From one mermaid to another {Wylla}

FROM ONE MERMAID TO ANOTHER
Wylla & Wynafryd | Corbeaux

* * *

Wynafryd était installée à sa table de travail dans ses appartements, fixant alternativement le parchemin immaculé et la capitale qui s’étendait à l’horizon sous ses fenêtres. La plume roulait entre ses doigts nerveux. Elle ne savait pas par où commencer. Ca n’était pas la première fois qu’elle s’asseyait, décidée à enfin écrire à sa petite soeur. Mais les mots ne lui venaient pas. Pas facilement, pas des mots qu’elle pouvait coucher sur le papier. Elle aurait tout donné en cet instant pour se trouver à Blancport plutôt qu’à Port-Réal, pour pouvoir serrer sa soeur dans ses bras plutôt que de réfléchir à des phrases de réconfort. Elle aurait pouvoir les dire plutôt que les écrire. Mais les Dieux en avaient décidé autrement. Et Wynafryd ne pouvait plus continuer de faire passer ses paroles par son grand père, il était temps qu’elle discute d’elle même avec sa petite soeur. Après un dernier soupir et un dernier roulement de plume entre ses doigts fins, Wynafryd trempa finalement cette dernière dans l’encre et commença à écrire.

An 299, lune 4, semaine 4

Ma chère et tendre petite sœur.

J’ose croire que grand-père t’auras transmis tous mes voeux de rétablissement lors de mes précédents corbeaux. Mais il est temps pour moi de te le signifier directement. J’aurais vraiment aimé pouvoir te dire tout ce qui va suivre de vive voix petite soeur, mais cela m’est impossible pour le moment. Je suis sincèrement navrée de n’avoir pu t’écrire avant. Je ne saurais vraiment expliquer ce qui m’a rendu la tâche si ardue, j’en cherche encore la raison. Sûrement d’ailleurs qu’il n’y en a pas qu’une, et cela explique probablement pourquoi aucune des hypothèses qui me vient à l’esprit ne me satisfait totalement à elle toute seule.

J’espère que tu excuseras mon écriture hésitante, tremblante même je pourrais dire, mes propos désordonnés, mais je crois que je suis incapable de faire autrement si je veux réussir à t’envoyer un corbeau un de ces jours. Il me semble que je ne me suis jamais sentie aussi seule que ces derniers jours au Donjon Rouge, mais je ne suis pas celle qui est à plaindre j’en ai bien conscience. Wylla, je suis vraiment désolée que tu ais eu à vivre cette expérience traumatisante, de ne rien avoir pu faire pour l’empêcher et de ne pas pouvoir être à tes côtés pour te relever. Si tu savais comme je m’en veux. Je connais pourtant ta force, et même sans moi, je suis sûre que tu as toute le courage et le caractère nécessaire pour t’en remettre. Reste entourée des personnes qui te sont proches et en qui tu as confiance, maintenant plus que jamais cela est crucial.

Prends soin de toi petite soeur, et n’oublie pas d’être prudente.
J’espère bientôt être en mesure de pouvoir compter les jours qui nous séparent, en attendant, je veillerais sur toi comme je le peux, même loin de toi.

Et comme je ne veux pas d’une lettre trop sombre, j’espère que tu pardonneras ma maladresse d’essayer de terminer sur une touche plus légère, plus drôle, mais s’il y a au moins quelque chose de positif à tirer dans ce que tu viens d’expérimenter, c’est qu’au moins, mère ne devrait plus te faire le moindre reproche avant longtemps !

Ta grande soeur qui t’aime,
Wynafryd.

La Manderly se redressa rapidement pour éviter que la larme qui perlait sur sa joue ne vienne souiller le document. Elle reposa la plume, essuya les nouvelles larmes d’un revers de main puis roula le parchemin une bonne fois pour toute. Reparler de l’événement sans pouvoir parler véritablement des choses l’avait mise en colère, mais il lui était difficile de pouvoir faire autrement. Si dans les couloirs jusqu’à la roukerie son visage était impassible, son sourire naturel, ses pas et sa démarche trahissaient sa rage.

Au moment de la journée où la chaleur était la plus forte, Wynafryd demanda à être excusée auprès de la princesse. Si le Dragon ensoleillé avait pris ses marques à Dorne sans aucun problème, la sirène s’en était trouvée son parfait contraire. Elle regrettait son épaisse chevelure qui lui tenait si chaud quand les températures baissaient, sa peau clair brûlait en un rien de temps au soleil et il lui semblait plus simple de respirer sous l’eau que dans ce four. La nordienne était en peine et cela sautait aux yeux de Rhaenys qui ne pouvait guère lui refuser quelque repos supplémentaire dans ces conditions. La veille au soir, la Manderly avait enfin reçu un corbeau de sa petite soeur, alors l’isolement serait parfait pour prendre le temps de relire sa lettre et de lui répondre. Après avoir relevé ses cheveux négligemment et humidifié sa nuque et ses avant bras, la sirène s’était installée sur le petit bureau dans ses appartements.

299, lune 5, fin de semaine 2

Ma chère Wylla,

Ne t’en fais pas pour mon sang et mon impatience, je ne pourrais jamais exiger de toi que tu te forces à quoi que ce soit après ce que tu as vécu. Tu as déjà assez à te soucier de toi pour commencer à te soucier de moi. Néanmoins j’ai eu grand plaisir à découvrir ta lettre dans mes appartements hier soir à Lancehélion. Tes mots et ta voix m’avaient manqué. Car oui, si mes yeux parcouraient le parchemin, c’est bien ta voix qui résonnait en moi. Et j’ai hâte de pouvoir l’entendre réellement bientôt, de mes propres oreilles, alors je pourrais te serrer dans mes bras. Lorsque tu recevras ce courrier, sache qu’il n’attend pas de réponse si tu ne te sens pas en mesure de la fournir. Je veux simplement que tu saches que ta grande soeur est là pour toi, dans la mesure de mes capacités. Grand-père se chargera de me rassurer et de me faire suivre les nouvelles si cela devient trop compliqué pour toi. Il est vraiment important que tu te focalises sur ce dont tu as besoin toi en ce moment, oublie un temps ce que les gens pourraient attendre de toi. Pour une fois, tu en as totalement le droit et c’est ce que tu devrais faire.

Il me peine de lire que tu sens un changement chez toi. Même si j’ai pu te reprocher des choses ou te demander des efforts de comportement par le passé, je le regrette à présent. Même ta langue bien pendue ne m’a jamais empêchée de t’aimer comme tu étais, ma tornade aux cheveux verts, féroce et sans peur, avec un coeur on ne peut plus pur. Il est si désolant que tout le monde n’ait pas pu voir ça et que quelqu’un te l’ait reproché de cette façon. Ma main tremble d’évoquer cette peur qui te paralyse. Que puis-je faire pour que cela ne soit plus le cas très chère petite soeur ? Je comprends ta peur, mais l’idée qu’on ait cherché à te faire du mal et que cela te coute ta si belle force de caractère, l’idée m’est insupportable. Je pense qu’il te faudra du temps, c’est certain, mais si tu penses que je peux t’aider d’une quelqu’une façon, il faut que tu me le fasses savoir Wylla, promets-moi que tu le feras ? Que tu ne me mentiras pas pour me ménager ? Et que tu seras honnête sur ce dont tu as besoin ? Sur ce que tu veux ?

Malheureusement, ma culpabilité répond à de drôles de forces que je ne semble pas contrôler petite soeur. Je la sens insidieuse. Je sais qu’on ne peut changer le passé, que ce qui est fait, est fait. Et quand bien même on puisse émettre toutes sortes d’hypothèses, on ne peut vraiment savoir ce qui se serait passé en faisant un autre choix et peut-être suis-je vaniteuse de penser cela, mais j’ai vraiment l’impression de t’avoir failli Wylla et à présent je ferais en sorte que cela ne soit plus le cas, jamais. Et un jour, tu n’auras plus à te montrer prudent plus que de raison et la langue pourra se délier aussi vite que tu le souhaites comme par le passé. Parce que quand je te dis d’être prudente, je ne te demande pas de devenir silencieuse Wylla, j’aimerais que personne n’ait jamais eu à te forcer de la sorte de mesurer tes paroles. Simplement méfie toi des gens autour de toi, sois attentive de ceux qui t’entourrent et ne donne pas ta confiance trop aisément. Je ne voudrais pas que tu prennes le risque d’une nouvelle tentative…

Profite de la famille et ne t’en fais pas pour moi, je suis bien entourée avec Gyles et Robb qui est à présent de retour à mes côtés. Je me suis d’ailleurs permise de l’informer de la situation et tu as tout son soutien. Il te croit.

Je t’embrasse petite soeur, je t’envoie toutes mes pensées les plus affectueuses et les plus réconfortantes. Prends-soin d’Écumes pour moi, je suis certaine que sa présence saura te réconforter, à défaut de pouvoir te serrer dans mes bras.

Wynafryd.

La sirène reposa la plume à côté de la lettre et soupira un instant. Oui la culpabilité était belle et bien présente, mais la colère dominait toujours pour le moment. Elle s’était bien gardée de mentionner le prince et son mariage à venir. Si elle avait hésité à parler en mal du lézard, l’éventualité que sa lettre soit lue l’avait retenue, mais surtout, elle ne voulait pas causer d’angoisses ou rappeler ce nom à la mémoire de sa petite soeur. Après s’être relue rapidement et vérifié qu’elle n’avait rien oublié, Wynafryd apposa le sceau des Manderly et se mit à la recherche du mestre des lieux.

299, lune 7, milieu de semaine 1

A l’attention de Wylla Manderly,

Ma très chère petite soeur,

J’espère que tu excuseras le retard de cette lettre, mais avec mon retour à Port-Réal, je pense que j’ai raté ton corbeau de peu avant qu’il ne me rejoigne à la Capitale. Seulement tu l’auras entendu, la Reine Mère s’est éteinte et cela a jeté une étrange ombre au Donjon Rouge qui m’a tout bonnement empêché de t’écrire. Sans compter que la culpabilité dont je ne parlais dans mon précédent corbeau n’a eu de cesse que de me tourmenter ces dernières semaines, notamment la nuit. Mais je me suis enfin décidée à y faire face. J’ai quelques bonnes nouvelles à t’annoncer et j’espère qu’elles te réjouiront. J’ai eu l’autorisation de la princesse Rhaenys pour voguer vers Chateauneuf et pouvoir enfin te serrer dans mes bras ! Rien que cette idée me redonne la possibilité de respirer pleinement. Mais la véritable bonne nouvelle pour nous, c’est que je lui ai demandé d’accepter de se passer de mes services à l’avenir, de me laisser rentrer à tes côtés pour de bon. J’ose espérer qu’elle me répondra par la positive et à ce moment nous serons réunies pour de bon. Cette seule idée m’emplit de joie petite soeur car je n’aurais jamais pensé avoir tant besoin de revenir dans le Nord et de me retrouver à tes côtés. Je veux être là pour toi et je compte l’être. Même si Rhaenys ou Rhaegar refusaient ma requête, je ne sais pas si je serais capable d’entendre leur résistance. Maintenant que j’ai envisagé pour de bon cette éventualité de te revenir, je dois avouer que je n’arrive plus à m’imaginer vivre dans un lieu comme le Donjon Rouge, mes pensées me ramènent sans cesse sur nos terres nordiennes.

J’ai pris également une autre décision petite soeur. Je sais que tu as dit à Robb lorsque tu l’as rencontré pour la première fois que tu me pardonnais pour notre alliance, mais maintenant que tu as été attaquée, c’est moi qui ne me pardonne plus cette décision. Peut-être as-tu revu ton jugement sur ce point là aussi à présent, ou peut-être que je me leurre et que tes pensées sont à mille lieues d’avoir pris ce chemin dans les réflexions. Quoi qu’il en soit, je voulais te dire que tu n’auras plus jamais à te poser cette question. J’ai fait part à Robb de ma décision de revenir sur notre alliance. Je ne souhaite pas que mon orgueil ou mes sentiments puissent te causer un quelconque autre dommage. Tu n’as jamais voulu Blancport, je me rappelle même t’avoir entendu dire que tu préférais un mari plutôt que de faire de la politique comme grand-père ou moi. Je m’en souviens encore puisque je n’en revenais pas d’avoir entendu de telles paroles dans ta bouche d’enfant sauvage. Et bien à présent Wylla, tu auras la possibilité de te choisir un époux aimant si tu le souhaites, ou simplement de rester à mes côtés à Blancport, sans avoir à te soucier de quoi que ce soit d’autre. J’ai également informé grand-père de mes décisions et j’espère que la déception ne sera pas trop grande, mais je ne peux plus continuer de la sorte. Je te disais qu’il me semblait t’avoir failli Wylla et j’ai l’impression que c’est ainsi que je pourrais t’aider au mieux, être une bonne soeur.

Avec un peu de chance, cela sera le dernier corbeau que je t’envoie, ainsi, les prochaines choses que j’aurais à te dire, je pourrais te les énoncer de vive voix, en caressant ta chevelure verte et en te serrant dans mes bras.

Ta dévouée Wynafryd Manderly, ta grande soeur qui t’aime plus que tout.