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Guillotine | Doran & Arianne

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Guillotine

An 298, Lune 10, semaine 4 - Lancehélion



Doran & Arianne

Il y avait des années que le cœur d’Arianne ne s’était pas froissé de nervosité et d’inquiétude.

Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait senti sa gorge se serrer et ses muscles se bander sous le coup de l’anxiété et du malaise. Elle fut donc naturellement surprise quand elle réalisa que son corps la trahissait. Sa tête était claire, elle, pourtant. Aucun nuage ne venait obscurcir ni son jugement, ni sa détermination. Pourquoi donc ses poumons l’oppressaient-ils autant ?
Lors de ses escapades amoureuses et des plaisirs de la nuit, elle était pleinement ce corps sensible qu’elle avait appris à maîtriser. Elle le connaissait par cœur. La moindre de ses réactions, de ses envies et de ses désirs. Pourtant, aujourd’hui, elle le subissait. Il se contractait sans qu’elle ne le lui ait demandé et ses mains tremblaient lorsqu’elle ne les tenait pas serrées contre ses cuisses. Ce simple détail l’agaçait.

L’héritière se redressa subitement, ne supportant plus de rester assise à se représenter encore et encore le discours qu’elle allait tenir à son père. Ses jambes la démangeaient et elle se mit à faire les cent pas, ses pieds nus s’enfonçant dans les épais tapis d’Essos que sa mère avait fait installer dans les appartements de sa fille ainée, du temps où elle arpentait encore les couloirs de mosaïques du Palais Vieux. Si Mellario avait été là, les choses auraient-elles été différentes ? Aurait-elle pu lui parler plus librement ? Aurait-elle rongé son frein, courant de désillusions en désillusions sans oser, ne serait-ce qu’une seule fois, ouvrir la bouche ? Aurait-elle été fiancée à Viserys dont on lui rapportait les pires comportements ? La jeune femme n’en savait rien.

Le soleil tardait à se coucher. Il illuminait encore la chambre de lumineux rayons orangés, semblables à du miel chaud qui se déverserait en trop grandes quantités à travers les fenêtres laissées ouvertes. Un mélange de poussière et de sable, rendu visible par la lumière couchante, virevoltait tranquillement autour de la princesse agitée qui ne cessait de faire rouler ses bracelets autour de ses poignets.

Elle avait pris sa décision, cependant. Elle allait parler. Parler ouvertement, pour la première fois depuis sept longues années à son père. Si elle ne le faisait pas, Arianne craignait de s’étrangler avec sa colère et sa déception. Et elle ne cèderait pas sa place si facilement à Quentyn. Elle méritait mieux que de mourir étouffée par ses propres sentiments. Elle méritait mieux que le désintérêt d’un père. Elle méritait mieux qu’un fiancé à l’esprit bancal. Oui, elle méritait mieux. Mieux que tout ça.
Une dernière inspiration et elle cessa de se tordre les doigts. Une dernière inspiration et elle était prête.

La forteresse vibrait à nouveau d’énergie après la chaleur accablante de l’après-midi. Même si le jour s’attardait et défiait la nuit de ses rayons, celle-ci finirait par remporter la lutte perdue d’avance du soleil. Et c’est en sachant cela que les dorniens reprenaient vie, déambulant gaiement à travers les couloirs.
La jeune femme ignora les regards appuyés et les hochements de tête respectueux visant à la saluer. Elle craignait qu’en prêtant attention, toute sa détermination ne s’envole alors qu’elle marivauderait en se trouvant un prétexte pour repousser une fois encore l’échéance. En sept ans, elle n’avait jamais eu le courage ne serait-ce que de songer à confronter son géniteur. Mais aujourd’hui, elle n’avait plus le temps d’hésiter. Et l’astre couchant semblait le lui rappeler. Reculer pour mieux sauter… n’est ce pas ce que mon père a toujours prétendu faire ? Elle eut un sourire ironique. À quel point lui ressemble-je ? À quel point me suis-je voilée la face ?
Partout, on l’annonçait comme l’alter-égo d’Oberyn. Provocante, audacieuse et sensuelle. Oberyn avec des seins ! avait-elle même un jour entendu. La comparaison la faisait sourire, la flattait même. Elle était ravie d’être associée à son oncle plutôt qu’à son père. Qui voudrait lui ressembler ? Qui voudrait être comparé à celui qui attendait sans rien faire plutôt qu’à son flamboyant cadet ? Cette question la frustrait autant qu’elle la blessait. Arianne aurait tout voulu être comme son père. Et elle aurait tant voulu être profondément différente. Être tout et son contraire.

Les portes de l’aile du palais où séjournait Doran étaient ouvertes, mais sa fille fut étonnée de ne pas y trouver Hotah gardant l’entrée, comme à son habitude. Avec un froissement de sourcils, elle s’aventura dans les allées qu’elle connaissait par cœur et ne tarda pas à toquer trois coups secs à la porte du bureau du Prince avant de rentrer, sans attendre d’y être invitée. Il n’y avait personne. En dehors des lourds meubles d’ébènes, des riches tapisseries brodées de fils d’or et des voilages se balançant au rythme des souffles chauds provenant du désert, la pièce était vide.
La tête de Dorne ne revenait que très rarement des Jardins Aquatiques depuis quelques années. Le climat agréable du bord de mer était plus agréable pour les articulations douloureuses du chef de famille. Il avait fait une exception en débarquant à la capitale, il y avait trois jours. Ce fut à cet instant précis que son aînée s’était décidée à saisir l’opportunité pour lui parler. C’était maintenant ou jamais. Elle s’était convaincue de cette urgence pour rassembler le courage nécessaire.

La salle de travail du Prince dans le Palais Vieux ressemblait à s’y méprendre à celle de son palais plus au sud. Certes, elle était beaucoup plus grande et les mosaïques ornementales étaient différentes, mais il y régnait la même ambiance sérieuse et engoncée. Autrefois, Arianne y avait trouvé du réconfort, l’association immédiatement avec son père tant aimé. Mais les choses avaient changé. Son regard amer se posa sur le bureau où un encrier et une pile de missives se trouvaient. Si la lettre fatidique avait été écrite aux Jardins Aquatiques, il y avait probablement réfléchi et songé ici même, à cette place précise.

Une assiette de concombres et de tomates fraîches abandonnée là lui indiqua que Doran n’avait quitté les lieux qu’il y avait peu et qu’il ne tarderait pas à faire son apparition. C’est donc avec une patience insoupçonnée que son aînée l’attendit. Elle s’installa derrière la table de jeu de cyvosse et effleura les pièces du bout des doigts. L’héritière n’avait jamais été une grande joueuse comme son père ou encore comme Quentyn, même si cela lui coûtait de l’admettre. Mais elle battait encore Trystane et elle n’était certainement pas la plus mauvaise.

Enfin, la voix ténue du Prince résonna en écho dans le couloir, bientôt suivie par le grincement léger des roues de son fauteuil. La jeune femme fit mine de se relever pour l’accueillir, mais se rassit au dernier moment.
Doran avait une mine terrible. Ses mains rouges et enflées étaient accrochées à ses accoudoirs comme les serres d’un oiseau. Son visage était pâle et gonflé, ses articulations si enflammées que le simple fait de les regarder la faisait souffrir. En le voyant ainsi, le cœur d'Arianne se serra et l’espace d’un instant elle en oublia sa colère et sa rancune. Sa bouche s'ouvrit pour parler, elle resta hébétée, la confusion ayant volé tous les mots qu’elle s’était préparée à dire.
Ce fut seulement après une demie seconde qu’elle ressentit comme une éternité qu’elle reprit conscience d’elle.
Elle le salua d’une inclination de la tête sur le côté, laissant tinter ses boucles d’oreilles.

« Père, » dit-elle avec un sourire qui ne résonna aucunement dans ses intonations. « Je ne vous ai guère vu depuis votre retour. Vous risqueriez-vous à m’éviter ? »

Arianne ne voulait pas avoir ce genre de conversation. Elle badinait et elle détestait cela. Mais elle savait également qu’elle s’en servait comme prétexte pour retarder ce qui allait venir.



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An 298, Lune 10, semaine 4 - Lancehélion



Doran & Arianne

La goutte... Une douleur lancinante, stressante et anxiogène qui s'était emparé du corps pourtant robuste du Seigneur de Lancehélion... Doran sourit dans une grimace en se redressant et en se souvenant du paysage que lui offraient les Jardins aquatiques lors de ses visites fréquentes. Un paysage vert et rempli de merveilles. Des cactus et des plantes vivaces qui pouvaient résister aux plus grandes chaleurs et aux plus grandes périodes de sécheresse, ce qui arrivait assez souvent à Dorne, mais qui savait aussi s'épanouir lors des pluies sèches qui constellaient la région, dévoilant des fleurs aux parfums exquis et aux couleurs chatoyantes dans la lueur orangée des couchers de soleil. Un paysage si beau à observer et pourtant Doran aimerait tant l'observer un peu moins pour pouvoir gouverner tranquillement et normalement sa région. Prince de Dorne, il était pourtant loin de se sentir à la hauteur physique de la mission directrice qui était la sienne, il aurait aimé être un de ces souverains de région à l'âge avancé mais aux articulations noueuses sans être douloureuses, à la taille mince sans être consécutives à cette maladie terrible qui avait envahi son corps, aux cheveux blancs sans être parfois constellé de la sueur consécutive à une crise de goutte ayant paralysé le corps princier. Regardez par exemple le Vieux Lion, voilà un seigneur qui avait bien vieilli, et qui par sa force physique avait prouvé qu'il avait gardé toute sa pugnacité. Le Roi Rhaegar aussi était de ces hommes qui vieillissaient avec noblesse d'âme et de corps. Doran, le goutteux, lui était condamné à devoir rester cloué sur sa chaise une bonne partie de la journée, une chaise très particulière, sculptée dans un bois dur et doré, agrémentée de roues puissantes montées sur un essieu robuste et souple, un accessoire nécessaire pour vivre de manière normale malgré son infirmité croissante.

Pour son plus grand malheur, l'infirmité l'avait poussé à se retrancher dans les Jardins aquatiques, un paradis de verdures, d'eaux, un oasis doré, qui se situait à proximité de Lancehélion, un lieu de villégiature fort appréciable mais qui au fil des années s'était mué en une véritable prison doré, une prison de plantes, de fontaines, de pierres blanches resplendissant sous le soleil de feu intolérant de Dorne. Un lieu où il faisait bon vivre, mais surtout le seul lieu où Doran pouvait vivre sans trop souffrir. La chaleur, l'eau, les bains thermaux, tous ces éléments permettaient au vieil homme de soulager ses rhumatismes et ses articulations douloureuses. Il grimaçait mais ce n'est pas tant la douleur de son corps qui le faisait le plus souffrir, non c'était surtout la douleur de son âme. S'éloigner de Lancehélion avait été synonyme de s'éloigner de sa famille. Son frère Oberyn avait toujours beaucoup voyagé mais malgré cela il lui manquait et il gérait en partie ses affaires, lui faisant régulièrement des rapports en lui rendant visite dans ce palais de verdures. Son fils lui était pupille pour une famille vassale des Martell, un tribu qui avait creusé l'abîme entre le père et le fils. Mais la distance la plus difficile était peut-être celle avec sa fille aînée, Arianne, cette fille devenue jeune femme, qui faisait tourner de si nombreuses têtes que son père en devenait fou. Mais loin de lui dans l'idée de lui exprimer ses inquiétudes, ses craintes, ses plans, ce n'était pas dans son caractère. Il avait été éduqué ainsi dans le chaud palais de Lancehélion, ne jamais dévoiler ses plans, il fallait jouer en diplomatie comme l'on pouvait jouer une partie de cyvosse, chaque seigneur, chaque noble, chaque maison suzeraine, était un pion, une tour, un éléphant ou autre. C'était ainsi qu'il fallait jouer, l'émotivité n'avait pas sa place pour la sécurité de sa famille et de sa maison. Cette façon de réfléchir, cette tactique, cette stratégie, Doran l'exerçait depuis longtemps, et c'est pour cela qu'il avait conclu un accord avec la famille royale pour fiancer Viserys Targaryen avec sa fille aînée Arianne, mais jamais ils n'en avaient jamais vraiment parlé.

De telles affaires nécessitaient qu'il quitte son cocon si douillet, son nid de verdure, d'eau et de calme, pour revenir aux affaires dans la magnifique cité qu'était Lancehélion. Ce retour avait été difficile, et éreintant pour le corps malade et infirme de Doran. Ne pouvant chevaucher, il était obligé de se déplacer dans une espèce de cabine en bois, comme un  carrosse, mais beaucoup moins précieux, il s'agissait d'un savant mélange de bois et de toile fine et orange, tiré par plusieurs chevaux. Il détestait se déplacer de la sorte, mais il n'avait pas le choix, son corps ne supporterait pas le moindre trajet en cheval. Il avait déjà bien du mal à se tenir debout et à faire quelques pas, il était hors de question pour lui de monter sur un cheval, les tiraillements des muscles du cheval lui blesseraient le dos et le bassin trop gravement pour qu'il puisse le supporter. Ereinté, il avait tenu à rester isolé dans ses appartements, ne voulant voir personne hormis son mestre, pendant des jours et des jours. Il ne supportait pas lui-même son infirmité, comment apprécier que sa cour, ses proches, sa famille, puissent le voir dans un tel état de faiblesse ? Non ,c'était impossible. Le mestre le veillait toutes les heures, lui donnant des décoctions avec du lait de pavot, et des herbes pour faire passer la douleur des crises de goutte, mais c'était à peine suffisant, la chaleur du vieux palais empirait ses douleurs, et s'il n'était là ce n'était que pour résoudre certaines affaires liées au prochain mariage de sa fille aînée. Quand enfin, le maître des lieux choisit de sortir de sa chambre, il tînt de nombreuses réunions avec son frère Oberyn et son mestre pour organiser au mieux les choses. Le Prince Viserys viendrait prochainement rendre visite aux Martell et tout devrait être fin prêt. Il était hors de question de recevoir un prince de sang royal sans honneur.

Alors qu'il revenait d'un salon où il s'était entretenu avec sa garde sur les questions de sécurité du Vieux Palais, avançant péniblement dans son fauteuil aux épaisses roues de bois doublées de fer, il perçut une présence dans ses appartements et son bureau. Malgré sa volonté de se débrouiller seul, la douleur était bien trop forte, et il ne pouvait pas avancer seul... Un domestique, habillé d'un simple pagne blanc avec un turban, le poussait le long des couloirs jusqu'à ses appartements. Il avait dû écourter la réunion, traversant une terrible crise de gouttes. Ses articulations étaient en feu, son front perlait de sueur tellement il ne supportait plus cette souffrance lancinante. Son visage était blême et il avait le souffle court. Ses mains, noueuses comme d'antiques racines s'entremêlant dans une terre argileuse, s’agrippaient à son fauteuil. Arianne était là, l'attendant. Cette fille, si chérie mais dont il se sentait parfois si éloigné, au caractère de feu et aux paroles parfois plus tranchantes que les poignards de son frère Oberyn, semblait tracassé de n'avoir pas vu son père récemment. Il est vrai que vu ses douleurs et son emploi du temps, Doran avait eu peu de temps à lui consacrer. Il ne souhaitait qu'une chose : se reposer et dormir, pour oublier, quelques heures, sa douleur. Mais il savait que si elle était là c'est qu'elle ne courberait pas l'échine. Lui souriant difficilement, dans une grimace :

-Ma fille... Pardonne ma vision, la chaleur de notre belle cité a tendance à rendre mes articulations un peu rouillées. Rien de bien grave. Jamais je n'éviterai ma fille, comme tu le sais, j'ai eu un emploi du temps chargé, mais je t'écoute ma fille, ton regard ne me trompe pas, tu es tracassée. Que souhaites-tu me dire ?

L'éviter ? Jamais, mais éviter certains sujets, il pensait cela nécessaire. Arianne non apparemment...

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