n'est pas comme si Pyk était la demeure du secret, tu le saura bien assez tôt, crois-moi. » lui dit-il, ses mains remontant le long des mollets de la princesse, massant le muscle de sa jambes avant de glisser sur ses cuisses, relevant, avec elles, les jupes de la jeune femme. La blonde hoqueta et ses sourcils, froncés par le silence dans lequel Theon s'enroulait, se détendirent sous la surprise. « Que fais-tu ? » lui demanda-t-elle, alors qu'il plantait son regard dans le sien tout en embrassant ses genoux. Elle gigota, mal à l'aise de frissonner alors que son esprit s'agaçait encore des chose qu'il refusait de lui dire. « Que crois-tu que je fasse ? » rétorqua-t-il d'un ton moqueur, poursuivant son ouvrage. « Je n'ai pas du tout envie de penser à Aeron ou à Asha là tout de suite. » conclu-t-il, retournant à ses explorations.

Lorsqu'il se laissa glisser sur le côté, plusieurs minutes plus tard, haletant, une main possessive glissant sur la hanche nue d'Alana, Theon songea qu'il venait peut être de trouver un moyen de la faire taire.
 

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Les dernières trente-six heures avaient été longues et éprouvantes, bien qu'il eut conscience de n'avoir à se faire qu'un sang d'encre jusqu'à ce que la nouvelle arrive enfin. Aux prémices de ce printemps encore jeune, Alana était entrée en travail, emplissant leurs appartements de ses cris. Comme lors deux fois précédentes, il avait été fermement mis à la porte par l'amas de femmes s'affairant autour de la princesse souffrante. Le mestre les avait rejointes lorsqu'il était devenu évident que l'enfant arriverai prochainement, c'est-à-dire plusieurs heures après qu'Alana se soit enfermée dans leur chambre. Telle une étrange tradition familiale, sa mère était venue chercher les petits tandis qu'il faisait envoyer un corbeau à Maron Volmark, l'annonçant de l'accouchement de sa soeur. Le chaos qui avait suivi l'entrée d'Alana dans la phase finale de sa grossesse n'avait duré qu'une heure à peine. Le reste du temps, il l'avait passé à faire les cents pas et à regretter l'absence d'Asha, partie quelques jours auparavant vers Lancehélion. C'était à travers cette absence qu'il mesurait combien elle avait canaliser ses doutes, ses pensées, ses craintes, lors de la naissance de Qhored. L'arrivée compliquée d'Halena avait jeté un froid dans le coeur de Theon et y avait fait naître une peur de voir son épouse mourir en donnant la vie. C'était dans ces instants où il était impuissant à lui venir en aide qu'il constatait l'importance qu'elle avait à ses yeux, et la crainte qu'il ressentait à envisager une existence sans elle. Il se refusait encore à le lui dire : d'autant plus que l'arrivée de Volka, l'omniprésence de Roryn et de ses chuchotements incessants, lui donnait encore plus la sensation d'être perdu dans ce qu'il pensait, jusqu'ici, certains. Plus rien ne l'était depuis qu'ils étaient revenus de leur chasse au Choucas. Plus rien ne semblait stable si ce n'est sa détermination à demeurer uniquement fidèle aux Greyjoy et aux Iles. Il ne pouvait encore être totalement insensible au nouvelles qu'ils avaient du continent, mais il se refusait à se détourner de sa voie et de la certitude qu'il lui fallait couper court avec cette vie qui avait été la sienne pendant près de la moitié de son existence. Aujourd'hui, il n'était plus Theon, pupille de Lord Eddard, otage malheureux d'une rébellion ratée, rêvant à son retour parmi les siens. Il était le prince Theon Greyjoy, capitaine du trésor insulaire, frère cadet de l'héritière du trône de fer, époux et père. Il n'avait pas encore réussit à intégrer Ygg dans sa vision de sa personne, se refusant à s'en dire propriétaire mais ne pouvant que constater que le dragon était trop petit pour supporter son poids.

Pris dans ses réflexions, c'était en recalculant ce que les bienfaits économiques d'une alliance commerciale avec Dorne leur apporterait, afin de préparer la suite qu'il avait finit par s'occuper l'esprit. Il avait retrouver sa mère et ses enfants pour le diner avant d'aller dormir sur son navire, cherchant à mettre le plus de distance possible entre lui et cette porte qui lui était interdite. Lorsqu'il revint au château le lendemain, on lui annonça l'avancée du travail de la princesse avant qu'il ne retourne à ses tâches en vue du prochain conseil royal. Volka et Dagmer étaient venus déjeuner avec lui, sondant son désir d'une expédition prochaine mais si Theon savait ce vers quoi il voulait naviguer, il ne pouvait en parler librement tant qu'il n'aurait pas l'autorisation de son royal géniteur. Le soleil se couchait à nouveau lorsqu'on vint le chercher, lui annonçant la bonne nouvelle. « La princesse Alana a donné naissance à un petit garçon en bonne santé. » déclara l'une des femmes qui l'avaient mis dehors la veille. Alannys Greyjoy prit son fils dans ses bras en poussant un petit cris ravi mais Balon, lui, ne bougea guère. Si la nouvelle le réjouissant, il savait très bien le cacher et Theon ne s'en offusqua pas : il accordait, intérieurement, plus d'importance à recouvrer la confiance de sa soeur qu'à obtenir la bénédiction de son père. L'homme n'avait jamais été très démonstratif, mais en public et après ce qui s'était passé au banquet, Theon supposait qu'il aurait le fond de sa pensée quand il reviendrait, en privé, lui présenter l'enfant.

Alana avait l'air épuisée bien qu'elle lui semblait moins mal en point qu'elle n'avait pu l'être les deux dernière fois. Ses longs cheveux blonds avaient été tressés en une large natte qui reposait sur son épaule. Propres et vêtue d'une chemise blanche, elle était allongée dans leur lit, regardant le nouveau-né qui reposait dans le creux de ses bras. « Theon ... » dit-elle à voix basse, en le voyant entrer. Il était rare qu'ils partagent ce genre de moment si tôt après la naissance, mais bien qu'on lui avait signalé qu'elle était fatigué, on lui avait permit de la voir, de voir l'enfant. Et il ne s'en était pas privé. « Viens. » ajouta-t-elle en chuchotant. « Viens voir ton fils. » Il s'approcha du lit, son regard fixé sur la petite chose emmailloté et immobile dans les bras de son époux. Tenir Halena avait été un choc pour lui : c'était son premier enfant, et il avait peur de lui faire mal. Tenir Qhored avait été une révélation : par lui se prolongeait la longue lignée des Greyjoy. Mais il lui sembla que le tout jeune bébé qui dormais contre le sein d'Alana était plus petit, plus fragile que ces aînés. « Il est si petit ... » constata le prince, arrachant à la blonde un léger rire. Elle hocha la tête face à son regard interrogatif avant de reporter son attention sur le garçon. Après quelques instants, elle lui proposa de le prendre et il accepta maladroitement tandis qu'elle déposait l'enfant contre lui, la main de Theon venant instinctivement soutenir la tête du bébé. A demi assis sur le lit, ses gestes plus sur que lors des deux premières fois, Theon songea à la personne qu'il avait été avant. Avant Alana. Avant de rentrer sur les Iles après dix années de pupillage. Avant de comprendre que cette femme qui venait le réclamer était sa soeur. Jamais il n'aurait pensé que les choses prendraient une telle tournure. Jamais il n'aurait pensé que leur mariage serait aussi prolifique. La tête d'Alana vint se poser contre son bras et ils demeurèrent ainsi, tous les trois, dans un silence qui fut brisé par le soupire heureux de la jeune mère. « Comment allons-nous l'appeler ? » demanda-t-elle, la fatigue perçant dans sa voix. Il eut un sourire en coin en se remémorant cette fois où il l'avait taquiné, si l'enfant était une fille, de l'appeler Asha. A vrai dire, il n'avait pas réellement songer à la question. Si les choses n'étaient pas si compliquées entre Harren Kenning et sa cousine, Snöfrid, sans doute aurait-il proposé Harren mais il avait le sentiment que ces temps sombre, cela pourrait être mal perçu. « Peut être Urras ? Comme mon père ... » proposa la jeune femme avant qu'il ne lui jette un regard horrifié. « Quoi ? » demanda-t-elle, surprise d'une réaction si vive, bien que silencieuse. Ce n'était pas que Theon n'appréciait pas sa belle-famille, mais il songeait aussi à la réaction des Greyjoy : comment son propre père accueillerait-il cet hommage ? Il songeait déjà aux remontrances de Roryn, comme quoi il se laissait encore diriger par sa femme, lorsqu'Alana lui répondit avec mauvaise humeur. « Tu sais quoi ? Oublies. » Il tacha de ne pas relever. Après un nouveau silence, preuve qu'il n'avait rien de particulier à proposer de son côté, elle reprit. « Tu te souviens de quand nous avons décidé du prénom de Qhored ? J'aimais l'image de ramener, dans la génération de nos enfants, des noms lourds en signification et qui tracerait une brillante destiné à nos enfants. » Il hocha la tête. Ils avaient choisis Qhored en hommage à son homonyme sévissant durant l'Âge des Héros : grand roi des Iles de Fer, il avait ravagé la côte Ouest du continent et imposé son autorité pendant plus de soixante-dix ans. Il la regarda du coin de l'oeil : était-ce une tentative de lui faire accepter Urras, en hommage à Urras Greyfer, premier grand roi des Iles. Contre toute attente, Alana n'ajouta rien de plus et ce fut lui, après un instant, qui brisa le silence. « Tu connais l'histoire du Vieux Calmar ? » demanda-t-il. Elle hocha la tête « Tu parle de Loren Greyjoy ? » Ce fut à son tour d'acquiescer. « Je ne suis pas un adepte des prénoms "hommage à mon parent mort, c'est le meilleur moyen de se retrouver un avec un nouveau Maron Greyjoy et ... Je ne suis pas certain d'apprécier le souvenir. » expliqua-t-il calmement. « Quand j'étais à Winterfell, mestre Luwin parlait surtout de l'histoire du continent : la création de la maison Lannister, la conquête des Targaryen, ... Mais parfois, il y avait des histoires relatives aux Iles. » C'était sans doute les leçons dont il était le plus friand. Il ignorait si Luwin les avait inclus dans son enseignement pour lui ou si c'était parce que ces hommes avaient été si intrinsèquement liés à l'histoire des Sept Couronnes qu'on ne pouvait les oublier. « Loren Greyjoy était l'un des premiers Grand Roi dont Luwin a parlé. Bien sur il y avait Urras Greyfer et Harag Chenu mais ... Loren Greyjoy c'était le premier Greyjoy dont il nous ai parlé. » Expliqua-t-il. Par la suite, il apprendrait l'histoire de Theon III ou de Balon V, mais ce Roi en particulier avait une place particulière dans sa mémoire.

La jeune femme sembla apprécier l'idée et lorsque, quelques heures plus tard, Theon la quitta pour se rendre auprès de son père, il pouvait officiellement annoncer la naissance de Loren Greyjoy.
 

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Ses mains tremblaient sous le choc. Ce n'était pas le premier mort qu'il voyait, et ce ne serait sans doute pas le dernier non plus, mais cette mort là, l'affectait bien plus qu'il ne l'aurait cru.

Quelques jours plus tôt, il trinquait avec Harren malgré le regard inquiet qu'il avait lancé à Snöfrid derrière son sourire de circonstance. Il était venu à Nuéclairs pour ces noces qu'elle avait tant redouté, mais elle n'avait, en rien, l'air d'une victime à ce moment. Les chansons résonnaient contre les murs de pierres du château des Kenning, l'alcool coulait à flot et Theon devait reconnaitre que l'ambiance, qu'il avait craint morne, était bien plus festive qu'il ne l'aurait imaginé. Il était venu seul, laissant Alana se remettre de son récent accouchement et profiter des enfants, informant Asha qu'il lui ferait un rapport détaillé des festivités. Mais après avoir vu les rires, les coupes s'entrechoquant, jamais Theon n'aurait pas pensé que les choses prendraient une telle tournure. Son regard, fixé sur l'horizon, cherchait un bateau sans rien y voir. Le mariage était devenu un carnage.  « Que vas-tu dire à ta soeur ? » demanda Alana, berçant Loren doucement. Theon releva les yeux vers elle. Il n'en savait rien. Il n'arrivait toujours pas à se remettre de la nouvelle, à se faire à l'idée. Pourtant, il devait se ressaisir, savoir ce que sa soeur voulait qu'il fasse de l'information. Il doutait d'être capable d'apaiser les tensions qui était nées de cette nuit funestes, mais devaient-ils apporter leurs condoléances aux Kenning en fustigeant leur cousine disparue ou devaient-ils faire comme si de rien n'était ? « J'en sais rien ... » avoua-t-il tout en frottant les paumes de ses mains contre ses yeux. Asha allait sans doute être furieuse et il ne savait pas encore ce qui l'énerverait le plus ... La disparition de Snöfrid ? Les accusations qui s'étaient naturellement porté sur elle ? La preuve évidente que ce mariage était tout sauf voulu ? Lui même ne savait pas pour qui il avait le plus de peine.

Harren avait été un ami dès l'instant où il lui avait sauvé la vie à Salvemer. Il n'avait jugé ni ses annonces au banquet, ni ses décisions. Au souvenir de ce fer-né un peu particulier mais toujours loyal, son coeur se serra. En dehors de leur famille, Harren était le seul qui ne lui rappelait pas sans cesse qu'il n'avait pas grandit en insulaire : si ce n'était pas toujours sur le ton du reproche, cela agaçait Theon d'être toujours considéré comme plus continental que Greyjoy, comme plus loup que seiche. Avec les années, cela se tarissait mais cette impression demeurait. Theon le voyait dans les regards et bien qu'il eut décidé de couper tout contact avec le Nord, avec le contient et tout le reste ... Il faudrait encore bien des années pour faire oublier qu'ils n'avaient pas grandis comme eux. C'était une impression qu'il n'avait pas avec le Kenning : de la même manière qu'Alana le soutenait, lui apprenant ce qu'il devait savoir, Harren l'avait subtilement guidé, lui montrant ce que son épouse ne pouvait lui enseigner. De l'autre côté, il y avait Snöfrid, sa cousine. Il était une chose aussi importante à Pyk qu'à Winterfell, c'était le sang. S'il n'avait pas forcément cette impression avec son père, il savait que sa soeur, sa mère, avec elles il avait un tel lien. Il voulait inclure Snöfrid mais il était nettement moins proches des Harloi qu'Asha ne pouvait l'être. Il se sentait responsable, car elle était venue lui demander de l'aide, elle lui avait fait confiance mais se serait-il senti si concerné si elle n'était pas venu vers lui ? Un flot de sentiment contradictoire se déversait en lui, paroxysme de celui qui l'avait tiraillé à l'époque : qui du sang ou de l'amitié primait sur l'autre ? Pouvaiit-il faire le deuil de son ami tout en regrettant la disparition de sa cousine ou devait-il fustiger l'un des deux pour ce qui était arrivé ? Harren, ses obsessions et sa fierté. Snöfrid, ses secrets, son acte qui allait à l'encontre de toute les règles des fer-nés. Il se leva soudainement. « J'vais voir Ygg. » annonça-t-il, le besoin de solitude prenant le dessus, laissant Alana seule dans la pièce.
 

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Il n'avait jamais bien su gérer les deuils. Il était encore petit lorsque ses frères étaient morts et aux larmes de leur perte se mêlait celle de l'enfant arraché à ses parents, du garçon qu'on avait remit à Eddard Stark pour tenir Balon Greyjoy tranquille. Avait-il réellement pleurer Rodrik et Maron ? Rien n'était moins sur. Le premier vrai deuil que Theon avait connu avait suivi la mort du suzerain du Nord, ce second père qui avait sans doute fait preuve de plus de tendresse que son propre géniteur dont il peinait à obtenir une bénédiction. A des lieues de Winterfell, de tout ce qu'il avait connu durant son pupillage, Theon avait eut le coeur brisé par la nouvelle. Il avait tenté de n'en rien montré : il était un fils Greyjoy et non un Stark, mais la disparition d'Eddard avait été aussi douloureuse que d'imaginer perdre sa mère. La mort d'Euron, en revanche, l'avait laissé dans une totale indifférence : sans doute explicable par la part de responsabilité qu'il avait dans son décès. Euron n'était rien pour lui : il n'avait gardé de souvenir de lui avant son départ pour le Nord et son oncle avait déjà été exilé à son retour. La disparition d'Harlon et Leeven avait été un pincement au coeur, mais il songeait à leurs vies, loin des Iles, ce qui était toujours plus heureux que de songer qu'ils n'avaient jamais trouvé leur chemin dans le ciel. Mais Harren ... Harren, c'était autre chose. Cela faisait des jours, mais personne n'avait retrouvé la trace de Snöfrid ou de son oncle, dont la disparition soudaine, le même soir que sa nièce, ne pouvait être un fait du hasard. Les supplications de sa cousine le laisser penser qu'elle avait trouvé un moyen, un complice, pour fuir loin de la colère des fer-nés, des Kenning et sans doute des Harloi qui lui reprocheraient son geste. Cependant, si une part de lui était en paix de la savoir loin du chaos qui avait fait trembler leurs îles natales, une grande part de son esprit semblait à l'arrêt. Chaque coin de couloir lui rappelait la manière dont le Kenning surgissait, un verre à la main, toujours une blague au bout des lèvres. Dans les cuisines, il se revoyaient trinquant en devisant sur l'avenir, le regard d'admiration d'Harren posé sur l'oeuf qu'il lui montrait.

Ne supportant la vague de souvenir que lui apportait la solitude des couloirs de Pyk, Theon descendit sur la plage. Depuis son retour de Nuéclairs, il ne trouvait de réconfort qu'auprès d'Ygg. Ce dernier avait pris ses aises depuis son arrivée et volait librement dans le ciel gris de Pyk. De la fenêtre de sa chambre, Theon le voyait parfois battre des ailes au dessus de l'étendue bleue grises de l'eau avant d'y plonger en piqué pour attraper du poisson. D'autre fois, il s'amusait de le voir chasser d'un grognement les mouettes qui osaient s'approcher trop près de ses pattes ou de ses ailes, tandis qu'il faisait une sieste sur le sable. Lors de la semaine passée, le dragon lui avait même ramené un demi cadavre de phoque qu'il avait laissé à l'entrée de sa tanière comme une offrande, un cadeau d'amitié. Ygg n'avait plus rien du petit dragonneau qu'il avait caché dans une besace en arrivant à Vieux Wyk et Theon était, parfois, tenté de monter sur son dos pour voir s'il était capable de supporter son poids. Cependant, il craignait de lui faire mal et se retenait encore, la curiosité faisant battre son coeur d'anticipation à l'idée du jour où, enfin, il pourrait s'élevé au dessus des Iles de Fer.

Ygg volait ce jour là. Un vent important soufflait sur la plage et le dragon se tenait à contre courant, jouant de ses ailes sombre pour demeurer en vol stationnaire au dessus de la mer. Theon se demandait ce que la créature ressentait à rester ainsi, le vent caressant ses écailles onyx, gonflant le cuir de ses ailes. Comme il était de coutumes ces derniers temps, Theon broyait du noir : il lui semblait qu'Aeron n'avait jamais été aussi pressant que depuis sa grande messe et après avoir, à sa manière, béni l'arrivée d'un nouveau fils Greyjoy, il était retourné fureté près du bureau de son frère, espérant sans doute lui rappeler l'importance de la mission spirituelle dont il se sentait investi. Il eut vaguement conscience d'Ygg atterrissant sur le sable humide de la plage, trottinant pour se rapprocher. Face au regard fixe de son maître sur l'horizon, le jeune dragon décida de recourir à la méthode qui avait toujours marché jusque là. Oubliant que ses crocs n'étaient plus ceux qu'il avait lorsqu'il était plus jeune, Ygg approcha du bras de Theon, désireux de se rappeler à son bon souvenir. Ce fut la soudaine chaleur qui semblait s'approcher qui ramener le Greyjoy au moment présent, et il tourna la tête à temps. La mâchoire du dragon se referma sur le vide dans un claquement sinistre et il redressa la tête avec un air que le prince interpréta comme de la surprise. Theon s'était éloigné rapidement pour éviter la morsure de la créature mais il fit un bond en réalisant à côté de quoi il était passé. « Ah non ! » cria-t-il « Pas les dents ! » ajouta le jeune homme qui sentait à la fois bouillant et glacé face à cette peur rétroactive qu'il percevait à présent.

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Theon Greyjoy

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Il n'avait pas souvenir d'avoir vu autant de monde se tenir au même endroit. Etait-ce la foule qui était plus grande ou le lieu où ils se tenaient qui était plus étroit que la grande plage où Qhored avait été baptisé ? Il avait tant pesté contre le temps, le froid et l'inconfort de son dernier séjour à Vieux Wyk qu'il avait juré ne plus y mettre les pieds avant que le Noyé ne se rappelle à son bon souvenir. Et pourtant, il était là, un peu plus d'une année après sa promesse sifflée en lançant un regard mauvais à un Aeron qui avait rationné leur diner tandis qu'il tremblait de froid. Sur ses épaules, des fourrures achetées au marché de Lordsport pour remplacer celles qu'il avait ramené de Winterfell, et fait bruler avant de partir en pèlerinage, le protégeait du vent mordant qui plaquait ses cheveux sombres sur l'un des côtés de sa tête. Il sentit Alana s'accrocher à son bras, frissonnante malgré le redoux et l'hypothétique chaleur e la marée humaine. Prévoyante, la princesse avait attaché ses longues cheveux blonds en une épaisse nattes dont le poids l'empêchait de voler au vent mais il sentait ses tremblement dans la poigne ferme qu'elle exerçait sur son bras.« Dès que ce sera fini, on rentrera. » promit-il à voix basse à son épouse tout en cherchant du regard les membres de son équipages éparpillé dans la foule. Un amas de têtes blondes trahis la présence des Bonfrère et il savait que, quelques rangées derrière lui, se trouvaient Volka et sa famille.

Le ballet des prêtres débuta et il fut surpris de ne plus y ressentir le malaise qu'il percevait jusque là. Il se sentait plus impliqué, plus présent, plus unis avec le reste des fer-nés qu'il ne l'avait jamais été. Les embruns marins étaient plus doux que sur la plage de Pyk, les chuchotements s'élevaient en un rythme chaotique, il percevait les battements de son propre coeur et, par ses tremblements, de ceux d'Alana. Pour la première fois depuis longtemps, Theon eut l'impression d'appartenir à quelque chose. C'était plus grand qu'un nom, plus fort qu'une famille. Il était un fer-né, il ressentait la même interrogation que ses congénères, tremblait sous le même vent, respirait le même air. Ici, dans ce coeur spirituel des Iles, là où s'était tenu le château du Roi Gris, ils semblaient tous si connecté. Il dégagea son bras de la poigne de son épouse pour le passer autour de ses épaules, l'attirant contre lui, lui offrant un peu de chaleur. Il la sentit se lover contre son torse, le regard toujours posé sur l'endroit où les prêtres ne tarderaient pas à se regrouper.

Il ne fut pas surprit de voir Aeron s'imposer au milieu de cette scène improvisé, au centre de ce chemin formé par les ossements du dragon légendaire qu'avait été Nagga. La grandeur de leur peuple était venue d'un  dragon, peut être Ygg serait l'avènement d'un nouvel âge d'or, songea-t-il. L'éloignement rendait Aeron plus petit mais ce qu'il imposait, d'un simple regard, de part son apparence, le rendait plus grand. Il ouvrit la bouche et parla. Et Theon se sentit partir ailleurs.

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Fate

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« L'problème, gamin, c'pas d'occuper les gars. » grogna Dagmer avec amertume. Theon savait quel était le problème, mais l'idée de l'entendre de la voix rocailleuse du Maître d'Arme était autre chose. « Les gars ont soif d'aventure, de pillage, et de butin. T'les en a privé lors de ton p'tit discours à deux sous et y'en a qu'on des bouches à nourrir. » rappela le vieil homme, accentuant le mal être que le Greyjoy ressentait à se faire ainsi remonter plus ou moins subtilement les bretelles par un homme qu'il estimait. « Même la p'tite Volka a besoin d'se faire les dents sur que'q' chose. Elle doit m'trer qu'elle est utile pour l'groupe et elle peut pas l'faire si on quitte jamais l'port. » Chaque mot était une tonne de plus sur les épaules de Theon. Son sens des priorités avait été amplement influencé par la volonté de sa mère de voir ses enfants se réconcilier, son propre désir de montrer à son père qu'il était capable et toutes ces choses, faites à sa famille, qu'il se devait de compenser. Il ne reviendrait pas sur ce qu'il avait dit. Quoi qu'en pense Asha, Halena serait élevée en demoiselle, du grain à moudre pour une Alana longuement fâchée de savoir qu'elle devrait, d'ici quelques années, laisser son fils à l'héritière. D'une certaine manière, ses mots avaient aussi blessé l'égo de sa soeur dont il devait retrouver la confiance et il n'osait même pas imaginer ce que son père pensait de tout ça. Cela lui avait prit du temps. Un temps nécessaire pour qu'Ygg ne soit plus la fragile petite créature sortie de son oeuf. Un temps nécessaire pour montrer que malgré ses dires, il était fondamentalement toujours le même, bien que son propre égo ait été malmené par lui même. Masochiste. Se dit-il avec cynisme. « Je sais tout ça ... » râla-t-il, détournant le regard. « Alors tu dois savoir qu'c'est important qu'on puisse participer à cette quête. » renchérit Dagmer. « Ou à n'importe quoi qui nous fait quitter Pyk. C'tait très drôle d'entendre dire que tu f'sais des petits à ta femme, mais c'pas comme ça que tu gagnera l'droit de succéder à ta soeur. » Le jeune homme lui lança un regard glacial. S'il semblait à tous que la situation, maintenant officielle, de son absence de rivalité avec Asha était accepté, la mention de la succession était encore un sujet compliqué pour la fierté du fer-né. A mesure qu'il avançait sur ce chemin, montré par Aeron, il avait le sentiment non plus d'être tiraillé entre passé et présent, entre continent et Ile, mais entre la proximité qu'il voulait avoir avec elle, et qui aurait du être à lui s'il n'avait pas été donné aux Stark.

« J'crois que nous en avons finis. » annonça Theon, posant à plat, ses mains sur la table de bois grossièrement taillée pour se lever de son siège. « Tu veux partir, je l'ai bien entendu. Mais je ne suis pas ton Roi et je ne prends pas les décisions à propos des reliques. » rappela à son tour Theon d'un ton sec. Dagmer ne se laissa pas démonter, braquant sur le jeune homme un regard froid. « Mais tu as une voix. » dit-il plus fort, rappelant la place que le prince tenait au conseil royal en tant que Capitaine du Trésor. « Je t'ai dis que le message était passé. » cria-t-il presque, leurs deux regards s'affrontant. Il finit par partir, déclarant avoir d'autre chose à faire que de se disputer au sujet d'un conseil qui n'était pas encore passé. Le message, comme il venait de le dire, était lui bien présent dans son esprit. Son équipage, celui de Dagmer, réclamait les embruns de l'océan, l'adrénaline de nouvelles expéditions. Celui de Vent Noir réalisait tant de chose en comparaison d'eux, il se devait de leur donner de quoi s'illustrer. Car si Asha demeurait égale à elle même, si elle ne prenait de mari, ne concevait d'enfant, il resterait son héritier. Et s'il avait la chance de lui survivre, il serait roi. En cela, Dagmer avait raison : il devait aussi avoir sa part de gloire pour alimenter les légendes, pour gagner ce trône qu'il avait décidé de ne pas prendre à son aînée. Il réfléchissait à cela lorsqu'il se dirigeait vers le pont, décidant de rentrer vers le château d'où il éviterait les regards de ses hommes et la pression de celui de Gueule-en-Deux. Il allait mettre un pied sur la passerelle lorsqu'un mouvement dans sa vision périphérique attira son attention. Volka se tenait là, les bras chargés d'objet en tout genre, cartes et livres qu'elle avait du emprunter pour travailler malgré l'absence de départ annoncé. Le regard de la jeune femme passa de ce qu'elle tenait contre elle au regard du prince. Mais il n'y eut aucun mot.

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Theon Greyjoy

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Il s'éveilla au son de quelque chose que les limbes du sommeil ne lui permettaient d'identifier clairement. Ses paupières papillonnèrent avant que ses yeux ne s'ouvrent pleinement, s'habituant à la pénombre de la chambre dont l'obscurité n'était brisé que par la lueur d'une bougie. Pas la fenêtre, il entrapercevait les premières lueurs de l'aube. Loren était silencieux dans son berceau et le bruit ne semblait venir de la chambre des enfants, jouxtant la leur. Sa main se glissa sur le côté du lit, celui qu'occupait Alana. Mais ses doigts ne rencontrèrent guère le coton de sa chemise de nuit de son épouse, ni même les courbes de son corps. Seul une tiédeur sur les draps l'informait qu'elle avait été là encore quelques minutes. Son absence acheva de le réveiller et il se redressa contre la tête de lit, cherchant l'origine de la lueur. La silhouette d'Alana repassa la porte, légèrement haletante tandis que sa bougie éclairait son visage pâle comme la mort et ses cheveux s'échappant de sa tresse. « Alana ? » dit-il en fronçant les sourcils. Elle l'intima au silence, un index se dressant devant ses lèvres avant de désigner d'un signe de tête le berceau de Loren. Maudits enfants qui dormaient sans cesse avec eux, songea le prince avec amertume. Il aimait ses enfants, il avait à coeur de ne pas reproduire, avec eux, l'indifférence dont il avait été lui même victime avec son père. Mais par moment, sa paternité précoce l'agaçait. Son intimité avec Alana était sans cesse dérangé par un petit être braillard dans un berceau, bien qu'il eut témoigné disposer de bien des ressources pour satisfaire son désir sans s'inquiéter de la présence de sa progéniture.  « Je t'ai réveillée ? » chuchota-t-elle en déposant le bougeoir sur une petite table de chevet, se glissant dans le lit. Il secoua la tête bien qu'il ne pouvait nier à vive voix. Elle soupira, et but de longues gorgées dans un verre qui se trouvait sur le chevet. « Qu'est-ce qui se passe, tu es malade ? » lui demanda-t-il tout en repoussant derrière son oreille, une mèches blonde qui lui donnait l'allure d'une possédée. Ce fut au tour de la jeune femme de secouer la tête, un soupire plus profond se refoulant dans sa poitrine. « Tu as le sommeil plus léger, mon amour. » constata-t-elle. Il ne nota guère le ton las de sa femme, seulement le qualificatif auquel il était trop peu habitué. Son sourcil se leva cependant et tandis qu'il voulait mettre sa main sur le front de la blonde, elle se dégagea. « Ça va ... » assura-t-elle avec une certaine fatigue que son manque de sommeil provoquait.

Depuis quelques jours, elle ne se sentait pas bien, mais elle n'en avait jamais fait mention. Il était trop tôt pour avoir la confirmation de ses doutes et elle se doutait que son prince avait autre chose à penser. Mais l'esprit préoccupé de son époux était plus sensible depuis la réunion exceptionnelle du conseil : elle le sentait frustré de ne pas pouvoir partir, intrigué d'être le sujet d'une mission spécial et inquiet de ne pouvoir la mener à bien. Elle percevait ses cauchemars et ses micro-réveil au milieu de la nuit. « Je n'ai juste pas beaucoup dormi. » lui dit elle en posant ses mains sur celle de son mari. Le plis entre les sourcils du prince se creusa. Il en était certain, c'était la présence de Loren qui fatiguait sa femme : depuis leur mariage, ils n'avaient fait qu'enchaîner les enfants et il savait combien il était important pour Alana de s'occuper elle-même de leurs trois petits monstres. Mais si l'espace entre Halena et Qhored avait permit une transition en douceur, son fils aîné semblait encore très demandeur envers la blonde, alors même que Loren avait grand besoin de sa mère. Il n'osait pas proposer à sa femme l'aide d'une femme-sel ou d'un serve pour l'aider avec les enfants : la fierté de la Volmark n'était pas à prendre à la légère et il savait combien elle avait à coeur d'être une mère présente pour leurs trois enfants. Si Alana avait besoin d'aide, elle était assez grande pour la solliciter seule.  « Theon ... » soupira la jeune femme en posant un main sur sa joue. « Ce n'est rien, je t'assure. Je pense juste ... » Son hésitation lui fit lever un sourcil. Il percevait son agacement bien qu'elle tenta de le refouler. « Je crois que je suis de nouveau enceinte. »


dés pour Alana

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Les bras croisés, Theon s'était adossé à la pierre du mur qui faisait face à la porte du salon -si on pouvait appeler cela ainsi- où son oncle recevait les fer-nés en quête de sensations fortes. Theon ruminait, il aurait voulu en faire parti. Pourtant, le destin semblait constamment lui rappeler qu'il n'était qu'un bon à rien : otage après le siège de Pyk, monnayé pour son retour, blessé à Salvemer, incapable de poursuivre Euron ou de lui administrer le coup fatal, et maintenant il ne pouvait même pas se joindre à la quête. Il avait tenté de plaider sa cause auprès d'Aeron, espérant que son oncle rappellerait le besoin urgent que le prince se montre du côté du noyé après les évènements de l'an passé. Mais le prêtre avait à peine décocher un regard et Theon avait compris que lui même luttait contre la mauvaise humeur de Balon Greyjoy. Theon resterait donc à quais tandis que sa soeur s'illustrerait, une fois de plus. Ce n'était pas tant la compétition -pouvait-il y avoir compétition quand l'un des participants avait abandonné-  que l'image que cela renvoyait de lui. Comment pouvait-il gagner quoi que ce soit grâce au fer-prix lorsqu'on le laissait jouer les comptables à Pyk ? N'y avait-il pas des mestres pour ce genre de tâche ? L'égo blessé du prince ne voyait pas que les quelques mots, échangés après le conseil, étaient d'une toute autre nature et ne visait pas à promouvoir l'héritière plus que son frère cadet.  Dagmer vint se poser à côté de lui, les bras croisés également et Theon sentit le regard pesant du maitre d'arme sur lui.  « Quoi que tu ai à dire ... Abstiens-toi. Je suis pas d'humeur. » siffla Theon tandis que le vieil homme reportait son visage défiguré sur le même porte que fixait Theon depuis de longues dizaines de minutes. Ils demeurèrent ainsi de longues minutes : le ballet des entrées et sorties semblant assombrir l'humeur du prince jusqu'à ce qu'enfin, il n'en puisse plus.

Theon s'arracha à son mur avec frustration et un grognement qui fit lever les yeux aux ciel aux maître d'arme. Les jeunes gens étaient toujours si impétueux. Tandis qu'ils quittaient le chateau, Dagmer, le souffle court sous le poids des années qui ne le rendait plus aussi endurant que son jeune prince, tenta d'apaiser les humeurs de ce dernier. « Comment suis-je censé prouver ma valeur, rattraper le banquet, si on ne me laisse pas ma chance ?! » hurla Theon, se retourna brutalement sur le vieil homme, la rage dans le regard. Être mis de côté était un coup pour son égo : il voulait tant trouver cet artefact nommé Dompte-Dragon ... Mais son père lui avait imposé de rester sur les Iles pour une mission d'un autre ordre. Malgré l'honneur qu'il aurait pu considéré, Theon avait implosé. La pression retenue depuis des lunes s'échappait enfin et tout sortait : sa frustration de voir Alana lui reprocher un éventuel départ, les bouderies d'une Volka qui attendait toujours plus de lui, les regards las et pessimistes de son équipage, sa propre impuissance. « Mais je te jure, Dagmer, je te jure que je ne mourrais pas, oublié de tous. » conclut-il, reprenant sa marche furieuse vers la plage et la grotte où Ygg nichait. Le dragon aux écailles noires comme la nuit se détacha soudainement sur la plage. Ses pattes fermement ancrées dans le sable, il s'était aplatit et contemplait l'eau comme si c'était la première fois mais Theon commençait à connaitre son ami ailé : d'ici quelques minutes il bondirait dans l'eau et ressortirait la gueule pleine de poissons. « Ygg ! » cria Theon, attirant l'attention de la créature. Les yeux fendus du dragon se posèrent sur le duo mais si l'animal demeura un instant immobile, il finit par venir vers eux, la curiosité l'emportant. Theon ôta sa cape, et laissa tomber sur le sable les quelques armes qu'il cachait sur lui en permanence. Une petite dague quitta sa botte tandis qu'un coutelas, plus long, abandonna sa taille pour l'humidité du sol. Ignorant les questions de Dagmer, Theon s'approcha d'Ygg, main en avant pour que son odeur l'emporte sur celle du vieux maître d'arme. Cependant le regard d'Ygg se finit soudain pour défiant. Tandis que Theon posait les mains sur ses écailles pour se hisser sur son dos, la créature fit un peu de côté, déséquilibrant le fer-né qui tenta de ne pas tomber. Leur ménage dura une nouvelle paire de fois avant qu'Ygg ne s'apaise. En apparence. Lorsque Theon lança sa jambe pour avoir un appuit en hauteur, le dragon se décala à nouveau et le jeune homme tomba sur le sable humide.

Ce n'était qu'un première fois. Une première fois raté, mais Theon ne baissait pas les bras : sa détermination ferait de lui, un fer-né redoutable lorsqu'il serait capable de monter Ygg.

lancers de Ygg 

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Theon nota qu'il faisait beau ce matin là, la brise était fraiche mais il prit cela pour un signe du Noyé, un symbole de bon augure pour son entrainement du jour. La veille au soir, Alana avait officiellement annoncer porter un nouvel enfant ce qui avait réjouit la Reine mais avait laisser la jeune Halena boudeuse. Il avait fallut expliquer à l'enfant que même si sa mère semblait très occupée avec ses jeunes frères, elle ne la délaisserait pas pour autant mais Theon reconnaissait ce regard. C'était le même que le sien, celui d'un accord qu'on ne donnait pas réellement. Les humeurs d'Halena, normale pour une enfant de quatre ans, était la seule ombre au tableau des réjouissances de la veille et il avait été décidé de ménager la future mère en confiant les enfants autant que possible à leur grand-mère.

Tout cela n'avait fait qu'accentuer le désir de Theon d'obtenir ce qu'il voulait : monter Ygg et faire à son tour, la fierté de sa famille. La nouvelle de l'existence de son dragon avait été une nouvelle accueille avec joie mais voler sur Ygg serait la preuve que la créature n'était pas qu'une énième bouche à nourrir : le souvenir de la disparition de Leeven Botley, son époux et son dragon demeurait encore dans les mémoires. « Aller mon grand ! Fais moi plaisir. » marmonna-t-il lorsque la grotte d'Ygg apparut dans son champ de vision, la créature sombre reposant sur des carcasse calcinés d'otaries sans doute chassées au cours de la nuit. Theon avait finir par cesser d'y prêter garder : se rendant ici plusieurs fois par semaine, il avait une meilleure idée du quotidien de son dragon et avait le sentiment que cela avait renforcé leur lien. Au cours des presque deux lunes passées, Theon n'était monté qu'une fois sur le dos de Ygg, glissant presque immédiatement de crainte d'être éjecté. Ce jour là, il ne s'attendait pas à un meilleur résultat lorsqu'il arriva, sa main vers l'avant, laissant Ygg le renifler avec curiosité. Le regard émeraude semblait lire en lui, perturbant toujours autant le jeune fer-né qui avait caresser les écailles de la créature avant de prendre appuis sur son dos pour se hisser comme il pouvait. Si sa jeunesse dans le Nord lui avait permit quelque chose, c'était bien d'avoir acquis les basique de l'équitation et il en remerciait encore Winterfell. Etrangement, Ygg se laissa faire ce jour là et Theon eut l'opportunité d'apprécier la sensation des muscles puissant de l'animal, de la souplesse du cuir craquelé qui se transformait en écaille sous ses cuisses. Fier de son accomplissement, Theon se pencha, gratifiant Ygg de quelques caresses sous l'encolure, ignorant qu'elle serait la suite des évènements. « Et c'est la que je regrette de pas avoir séquestré la petite Botley dans la cave quand j'en avais l'occasion. J'imagine que tu ne vas certainement obéir avec un simple "vole" ... » Il avait à peine finit sa phrase qu'il fut obligé de se redresser pour rétablir son équilibre tandis qu'Ygg roulait des épaules, testant son poids sur ses pattes arrières avant d'initier un mouvement vers l'avant que Theon ne connaissait que trop bien. Le hurlement horrifié de Theon fut étouffé par le bruit de l'air brassé par les ailes de la créature.

lancers de Ygg 

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Il était certain que sa dernière heure était venue. Tandis que le dragon prenait de l'altitude, Theon se cramponait comme il pouvait au cou de l'animal, fermant les yeux à en pleurer, tentant d'ignorer l'air qui foutait son visage et plaquait ses cheveux contre son crâne. Comme si son esprit s'était déjà préparé à sa mort imminente, il revit sa vie défiler sous ses yeux repensant à sa tendre enfance et silhouettes sans visage de ses frères, à Winterfell et à ses frasques avec Jon, à sa première fois avec la femme de Barth, à son retour sur les Iles, à son mariage avec Alana, à la naissance de ses enfants jusqu'à sa terrible erreur de vouloir grimper sur cette bestiole des enfers.

Et puis les choses se calmèrent. Le vent cessa de le presser vers ce qu'il imaginait être le sol, les larmes se figèrent sur son visage et alors, seulement quand il eut l'impression qu'Ygg avait cessé de bouger, il s'autorisa à rouvrir les yeux. Les ailes noires de la créature était étendues, laissant le dragon en vol stationnaire au dessus de ... Par le Noyé, songea Theon en renforçant sa prise avec ses cuisses, à combien de mètres au dessus du sol se trouvaient-ils ?! La terreur initiale passée, le prince se surprit à apprécier la petitesse de ce monde miniature. Son aisance, totalement absente, le poussait à rester cramponné autant que ses membres le lui permettaient mais son visage chercha à s'éloigner de la vue des écailles pour regarder le nouveau paysage qui s'offrait à son regard. La beauté de la chose le surprit : il était un fer-né, il était censé ne trouver aucune vue plus belle que celle de la mer ou des instants sensuels passés avec une femme. Et pourtant ... Les Iles apparaissaient comme des gouttes qui se serait solidifié dans l'eau, les quelques navires qui naviguaient entre Vieux Wyk et Grand Wyk semblaient aussi fragiles qu'un fétu de paille.




La descente avait été aussi terrible que la montée. Theon sentait son estomac protester encore, bien qu'il ait retrouvé la terre ferme depuis plusieurs minutes. Il ignorait s'il pouvait qualifier ce premier vol de réussite : une part de lui s'enorgueillait d'avoir pu monter Ygg, une autre nuançait sa joie par la terreur qui l'avait envahi quand la créature avait braqué vers le ciel. Il suspectait Ygg d'avoir mis beaucoup de mauvaise volonté dans ce vol, mais il n'avait, en réalité, pas beaucoup d'élément de comparaison. Il était certain qu'il lui faudrait remonter le dragon pour en avoir le coeur net, cependant ... Il regarda autour de lui. A sa droite, la mer la plus occidentale du monde connu, à sa gauche, une lande malmenée par la mer, l'iode et le vent. Où est-ce qu'il pouvait bien se trouver. Il était descendu d'Ygg, dès que celui ci avait touché le sol, les jambes flageolantes et avait été rapidement abandonné tandis que le dragon se jetait sur une petite colonie de phoques. Lui avait besoin de bouger, d'extérioriser les émotions et avait commencé à marcher le long de la plage, tentant de trouver une âme qui vive sur ce bout de cailloux. Il ne pouvait pas remonter sur Ygg, pas tout de suite, il avait besoin de temps et quelque chose lui disait que la créature ailée elle même avait besoin de temps ...

Il marcha près d'une heure, retrouvant peu à peu la stabilité de ses appuis, le rythme normal des battements de son coeur, avant d'arriver sur un petit port. Une famille de pêcheur s'affairaient autour d'une petite embarcation dans laquelle s'amassait des paniers de poissons et coquillage. La première à se retourner fut une petite fille de quelques années plus âgée qu'Halena. Son hoquetement de surprise attira l'attention du couple qui déchargeaient les paniers. Theon passa la main dans ses cheveux et considéra la femme, aux joues rougies par le vent, avant de se tourner vers son mari. Il lui montra une poignée de piécettes qu'il tenait en main. « La même quand je serai à Pyk. »

lancers de Ygg 

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« Cela va si mal que ça ? » demanda Theon dissimulant son inquiétude sous une indifférence forcée tandis qu'il s'accoudait face au lit. Alana lui lança un regard mauvais : elle était allée s'allonger un peu plus tôt dans l'après-midi, épuisée par le ventre proéminent qui pesait sur sa silhouette. Tout comme elle, Theon s'était surprit du volume que la jeune femme avait pris en quelques lunes et il avait cru que la blonde allait sauter à la gorge du mestre tandis qu'il expliquait qu'après trois grossesses, il était évident que la silhouette de la princesse ne serait plus jamais la même. Alana n'avait pas parut satisfaite de cette hypothèse, le Greyjoy l'avait entendu s'en plaindre des semaines entières : certes elle avait remarqué que certaines rondeurs ne partaient plus depuis Qhored, d'autres s'étaient ajouté après la naissance de Loren, mais elle n'était pas folle, elle ressentait la différence et avait de quoi le prouver. C'était en croisant les jumelles Bonfrère que Theon avait saisit ce que voulait dire son épouse et tandis qu'il faisait jusque là la sourde oreille, il rappela le mestre qui ne manqua pas de glisser sous la chemise de sa femme. Theon détestait savoir l'homme de science tripoter son épouse bien qu'il eut conscience que cela ne relevait en rien d'un esprit obscène ou de fantasmes inavoués sur la née-Volmark. De plus, il avait bien senti qu'Alana était soulagée qu'il la prenne au sérieux : les sorties du jeune homme se faisait de plus en plus nombreuse et les devoirs de la reine la gardant auprès de ses visiteurs, elle se sentait de plus en plus seule. Theon, lui, se serait bien passé d'être présent mais elle avait insisté et, sentant la culpabilité le prendre, il avait cédé, demeurant sur un fauteuil à quelques pas du lit. Finalement, le mestre avait rendu son verdict : la princesse attendait peut être deux enfants, un constat qu'il ne pouvait faire que maintenant qu'il pouvait sentir les bébés à travers l'abdomen gonflé de la blonde.

Cela avait eut lieu près de deux semaines auparavant et Theon peinait à croire ce qu'il s'était dit. Il n'avait pas souvenir d'avoir entendu parler de jumeaux au sein de sa maison et la perspective de voir deux nouvelles petites seiches voir le jour l'avait amené à un constat terrifiant. En un peu plus de cinq années de mariage, leur union avait donné naissance à près de cinq enfants. Il avait fait part de sa réflexion à son épouse, tandis qu'il revenait d'une virée sur la plage et Alana avait soupiré. « Ne le prends pas mal mais ... Le mestre a raison : j'enchaine les grossesses depuis que j'ai pris le nom de Greyjoy. Je suis fatiguée Theon. Mon corps s'épuise plus rapidement et ce n'est pas qu'à cause de cette grossesse, je le sens. » lui répondit-elle en caressant son ventre. Lui aussi le voyait. Elle dormait moins bien, peinait à se déplacer et même à supporter la présence de leurs trois aînés. « Si je survie à celle là ... Ce ne sera pas le cas de la prochaine. » finit-elle par dire, lui arrachant un battement de coeur anxieux. Les naissances d'Halena et Qhored avait été difficile pour elle, il le savait mais il pensait que cette crainte était derrière lorsque Loren était venu, plus vite et plus facilement que le reste de sa fratrie. Et puis, il songea à une vieille conversation, épiée lorsqu'il était encore pupille à Winterfell. Les colères de Catelyn Stark étaient connues : elles étaient rares mais dévastatrices et il se rappelait que chacun des enfants s'arrangeaient pour ne pas être l'objet de sa contrariété. Il se rappelait toutefois d'une fois où il l'avait entendu hurler à travers la porte de la chambre conjugale. Theon passait dans ce couloir, espérant demander à Lord Eddard s'il pouvait aller visiter la ville avec Jon quand il avait entendu la voix de la dame de Winterfell exprimant sa jalousie face à l'existence même du bâtard de son mari. Il se souvenait aussi de la voix, plus feutré, étouffée par la porte, du Stark. La mère de Jon, morte en lui donnant naissance. Revenant au présent, Theon se rappela de ce qui motivait sa peur à l'idée qu'Alana entre en travail, ce qui expliquait son anxiété quand elle s'enfermait dans leur chambre avec d'autres femmes pendant des heures et des heures. Un jour, elle n'en ressortirait plus. Il hocha la tête. « Très bien. » finit-il par concéder : sa demande était légitime mais elle lui semblait étrange. Ils n'avaient jamais planifiés ses grossesses, elles étaient advenues tout simplement. Cependant, il savait qu'il y avait bien des moyens de les éviter. « Ce n'est pas pour toujours. Je remercie le Noyé pour nous avoir donné 3 enfants en bonne santé mais je voudrais les voir grandir ... Quand ils seront un peu plus vieux ... Peut être ? » Il hocha la tête sans grande conviction et tandis que les traits d'Alana affichait sa peine, Theon quitta la pièce. 

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Theon Greyjoy

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Dagmer lui lança un regard inquiet tandis qu'ils avançaient sur la plage : à quelques mètres de là, son équipage s'activait sur le navire, se préparant à une manoeuvre que Theon désirait mettre en pratique depuis des semaines, des lunes. Ce serait Dagmer qui commanderait le bateau : l'homme avait toute sa confiance, des années d'expérience et le respect du reste de l'équipage, il était le mieux placé pour occuper ce rôle. Le vieil homme l'avait toutefois mis en garde : le navire avait son propre capitaine et il serait mal vu qu'il ne s'y montre jamais. Theon avait conscience de la gravité de l'avertissement, s'il ne voulait pas perdre ce qui lui restait, il devrait bouger prochainement. Cependant, l'idée de se déplacer loin de Ygg le rendait curieusement malade. Le dragon était encore un secret bien gardé des iles : bien qu'aucune loi ne les force au silence, la créature demeurait encore méconnue des continentaux ce qui en faisait un élément de surprise non négligeable pour lui et son équipage. C'était ainsi qu'il avait vendu l'exercice du jour au reste de son équipe : s'ils voulaient être certains de pouvoir remporter un butin à faire pâlir d'envie le Vent Noir, Ygg ne serait pas de trop et pour que le dragon soit de la partie, il fallait s'assurer que les manoeuvres en mer soient suivis de l'être ailé. Caractérielle, la créature n'acceptait que peu de personne auprès d'elle et, pour l'heure, seul Theon pouvait le toucher. L'habituer à rester à proximité de ses alliés serait un avantage sur le long terme. Maintenant qu'il pouvait voler, si l'on pouvait appeler cela ainsi, sur le dos du dragon, l'idée était de suivre le bateau depuis le ciel, d'abord sur le dos d'Ygg, puis depuis le pont principal, décrivant des cercles de plus en plus vastes, s'éloignant des côtes. D'ici quelques temps, Theon espérait pouvoir reprendre les expéditions vers Essos, aidé de son dragon, s'imposant comme le premier fer-né dragonnier. Personne ne le regarderai plus de haut après cela. Personne ne le comparerait plus à l'un de ses aînés, vivants ou morts.

Dagmer s'arrêta à quelques mètres du dragon : Ygg était sorti de son nid et braqua son regard fendu sur le vieux maître d'arme comme un chat s'apprêtant à sauter sur une souris. Theon sentit la désapprobation de son mentor dans son dos tandis qu'il revêtait ses gants en peau de phoque et cherchait une prise entre les écailles d'obsidienne pour se hisser sur le dos de l'animal. « Ce n'est pas la première fois que je fais ça. » rappela le prince avec un regard en arrière. Dagmer hocha la tête et fit demi-tour, rejoignant le ponton le plus proche pour sauter dans une barque qui l'amènerait vers le bateau. D'ici quelques minutes, l'exercice commencerait réellement. Attendant son heure, Theon s'installa autant que possible sur le dos, sentant son bassin se caler contre l'une des vertèbres dorsales de la créature, tapotant l'encolure du dragon dont le cou se tordit légèrement pour l'entrapercevoir. Avec un sourire, Theon se redressa, nouant ses cheveux avant de reprendre sa position initiale, surveillant autant que possible le navire à quelques dizaines de mètre du port qui attendait son décollage. « Aller mon grand ! On va leur montrer ce qu'on sait faire. » annonça Theon laissant Ygg prendre son élan avant de s'élancer vers l'avant et de décoller d'un battement lourd d'aile sombre. Il s'était un peu habitué à la sensation, à la vitesse, au danger de sa hauteur et la bonne humeur de la créature aidait considérablement.

Il était trop haut pour entendre les ordres de Dagmer mais admira le ciel, la mer, et son navire sur lequel s'agitait ses hommes, semblables à des fourmis. Prenant le cap décidé la veille, le bateau s'engagea vers le Nord, partant vers Chateau d'Harloi où ils passeraient la nuit avant de rentrer le lendemain à Pyk. Allant plus vite que le reste de l'équipage, Theon décida de faire une boucle, s'engageant vers Lordsport afin de tester l'obéissance de Ygg mais ses propres capacité de navigation aérienne. Un dragon n'était pas un bateau et il voulait être certain de réussir à se poser sur le lieu défini sans risquer de moquerie de ses camarades. Décrivant une légère boucle au large du fief des Botley, Theon se remit sur le chemin de son bateau, ordonnant à Ygg de voler plus bas afin qu'il puisse y voir convenablement. Tout se déroulait parfaitement : s'ils continuaient ainsi, ils devanceraient le navire de quelques heures. Ce fut ce moment où une colonie de phoque, séchant sur un rocher au soleil, attira l'attention du prédateur ailé. Il n'y eut rien que Theon eut pu dire ou faire qui ramena Ygg sur la voie et ce ne fut qu'une fois rassasié d'un des mammifères qu'il accepta de reprendre la route. Ils se posèrent dans un fracas de poussière et d'écume bien loin du succès de leur départ de Pyk : en descendant, Theon songea que ce n'était peut être pas la réussite qu'il espérait, mais que c'était un début prometteur pour ce dragon de feu et d'écume.

série de trois dés 

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Fate

Theon Greyjoy

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Theon n'aimait pas rêver. Cela le renvoyait à une période particulièrement troublée de son existence. Il avait, un temps, songer à s'abrutir les sens au lait de pavot, prendre de quoi assourdir son être et éloigner l'ombre qui restait, planant sur son esprit tout comme Ygg le faisait dans le ciel gris argent des Iles. Mais lorsque la tentation devenait trop forte, lorsqu'il sentait le fer-né qu'il voulait être s'effacer face à l'enfant craintif qu'il avait été, il parvenait à se ressaisir de justesse et à refouler, au fond de son esprit, les cauchemars et les traces qu'ils avaient laissé. Son coeur le plus fragile, son intimité la plus totale était laissée à la merci des songes qui s'invitaient tantôt rêves heureux et souvenirs auxquels il s'interdisait de penser, tantôt sombres reviviscence de ce qui l'avait hanté et contre lequel il n'avait de contrôle. Il revoyait alors le sang sur ses mains, la pression de l'eau s'engouffrant dans ses poumons, le regard jaune et inquiétant au fond des abysses sombres, ... Il se réveillait alors en sursaut, généralement en nage et tremblant. C'était fini, se répétait-il en boucle, conscient que c'était l'anticipation qui faisait plus de mal que le sommeil en lui même, mais la marque, elle, était là, profonde, et de disparaitrait pas aussi soudainement qu'elle s'était imposé à lui. Comme tous les soirs, il lutta. Il lutta contre le sommeil. Il lutta contre cette sensation où ses membres s'engourdissaient, où son rythme cardiaque ralentissait lui donnant l'impression de tomber. Et comme tous les soirs, il perdit.

Il rouvrit les yeux sur une table d'un bois épais, vernie bien que malmené par un usage sans doute peu précautionneux. Ses doigts rencontrèrent le métal d'une choppe, ses oreilles entendirent le fracas de la vie, son nez sentit les effluves de viandes grillées. Et puis, il l'entendit. Ce rire. Cela acheva de le réveiller et il se redressa d'un coup d'un seul.

Harren regardait toujours l'oeuf d'un air intéressé. Entre ses doigts, la coquille brillait d'un éclat froid. « Et beh ... C't'ait une sacrée sieste mon gars ! » s'exclama le Kenning avec un rire qui le gêna. C'était étrange. Une part de lui savait que Harren n'était plus : il avait vu son corps, il se souvenait du choc de la nouvelle, du scandale de la fuite de Snöfrid, de la solitude des semaines suivantes. Alors comment ? « T'en fais une tête ! T'réfléchis trop Lord Greyjoy » le railla le jeune homme avec un sourire triste. Theon se souvenait de ce soir dans les cuisines, d'Harren le rejoignant après son petit coup d'éclat au banquet, après la colère, l'incompréhension et la surprise qu'il pouvait lire dans les regards. Il se souvenait de leur discussion au sujet de l'oeuf, au sujet de ce qu'il ferait. Il se souvenait de ses conseils, de ses avis. Et pourtant, bien que cet évènement ait lieu des lunes avant son décès, Theon sentait que ce Harren là, assis à ses côtés, savait. « J'vois que tu t'prends t'jours la tête pour rien. » commenta le Kenning d'un air désolé. Theon ne pu qu'en rire, retrouvant son ami et son franc-parler, retrouvant le soulagement de ce moment où il avait confié à un autre l'existence de l'oeuf. Et puisque visiblement tout était dans sa tête, Theon parla. Il raconta l'éclosion d'Ygg, son premier vol, ses disputes avec Alana, ses doutes et l'étrangeté de cette soudaine solitude qu'il ressentait maintenant qu'Harren n'était plus là pour se moquer de lui et lui rappeler qu'il était un fer-né et pas un maudit nordien. « T'me rappelle pourquoi faut s'méfier des bonnes femmes. » soupira le Kenning tout en plongeant le nez dans sa choppe avant de s'arrêter et de lui lancer un regard cynique. « J'veux dire, en dehors d'fait qu'elles peuvent t'poignarder dan'l'it ! » son mouvement d'iris vers le ciel fit rire Theon comme si le dramatique incident qui avait couté la vie au jeune homme n'était rien de plus qu'un blague. Cela faisait juste du bien de s'asseoir là, de partager cet instant, d'entendre la pointe de sarcasme dont il avait le secret tandis que les masques tombaient au profit d'un instant d'honnêteté trop rare.« Plus sérieus'ment, t'réfléchis trop mon p'tit prince. Ta femme, c'est une belle d'moiselle, j'dis pas. Mais t'es un fer-né : c'est dans ton sang d'vouloir prendre c'que t'as pas. » dit-il en haussant les épaules, se lançant dans un énième rappel de ce qu'était le fer-prix qu'il avait déjà l'habitude de lui faire de son vivant. Et il se sentait somnoler à nouveau. Et sa voix se perdit dans le brouhaha confus de la pièce, dans un brouillard qui le désorienta.

Il rouvrit les yeux sur le bois marqué de la table. Le jour s'était levé, un soleil pâle éclairait des nuages blancs. La bouche pâteuse, il se redressa pour tomber nez à nez avec une cuisinière au regard revêche qui ne lui inspira qu'une, une envie de fuir rapidement ! Malgré l'heure encore très matinale, il remonta vers son bureau avec l'idée d'y prendre racine pour la journée et d'avancer sur les comptes du trésor avant le conseil de la semaine. Lorsqu'il poussa la porte, s'attendant à frissonner au contact d'un courant d'air froid, il s'arrêta net à la vue de la silhouette avachie dans le fauteuil. Les jambes par dessus l'accoudoir, Volka était en train de lire un petit carnet dans lequel il l'avait vu prendre des notes durant les exercices avec Ygg. C'est dans ton sang d'vouloir prendre c'que t'as pas répéta la voix d'Harren, arrachant un toussotement au Greyjoy qui révéla sa présence à la navigatrice. Elle leva les yeux vers lui et lui offrit un sourire. 

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Fate

Theon Greyjoy

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Halena eut un rire enjouée tandis que Theon la levait dans les airs, la prenant dans ses bras tout en riant de l'air semi agacé de sa propre mère. Un étrange quotidien s'était installé depuis que le mestre, qui assurait que la princesse attendait non pas un mais deux enfants, avait insisté pour qu'Alana s'alite le plus tôt possible alors que la date du terme approchait à grand pas. Quelques semaines, avait-il annoncé une dizaine de jours auparavant, forçant le prince à prendre ses dispositions pour préserver son épouse et le, ou les, enfants à naître. Bien qu'il eut pu trouver une autre chambre temporaire où s'établir jusqu'au jour de la naissance - il avait l'habitude de quitter les appartements conjugaux lorsqu'Alana entrait dans ses derniers jours de grossesse - il se sentait d'une humeur plus aventureuse et avait fait déménager ses affaires sur son navire. Cela nécessitait un peu de marche pour rejoindre le château et gravir les très nombreux escaliers mais il lui semblait qu'il avait gagné une certaine liberté qui n'était pas pour lui déplaire. Toutefois, Theon n'était pas le seul à avoir du changer ses habitudes à l'approche de la délivrance car Alana ne pouvait pas plus souffrir la présence de son époux que celle de leurs enfants. Épuisée, elle passait ses journées à dormir, confiant sa progéniture à la seule femme qui était, à ses yeux, digne de s'en occuper : sa belle mère. C'était donc avec un plaisir non dissimulé qu'Alannys Greyjoy avait accueilli ses petits enfants dans ce qui commençait à devenir une routine au fil des ans et des naissances. Pourtant, lorsque Theon était arrivé pour partager un déjeuner avec sa mère après le conseil hebdomadaire de son royal paternel, il avait perçu la fatigue sur le visage de la reine. Physiquement marquée par les années et les drames qui lui avait arraché ses trois fils, Alannys l'était encore plus maintenant qu'elle n'avait plus un mais trois petits-enfants à charge dont Loren qui n'avait même pas un an. Du haut de ses quatre années, Halena qui jusque là avait toujours été calme et exemplaire, se révélait particulièrement difficile depuis peu. Alana avait mentionné le caractère de plus en plus affirmé de la petite princesse dont la chevelure blonde était clairement hérité de sa mère mais dont le froncement de sourcil colérique rappelait étrangement un membre plus éminent de la famille Greyjoy. Un air de famille de plus en plus prégnant à mesure qu'Halena passait du temps avec ses grands-parents et avait pris comme exemple non pas sa douce et bienveillante grand-mère mais bel et bien le redoutable roi des Iles de Fer en personne.

L'idée avait fait rire Theon qui ne pouvait, à présent, que constater les faits. Car la victime principale des sautes d'humeur de la fillette n'était autre que son frère, Qhored, deux ans, cible idéale tandis que Loren accaparait l'attention de la reine. Il était difficile d'imaginer qu'un jour, Qhored serait roi quand on le voyait se faire ainsi malmener par une Halena qui avait décrété qu'ils joueraient au dragon et au voleur et qui se faisait un plaisir de lui faire peur en prétextant qu'Ygg viendrait le dévorer. Il ignorait d'où sa fille tenait une telle imagination et une telle volonté de jouer les tyrans, mais il devait reconnaitre que la créativité de l'enfant avait de quoi épuiser n'importe quel adulte. Aussi, Alannys ne se fit pas prier lorsque Theon proposa d'emmener Halena en balade, libérant un peu la reine de cette lourde charge et garantissant que la sieste des deux princes lui offrirait un instant de répit. Le ravissement d'Halena à l'idée de quitter les appartements royaux n'avait d'égal que ses bavardages incessants qui faisait presque regretter l'époque où elle était un nourrisson muet et somnolant. « On va voir le dragon ?! » demanda-t-elle surexcitée, exprimant un cri de joie tandis qu'il hochait la tête, regrettant déjà d'avoir proposé de s'occuper d'elle : elle avait bien plus d'énergie à cet instant que lui durant toute la journée. « Uniquement si tu arrête de crier » gronda-t-il cependant, les sourcils froncés pour exprimer un peu d'autorité.  « Ygg est sensible au son. Il ne viendra pas si tu t'agite trop. » Immédiatement, la filette se tut, suivant son père, sa main dans la sienne, jusqu'à la plage jouxtant la grotte où le dragon noir avait fait son nid. D'ordinaire, Theon trouvait la grotte vide et attendait le retour d'Ygg qui revenait souvent le museau maculé des restes d'un déjeuner à base de phoque. Il soupçonnait cependant l'animal de s'attaquer, depuis les airs, à de plus grosses créatures au large mais ne l'avait encore jamais vu faire. Pourtant, ce jour là, Ygg paressait sur le sable gris de la plage, roulé en boule tel un amas d'écailles obsidiennes. « Pa' pourquoi il vole pas ? »  demanda Halena a voix basse. Theon renifla l'air marin et l'odeur léger de brulé si caractéristique de son dragon. « Il se repose. » expliqua-t-il brièvement, incapable de savoir comment détailler les choses pour qu'elle comprenne. Il se demandait si cela faisait de lui un mauvais père lorsqu'Halena lacha sa main et se mit à trottiner en direction d'Ygg. Ce dernier leva la tête. Il avait considérablement grandi depuis son arrivée à Pyk et depuis que l'enfant l'avait vu pour la première fois. Aujourd'hui il pouvait être monté et s'il était loin des contes et légendes dont il avait entendu parlé, il était assez gros pour dépasser, en poids et en taille, tous les mammifères des Iles. Bien plus gros qu'un cheval, il n'était pas encore au niveau de certaine créatures exotiques qu'il avait pu voir sur Essos, mais Theon aurait pu parier que d'ici l'année suivante, il aurait sans doute dépasser ce stade. Halena se stoppa net en constatant que le dragon noir, loin d'avoir la taille d'un jeune chien, comme dans son souvenir, était bien plus grand que tout ce qu'elle connaissait. Theon se tendit subitement. Les yeux plissés d'Ygg, sa queue balayant le sable, cela ne disait rien qui vaille. « Halena ! » la rappela-t-il d'une voix forte. Mais l'enfant le bougea pas. Au contraire, elle esquissa même un nouveau pas vers le dragon lorsqu'un grondement sourd se fit entendre. Un grognement dissuasif, une mise en garde que la fillette comprit sur le champ. Theon accourut, prenant sa fille dans ses bras avant de s'éloigner. Il était de ces jours où rien ni personne ne pouvait approcher Ygg. « Quand je te dis reviens, tu reviens ! » gronda-t-il tandis qu'Halena tremblotante, se blottissait contre lui. Tant pis pour le dragon, songea Theon en prenant la direction du petit port, il la laisserait jouer avec quelques babioles sur le bateau tandis qu'il mettait au point un exercice avec Dagmer. Et tandis que Theon tournait le dos à Ygg, sa fille dans les bras, imaginant la suite de sa journée, Halena releva la tête. Son regard humide rencontra l'oeil fendu de dragon et elle frissonna.

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