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Because You're My Brother, And Therefore One Half Of Me ❀ Loras Tyrell

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Because You're My Brother, And Therefore One Half Of Me

An 298 | Lune 11



Loras & Margaery


L'Union de la Rose avec le Lion était de toutes les bouches. La délégation Lannister, présidée de lord Tywin en personne, avait franchi les portes de Hautjardin en grande pompe, et les fiançailles entre Loras et Cersei Lannister - de seize années son ainée ! - avaient été annoncées, et fêtées avec les honneurs dûs. On avait dressé un grand buffet sur les berges de la Mander, et largué de minuscules embarcations sur lesquelles flottaient de petites sculptures faites de roche et de fleurs pour symboliser les deux familles. On avait bu, on avait dansé et chanté à la gloire des futurs époux, et planté de grands arbres fruitiers comme c'était la tradition chaque fois qu'un enfant Tyrell écrivait une nouvelle page de son histoire. Autour d'elle, les jeunes gens de Hautjardin n'étaient que liesse et bonheur ; pourtant, de l'autre côté de la salle des fêtes, tandis que les fiancés étaient auréolés de vivas, Margaery observait l'étrange couple et ne pouvait que constater ce qui était, hélas, prévisible : les principaux intéressés étaient, à part égales, les seuls que ce projet n'enchantait pas. Et l'euphémisme était grand !

« C'est bien la première fois que le Chevalier Aux Fleurs n'a rien de chevaleresque... » observa tranquillement la voix piquante à sa droite. Trônant dans sa chaise comme la véritable "Reine des Epines" qu'elle était, Olenna Tyrell venait de commenter la scène étrange qui venait de se produire sous leurs yeux : d'un geste rageur, Loras avait brusquement quitté la table d'honneur pour se précipiter au dehors. Le petit rire dédaigneux de sa grand-mère arracha un pincement au cœur de la jeune fille qui, d'une voix douloureuse, rétorqua :  « Avouez, Grand-Mère, que la situation ne lui est pas enviable ! Fallait-il vraiment que cela tombe sur lui ? » « Et sur qui voulais-tu que cela tombe ? Willos ? Il est le futur de cette maison, je n'allais pas lui donner une demi vieille qui risque de ne lui donner qu'une fille morte-née ! » « Grand-Mère ! Cersei est... » « Vieille. L'alliance avec les Lannister leur est vitale autant qu'elle est déplaisante pour nous. C'est assez bien illustré, non ? » C'en était trop. D'un geste qu'elle espérait doux, Margeary se leva, salua Olenna et quitta la salle des fêtes, non sans un signe de tête à l'égard de Cersei. Leurs regards se croisèrent ; et ce qu'y vit Margeary lui fit froid dans le dos. S'excusant auprès de son père qui voulait la faire danser avec un gentilhomme Florent, la jeune fille prit la porte dans laquelle Loras s'était engouffré quelques minutes plus tôt et, lorsqu'elle fut certaine de ne pas être suivie, ramassa ses jupes et se mit à courir dans les couloirs. Avec certitude, il s'était réfugié dans une des tours délaissées du château, où la légère brise biefoise se faisait plus forte et plus froide qu'à l'accoutumée. Une piètre imitation des vents qui secouaient Accalmie, et qui avaient le don de calmer les ardeurs de son frère lorsqu'il entrait dans ses mauvais tourbillons. Solitaire, Loras se défoulait souvent sur un morceau de bois, voir sur une colonne de pierres ; mais ce soir, Margaery ne pouvait pas le laisser seul. Elle savait qu'il avait besoin de déverser ses aigreurs, et qu'elle était la seule à laquelle il accepterait de se confier.

Lorsqu'elle trouva enfin l'entrée de la tour, elle entendait déjà les conséquences de la rage de son frère et son cœur se serra. S'ils se ressemblaient beaucoup physiquement, Loras n'était pas doté de la même capacité pragmatique que sa benjamine, ce qui rendait cette affaire pour lui insupportable. Elle ne voulait même pas imaginer combien il devait souffrir, d'autant plus que son cœur était ailleurs. Il le lui avait confié quelques Lunes auparavant, alors qu'il avait bu beaucoup plus que de raison à l'annonce de ce projet de fiançailles. Déjà, Margaery avait craint un sursaut ; gravissant les marches quatre à quatre, la jeune fille comprenait à présent qu'elle avait mal évalué les risques. D'ailleurs, lorsqu'elle arriva enfin au sommet, elle trouva la porte fermée. Derrière, les cris de Loras étaient plus forts que jamais et d'un geste vif, elle tambourina sur le mauvais bois de toute la force de ses petites mains. « Loras ! Ouvre, c'est moi ! » Le vacarme cessa, mais la porte ne s'était pas ouverte. Elle se rendait compte qu'elle avait crié pour se faire entendre, et posa une main sur sa bouche, surprise par sa propre violence. S'approchant de la serrure, elle posa ses lèvres dessus et implora, plus bas : « Ouvre, Loras. Parle moi... je ne supporte pas de te voir dans cet état. S'il te plait, ouvre moi... »



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An 298 | Lune 11



Loras & Margaery


Ils semblaient si insouciants à travers leurs rires contagieux. Pourtant, ils n’en avaient pas le droit. Pourquoi pouvaient-ils se réjouir de ce qui lui rongeait les tripes, petit ver d’angoisse ? Leurs sourires  s’agrippaient à lui tels de petits porc-épic. ne le quittaient jamais même lorsqu’il fermait les yeux. Estampés sur le canevas noir de son regard éteint, ils lui rappelaient que nous ne pouvions pas fuir si facilement ce qui se trouvait tout juste devant nous. L’atmosphère du Bief lui sembla soudainement plus lourde et plus chaude. Non pas cette chaleur agréable qui aimait notre peau comme les bras d’un être cher, mais celle qui nous écrasait. D’où pensaient-ils pouvoir jouer autour de lui une pièce dont le rôle qu’on lui avait attribué était misérable et aliénant ? Hautjardin était toujours aussi belle, animée par ces festivités qu’il aimait tant, habituellement. Elle l’engloutissait, forte, de cette illusion de liberté et de protection. Sa maison laissait se dessiner sur elle une mascarade qui le méprisait. Chaque mot d’encouragement, chaque belle parole, sonnait à ses oreilles comme une moquerie de mauvais goût. La bulle qui l’enveloppait de plus en plus, au même rythme que la céphalée qui ceignait son crâne, estompait le monde qui évoluait autour de lui. Aucun mot ne franchit la bouche de Loras et aucun regard ne s’adressa à qui que ce soit lorsqu’il se leva brusquement de table. Sa main tremblante s’empara de sa coupe dorée et, les lèvres pincées, il quitta l’assemblée d’un pas rapide et décidé. Il n’avait plus à faire ici. Les iris perplexes qui s’étaient posés momentanément sur lui l’avaient quitté. Il sentait la joie gluante s’agglutiner à nouveau à sa peau. Elle le dégoûtait. Il voulut se retourner et obliger chacun d’entre eux, un doigt au creux de leur gorge, à vomir ce bonheur intolérable. Qu’ils éprouvent ce qu’il ressentait vraiment, ce qui se cachait sous ce sourire faux qu’il avait porté ces dernières heures.

Les effluves floraux caressaient son nez comme le vent le fit à sa nuque. Loras aimait cette nature colorée qui animait ses sens, mais elle ne lui était d’aucun réconfort. Le plus vite il s’éloignerait de ces gens, mieux il se porterait. Il sentait l’étau se resserrer autour de lui, son cœur cogner violement contre les parois de son squelette. S’il avait fait de son mieux pour conserver son calme lorsqu’il se trouvait à la table, plus il s’approchait du château, plus son regard se faisait fuyant et ses sens à fleur de peau. Lorsque Willos s’introduit dans son champ de vision, l’adolescent longea le mur pour ne pas qu’il le remarque. Jouant au sourd, il ignorait les gens qui l’interpellaient, interloqués par son pas rapide qui trahissait son chamboulement. Le biefois s’engouffrât dans le château, laissant derrière lui les festivités et les fleurs. Il prit l’escalier dans le couloir de gauche et en monta les degrés deux par deux, le souffle court et l’estomac serré. Alors qu’il sentit une boule d’il-ne-savait-quoi se lover au creux de son larynx, le garçon courut ce qu’il lui restait à monter, poussa la porte de bois et la claqua derrière lui. Le dos collé contre cette barrière entre lui et le monde, il avala d’une traite le liquide amer qui reposait encore dans la coupe qu’il laissa tomber au sol.

La Rose dorée mêla ses doigts au creux de ses boucles, tirât sur celles-ci comme pour s’agripper à lui-même. Il ne voulait pas se perdre. Il savait qu’il n’était pas le maître de ses émotions, qu’elles prenaient toujours le dessus et qu’elles le noyaient. Elles l’étouffaient, il suffoquait sous leur poids. Lorsqu’il leva les yeux dans l’espoir de trouver de l’aide, il ne vit que sa solitude. Sa voix si douce éclata en un cri qui se mélangea aux exclamations de joies qui pénétraient indiscrètement par la fenêtre.  Sa gorge se serra et son ventre se tordit. Ses mains, qui n’étaient pas assez fortes, lâchèrent ses cheveux. Il serra les poings si fort que ses ongles percèrent la peau pâle de ses paumes. On ne lui avait jamais appris à contrôler ses émotions. Il n’avait pas de filtre.  À six ans, nous l’avions balancé au sein d’une famille qui ne tournait pas toujours bien rond. Il ne savait pas comment enterrer tout cela au fond de lui. Instinctivement, l’adolescent se mit à taper sur tout ce qu’il pouvait. Ses jointures s’égratignèrent contre la pierre froide de ses murs, mais c’était à travers la douleur qu’il se sentait le plus vivant. Il souhaitait avoir la force d’un buffle  pour les détruire, pour se défaire de cet emprisonnement qu’il s’imposait quand tout glissait entre ses doigts et qu’il perdait le contrôle. Et il cria à nouveau. Il ne se souciait pas des parcelles de son qui pouvaient parvenir aux oreilles des ingrats sous sa fenêtre. Il n’était pas mieux qu’un enfant : tout ce qui croisait ses mains ne restait pas en place. Si le chaos envahissait ses esprits, il fallait qu’il se matérialise. Soudain, il s’immobilisa lorsqu’une voix douce qu’il connaissait trop bien se faufila dans ses oreilles et réchauffa son cœur. Lentement, sa colère fit place à une tristesse qui le paralysa et l’empêcha de répondre immédiatement à la perle qui se trouvait de l’autre côté de la porte à sa princesse.

Il ne pleurait pas. Dans l’Orage, l’éducation que nous lui avions donnée était stricte : les hommes ne versaient pas de larmes. Ils n’avaient que le droit d’avoir la gorge serrée et, parfois, de cacher leur visage contre leur oreiller que l’amertume rendait aussi inconfortable que de la paille. Respirer l’odeur familière de leurs draps pour se rassurer ; s’y allonger, figé comme à une civière. Loras s’était réfugié au creux de son lit, le dos contre la tête de celui-ci. L’oreiller qu’il serrait contre lui le protégeait de la réaction de sa sœur. Au fond de lui, il savait qu’elle ne le jugerait pas, mais il était dans un état où la rationalité n’existait pas. Il avait le regard perdu d’un enfant et la gorge enrouée d’avoir trop crié. La voix de Margaery résonna à nouveau et Loras leva la tête vers la porte qu’il n’avait pas verrouillée « Tu peux entrer, Margaery… » marmonna-t-il, mais suffisamment fort pour que sa petite sœur puisse l’entendre. Il déglutit le peu de salive qu’il lui restait, mais elle ne passa par où elle aurait dû. Surpris, le visage du Tyrell s’empourprât et il toussa pour essayer de la faire passer. Il râcla sa gorge désormais plus douloureuse, mais il ne s’étouffait plus.

Loras leva à nouveau ses prunelles d’ambre vers la porte qui venait de s’ouvrir. Un fin sourire peu motivé souleva les coins de ses lèvres.  Il n’avait pas envie de le faire, mais il ne voulait pas qu’elle s’inquiète trop. Il détestait lorsqu’elle le voyait dans cet état. Cela abîmait l’image du grand-frère parfait qu’il tentait de projeter, de celui seul qui pouvait la protéger contre ce monde trop brusque. Il ne voulait pas qu’elle le voit comme celui qui montait sur ses grands chevaux dès qu’un obstacle émotif se dressait devant lui, même s’il était probablement déjà trop tard. Pourtant, il baissa le regard et fixa ses pieds. « Je ne veux pas qu’elle dorme dans ce lit. » Sa voix s’échappa en un soupir.  « Il ne lui appartient pas. » Enfin, ce n’était que des futilités qui n’étaient clairement pas à la source de ses émotions excessives – d’autant plus qu’ils n’étaient pas encore mariés –, mais les petits mots pouvaient dire de grandes choses. Il rêvait de gravir les échelons, mais nous avions tué ses rêves dans l’œuf en lui offrant une quasi-momie. Il avait besoin d’ouvrir son cœur à Margaery, il avait besoin de ses oreilles et de ses bras. De sa voix et de son amour. Sa silhouette repliée sur elle-même était caressée par le soleil tiède de la fin d’après-midi, par le vent qui soufflait contre sa nuque tendue et sa mâchoire serrée. Loras déposa son oreiller sur ses genoux et enfouit visage au creux des plumes. Encore et toujours, la musique et les voix joyeuses s’heurtèrent aux murs de sa chambre en une vibration qui lui semblait tragique.



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An 298 | Lune 11



Loras & Margaery


Après de longues minutes qui lui avaient semblées interminables, il lui permettait d'entrer. Elle qui avait cru la porte fermée se rendait compte qu'il s'agissait simplement d'un mystère conjuré par la pierre qui à certains endroits, suintaient d'eau - la Mander avait dû s'évaporer avec la chaleur des derniers jours - et l'âge du bois de la porte qui demandait sérieusement réparation. Aussi, elle poussa sur le mécanisme qui, après une légère résistance, lui livra passage. D'un pas décidé, elle entra dans la pièce pour refermer immédiatement la porte : inutile qu'un visiteur impromptu, du reste sans doute envoyé par leur père ou leurs frères, s’immisce dans la confession. Ce qu'elle vit alors lui fendit le cœur : à l'extrémité de la pièce, qui n'était déjà pas très grande, la pauvre silhouette de Loras gisait plus qu'elle ne se tenait en son centre. Ses cheveux lui barraient le visage où elle ne voyait pas de larmes et pourtant, il avait dû faire quelque chose pour que cela lui empourpra à ce point le visage. Lorsque finalement il daigna lever les yeux vers elle, Margaery cru qu'on lui arrachait une part d'elle-même : il semblait perdu, à la dérive, et du même coup honteux et misérable.

Revêche, seul défense qu'il semblait encore trouver à son comportement, il cracha son dépit à l'encontre de sa fiancée, à laquelle il n'accordait ni nom, ni couche. Pour toute réponse, et espérant être moins dure qu'il n'y paraissait, Margaery rétorqua : « Pour l'instant, personne ne dort avec personne. Nous n'en sommes pas encore là... » Elle s'avança vers lui, tendant une main ouverte et chaude dans laquelle il pourrait glisser la sienne. Le reste de son corps suivrait naturellement, comme un enfant malheureux retrouve le giron maternel, un navire à la dérive son port d'attache, une brindille le feu de cheminée. Elle le laisserait venir à son rythme, comme à chaque fois qu'il essayait, pendant un temps, de se montrer fort. Elle lui avait pourtant répété de nombreuses fois qu'elle n'en avait cure et qu'entre eux, elle préféraient lui être une présence réconfortante plutôt que le prétexte à un masque. Loras avait été mal bien avant ce soir, et il était temps à présent pour lui de se confier. Il savait que jamais elle ne trahirai sa confiance, et qu'elle aurait toujours pour lui une oreille attentive et un conseil avisé. Car une fois l'explosion de tristesse passée, il lui faudrait bien reprendre le dur chemin de la réalité. Mais tout devait venir en son temps : d'abord la confession, ensuite l'action. « Viens... » murmura-t-elle tout bas, comme on tente d'amadouer un animal blessé, et trop craintif pour penser ses plaies. Prudemment, elle mangea les quelques mètres qui les séparaient et, avec une délicatesse infinie, posa une main sur la couronne de ses cheveux bouclés. Un geste doux, apaisant, présent. Seuls deux êtres liés par une connaissance aveugle l'un de l'autre pouvaient ressentir ce qu'elle éprouvait à l'instant. Et cela avait toujours été ainsi : dès qu'il avait mal, elle avait mal. L'année qui les séparait semblait avoir été une fantaisie des Dieux car en vérité, ils étaient les deux faces d'une même pièce. « Assieds-toi... Allez... » lui intima-t-elle alors, passant sa main libre sous l'un de ses bras et doucement, le força à se laisser aller contre les draps froids du lit.

Ils restèrent ainsi assis durant de longue minutes, sans qu'aucun ne dise un mot. Du reste, ce n'était pas à elle de parler. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était l'écouter, lui laisser la possibilité d'extraire de son cœur et de son âme meurtrie toute la bile accumulée durant les dernières semaines. Elle revoyait encore, comme figé dans le marbre, à l'annonce paternelle. Tous avaient été réunis autour de lui : Willos avec sa mauvaise jambe, Garlan au bras de son épouse, lui-même et Margaery, dans l'ombre de sa grand-mère. Les deux femmes venaient tout juste d'apprécier une tasse de thé dans les jardins lorsqu'un page leur annonçait que lord Tyrell souhaitait sa famille auprès de lui. Elle se souvenait bien avoir harcelé Olenna de question sur le chemin mais comme à son habitude, la Reine des Epines ne pipait mot lorsqu'elle l'avait décidé. Pas même sa petite fille, son joyau, sa "plus belle réussite" comme elle l'aimait à l'appeler, ne pourrait en tirer quoi que ce soit lorsqu'elle gardait le silence. « Ton père t'expliquera ! » L'explication était tombée quelques minutes plus tard, et Margaery avait instinctivement cherché le regard de son frère : inexpressif, si ce n'était glacé. Et voilà où cette annonce l'avait mené : reclus, prostré dans un coin du château, à devoir cacher à tous son malheur, pour le bien de la famille.


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An 298 | Lune 11



Loras & Margaery


Le nez blottit au creux de son oreiller, les bras entourant ses genoux si fragiles –  tremblant, il craignait de s’effondrer s’il se levait à nouveau –, Loras inspira. Expira. Et il recommença, ainsi de suite. Sa sœur n’était pas encore à côté de lui, mais il sentait sa présence douce et rassurante, son parfum fleurit qui voguait jusqu’à lui, allumaient ses sens comme la vue d’une mère qui suffisait à apaiser un bébé qui pleurait. S’il semblait raffermir son calme qui avait malencontreusement déraillé, ce n’était qu’en extérieur. Ses pensées étaient encore, au fond de sa tête, une tornade dévastatrice qui déchiquetait à l’instant toutes les jolies pensées qui tentaient de faire leur chemin jusqu’aux plus sombres. Sa respiration était inconstante et sifflante contre son oreiller, se faufilant au travers d’une gorge serrée que l’orgueil empêchait de se laisser aller en couinements de détresse. Ses yeux se fermèrent, avalant le blanc du coussin et le filet de lumière qui l’agaçait. Même après quelques secondes, il restait, au fond de ses oreilles, des bribes de la voix douce de sa princesse. Elle était comme le vent qui caressait la mer, à Accalmie : calmante et rassurante, enveloppante comme une couverture de laine. Devant ses yeux fermés, au rythme de ses respirations, il imaginait les plumes de son oreiller s’échapper et virevolter autour de lui comme les canards qui les portaient avant ; tombant au sol et se relevant au même rythme qu’un battement de cœur. Malgré l’angoisse que les mots vrais et rationnels de sa sœur n’avaient pas su éteindre, l’adolescent hocha la tête. Sans vouloir l’admettre, il savait qu’elle avait raison. Son cœur se calma, battait désormais moins fort, mais il n’arrivait pas à chasser de sa tête l’anticipation, la nuit qui suivrait son mariage, cet acte humiliant que nous le forcerons à accomplir. Timidement, il leva la tête et observa à nouveau la seule femme – hormis sa mère – qu’il aimait autant. Sa main comme une corde qui l’empêchait de tomber plus bas qu’il ne l’était déjà. Ses lèvres pincées s’entrouvrirent, mais ne laissèrent s’échapper qu’un gémissement plaintif qui illustrait sa détresse qu’il ne sentait plus le besoin de cacher ; ses mots étaient morts au fond de sa gorge sèche.

La Rose dorée ne semblait pas pressée. Il savait que Margaery ne partirait pas en le laissant seul avec son mal. Qu’elle ouvrirait son cœur en le laissant y plonger comme dans un grand lac d’amour et de compassion. Ils avaient toujours été là l’un pour l’autre, dans les joies et les colères leurs cœurs battaient en harmonie ; même lorsqu’il était encore à Accalmie, ses pensées le ramenaient vers elle, ombre dansante sur la scène de ses souvenirs. Mollement, il laissa son oreiller glisser sur ses genoux. Il l’observa jusqu’à ce qu’elle touche ses pieds. D’un geste, il la chassa de ses orteils. Au fond de ses yeux régnait une lueur qui rappelait qu’il n’était qu’un enfant, qu’à seize ans sa carapace ne s’était pas encore fendue ; qu’il vivait dans l’illusion d’être un adulte presque accomplit. Il ne l’avait pas vue s’avancer jusqu’à lui, mais lorsque sa main tendre se fondit à ses boucles son cœur manqua un battement et il voulut se blottir immédiatement au creux de ses bras chauds, se laisser bercer affectueusement. Ses yeux d’ambre se levèrent vers elle, l’implorant de le protéger du monde. S’il s’était mis dans la tête que son devoir – et son devoir à lui seul – était de la protéger, il ne pouvait pas nier que c’était quelque chose qu’ils faisaient mutuellement. Depuis leur naissance, chacun d’eux s’appuyait sur l’autre. Elle était si belle, sa sœur. En la regardant, ses yeux devinrent humides et son regard sincèrement triste. Ses prunelles plongées dans les siennes, son corps tendu sous l’angoisse se détendit. Il ne faisait plus preuve de résistance physique et lorsqu’elle passa son bras sous le sien pour l’inciter à la suivre, il le fit instinctivement. Ses dents mordirent sa lèvre inférieure et ses traits d’anges s’étaient arrondis en une moue de chiot battu. Cette âme précieuse qui s’emmêlait à la sienne en une fusion quasi-parfaite lui donnait le droit de ne pas être fort, de ne pas se forcer à être un homme modèle. Il pouvait être lui-même ; blessé et immature. Dès lors, Loras se laissa couler sur les draps de son lit, les froissant entre ses longs doigts crispés. La joue tout contre le matelas, Loras ferma les yeux et resta silencieux. Elle ne le forcerait pas à parler. Elle le laisserait prendre son temps, comme elle l’avait toujours fait. Elle était plus douce que lui. Les jambes repliées, en position quasiment fœtale, il cherchait tout de même un contact physique avec sa sœur. Même s’il était étendu, dos à elle, il ne décolla pas son dos de ses jambes. La chaleur de Margaery le rassurait. Lorsqu’il réussit à rassembler tous les mots qu’il voulait dire, tous les sentiments qu’il devait exprimer, ses ongles cessèrent de pincer les draps et il se retourna sans se redresser. Comme lorsqu’il était enfant, Loras posa sa tête sur les genoux de la jeune femme.

« Ce n’est pas la première fois qu’on me propose des fiançailles… » Soupira-t-il. Des images de jeunes filles nobles du Bief, et même de l’Orage, surgissaient de sa mémoire. Il ne les aurait jamais aimées comme il pouvait aimer un homme, mais elles étaient jeunes et une amitié aurait pu naître entre eux ; c’était déjà mieux que rien. « Tu sais, j’ai toujours pu refuser avant, Papa et Mamie n’ont jamais rien dit, mais maintenant je ne peux pas… Je n’ai pas le droit ; le Lannister ne le laisserait jamais passer. Pourquoi ne l’ont-ils pas fiancée à Willos ? Elle est vieille ! » L’air boudeur revenu à son visage. Sur le coup, perdu au fond de ses sentiments égoïstes, Loras avait oublié les fiançailles de Willos à la jeune princesse Targaryen ; un honneur pour la famille. Il ferma les yeux, inspira doucement et remonta ses genoux contre lui. Une main vagabonde attrapa une mèche des cheveux bruns de sa sœur. Calmement, il l’entortilla autour de son index. Il se souvenait de lorsqu’ils étaient enfants. Quand il venait en visite lorsqu’il était encore à Accalmie, parfois, il aimait lui faire des couronnes de fleurs et les déposer sur sa tête, lui dire qu’elle était la Reine. Sa Reine. Il la trouvait jolie dans ses robes pâles, le sourire remontant ses joues rondes. Il aimait la regarder danser et se dire que personne d’autre n’avait une sœur pareille. « J’ai peur, Margaery… » Marmonna-t-il d’une voix presque sourde. Ses mots se coincèrent dans sa gorge, mais parvinrent à en sortir, tordus comme de vieilles fourchettes. « J’ai peur de ne plus jamais le revoir, qu’il ne m’aime plus. » Son doigt abandonna les cheveux délicats et sa main tomba mollement sur la jupe de sa sœur qu’il tritura distraitement. Il aimait la texture du tissu sous ses doigts, qu’il soit de la robe de sa sœur ou du drap de son lit, la douceur le rassurait. « J’ai peur de ne pas être capable d’accomplir mon devoir et d’en subir les conséquences… »  Il ne savait pas si cela se serait mieux passé avec une femme plus jeune ; peut-être aurait-il pu trouver une solution qui aurait contenté les deux partis. Mais Cersei semblait si malcommode, si peu ouverte à ce qui évoluait autour d’elle. Il n’avait pas eu une bonne première impression de cette femme. « Je n’ai pas envie que le futur arrive. » Sa voix, soudainement, se fit toute petite comme celle d’un enfant. Il ne se sentait pas prêt à assumer ses futures responsabilités, à être un adulte. Tout pour lui, en ce moment, n’était qu’un jeu qui commençait à déchanter abruptement.




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An 298 | Lune 11



Loras & Margaery


Après un temps de latence, où devaient se battre d'un côté son besoin de douceur et de l'autre son orgueil tout masculin, Loras rendait finalement les armes et se laissait bienheureusement tomber dans les draps du lit. La main de la jeune fille ne l'avait pas quitté, accompagnant son corps jusqu'à ressentir que les premiers muscles se détendaient. Mais elle ne parlait toujours pas. C'eut été inutile, il fallait qu'il mette lui-même les mots sur ce qu'il ressentait. L'inverse était le meilleur moyen de le braquer, et de risquer qu'il ne fasse une bêtise. Et il en était capable ! Les échelons des humeurs de son frère étaient nombreux et versatiles, et le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'ils demandaient des trésors de patience et de savoir-faire pour les contrôler. Or, c'était là sa plus grande crainte ; qu'il succombe à son instinct premier, sans réfléchir. Elle n'osait alors pas imaginer ce que donneraient les festivités si par malheur, pris d'une rage de buffle, Loras chargeait l'assemblée en hurlant à qui voudrait l'entendre qu'il ne voulait pas de ce mariage, et que quiconque oserait le forcer devrait se mesurer à lui.

Durant un long moment, il resta recroquevillé sur le lit comme un enfant, croyant pouvoir se protéger des horreurs du monde en joignant pieds et mains, et en engouffrant sa tête sous ses bras. Distraitement, elle avait commencé à caresser ses cheveux, qui bouclaient sous ses ongles aussi naturellement que la paille brille au soleil. Le geste était rituel entre eux ; d'ailleurs, il ne tarda pas à s'allonger sur le dos, poser sa tête sur ses genoux et fermer les yeux, reconnaissant. Margaery sourit. « Respire. » souffla-t-elle simplement, en continuant ses caresses apaisantes. Bientôt, les respirations erratiques du jeune homme se muaient lentement en de grandes et pleines bouffées d'air, sa poitrine montant et descendant au rythme des passage des mains fraternelles dans ses boucles folles. Ils avaient toujours été très tactiles, et ce même après son retour d'Accalmie. Margaery avait craint un instant qu'elle ne le reconnaitrait plus et qu'il quitterait définitivement la douceur de ses mains pour quelque armure froide et sans âme, fort de l'éducation qu'on lui avait prodiguée en Terres de l'Orage. Et pourtant, il n'en était rien. Et à cet instant, il n'était plus le flamboyant Chevalier aux Fleurs devant les exploits duquel toutes les damoiselles se pâmaient... Comme s'il avait lu dans ses pensées, une moue boudeuse se dessina sur les lèvres de Loras, pestant que jusqu'alors, si les propositions d'épousailles s'étaient amassées, il avait toujours pu les refuser. En silence, Margaery acquiesça d'un signe de tête ; il était vrai que durant les derniers mois, Loras avait pu se vanter d'être le célibataire le plus désiré de tout le Bief, et peut-être même, l'une des plus désirés du Royaume. Encore qu'elle soupçonnait les refus liés au manque de prestige d'une union d'un fils Tyrell avec une quelconque jouvencelle sudiste. Ce choix avait été fait pour Garlan et à présent, il ne restait que deux étalons et une pouliche sur la table des négociations fleuries. Visiblement, elle et Loras seraient les victimes de grands et beaux mariages prestigieux, pour le bien de la famille. « Tu exagères... » remarqua-t-elle pourtant, un rire dans la voix. « A t'entendre, lady Cersei a tout l'air d'une momie ! Par ailleurs, je doute qu'elle trouve d'avantage de plaisir à ce mariage que toi... » Le souvenir du regard pesant de la Lannister à son égard lui revint. Et Margaery frissonna.

Des Lannister, Margaery n'en savait pas d'avantage que les autres. Une famille puissante, richissime et très influente, malgré le rôle tragique joué par Jamie Lannister dans le trépas du Roi Fou. Cersei avait perdu son jumeau, et la jeune fille pouvait au combien comprendre comment cette perte avait pu laissé de cicatrices. Si on lui enlevait Loras... Margaery secoua brusquement la tête : elle ne voulait même pas y penser. Mais que ce devait avoir été déchirant de voir le corps de son frère, rapatrié sur une civière coulée d'or de ses mines natales, frappé des armoiries du Lion d'Or et enfin engouffré dans les sombres cryptes de Castral-Roc ! La froideur perpétuelle qui se lisait sur le visage de la Dame du Roc ne devait pas y être étrangère ; de même, l'idée d'être vendue à un jouvenceau qui avait l'âge d'être son fils alors qu'elle avait eu de grandes chances d'être Reine à la place d'Elia Martell avait de quoi plonger la plus farouche battante dans un abime de rancœur et de mépris. Et pourtant : la force qui émanait continuellement d'elle, et de tous les membres de sa famille, commandait, si ce n'était de la sympathie, au moins un profond respect. « A défaut d'en faire ta maîtresse, ne t'en fais pas une ennemie, Loras. Je doute par ailleurs que père et grand-mère attendent de vous qu'un quelconque fruit naisse de ce mariage... Il s'agit d'une alliance, voilà tout. Contente-toi d'être prévenant et respectueux ; et avec un peu de chance, sa stérilité confirmée, la répudiation sera peut-être considérée... » chuchota-t-elle à son oreille. Bien entendu, un tel geste sèmeraient les graines de la colère de Tywin ; mais d'ici-là, elle espérait que les Tyrelle ait gagné suffisamment d'influence pour ne pas craindre les rugissements léonins...

A travers l'une des fenêtres ouvertes, l'atmosphère festive se faisait encore entendre. A coup sûr, on avait entamé une farandole qui allait se poursuivre dans les jardins... Mais alors que les pieds de la jeune fille battaient distraitement la mesure, Loras lui avoua enfin ce qui se cachait derrière sa violente réaction. Il avait attrapé une mèche de ses longs cheveux, et fixait le plafond comme pour y trouver une réponse. « C'était donc ça... » fit-elle, en levant un sourcil. Dans le fond, peut lui importait qu'il épouse Cersei Lannister ou un porc-épic ; à ce stade, il regrattait surtout amèrement de ne pas pouvoir suivre ce que lui dictait son cœur. Cela faisait un moment qu'elle avait remarqué chez lui cette fébrilité, cette tension permanente qui ne trahissait que trop bien de sentiments amoureux. Comme à son habitude, la jeune fille ne l'avait pas pressé à lui dire de qui il s'agissait, et il s'était confié à elle sur l'identité de son amant : Daemon Sand, fils naturel d'un noble de Dorne et surtout, membre de l'escorte personnelle de Tywin Lannister. Un homme qu'elle avait elle aussi trouvé fort séduisant, et dont elle avait vite compris que son charme agissait sur son frère plus sûrement que le plus vicieux des filtres d'amour ! Les passions de Loras étaient toujours fulgurantes et brûlantes, et le prenaient à bras le corps sans qu'il ne puisse rien faire si ce n'était les suivre, aveuglément. « S'il te refuse son amour pour ça, alors c'est un imbécile ! » décréta-t-elle alors, en sentant qu'il se raidissait brusquement sur ses genoux, comme si son squelette soudain était traversé d'épines. « Attends, ne t'énerve pas et laisse moi finir ! C'est un imbécile pour deux raisons ; la première, c'est qu'il doit comprendre que ce mariage est une nécessité pour notre famille, et non pas parce que tu l'as voulu. Et la seconde... » fit-elle, un grand sourire aux lèvres, et les penchant pour embrasser son front, « c'est qu'il faut vraiment être un imbécile pour ne pas voir que tu serais prêt à prendre le Noir pour fuir cette union ! »

Et elle éclata de rire ; un rire lumineux, communicatif et contagieux, dans lequel elle espérait l'entrainer.


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Loras & Margaery


« Mais elle est une momie ! Elle a l’âge d’être ma mère, c’est dégoûtant ! » S’exclama-t-il en se redressant un peu comme si la constatation le secouait à ce point. Pour un court instant, Loras ne semblait pas porter le poids d’une tragédie sur ses épaules, mais plutôt un léger amusement sur son visage aux traits d’ange. Il appréciait ces moments où sa petite sœur semblait lire dans ses pensées, les coïncidences aimables qui survenaient de temps en temps lorsqu’ils étaient ensemble. Il avait beau aimer un autre, laisser son cœur s’enfuir dans ses mains comme s’il ne lui était plus d’aucune utilité – de toute façon toujours trop lourd, il était mieux lorsqu’il se reposait dans des paumes chaudes et amoureuses – , Margaery était celle avec qui il partageait son âme, celle à qui il donnerait sa vie s’il le fallait. Ses prunelles tristes la regardèrent et ses cils battirent pour chasser le voile embrumé qui s’installait dans son regard. Il détestait ses émotions en dents de scie, cette manie d’être d’un coup traversé d’une émotion joyeuse pour retomber aussitôt au fond d’une tristesse indésirable ou d’une colère parasite. Loras laissa retomber sa tête sur les genoux de sa sœur, triturant les tissus pâles de sa robe. Presque timidement, il hocha la tête. S’il avait eu le droit de choisir une épouse, sous l’angoisse d’un ultimatum, il l’aurait prise plus jeune. Non pas par mépris des femmes plus vieilles, mais pour pouvoir au moins s’en faire une amie, quelqu’un sur qui il pourrait compter à défaut de pouvoir un jour l’aimer d’amour. Margaery n’avait pas tort, mais encore fallait-il qu’il essaie justement ce qu’il ne voulait pas essayer pour confirmer la stérilité de Cersei. Pour s’en débarrasser, il n’avait pas le choix de l’assumer quelques temps. Cela ne lui plaisait pas. Enfant-roi, nous ne l’avions pratiquement jamais forcé à faire quelque chose qu’il ne voulait réellement pas faire, mais les temps avaient changés : il n’était plus un enfant.

Au fond de lui, il espérait que sa plus grande inquiétude ait glissé sur Margaery comme sur le dos d’un canard, qu’elle ne revienne pas sur le sujet en l’obligeant malgré elle à afficher sa plus grande faiblesse ; une faiblesse qui avait sur lui le même effet qu’une honte profonde. Instinctivement, il se recroquevilla autant qu’il le pouvait, les genoux bloqués par les cuisses de sa sœur. Son visage qui faisait encore face au ventre de la jeune fille, le regard presque vide et les paupières rendues lourdes par les émotions, s’enfouit contre les tissus délicats, se perdit dans le bleu qu’ils revêtaient tous les deux. Le tissu embrassait son visage, une caresse douce et rassurante ponctuée de la chaleur naturelle de sa sœur qui lui rappelait celle de sa mère. C’était cela, oui. Cette raison pouvait paraître anodine aux yeux de beaucoup, mais pour lui, elle ne l’était pas. Il était persuadé de ne pas être le seul, cependant, à éprouver la même chose à l’approche d’un mariage. Il n’était pas le seul à être tombé amoureux de quelqu’un qu’il ne pourrait jamais épouser. C’était évident : ici, personne n’avait réellement de libre arbitre. Nous vivions pour les autres et non pas pour nous-mêmes. C’était peut-être pour cela que la condition de marginal semblait si plaisante pour certains. Soudainement, son corps se raidit et ses yeux s’ouvrirent grand alors qu’il leva à nouveau la tête vers sa sœur, l’air surpris et les sourcils haussés. Abandonnant le confort qu’il avait trouvé, il la fixa, interloqué. Il n’était pas offensé, ni insulté, mais la raideur de ses muscles et le couinement qui se faufila en dehors de sa gorge lui rappelèrent que l’amour qu’il éprouvait était avant tout un amour aliénant. S’il advenait à lui refuser son amour comme le disait Margaery, ce n’était pas le bâtard qu’il allait traiter de stupide, mais lui-même. Uniquement lui-même. L’aimé ne pouvait être coupable de rien. Tout comme il ne saurait jamais accuser Margaery de quoi que ce soit. Constatant que sa sœur ne voulait que le rassurer, le garçon soupira doucement en se laissant retomber comme une plume, la tête encore sur la demoiselle.


Cette fois, son regard ne s’échappa pas, ne se cacha pas du monde comme si ce dernier cessait d’exister lorsqu’il ne le voyait pas. Ses pupilles ambrées regardèrent sa sœur alors qu’il se tortilla pour se tourner sur le dos pour mieux la voir. « Mais il est très jaloux et très possessif. Beaucoup plus que Renly.  Je pense que mes fiançailles l’affectent autant qu’elles me touchent, mais d’une manière différente, peut-être… »  Le garçon sentait encore sur son front l’ombre du baiser que sa sœur y avait posé. Il appréciait cela, un fin sourire tracé sur ses lèvres roses et délicates. Silencieux, il se mordit la lèvre inférieure. Il semblait un peu absent, comme s’il avait préféré se réfugier dans les méandres de ses pensées. La voix aussi pensive que son regard, il brisa le silence qu’il avait si bien instauré : « Parfois, je me dis que cela aurait mieux été si j’étais né fille. Cela n’aurait peut-être pas été plus simple, vu qu’il est un bâtard… Mais je pense que je ne me serais pas sentit aussi coincé. J’aurais pu partir et l’épouser, quitte à me déshonorer. » Pourtant il était né garçon et c’était ainsi. Dans les faits, il ne se rendait pas compte de l’avantage qu’il avait : entre rester à Hautjardin avec une épouse et pouvoir recevoir son amant comme d’habitude et devoir quitté Hautjardin avec un époux et ne plus pouvoir le recevoir, le choix était bien simple. Même s’il n’avait pas ris lorsque Margaery avait parlé du Mur, son rire doux et sincère se fit finalement entendre. Un fin sourire aux lèvres – respirant tout de même la tristesse –, il plongea ses prunelles brillantes dans celles de sa soeur. « Tu n’as pas tort pour le Mur. » Il secoua la tête, un frison étrange lui parcourant le corps lorsqu’il pensa au froid apparemment insupportable de l’endroit. « Mais tu sais pourquoi je n’irais pas ? Puisque je ne pourrais plus jamais te revoir si tu y vas et aucune tentative d’éviter un mariage ne vaut cette conséquence. » Le Tyrell tendit le bras pour caresser doucement la joue de sa sœur, une lueur tendre se faufilant à travers le mal-être qui animait ses yeux. « Tu finiras par te marier toi aussi et tu partiras, mais je sais que je pourrais toujours te voir un jour ou l’autre. Je ne sais pas s’ils concluront tes fiançailles avec Renly, mais si c’est le cas, sache qu’il est un homme bon. Il prendra soins de toi. » Il savait que le jour où Margary quitterait officiellement Hautjardin serait un des jours les plus sombre de sa vie, mais il souhaitait son bonheur et son bien. Il ne le disait pas, mais il préférait la voir en  compagnie de Renly plutôt qu’en celle de n’importe quel autre homme, puisqu’il accordait une confiance aveugle au Cerf.



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« Hé bien ! Si notre mère t'entendait...  » fit-elle, un rire toujours au coin des lèvres. Visiblement, on ne lui ôterait pas l'idée de la tête que Cersei Lannister avait autant d'attrait que le kraken des Greyjoy. Pourtant, et si son âge ne plaidait pas en sa faveur, il fallait être d'une mauvaise foi au moins aussi gonflée que celle de Loras pour lui nier sa beauté et son impeccable maintien. En tout point de vue, elle était la lionne par excellence. Orgueilleuse, ses longs cheveux blonds encadrant un visage aquilin, où les yeux rugissaient au moins autant que si elle éructait. La puissance silencieuse. Le silence dangereux. Passant de nouveau ses mains dans les cheveux bouclés de son frère, la jeune fille murmura : « Promets-moi de faire un effort. Je sais que ce sera difficile, mais je t'aiderai. Après tout, nous sommes des Tyrell. Plus Haut, Plus Fort. Si nos ancêtres ont réussi à amadouer un dragon... Dompter la fille du Vieux Lion devrait représenter un bien moindre défi... !  »

Un éclair espiègle fusa dans son regard, et comme à son habitude lorsque l'excitation des intrigues creusait son chemin depuis son ventre jusqu'à ses joues, la jeune fille se mordit la lèvres. Puis, elle posa un doigt contre ses lèvres un rien gonflées, pour ensuite le déposer sur celles de son frère. Un geste de l'enfance qui scellait entre eux un pacte indestructible, solide et secret. On ne reviendrait plus sur le sujet, laissant les choses à leur libre court, sans que sa machine infernale ne vienne encore mettre à mal les âmes qu'elle roulait dans sa course. Loras était las. Las des œillades, las de faire semblant;
Il voulait respirer, humer un peu l'air frais de la liberté qu'on s'apprêtait à lui voler et cela, elle était incapable de lui refuser. Comme elle était d'ailleurs incapable de lui refuser quoi que ce soit ! Avec lui, elle avait toujours tout partagé : ses jeux dans les jardins, ses desserts dans leurs assiettes, et parfois même quelque soupirant dont les préférences n'étaient pas toujours figées. Elle lui soufflait alors à l'oreille : « Prends-en soin !  », avant de disparaître derrière un bosquet, un dernier regard jeté par dessus son épaule. Et d’apercevoir, derrière les roseraies, deux bouches d'hommes s'unir en un baiser fougueux. Elle n'avait jamais trouvé cela surprenant. Certains hommes aimaient les femmes ; les grandes, les petites, les fines, les rondes, les timides, les audacieuses. Les jolies aussi. Ou les jolis. Et de beaux jeunes hommes vigoureux aux yeux doux, le Bief en regorgeait. Pouvait-on dès lors reprocher à Loras de succomber à leurs charmes ?

Encore qu'en ce jour d'été, seul un certain dornien occupait ses pensées. Margaery fronça les sourcils. Il était de bon augure qu'un amant se montre piqué au vif des attentions que l'on porte à son aimé. Mais encore fallait-il que cela soit raisonnablement craint et en l’occurrence, elle connaissait trop son frère pour savoir qu'une fois son cœur donné, il n'allait pas chercher d'aventure sentimentale ailleurs. Pinçant la lèvre, faussement contrariée, elle demanda : « Mais par les Sept, c'est qu'il devient embêtant celui-là ? Qui croit-il que tu sois ? L'abeille travailleuse volant de bourgeon en bourgeon sans considération pour leurs cœurs meurtris. C'est peut-être comme ça que l'on aime à Dorne mais dans ce cas, il faudrait mieux qu'il y reste !   » ajouta-t-elle, l’orgueil natal colorant ses joues d'un rose vif. Daemon Sand avait ses faveurs uniquement parce qu'elle savait que Loras l'aimait ; du garçon, elle ne savait rien d'autre sinon qu'un jour de tournoi, il avait manqué de tuer Garlan. Elle était toute disposée à ne pas s'arrêter à une chute sportive, où les talents du beau ténébreux étaient à saluer et non à garder en rancœur, mais il lui fallait faire attention. A trop vouloir s'accaparer une rose, on risque de se piquer à ses épines ! « Tu lui dira de ma part qu'à la première crise de jalousie, il vienne me voir ! Ah non, pas de mais : nous verrons bien si avec moi, Monsieur l'Amant fera du boudin ! »

Lorsque la main fraternelle vint caresser sa joue, les yeux de la jeune fille se teintèrent d'émotion. Quelle horrible perspective, en effet, de l'imaginer loin d'elle. Elle secoua vivement la tête, s'emparant de sa paume qu'elle baisa avec tendresse.« Quand bien même on me marierait en Essos que je trouverai le moyen de t'avoir auprès de moi. Hors de question que tu ne sois pas dans ma vie, Loras, je refuse ! » Elle redevenait petite fille, à mesure qu'il reprenait confiance ; aussi, elle inversa les rôles, se couchant à ses côtés et nichant son nez dans le creux de son cou. Il sentait bon. « Je sais. Renly serait un époux doux... mais il ne sera jamais... jamais... » Voyant que la confession lui échappait des lèvres, Margaery y porta une main pour empêcher les mots d'aller plus loin. Allait-elle vraiment trahir son secret, alors que c'était Loras qui avait tant besoin d'elle ?


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« Faire des efforts ». Cette option lui semblait vaguement détestable. Non pas qu’il n’aimait pas avoir à se forcer ou à toujours travailler plus fort, mais simplement que dans le contexte actuel, faire des efforts revenait à devoir ravaler son orgueil, l’enterrer quelques temps. Toujours têtu, l’adolescent n’avait jamais raté l’occasion de faire un caprice d’enfant-roi lorsque nous le forcions à exécuter une chose qu’il ne voulait pas faire, il chignait et refusait de s’abaisser à des commandements qui ne lui rapportaient rien. Évidemment, il finissait toujours par ployer et accepter la tâche, car nous ne lui laissions jamais vraiment le choix, mais ce n’était pas comme maintenant. Maintenant, il allait être coincé pour le restant de sa vie avec un parasite de l’Ouest. La « plus belle femme de Westeros », disaient-ils. Pouvait-il s’en ficher plus ? Il savait que même s’il avait aimé les femmes d’une manière charnelle, il ne lui aurait pas trouvé un seul charme qui aurait pu lui plaire. Pour lui, la plus belle femme de Westeros était Margaery, et personne n’avait le droit de le contredire. Pourtant, Loras hocha timidement la tête, les joues subtilement gonflées par sa bouffée boudeuse. Même si l’idée ne lui plaisait pas du tout – mais pas du tout –, il ne pouvait pas refuser de le promettre à sa sœur qui le lui demandait si gentiment, pleine de compassion. Elle savait que tout cela ne serait pas facile et il savait qu’il pouvait compter sur elle – même si elle se retrouvait un jour loin de lui. De son regard soudainement brillant, il suivit le doigt que sa sœur posa sur ses propres lèvres avant de venir l’appuyer sur les siennes. Instantanément, ses joues boudeuses se dégonflèrent et un grand sourire étira ses lèvres qu’il pinçait solidement ensemble. Ce geste subtil et délicat, si insignifiant mais plein de sens pour eux deux, le ramena à l’enfance, lorsqu’ils étaient tous les deux encore naïfs et épargnés par les obligations. Un rire aérien fendit le silence secret qui s’installait et il embrassa sagement le doigt de Margaery avant qu’il ne quitte définitivement ses lèvres. L’adolescent croyait fermement que la proximité tendre qu’il entretenait avec la Petite Rose était unique, qu’ils avaient une des plus belles relations qui soit. L’innocence de leurs gestes, l’honnêteté de leurs regards et de leurs émotions, et la simplicité qu’ils entretenaient… Tout cela était terriblement précieux à ses yeux et il ne croyait pas qu’il pourrait ressentir une telle allégresse avec qui que ce soit d’autre, pas même Daemon. Ce n’était pas le même genre d’amour.

Il lisait désormais une petite frustration sur le beau visage pâle de sa sœur, mais il comprenait que ce n’était qu’un mime, que Margaery n’était pas réellement fâchée contre l’attitude de son amant. Enfin, il espérait. Loras était persuadé que s’il osait lui faire du mal, sa presque jumelle ne resterait pas silencieuse ni passive, qu’elle n’accepterait pas qu’on le traite comme un vulgaire chiffon. Or, Daemon n’avait – pour l’instant – rien fait de mal et il ne voulait pas que cette petite confidence nuise à l’image du Dornien ; il voulait que sa sœur puisse l’apprécier autant que lui l’appréciait, mais il savait que les Tyrell avaient encore sur le cœur la fois où il avait voulu blesser garlan. Curieux, Loras fronça les sourcils en écoutant Margaery s’offusquer sagement.
« Je ne sais pas qui il croit que je suis, mais je sais qu’il m’adore à un point où il insupporte que les autres me regardent comme lui le fait. Ce ne sont pas de mauvaises intentions ! Je t’assure qu’il est mignon, peut-être juste un peu trop impulsif dans sa manière d’aimer. »  Son ton de voix se voulait rassurant et délicat. Il savait qu’il y avait dans le propos de la jeune femme plus de plaisanterie que de dramatique, mais il en ressentait tout de même le besoin. Ses yeux d’or respiraient d’une sorte d’allégresse à la fois attendrie par la présence de sa perle, à la fois rendue brillante par l’amour qu’il éprouvait. D’un coup, le Biefois fut pris d’un soubresaut poussé par le rire qu’il tentait de contenir. Son visage prit les mêmes teintes vives que celui de sa sœur. Elle était tellement adorable dans sa façon d’être, dans sa façon de le protéger émotivement. Il ne lui avait encore jamais raconté la fois où Renly avait entaillé la joue de Daemon à cause de lui, mais il le ferait bien un jour. Même s’il avait, malgré lui, aimé voir deux garçons se battre pour lui, il lui arrivait parfois de se sentir coupable en y repensant. Il laissa sa main caresser doucement la peau de sa sœur alors qu’il exprimait ses craintes d’être un jour loin d’elle, ce qu’il ne supporterait pas. Si en venait à épouser Renly, il la saurait au moins en sécurité…

Alors qu’il laissa retomber lentement sa main qui revint se poser contre les cuisses de la Biefoise, il eut chaud au cœur en entendant ce qu’elle avait à lui répondre Même si tout cela était beau, même s’il savait que les gens de la maison feraient de leur mieux pour faire en sorte que les deux enfants-fleurs ne soient jamais séparés, il savait très bien qu’avec Cersei et Tywin Lannister entre les pattes, les choses ne seraient pas si faciles. Cette seule pensée suffit à chasser le doux sentiment qui faisait vibrer son cœur et à le remplacer par un pincement désagréable qui le fit imperceptiblement grimacer et perdre le beau sourire qui soulevait ses fines lèvres. « Tu crois qu’ils feront en sorte que tu puisses me garder près de toi ? Je doute que le père de Cersei accepte qu’elle quitte Hautjardin pour longtemps… » Pour le coup, il ne reprochait rien à la lionne. En effet, elle n’aurait pas son mot à dire s’ils décidaient – lui et Margaery, peut-être même leur grand-mère – d’un commun accord que Loras partirait aux côtés de sa sœur. Le Vieux Lion, cependant, aurait le sien et c’était le plus dangereux. Sentant que sa sœur commençait à bouger en cherchant à se repositionner, l’adolescent se décala pour lui permettre de se déplacer. Dès lors qu’elle s’étendit à côté de lui, comme ils le faisaient souvent depuis qu’ils étaient enfants, le garçon passa ses bras autour d’elle pour l’enserrer dans une étreinte tendre et fraternelle. Lorsqu’ils étaient dans les bras de l’un et de l’autre, plus rien ne pouvait ni les atteindre, ni les blesser. Ils étaient intouchables, invincibles. Sagement, Loras glissa ses doigts dans les longues boucles brunes de la jeune fille. Attentif, il les caressa tout doucement en la serrant fort contre lui. « Mais il ne sera jamais… ? » Chuchota-t-il, la voix calme et douce pour la mettre en confiance (même si ce n’était pas quelque chose dont il doutait, les deux se faisaient une confiance aveugle depuis le début de leur existence) et l’inciter à parler. « Tu es amoureuse, ma sœur ? » Ajouta-t-il à la fois curieux et heureux de croire que sa sœur éprouvait une telle chose. Enfin, si c’était le cas, il adorerait savoir qui était l’heureux élu pour pouvoir lui jeter un œil et s’assurer qu’il ne soit pas un individu méprisable ou dangereux pour la vertu de sa sœur. Oh, il ne laisserait pas passer un tel homme ! Margaery méritait quelque de doux et de protecteur, un homme qui l’aimerait sans jamais penser ne serait-ce qu’une fois à lui faire du mal ; le premier qui lèverait la main sur elle regretterait aussitôt avoir osé. Un fin sourire aux lèvres, il posa un baiser sur le dessus de la tête de sa princesse. Certes, elle était venue pour le consoler, mais il n’y avait rien de mieux pour lui faire oublier ses tracas que de l’écouter parler d’elle, de tout et de rien. Son cœur qui avant battait d’angoisse vibrait désormais d’une tendresse unique.




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Loras & Margaery


Intérieurement, Margaery se traitait de sotte. Elle qui avait réussi à garder le silence sur sa correspondance intime avec Aegon Targaryen, voilà qu'elle le rompait de la manière la plus bête qui soit : à demi mot, et alors que le sujet de conversation était à des lieues de laisser indifférent le Prince héritier ! Les rumeurs d'une union entre Baratheon et Tyrell courrait les plaines aussi vite que les pollens au Printemps. La nouvelle n'avait pas manqué d'arriver jusqu'à Port-Réal, et certaines lettres criaient de jalousie. Et pourtant. Sa grand-mère le lui avait pourtant maintes fois expliqué : le mariage n'est pas l'amour, et l'amour n'est pas le mariage. Une leçon qu'elle avait très tôt intériorisée, et qui devait lui éviter les désagréments d'une vie de couple morne et triste, mal léchée de ces idéaux baignés à l'eau de rose dont les jeunes filles avaient le secret. Mais c'était sans compter l'inattendu, le piège de l'amour qui s'était refermé sur elle. Elle pouvait bien se l'avouer à présent : elle était éprise, et ce follement, du jeune dragon. Et quand bien même elle était parfaitement résignée à l'idée qu'une union entre eux était impossible, à bien des égards - et à commencer par les prochaines fiançailles entre Willos et la princesse Daenerys - il lui était bien difficile de ne pas repenser à ces journées passées en sa compagnie au Donjon Rouge, et dont le souvenir était sans cesse ravivé par les échanges brûlants qu'ils entretenaient tous deux depuis. D'ailleurs, la simple pensée des derniers mots d'Aegon accélérait son rythme cardiaque...  

« J'admets que la jalousie soit la compagne naturelle de la passion... » murmura-t-elle enfin, croisant le regard fraternel, une lueur espiègle dans le sien. Son premier réflexe était de faire diversion. Avec un peu de chance, et beaucoup de talent, elle réussirait à dévier la curiosité naturelle de son frère, piquée au vif à en juger par ses grands yeux qui la regardaient fixement sous la double rangée de cils au moins aussi longs que les siens. « Cependant... il devrait faire attention. Ne fut-ce que pour ta sécurité, et la sienne. » ajouta-t-elle, plus bas, et prenant sa main dans la sienne pour la porter à sa bouche pour y déposer un léger baiser. Les yeux noisette contemplaient les traits harmonieux de son visage, ce visage qui faisait pâlir nombre de femmes et ce, par delà leurs luxuriantes frontières. La bouche tendre, le teint éclatant, la matière riche de ces cheveux... Loras était beau, et sans doute cette beauté avait-elle, comme bien souvent, frappé en plein cœur le ténébreux qui aujourd'hui, réclamait des droits exclusifs. « Tu sais que nos meurs ne sont pas partagés. Trop considèrent encore que l'amour entre deux hommes et une dégénération naturelle, et je suis certaine que dans l'entourage même du Roi, certaines langues de vipères poussent Sa Majesté à le punir de mort. Daemon Sand est sans doute un homme amoureux, et tu sais que jamais ne je ne m’octroierai le droit de m'interposer entre toi et celui que tu choisis. Simplement... Les effusions de votre passion doivent, dans la mesure du possible, rester secrètes. Si quelqu'un venait à comprendre que ton désarroi était le fruit d'une passion... » Sa voix se brisa. Elle ne voulait pas voir le corps de son frère trainé dans les rues, attaché au bucher et brûlé vif en tant que sodomite. Elle tremblait à la seule pensée que l'on puisse jeter son frère dans un cachot, sans nourriture ni haut, sans soleil ni vêtements, attendant la sentence de quelque institution religieuse ou royal. « Promets-moi, Loras. Promets-moi de ne jamais souffrir, si ce n'est autrement que des mains doucement torturantes de ton amant, de ses pulsions. Je ne veux pas voir mon frère payer pour l'indiscrétion d'un autre, ou parce qu'il se sent son obligé. Promets-le moi ! » La dernière injonction s'était accompagné d'un nouveau baiser sur ses mains, qu'elle avait ensuite longuement serrées entre les siennes. Après quoi, elle se laissa retomber contre les draps, les yeux fermés et le cœur battant lourdement.

« Amoureuse... » finit-elle par lâcher, après de longues minutes de silence. La raison lui commandait de se taire, mais le cœur et le corps criaient après la délivrance d'une confession. Et après tout, il lui avait livré lui aussi, un secret. Elle ouvrit alors les yeux, cependant que Loras murmurait contre son oreille, ses bras autour d'elle la serra plus près encore. Elle eut un faible sourire. « Je ne sais pas... Tu crois ? » Ce qu'elle éprouvait pour Aegon lui semblait être d'un ordre bien différent. Bien différent des cour qu'on lui avait faites depuis ses dix ans, du rose qui monte aux joues quand un damoiseau vous demande de porter ses faveurs lors d'un tournoi, ou vous invite à danser lors d'un bal dans les jardins. Bien différent aussi des élans du cœur qu'elle avait pu connaitre pour Owen Tyssier, qui avait longtemps hanté ses esprits de jeune fille en fleurs, encore qu'elle n'avait jamais été naïve au point de penser qu'une quelconque union serait jamais possible entre eux. Et surtout, bien différents des arts subtils qu'Olenna avait pris soin d'enseigner à sa petite fille, afin qu'elle ait toujours le dessus sur les désirs que pouvaient être ceux des hommes, réduits à leurs instincts primitifs de mâles à l’affut d'un fruit tendre et mur. Rien n'était comparable à ce qui se passait dans son être chaque fois que ses souvenirs la ramenaient vers Aegon, son sourire, ses mains, et son regard brûlant qui menaçait toujours de la faire défaillir. « Cela fera bientôt six Lunes que nous nous écrivons. Et ce ne sont pas le genre de correspondance que l'on peut partager avec n'importe qui... Le genre de correspondance qui feraient rire grand-mère, mais qui mettraient notre mère hors d'elle ! » ajouta-t-elle, le rose aux joues, et le rire perlant au creux de sa bouche. « Mais je ne peux pas arrêter...  » murmura-t-elle, presque inaudible, nichant désespérément et d'un geste soudain son nez dans les boucles de Loras, portant ses bras autour de son cou comme pour y trouver la sécurité et le réconfort. « Mais je dois... Dis, est-ce ça l'amour ? »


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Because You're My Brother, And Therefore One Half Of Me

An 298 | Lune 11



Loras & Margaery


Il y avait dans la voix de sa sœur une légèreté qui l’enveloppait à chacun de ses mots, le recouvrait d’une couverture qui le protégeait du monde et des maux qui le tourmentaient. Elle ne le savait peut-être pas autant qu’il le souhaiterait, mais elle était certainement ce qui était arrivé de plus beau dans sa vie. Ses grands yeux rieurs dont la crainte et le chagrin semblaient absents – bien qu’ils soient toujours bien blottis au creux de son diaphragme – s’abreuvaient d’espoir dans l’espièglerie bleue de ceux de Margaery Tyrell. La jalousie venait effectivement de pair avec la passion, il ne le nierait pas. Si Daemon était jaloux – ce qui lui conférait un certain charme, selon lui –, lui-même l’était aussi beaucoup ; l’idée même, par exemple, qu’il y existait une Arianne Martell quelque part derrière les Montagnes Rouges le répugnaient sincèrement. Cette jalousie toujours amère et insupportable n’avait pas comme seule source la passion, mais toutes les sortes d’amour et d’amitié –  il la sentait parfois gronder au fond de lui lorsque sa sœur semblait s’entendre beaucoup mieux avec quelqu’un d’autre. Infondée certes, mais pas pour le moins douloureuse. Loras hocha la tête et ses joues rosirent lorsqu’il sentit à nouveau la chaleur de sa sœur contre la paume de sa main, la douceur de ses lèvres contre elle. Un fin sourire nostalgique gagna encore son visage et la lueur riante de ses yeux se transforma en une tristesse subtile qui serra son cœur. Ces petits gestes le ramenaient en enfance, bien que cette dernière ne soit pas lointaine ; il aurait voulu y rester, pouvoir encore pleurer dans les jupes de sa mère au visage d’ange et aux cheveux couleur de lune. Même s’il aimait la jalousie de son amant comme il aimait toutes ses qualités et tous ses défauts, il savait qu’il fallait être prudent ; qu’ici et partout ailleurs, les murs avaient des oreilles. La méfiance était leur meilleure arme. Cela ne lui plaisait pas, mais il n’avait pas le choix et, de toute façon, le jeu en valait bien la chandelle. Mais les propos de sa sœur étaient tragiques. Tellement qu’il aurait voulu les ignorer, mais il savait que la sagesse de Margaery était bien plus aiguisée que la sienne. Il ne comprenait pas ce qu’il y avait de mal à aimer un autre homme, en quoi cela regardait les autres ? Par dépit, Loras haussa les épaules et ses lèvres pincées ressemblaient à celles d’un enfant déçu qui se terrait dans son mutisme.  Lorsque les lèvres de sa sœur se posaient encore sur sa peau, la petite bulle de tourments qui se reconstruisait éclata à nouveau, le ramenant là où il devait être : dans le moment présent.
Mais Loras murmura un petit « Oui. » , une petite promesse presque muette, mais dont la sincérité n’était pas à remettre en doute. Il ne mentirait jamais à Margaery. Du moins, jamais pour cela. Il lui mentirait pour la protéger, pour préserver ses yeux purs du monde douloureux. Mais jamais pour lui nuire, jamais pour ensuite briser sa promesse. De son bras encore libre, Loras la serra tout fort contre lui. Il voulait sentir son cœur battre, comme une petite berceuse réconfortante.

La Rose Dorée ne craignait pas le silence qui venait à nouveau les recouvrir comme un voile délicat. Il n’était pas menaçant comme celui qui grondait avant ses colères ni étouffant comme celui des solitudes. Il était doux et il pouvait entendre à travers lui les vibrations du cœur battant de sa petite sœur, l’écho léger de ses respirations qui coulaient au même rythme que les siennes. De sa main toujours au creux de celle de la sienne, la chaleur fantôme serrant encore celle qui n’y était plus, il enroula ses doigts fins autour de ceux de sa sœur, comme ils le faisaient si souvent lorsqu’ils étaient enfants, sous la table lors des repas ou simplement lorsqu’ils s’amusaient dans les jardins… Malgré ses paupières fermées, ignorant la lumière du soleil qui s’infiltrait sans pudeur dans sa chambre, il pensait encore à ce que sa sœur lui avait dit. Sa curiosité chatouillait un peu trop à son goût, mais il ne la forcerait pas à parler. Elle le ferait quand elle serait prête. Pour l’instant, le temps qu’elle libère finalement sa voix, le garçon profitait de l’odeur fleurie de la fille, de ses cheveux qui coulaient sur son bras qui la serrait tout fort contre lui, puis contre l’autre bras lorsqu’il se décida à lâcher sa main et à l’enrouler autour d’elle. Quand les syllabes doucereuses fendirent l’air, un rire tendre accompagna le questionnement de l’adolescente. « Cela, il n’y a que toi qui pourra me le dire. » La voix souriante, ses lèvres se posèrent contre le nez de celle qui, hier encore, n’était qu’une enfant. Même si elle n’avait qu’un an de moins que lui, Loras se sentait parfois beaucoup plus vieux qu’elle, à des années d’expériences par rapport à elle. Ce n’était probablement pas vrai, mais il n’aimait pas penser que sa sœur pouvait avoir vécu les peines et les douleurs, les rejets et les solitudes. Il aimait croire que le monde dans lequel elle vivait était rose et sans faille, doux et sans obstacle. Sans l’interrompre, il l’écoutait attentivement, un fin sourire toujours collé aux lèvres. Un peu ailleurs, il lui caressa doucement le dos, comme pour la réconforter sans savoir pourquoi. Si leurs correspondances respectives avaient quelque chose en commun, c’était bien les réactions qu’elles susciteraient. Sa grand-mère se moquerait certainement en lisant les lettres qu’il échangeait avec le bâtard, bien que le rire serait rendu amer par les origines du jeune homme, alors que sa mère perdrait probablement ses repères. « J’écris aussi des lettres à Daemon, parfois. Elles sont rares, mais cela compense un peu, je crois. » Marmonna-t-il, pensif. Le geste soudain de sa sœur criait son besoin de protection, sa faiblesse face à quelque chose de probablement bien plus grand qu’elle. Instinctivement, il la serra plus fort à défaut de pouvoir la bercer doucement. « Oui, peut-être… Est-ce que cela fait mal ? » demanda-il en se détachant d’un bras pour poser une main au niveau du cœur de la jeune femme. « Est-ce que cela fait mal qu’il ne soit pas près de toi ? De savoir qu’un jour, tu marieras peut-être quelqu’un d’autre ? » Loras préférait la prédiction plutôt que la certitude. S’il savait qu’elle serait en sécurité avec Renly Baratheon, il ne nierait pas qu’il préférait la voir heureuse, avec un homme qu’elle aimait. Le mariage n’était, chez les nobles, que très rarement une histoire d’amour, mais il espérait que les choses tourneraient différemment pour sa sœur ; son bonheur attirait inévitablement le sien.
« À moi, cela fait mal. De savoir que je ne le verrai peut-être pas pendant plusieurs lunes, que je ne serai pas près de lui si quelque chose lui arrivait, mais lorsqu’il est là, j’ai l’impression que le monde n’existe plus, qu’il n’y a que lui et moi. Je me sens en sécurité dans ses bras. » Les derniers mots sortirent lourdement de sa bouche. Pour une rare fois, il admettait sa faiblesse devant sa sœur. « Se sentir en sécurité » n’était même pas un principe qu’il envisageait de mentionner en sa présence, préférant nourrir l’illusion qu’il était fort et qu’il ne craignait rien, alors qu’en réalité, il craignait beaucoup de choses. « Si tu l’aimes, tu apprendras à aimer tous ses défauts et toutes ses qualités, chaque morceau de lui comme s’il était ce que tu avais de plus beau et de plus précieux. Tu reconnaitras le bruit de ses pas et sa respiration parmi cent autres.  Ce qu’il réussira à accomplir te fera sourire, parfois stupidement. D’autres fois, tu auras des papillons au creux de ton ventre, mais je suppose que tu as déjà vécu cela, non ? » Le garçon s’écarta un peu sans se détacher et sa main qui reposait sur le ventre de la jeune fille remonta vers son visage pour replacer derrière son oreille quelques mèches qui glissaient sur son visage d’ange. « Rêves-tu parfois à lui ? » Demanda-t-il avant même de demander son nom, ce qu’il la laisserait faire lorsqu’elle le voudra bien. La seule et unique chose qu’il craignait réellement était la distance qu’il y aurait entre eux si elle réussissait à convaincre leur grand-mère de lui faire épouser cet homme et qu’il advenait qu’il vive loin du Bief, de ne pas pouvoir être là pour la protéger si l’amour devenait de la haine et de la violence. Mais il savait, au fond de lui, qu’il faudrait bien plus que de la distance pour les séparer. Lui-même qui partirait au bout du monde par amour trouverait toujours quelque chose, quelque subtil élément, qui le ramènerait à sa sœur, petite pierre précieuse de son cœur trop fragile.  




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