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Le Sang du Désert ( pv- Valena Allyrion)

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Le Sang du Désert


Daemon Sand & Valena Allyrion



An 299, Lune 9


Depuis le départ du Lord pour Villevieille, les couloirs étaient emplis de silence. Les grands halls majestueux et blancs étaient vides et la silhouette sombre qui les arpentait habituellement semblait avoir emporté avec elle un peu de la stabilité de ces murs pourtant si épais. Le soir tombait doucement, et la brise qui avait animé les longs voiles suspendus aux fenêtres était partie dès lors que les insectes de la nuit avaient commencé à chanter.  Sans le froissement des étoffes portées par les courants d'air, la  place forte des Allyrion paraissait avoir cessé de respirer. Mais dans l'immense demeure de pierre froide, nulle pièce n'était plus silencieuse que la chambre du bâtard.
Dans l'obscurité de cette dernière, un filet d'encens dansait paresseusement aux dernières lueurs du jour, embaumant la pièce d'un parfum entêtant. Si son occupant était toujours l'un des premiers à voir les couleurs de l'aube, elle était bien sombre en cette heure. Sombre tout comme l'humeur de celui qui se tenait là, allongé sur ce lit qu'il n'avait plus quitté depuis qu'il était revenu de son long périple. Le masque de fer, si dur au coeur du damassé brun dont on l'avait vêtu, ne laissait pourtant rien deviner du visage détruit. Seuls les yeux clairs, perçants sous les arcades noirâtres de métal, traduisaient les sentiments de son coeur. Ses yeux qu'il gardait bien souvent fermés pour échapper à l'oppressant décors qui, au fur et à mesure que les jours passaient et qu'il demeurait coincé dans l'alcôve, se faisait plus petit, plus étroit et duquel il ne pouvait fuir qu'en cédant au sommeil. Et à ses rêves, si nombreux. Mais il avait beau rencontrer dans ses songes la terrible journée qui l'avait conduit jusqu'ici, il avait beau croiser des monstres de feu et de sang et rêver mille douleurs, le seul vrai cauchemar, pour lui, ne commençait que lorsqu'il se réveillait.
Alors, dessous le visage de fer ne naissaient depuis le peu de jours où il avait recouvré l'usage de la parole et la conscience dont le privait jusque là le lait de pavot que des mots aussi venimeux que froids. Un peu plus tôt dans la journée, le timide Cletus en avait fait les frais. Daemon l'avait congédié sans égard sans même lui laisser le temps d'approcher jusqu'à son chevet. Il ne souhaitait pas le voir. Il ne souhaitait voir personne. C'était à peine s'il admettait la présence du mestre lorsque venait l'heure quotidienne de changer ses bandages et jamais il ne s'était montré plus franc dans ses propos avec cet homme qu'il méprisait que depuis qu'il dépendait de son savoir. D'ailleurs il ne s’etait guère montré plus commode avec le reste de son entourage et, la veille, sa mère avait quitté la chambre avec ses yeux clairs  humides de larmes qui avaient au moins autant à voir avec l'étât de son fils adoptif qu'avec les mots durs qu'il lui avait jeté à la figure. Enfermé dans sa rancoeur  et sa colère il s’était refermé sur lui même et repoussait quiconque venait s’inquiéter de son étât.
Un souffle douloureux lui échappa lorsqu'il tourna légèrement la tête sur son oreiller pour regarder les deux grandes fenêtres au travers desquelles il ne pouvait voir que le ciel rosissant. Un peu de la lumière pâle qui s'insinuait dans la pièce ténébreuse joua sur les reliefs figés du visage de métal, l'animant de quelques reflets qui glissèrent sur sa surface polie. Loin au délà de cette maigre frontière se trouvait Lancehélion, où son père s'était rendu aussi vite qu'il l'avait pu d'après ce que lui avait dit Déria dans le peu de temps où il l'avait admise auprès de lui. Le Seigneur de la Grâcedieu était parti. Il n'était revenu que quelques jours pour repartir aussitôt vers l'Ouest cette fois-ci. Si ce n'était qu'une simple pensée dans l'esprit du Sand, elle n'en pesait pas moins sur son coeur. Daemon en voulait à son père, mais il se détestait aussi de se sentir si fragile dans le sentiment d'abandon qui l'envahissait à chaque fois qu'il imaginait le Lord partir vers l'Ouest. Pourquoi était-il parti si vite sans venir le voir? Ou était Nyméria? A nouveau Daemon soupira. Il y avait tant de choses dont on semblait le protéger depuis son léger rétablissement que  la peur qu'on ne lui cacha de terribles nouvelles grandissait chaque jour et, de ce fait, n'arrangeait guère son humeur. La convalescence ne lui seyait guère, et qu'on chercha à épargner son esprit pour aider son corps à se rétablir était loin de lui plaire.
Soudain, des pas percèrent le silence de leur rythme régulier. Sa gorge, tout d'abord rendue amère par l'appréhension de voir de nouveau entrer la silhouette pâle du mestre, se serra en reconnaissant le son léger de la démarche qui venait à sa chambre. Gardant la tête farouchement tournée vers les fenêtres qui s'opposaient à l'unique entrée il sentit monter en lui une angoisse qu'il n'avait ressenti devant personne d'autre avant, pas même devant sa propre mère. Comme il aurait voulu pouvoir marcher jusqu'à cette fichue porte pour la fermer à clé avant qu'il ne soit trop tard; avant qu'elle n'entre. Il refusait catégoriquement qu'elle le voit ainsi. Aussi, lorsqu'elle passa les sombres battants qui grincèrent lorsqu'elle les ouvrit, il ne prit même pas la peine de se tourner vers elle pour reconnaître sa présence comme pour essayer d'échapper au regard de la jeune femme. Il fixait toujours le ciel aux nuances changeante quand sa voix feutrée et poussive articula d'un ton dur de rares mots.


"Vas-t-en."

Figé et immobile dans son lit aux baldaquins ornés de voiles translucides, il priait de tout son coeur pour que sa soeur fit demi-tour.
En contrebas remontaient les chants de quelques femmes qui s'affairaient dans les vergers au bord du fleuve. Dans l'ombre du Soleil, le sang du désert brillait.





   
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Daemon & Valena



An 299, lune 9, La Grâcedieu.


La Grâcedieu était méconnaissable. Plongée dans un silence terne, presque lugubre, l’ambiance était trop pesante pour que l’atmosphère ait pu passer pour mélancolique. Malgré le soleil qui chauffait les pierres blanches et s’abattait sur les feuillages des palmiers, la forteresse semblait glaciale. Comme habitée de fantômes, à la recherche d’un passé lointain, glorieux et heureux, mais oublié. Oublié pour laisser place à la gangrène, aux souvenirs envahissants et déformés de rire rauques, méconnaissables. Et dans cette antre qui apparaissait hantée, les domestiques se glissaient dans les couloirs comme des ombres, rasant les murs, les yeux rivés au sol et priant pour ne pas faire une mauvaise rencontre. D’ailleurs, la plupart des rideaux étaient tirés et ne laissaient passer que les rayons les plus obstinés. Les pièces, d’ordinaire si chaleureuses et lumineuses, étaient obscures et peu accueillantes. Pourtant, parmi les murmures, il manquait la silhouette noire du lord de ces terres pour compléter le tableau dérangeant. Malgré la situation instable du domaine, Ryon Allyrion s’en était allé. D’abord à Lancehélion, puis dans le Bief, cette région ridicule et verdoyante. Les récents événements de Westeros l’exigeaient. Et j’avais, une fois encore, hérité de l’enfant capricieux de la Grâcedieu. J’avais plus d’une fois géré le domaine en l’absence de mon géniteur. Ce n’était pas cela qui m’effrayait. Non, j’étais digne de ma place et savais réagir en toute circonstance. Cependant, il s’était passé tant de choses en si peu de temps que de me trouver seule ici, en compagnie du reste de ma famille, comme si rien ne s’était passé me hérissait le poil. C’était comme si la vie nous demandait de tout reprendre comme avant. Alors que tout avait changé.

Je soufflais en tenant la plume teintée d’encre. Mes pensées m’avaient faite oublier la lettre que j’étais en train d’écrire et une grosse goutte noire avait glissé le long du fuseau avant d’éclabousser le parchemin beige. Je grognais. Maintenant, il était inutilisable. Je l’attrapais à pleines mains, de rage, le froissais plus que de raison et le jetais contre les carreaux fermés de ma fenêtre. Jamais je n’arriverais à écrire cette fichue missive pour Nymeria ! D’ailleurs, avais-je réussi à me concentrer sur quoique ce soit depuis le départ de l’aspic et du dragon ? Ils étaient arrivés, avaient franchi les portes de notre château, le malheur accroché au dos. Puis, ils l’avaient déposé là et s’en étaient allés. C’était bien commode, bien facile, après tout ! J’étais injuste de leur en vouloir ainsi, mais c’était plus fort que moi. Aux yeux de tous, je défendais mon amie de toujours parce que j’estimais que je le devais. Pourtant, au fond de moi, j’étais frustrée, en colère. C’était mon frère qui était brûlé. Infirme. C’était Daemon et pas Obara ou Tyerne. Mes doigts tachés d’encre vinrent fourrager dans mes cheveux de la même couleur avant de venir cacher mon visage soucieux. Je n’avais pas le droit de penser comme cela. Je me faisais honte. Mais les sentiments étaient bien là et ne voulaient pas s’en aller. Comme une vipère sournoise, blottie au fond de son trou et attendant le moment opportun pour jaillir et mettre sa victime à terre, infestée par son poison mortel.

Trois coups timides frappés à ma porte ne me firent pas lever le nez de mes paumes. Je croassais un « Entrez ! » et j’entendis la porte se refermer derrière mon visiteur.

« Valena ? » m’appelais timidement la voix de Cletus.

Je laissais tomber mes épaules que j’avais instinctivement levées pour y rentrer ma tête et me tournais vers lui après m’être reconstituée un visage potable. Pourtant, cela ne sembla pas le rassurer le moins du monde. Ses sourcils se froissèrent, perplexes.

« Ton front est tout noir… »

J’essuyais frénétiquement ma peau tachée d’encre en grimaçant. Je me fichais bien de l’état de la manche de ma tunique couleur de lin clair. Elle pouvait bien être sale. C’était le cadet de mes soucis.

« Qu’y a-t-il Cletus ? Tu veux me demander quelque chose ? »

Je voulais ma voix douce et tranquille, mes les accents durs et cassants de mes intonations ne dupaient personne. Et certainement pas mon jeune frère qui était certainement l’adolescent le plus observateur que je connaissais. Et puis, j’étais sa sœur, il n’avait pas besoin de me sonder pour voir que cela n’allait pas. Mon visage était bien trop expressif à mon goût. Pourtant, il ne fit aucune remarque.

« Je suis allé voir Daemon ce matin et… »

Devant mon air interloqué et ma bouche entrouverte qui laissait deviner un accent de colère, il mit ses mains devant lui et secoua la tête.

« Laisses moi finir avant de me faire la leçon ! » poursuivit-il. « Je sais que ni toi ni Mère ne voulez que je lui rende visite, mais j’y suis allé quand même, voilà. »

Nous avions conclu, avec ma génitrice que de laisser Cletus visiter son demi-frère n’aurait rien de bénéfique. L’état de santé de Daemon était encore trop instable et la maladresse de mon jeune frère n’aurait rien fait pour arranger les choses. Dans le meilleur des cas, le bâtard de la Grâcedieu l’aurait congédié. Dans le pire des cas, je n’osais imaginer ce que l’homme brisé qu’était mon ainé lui aurait jeté à la figure. Et le dernier né des Allyrion n’était pas prêt pour affronter cela. Et pourtant, voilà qu’il se tenait devant moi, droit comme un i et sérieux, comme à son habitude. Il n’avait rien à voir avec la mère sanglotante que j’avais consolé, tant bien que mal, il y avait de cela quelques jours. Notre mère oscillait entre larmes et colère depuis qu’elle avait vu Daemon. Son état la révulsait.

« Il ne va pas bien, j’aimerais que tu ailles le voir, Valena je t’en pri- »

Cette fois, ce fut à mon tour de l’interrompre.

« Je n’irai pas. Je te l’ai déjà dit ! » sifflais-je en détournant le regard.

Depuis la vision d’horreur que son corps meurtri m’avait infligée le jour de son arrivée, je n’étais pas allée à son chevet. Pas une seule fois. Certains diraient que de tels agissements étaient indignes d’une sœur. Et je les enverrais paître. En réalité, j’étais terrifiée. Que restait-il du Daemon que je connaissais, derrière cette peau brulée ? Que restait-il de lui ? Un corps que je ne reconnaitrais plus. Un visage étranger. Une âme brisée. Je ne voulais pas me confronter à cela.

Cletus me lança un dernier regard désolé avant de battre en retraite. Puis, mes mains retrouvèrent le chemin de mon visage.

Devais-je réellement y aller ? Que pourrais-je lui dire ? Comment vas-tu ? Ridicule. Tout simplement ridicule. Bien sûr qu’il n’allait bien bien ! Rien n’allait, d’ailleurs ! Alors, quoi d’autre ? Je suis là pour toi ? J’eus un ricanement mauvais. Cela ne me ressemblait pas du tout. Il prendrait cela pour de la pitié. Pitié que je n’éprouvais pas. Tout cela était stupide. Je n’avais rien à lui dire. Je ne pourrais même pas le regarder en face, alors à quoi bon ? A quoi bon me forcer si c’était pour entrer dans sa chambre, le regarder quelques secondes et faire demi-tour ? Cela ne valait pas la peine. Envenimer les choses, voilà ce que cela ferait. Cletus y était allé pourtant… Mon jeune frère, si frêle et si fragile… Voilà qu’il était plus brave que moi ! Je n’en avais jamais douté une seule seconde, mais pouvais-je être aussi couarde ? Moi qui me targuais d’être aussi vaillante ? Mes mains se transformèrent en poings tremblants.

Je me levais d’un bond et me dirigeais à grandes enjambées vers les appartements de Daemon. Si je n’y allais pas maintenant, je n’irais jamais. Malgré ma gorge serrée et ces envies de haut-le-cœur qui revenaient, je me faisais violence et continuais d’avancer. Qu’il m’ignore ou qu’il me hurle dessus s’il voulait. Je n’aurais qu’à l’ignorer ou crier plus fort.

Je franchis les portes sans frapper. Durant une seconde, je clignais des yeux, peu habituée à l’obscurité de la pièce. Puis, je distinguais la forme d’un lit et d’une silhouette courbée, le visage tourné vers l’unique fenêtre, seule source de lumière de l’habitacle. Dos à moi Daemon ne tourna même pas la tête, m’ayant probablement reconnue, avant de m’ordonner de faire demi-tour. Je fus un moment rassurée de ne pas avoir à le confronter tout de suite et je remerciais ce dos couvert sur lequel je fixais mon regard. Je croisais les bras.

« Maintenant que je suis là, je ne partirai pas, » tonnais-je à mon tour d’une voix dure.

Je ne voulais pas encore m’approcher et gardais une distance suffisante pour ne pas envahir son espace vital.

« Et depuis quand écouterais-je ce que tu me dis ? Croyais-tu réellement que j’allais m’en aller en faisant des courbettes et en murmurant des pardons ? Tu dois te moquer de moi ! »

Je fis un pas en avant. Ma voix forte me donnait le courage de continuer. Je ne voulais pas de silence dans cette atmosphère pesante. Le silence m’aurait tuée. Gangrené ma détermination dans l’œuf et m’aurait faite fuir.

« Je ne suis pas Mère qui pleure en te voyant et je ne suis pas Cletus qui se plie à tes désirs sans discuter. »

En réalité, je ne savais même pas pourquoi j’étais ici. Mais pour le sortir de sa catatonie j’étais prête à tout. Je le provoquais ouvertement et j’attendais les représailles avec impatience. Si représailles il y avait.

 

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Le Sang du Désert


Daemon Sand & Valena Allyrion



An 299, Lune 9

Depuis deux lunes il n'avait pas quitté cette pièce. Sa rémission, elle, progressait bien trop lentement à son goût puisque à l'exception de ses plaies qui, pour la plupart, n'étaient plus à vif, il n'avait pu ressentir le moindre changement. Chacun de ses gestes, aussi  rares étaient-ils, lui laissait l'impression d'ouvrir à nouveau les blessures refermées. La raideur de ses mains l'agaçait, l'immobilisme de ses jambes l'horrifiait à un point qu'il n'aurait su décrire. Cette guérison qu'il avait tant rêvé à son réveil crevait lentement dans son esprit au fur et à mesure que les jours passaient. Et l'espoir d'un jour retrouver celui qu'il était s'effaçait avec elle. Alors dans l'obscurité de la chambre, la moindre présence lui inspirait une répulsion si forte, si pleine de dégoût et de jalousie, qu'il n'avait épargné personne de son venin acerbe. Aussitôt que sa soeur avait pénétré la pièce, la honte qu'il avait redouté avait cédé le pas à la plus ferme des antipathies, comme s'il lui en voulait pour une faute qu'elle aurait commise contre lui. Sa seule faute étant, d'après son malheur, d'être en vie et en bonne santé.

Elle lui annonça qu'elle refusait de revenir sur ses pas. C'était une première contrariété pour lui et sa poitrine se souleva en une longue respiration tandis qu'il tentait de garder son calme. Si la pièce semblait être aussi calme que le mince filet d'encens qui voletait jusqu'au plafond, Daemon, lui, bouillonnait. Il avait envie de la frapper, de la rouer de coup et de lui lancer tout ce qui lui tomberait sous la main pour la voir battre en retraite comme l'avait fait leur cadet quelques heures auparavant. Mais c'était Valena. Elle reviendrait juste avec des pierres plus grosses pour les lui lancer à la figure. Le masque de fer garda le silence, dans l'espoir qu'elle renonça et qu'elle fit demi-tour pour vaquer à ses occupations. Il préférait continuer de faire semblant de se concentrer sur le paysage au dehors plutôt que d'entamer cette rencontre  et cette discussion qu'il redoutait tant. Vas-t-en. Vas-t-en, je t'en supplie. Vas-t-en! Priait silencieusement le bâtard en espérant percevoir le son de ses pas légers quitter enfin l'alcôve. C'était bien trop pénible pour lui, d'entendre à nouveau cette voix qu'il aimait tant mais qui apportait avec elle ce flot de souvenirs qu'il reconnaissait à peine. Vingt-deux années partagées et chéries. Et il avait suffit de quelques heures à peine pour que ces deux décennies lui paraissent désormais comme s'il ne les avait jamais vécues, mais lues dans les pages d'un livre.
A nouveau il se crispa en l'entendant l’apostropher. Encore.

"N'avance plus!" la prévint-il en grondant sous ses bandages en la sentant s'avancer.

Evidemment que sa soeur ne reculerait pas. Elle n'avait jamais reculé devant lui. Dans le maigre silence qui séparait ses interventions, la tension entre eux était palpable mais elle était bien différente que celle qui les opposait si souvent, autrefois. Ils étaient là, tels deux inconnus qui tentaient de s'apprivoiser, presque de force. Cependant, la tentation de rejeter la faute de son sort sur quiconque passait le pas de la porte faisait croire à Daemon que deux parfaits inconnus auraient eu plus de chance à cet exercice. Même si les accents de sa voix se voulaient sûrs, il la connaissait trop bien pour ne pas reconnaître les notes craintives qui lui faisait hausser le ton. Derrière son déguisement de bravoure, il pouvait entendre la peur de sa soeur. Il ferma un instant les yeux comme pour tenter d'échapper à cette présence qu'il ne pouvait fuir.
Prostré dans son lit, il fulminait, comme un cheval coincé dans un box qui ne pouvait que renacler et tourner en rond. La docilité qu'exigeait son état ne pouvait lui être plus étrangère.

"Qu'ils aillent en enfer." cracha-t-il d'une voix étouffée et posée.

Jamais il ne s'était montré aussi dur et violent avec Déria et Clétus que ces derniers jours. Et si ces derniers ignoraient jusque là toute l'étendue de la rancœur et du venin dont il était capable, leurs brèves entrevues à son chevet leur en avait certainement laissé un souvenir marquant. A Cletus il avait révélé tout le mépris qu'il lui inspirait, tout le désamour qui les liait. Cela avait été un florilège d'insultes qui avait stoppé net l'avancée du cadet dans la chambre, comme un mur qui l'avait ensuite repoussé dans les couloirs. Mais si le peu d'affection que Daemon portait au blondinet n'était un secret pour personne, les méchancetés qu'avaient entendu sa mère adoptive, elles, en revanche, avaient été aussi neuves que terribles tant elles semblaient fondées sur les craintes du bâtard et sur les angoisses qui l'habitaient depuis tout jeune. Jamais il ne s'était montré si cruel avec elle. Un léger courant d'air naquit de la porte qu'elle avait laissé ouverte derrière elle. La brise souleva les voiles qui pendaient le long de la fenêtre et dispersa la fumée de l'encens dans la pièce.

"Et toi, pourquoi es-tu venue? Puisque tu es plus courageuse qu'eux, viens donc et regarde!" La défia-t-il soudain. Son visage de fer se tourna tout à coup vers Valena. Toute la colère de sa voix n'avait d'égal que le calme parfait qu'affichait son corps meurtri."Et ensuite, vas-t-en. Tu as tant à faire."Souffla-t-il douloureusement juste après, lui révélant enfin toute la rancune qu'il retenait à son égard. Trois lunes qu'il était enfermé dans cette pièce, et il la voyait pour le première fois.






   
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Daemon & Valena



An 299, lune 9, La Grâcedieu.


L’atmosphère oppressante de la chambre exiguë m’étranglait presque alors que je n’osais faire un pas de plus. L’air était surchargé, suranné du parfum lourd et entêtant d’un bâton d’encens dont la fumée se propageait comme la peste. J’aimais les odeurs suaves et chaudes de cette résine, mais mon frère les avait toujours préférées plus puissantes, plus lourdes et étouffantes. Je grimaçais, peu à l’aise, mais me concentrais sur ce dos vouté pour occulter le reste. Ainsi assis, Daemon ressemblait presque à un vieillard. Un vieillard ou un spectre las et fatigué. Ses épaules d’ordinaire si droites étaient désormais recroquevillées comme celles des mendiants édentés de Lancehélion. Mon demi-frère n’avait plus rien de cette allure élancé, svelte et confiante qu’il avait autrefois. J’avais la désagréable impression de ne plus contempler que l’ombre de lui même. Le fantôme d’un combattant fier et promis à un futur glorieux. De cette silhouette pitoyable émanait presque l’amertume et la rancœur qu’il éprouvait à l’encontre du monde entier. Et j’étais la spectatrice de ces rêves piétinés, de cette existence bafouée et d’un avenir beaucoup plus incertain.

Et pourtant. Et pourtant, il était en vie. Il se tenait là, tant bien que mal, sous mes yeux. J’observais son dos se soulever lorsqu’il respirait. Les mouvements imperceptibles de son corps brulé. Il parlait. Je l’entendais presque hurler sa colère. Sa haine semblait bouillonner, suinter par tous ses pores. Son entourage pouvait le répugner. Il pouvait cracher son venin et laisser s’échapper tous les mots qu’il avait un jour pensé sans oser blesser les siens. Je m’en fichais, tant que j’étais le réceptacle de cette ire contenue. Si jusque là je n’étais pas venue le voir, la peur y était pour grand chose. L’angoisse de voir une enfance et des souvenirs écrasés. Mais également celle de son propre chagrin et de tout le fiel qu’il était capable de déverser. Les tentatives de notre mère s’étaient toutes soldées par de cuisants échecs, des larmes et de l’incompréhension. Mais ma génitrice était une femme forte et solide. J’avais confiance en elle et savais qu’elle s’en remettrait, avec le temps. Quant à Cletus, je n’avais guère espéré de l’issue de leur entrevue. Le bâtard de la Grâcedieu n’avait jamais éprouvé la moindre affection pour mon cadet et j’avais bien conscience que malgré toute sa bonne volonté et son envie de l’aider, il ne récolterait que des insultes et, au mieux, l’ignorance la plus totale et la plus froide. Cependant cela, le jeune adolescent devait en avoir conscience, lui aussi.

La plus faible dans toute cette histoire, c’était bien moi. Je n’avais osé me l’avouer jusqu’à là, mais alors qu’il m’ordonnait de ne plus avancer et que je m’immobilisais, je m’en rendis véritablement compte. Je craignais les mots qu’il pouvait me cracher au visage. Je craignais son aigreur et son âcreté. Daemon n’en avait peut-être pas conscience, mais ce qu’il pouvait me dire me terrorisait. J’étais égoïste, j’en avais bien conscience. J’étais peut-être bien la pire des sœurs à penser de la sorte, mais je n’y pouvais rien. Et renier ce que je ressentais ne me ressemblait pas. Pourtant malgré tout cela, il y avait bien quelque chose que je voulais par dessus tout. Je voulais qu’il me réponde. Qu’il hurle, qu’il crie. Qu’il se sente vivre. Il ne pouvait pas rester indéfiniment comme cela. Et je savais qu’il me serait impossible d’avancer sans sentir sa présence à mes côtés. Cependant, cela, je me gardais bien de le lui dire.

Je décroisais les bras que j’avais inconsciemment portés devant moi, comme pour me protéger d’une salve invisible, mais douloureuse. Mon demi-frère ressemblait étrangement à un animal sauvage blessé qu’il m’aurait fallut apprivoiser. Cependant, je n’étais guère douée à l’exercice de ce genre de chose. Et le seul animal blessé que j’avais côtoyé était une jument qui avait mis bas avant l’heure dans nos écuries et qui était à l’agonie. Sur ordre de mon père, l’adolescente que j’avais été lui avait tranché la gorge pour mettre fin à ses souffrances.

Une grimace de surprise tordit mes lèvres lorsqu’il cracha une nouvelle fois sur notre mère et Cletus. Puis, un mauvais rire, amer, s’échappa de ma bouche. « Qu’ils aillent en enfer. »

« Dans ce cas, j’espère qu’ils t’y trouveront. »

Ma voix sifflante était aussi venimeuse que la sienne. Il savait qu’à ce jeu là, nous jouions d’égal à égal. Il pouvait être acerbe ? Hé bien moi aussi.

Lorsqu’il tourna son visage de fer vers moi, d’un geste saccadé, j’eus presque un mouvement de recul. Je n’avais toujours pas vu ce carcan métallique qui recouvrait désormais sa peau et ses chairs cramoisies. Le souvenir cauchemardesque de son arrivé à la Grâcedieu me revint en mémoire et ma gorge se serra. Pourtant je ne cillais pas, le regardais profondément dans ses iris claires qui, à elles seules, me rappelait la Daemon que j’avais connu. Pourtant, l’éclat qui brillait dans ses prunelles était une lueur que je n’avais aperçu dans le bleu clair de ses iris. Il ressemblait définitivement à un animal meurtri. Cependant, je n’arrivais pas à éprouver la moindre pitié. Cela, il devait le ressentir. Je fronçais les sourcils à sa dernière remarque.

« Oui, figures toi. Oui, j’ai tant à faire. Je dois m’occuper de la Grâcedieu seule ! Père est parti dans le Bief. Mère est encore sous le choc, inapte à m’assister avec ce que tu lui infliges et Cletus est trop jeune. Quant à toi, tu passes ton temps à te morfondre dans le noir alors qu’il me semble que tu vas très bien aux vues de l’énergie que tu déploies à me chasser ! »

Ma gorge était nouée et ma voix tremblante de colère. Je m’approchais plus près, ayant même l’indécence de m’appuyer contre un des piliers du lit à baldaquin. Je le savais, je me cherchais des excuses pour expliquer mon comportement. Mais que pouvais-je bien lui répondre sinon cela ? Désolée, je ne voulais pas te voir ? Rien que de penser à ton visage, à l’état de ta peau, de chacun de tes membres et j’avais la nausée ?

« Je ne suis pas là pour m’apitoyer sur ton sort comme Mère ou pour essayer de te remonter le moral comme mon frère. C’est inutile. Tu es borné et tu te condamnes toi même à te voir comme un infirme. »

Je pris une grande inspiration tandis que ma main droite se serrait autour du bois et des voilages transparents que le vent avait tiré vers moi.

« Hé bien oui, aux yeux du monde, tu es un infirme. Tu ne te battras probablement plus comme avant. Ton visage et ton corps sont brisés. »

Mes mots étaient durs, profondément blessants. Mais personne n’avait encore osé les lui dire.

« Mais Daemon… Je veux que tu comprennes… Je ne te verrai jamais comme tel ! Tu es mon frère et tu peux parler, réfléchir, tu peux vivre bon sang et ne pas rester à te morfondre dans le noir comme un mourant ! »

J’étais maladroite. Maladroite et brutale. Je savais que je m’y prenais mal, que je devrais faire autrement, mais j’étais confuse et en colère. Et d’observer ce visage impassible et glaciale, fait de fer et de gris me laisser éprouver un profond malaise lorsque je savais que le visage de mon frère devait exprimer une toute autre émotion. Une émotion que je ne pouvais lire.


 

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Le Sang du Désert


Daemon Sand & Valena Allyrion



An 299, Lune 9

Sous le haut plafond d'albatre, les ombres avaient gagné du terrain.  La nuit tombait doucement et emportait dans sa chute le brillant soleil de Dorne. Celui des Martell. Un soleil sur lequel les yeux du bâtard ne s'étaient pas posé depuis des lustres. Comme l'héritière le lui reprochait, il s'était enfermé dans un havre d'obscurité pour ne pas voir la lumière trahir cette existence nouvelle et qu'il redoutait tant. Les rideaux resteraient fermés, et les bougies éteintes. Les ténèbres rendaient plus étouffante encore la sensation oppressante qui vivait dans cette pièce, nourrie par l'attitude prostrée de son occupant, comme par  L'encens qui enfumait l'endroit de son parfum lourd et entêtant. Dans son état de désolation et rancoeur mille fois ruminée, cela convenait parfaitement à celui qui n'avait plus rien à voir avec le fier chevalier qui se pavanait autrefois sur la lice. Qu'importe ce que disaient les autres, qu'on le croit faible ou abattu. Il aurait préféré devenir aveugle et sourd plutôt que de se trouver forcé de contempler les vestiges de ce qu'il avait été, enfermé dans ce corps incapable.
Les piliers du lit se détachaient des ombres pesantes et accablantes  de la pièce ainsi que les silhouettes de la soeur et de son frère. Les épaules de ce dernier se soulevaient difficilement à chacune de ses respirations, et chacun de ses souffles emportait un filet de sa voix, le transformant en un râle pénible aux accents sordides. Sa respiration laborieuse était encore approfondie par la colère que faisaient naitre chez lui les propos de Valena. Il savait ses reproches déplacés, bien qu'il n'écarta pas totalement la culpabilité de sa soeur de son esprit quant à son absence à son chevet, mais il ne l'admettrait pas. La voir se plaindre du travail qu'elle avait l'agaçait profondément. Elle était l'héritière, elle était douée pour ça, elle était belle et elle tenait encore sur ses deux jambes. Elle serait un grand seigneur. Elle aurait tout ce qu'elle voudrait. Tout ce qu'il n'aurait jamais. Plus que jamais auparavant, ses pensées étaient empoisonnées par son envie, par sa jalousie.

Dessous le masque, il ne la lachait pas des yeux, plantant dans l'onyx des iris de sa soeur son regard aux paupières rougies et dont seul l'éclat bleu rappelait encore, tel un vestige, le bâtard de la Grâcedieu. Mais dans les pupilles pâles et pourtant si sombres, Valena ne pouvait voir qu'un étranger.
Ses mots, Daemon les encaissaient sans ciller, à l'image de sa soeur que ses propos laissaient de marbre. Ils s'affrontaient à armes égales, et avec l'aide d'une complicité oubliée qui rendait leur échange bien différent de ceux auxquels leur mère et leur cadet avaient eu droit. Mais il était trop sombre et meurtri pour être sensible au courage ou encore à la bonne volonté déployés par sa soeur. Il l'écoutait, prostré sur son lit, plus ténébreux que jamais malgré ses yeux clairs qui finirent par se détourner de sa cadette.
"Il me semble que tu vas très bien". Un éclair courroucé traversa les pupilles d'aigue marine du brun. Il serra sa main droite sur sa cuisse, refermant ses doigts gantés.  Se riait-elle de lui? Elle avait dit cela avec un tel aplomb, qu'il aurait presque été tenté d'y croire lui aussi, à cette soudaine rémission qu'elle lui prêtait. Mais si sa verve était là, cachée sous la tonalité laborieuse et feutré de sa voix qui perçait sous son masque, son corps était loin d'être guéri. Contrairement  à ses précédents visiteurs, sa soeur ne semblait pas vouloir faire dans la dentelle et il n'émanait d'elle pas le moindre sentiment de pitié. Le bâtard, orgueilleux, ne savait pas vraiment comment prendre cette carence d'empathie. Soulagé d'une part qu'elle le traita comme avant, il était presque vexé en revanche qu'elle choisisse ainsi d'ignorer la gravité de ses blessure comme s'il s'agissait d'une simple égratignure. N'avait-il donc pas assez souffert selon elle? Mais aussitôt sa pensée capricieuse mourut dans son esprit. Ce n'était pas une simple bataille d'égo telles celles qui les opposaient autrefois. La désolation l'avait avalé tout entier, et il n'était pas une parcelle de son corps qui manquait de le lui rappeler.

" S'il m'avait suffit d'une simple pensée pour ne plus être l'infirme que tu vois, tu ne serais pas venue me trouver dans cette chambre." lacha-t-il dans un souffle amer et dédaigneux.
Elle se tenait droite sur ses deux jambes, à tourner autour du lit avec la légèreté d'une gazelle, devant lui qui ne pouvait qu'à peine espérer ne serait-ce qu'atteindre la porte sans tomber. Elle ne pouvait imaginer le sentiment d'impuissance qui le gardait cloué à ce lit. Quand tout semblait si stable, si fier et si fort à ses côtés, il n'y avait pas de mots pour décrire comme il était douloureux de voir son propre souvenir faiblir et disparaître peu à peu. Le monde avançait, et il avançait sans lui.
Son regard se fixa sur l'unique ouverture de la pièce. Il préférait cela plutôt que d'affronter cette soeur qui, malgré ses efforts, ne faisait que lui rappeler par ses maladresse tout ce qu'il lui restait à endurer.
Il serait facile de sauter dans le vide et d'abréger ainsi ses souffrances. Lorsque ses forces lui revenaient, les plaies pourtant refermées semblaient se réveiller et la douleur avec elles. Même après tout ce temps, le feu continuait de le dévorer.

La voix de Valena continuait de percer le silence, effrontément, désespéramment. Elle cherchait à le faire réagir, il le sentait bien. Mais s'il demeurait jusque là insensible, les dernières paroles de sa soeur, si le masque de fer n'en laissa rien voir, furent de véritables estocades dans la conscience du bâtard. Tout ce temps qu'il avait retenu par les mensonges qu'il s'étaient raconté à lui-même dès lors que Ulwyck était venu à lui, toute la guérison que lui avait fait miroité le mestre et ses apprentis, ses maigres espoirs. Balayés. Les mots de Valena avaient fini de concrétiser ses craintes, le laissant pantois dans un sentiment d'angoisse qu'il avait repoussé jusque là. Un voile de peur glissa sur ses yeux, et sa main se mit à trembler sous l'effet de la crainte. "Non". C'était le seul mot qui se répétait inlassablement dans sa tête, dans une vaine tentative de retarder l'inévitable. Non, non. Dans sa prière silencieuse, sa tête remuait faiblement de gauche à droite, exprimant sa négation jusque aux yeux de sa soeur, refusant d'entendre ce qu'elle continuait de lui dire. Non. Il refusait d'accepter cela. De vivre ainsi. D'être cet homme.

"Mais je suis mourant!"cracha-t-il soudain dessous son masque, laissant éclater la tension qui s'était accumulée entre eux, rétorquant du tac au tac aux derniers mots de sa soeur. Son ton, bien qu'adoucit par la faiblesse de son souffle, était dur et tranchant. Il reprit aussitôt d'une voix qui se voulait forte, mais qui finit par faiblir peu à peu."Aujourd'hui, demain et pour tous les jours qui suivront. Je suis mourant, Valena. "Il haletait, autant d'angoisse que de l'effort que lui avait demandé ce simple éclat de voix alors qu'il consentait à nouveau à tourner son visage couvert de métal vers elle. Il la connaissait trop pour ne pas être sensible à la détresse qu'il sentait dans sa voix, dissimulée sous ses piques et ses tentatives d'encouragements. Emu, il l'observa un temps, ses cils clairs tressautant au rythme de son regard qui se fixait sur sa soeur.

"J'ai dormi pendant des semaines, en espérant chaque jour me réveiller...Et chaque jour a été le même. J'attendais que toi ou père veniez me voir, j'attendais qu'on vienne me dire que je pouvais finalement me lever et quitter cette chambre." Lui expliqua-t-il calmement, sans chercher à retenir la tonalité inquiète de sa voix en pensant à ce cauchemar éveillé. Sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration saccadée par l'angoisse qui faisait palpiter son coeur.
"Ce que j'attendais depuis des lunes n'est jamais arrivé."Sauf toi. Cette première marque de reconnaissance resterait silencieuse, caché dans son coeur si fermé.

"Ce que tu appelles "vivre" n'est pas une existence pour quelqu'un comme moi." Je ne suis pas Doran. pensa-t-il en prononçant ces mots. C'était renoncer bien vite pour le guerrier qu'il se disait être, mais c'était sans aucun doute cette fragilité que le Prince avait vu chez lui et qui avait donné le ton froid et distant de leur relation mouvementée. Non, il ne pourrait jamais vivre ainsi, trainé de fauteuil en fauteuil comme un vieillard...c'était trop difficile, trop dégradant. Il était chevalier et n'avait que vingt-deux ans.

"Et comment pourrais-je vivre sans être moi...sans être moi à tes côtés?" murmura-t-il presque en posant sur elle un regard suppliant. Il avait tant de mal à imaginer ce qu'il pourrait être s'il n'était pas celui qu'il avait toujours été, l'impétueux combattant, avec elle, à la chercher autant qu'elle le cherchait, a concourir sur la lice en prétendant porter un nom qu'il ne possédait pas pour la regarder rager dans les tribunes, à être ce frère qui semblait lui vouloir autant de mal que de bien, à être son adversaire et son ami tour à tour. Il regardait Valena avec dans son regard une expression indéfinissable, il la regardait comme il ne l'avait jamais regardée auparavant. Sa sœur, si maladroite et si courageuse. C'était la première fois qu'il pouvait voir dans ses yeux la même flamme qui faisait briller le regard noir de leur père.




   
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Daemon & Valena



An 299, lune 9, La Grâcedieu.


Il y avait, me semblait-il, un monde entre mon visage expressif, mes sourcils froncés et le ton de ma voix, animé et provocateur et le masque froid et glacial de Daemon qui contenait un volcan mystérieux et des traits qui me seraient à jamais étrangers. Seuls les saphirs de ses yeux bleus transcendaient cette noirceur qui émanait de ce corps brisé qui m’effrayait autant qu’il m’enrageait. Et dans ces prunelles troubles, je voyais tout ce que je ne voulais pas voir, tout ce que mes iris aveugles avaient voulu me cacher, par peur de me déstabiliser plus que je ne l’étais déjà. La honte, la colère, l’incompréhension dansaient main dans la main, me narguant à dévorer ainsi l’être que j’adorais probablement le plus au monde. Que pouvais-je faire d’autre à part les observer, impuissante et furieuse ? Et derrière ces émotions destructrices, mon demi-frère restait là, à m’écouter, presque las et détaché, dans cette enveloppe gourde et immobile. À cette instant précis, je le haïssais. Je haïssais ce dos courbé et ces membres faibles et tremblotant qui étaient ceux d’un enfant malingre et cacochyme. Ce manque de verve, ce manque de fougue était ceux d’un pantin abattu et désabusé. Mon frère n’était pas ainsi. Il ne lui ressemblait en aucun point. Il avait peut-être ses yeux, mais il n’était pas lui.

Et dans l’obscurité naissante du ciel, l’ombre de la créature recluse grandissait, faisait corps avec la noirceur étouffante de la pièce et souhaitait me dévorer toute entière. L’odeur nauséabonde du désespoir et de la mort aurait pu me faire grimacer, mais je restais droite comme un i, sans détourner le regard de cette face grise de métal qui n’avait rien d’humain. J’avais beau être tiraillée de toute part, maltraitée par ce regard haineux et lamentable, je ne pouvais pas faire machine arrière. Dans ma tête, la même litanie résonnait comme une prière inutile. Daemon est mort. Daemon est mort. Daemon est mort. Je lui avais dit qu’il pouvait vivre. Je le croyais réellement. Mais ses nouvelles paroles, pleines de rancœur et d’amertume, pouvaient me convaincre du contraire. Depuis quand mon frère avait-il besoin de penser avant de faire quelque chose ? Depuis quand prenait-il les choses pour acquises ? Depuis quand avait-il cessé de se battre pour obtenir ce qu’il voulait ? Mon frère n’avait jamais raisonné de la sorte. C’était un combattant, un jeune homme têtu qui ne se laissait jamais abattre, pour le meilleur comme pour le pire.

Il détourna son regard courroucé et préféra une nouvelle fois fuir, en toisant la petite fenêtre dont le soleil embrasait les carreaux de ses derniers faibles rayons. Je serrais le poing, prête à lui faire une nouvelle remarque, mais le soudain tremblement, presque imperceptible, de sa main, me fit ravaler les mots durs qui pesaient sur ma langue. Ainsi, il réagissait. Il réagissait enfin. Je n’avais pas besoin de son visage pour comprendre le langage primaire qu’il ne maitrisait pas encore. Son corps brisé parlait pour lui. Et derrière cette enveloppe de chair brulée, calcinée dans ce qu’elle avait de plus profond, il me semblait distinguer l’enfant capricieux et buté qu’il avait été autrefois. Malgré ce qu’il prétendait, malgré ce qu’ils pensaient tous tout bas sans oser le dire, Daemon était bien vivant. Moi aussi, je m’étais trompée. Cet ébranlement infime venait, à lui tout seul, de nous prouver à tous qu’il subsistait encore, derrière ces cicatrices, de l’âme battante et fier de Daemon Sand. Peut-être ne s’en rendait-il lui même pas encore compte, mais il voulait se battre. Je le savais. Je le sentais. Mais je me devais de lui prouver.

L’angoisse et les sifflements qui suintaient de cette voix terrorisée de petite garçon réveillèrent en moi un sentiment diffus et inconnu qui me poussait à aller vers lui, à le réconforter et à briser ce mur que nous avions, chacun, dressés pour nous protéger, pour nous soustraire au regard de l’autre et s’enfermer dans l’illusion joyeuse d’une relation simple. Dès l’enfance, nos petites mains avaient apporté, brique après brique, pierre après pierre, une couche de plus à cette muraille invisible et pourtant bien présente. Or, maintenant, une fine zébrure vint entailler le ciment. Je n’avais pas besoin de la voir, je la ressentais, alors que les mots désespérés de mon demi-frère crevaient le silence et qu’il laissait, petit à petit, s’entrouvrir le tombeau renfermant ses sentiments depuis si longtemps. Je restais interdite, déroutée et incapable de réagir alors que ma gorge se serrait et que mon estomac se retournait. Moi aussi, mon corps parlait pour moi, murmurant les phrases et les paroles que mon cœur n’avait jamais trouvé la force de dire. Au fond, moi aussi je les avais entendus, ces mots. Et maintenant qu’enfin, je les entendais, je restais coite sous les yeux implorants de celui que j’avais depuis toujours considéré comme mon frère. Ma voix restait là, étranglée, dans ma gorge alors que dans un sanglot presque inaudible ma main se portait à mes lèvres et que des larmes traitresses vinrent envahir la lisière de mes cils. Je ne pleurais que très rarement. Et souvent, mes crises étaient aussi soudaines et violentes que passagères. La boule dans ma trachée me laissait hoquetant, digérant avec difficulté ce que Daemon venait de dire et qui semblait encore résonner dans le cachot qu’il considérait comme son antre. Je n’avais pas prévu cela.

Sans y réfléchir plus longtemps, je me plantais en face de lui, oubliant mes précautions et ma volonté de ne pas l’envahir. Avec une brusque maladresse, je l’enlaçais. Mes bras le serraient si fort que je devais lui faire souffrir le martyr, mais j’avais besoin de cela pour concrétiser les pensées qui m’avaient précédemment effleurée. J’avais besoin de cela pour le sentir vivant, respirant. Lui aussi avait peut-être besoin de cette douleur pour se rendre compte qu’il n’était pas la poupée de chiffon amorphe qu’il se croyait être devenu. J’aurais voulu lui dire tout cela, mais encore une fois, mes mots seraient trop faibles. Je n’avais pas besoin d’essayer pour le savoir. Je voulais qu’il comprenne tout cela. Mes doigts s’agrippaient à sa tunique et mon visage vint se blottir, presque furieusement, dans son épaule, en partie pour qu’il ne voit pas les larmes translucides qui brillaient sur mes joues. Aucun de nous deux n’était habitué aux contacts physiques affectueux venant de l’autre. Pourtant, je n’y trouvais rien d’inconfortable. À la différence de mon frère, dont je m’écartais avec une délicatesse qui m’était étrangère. Mes mains brulantes vinrent encadrer le masque glacial qui recouvrait son visage, l’obligeant à me regarder dans les yeux.

« Tu es vivant, Daemon. Que tu le veuilles ou non, tu l’es, » lui réaffirmais-je encore, inlassable, d’une voix calme.

Ma furie n’était pas morte, mais c’était muée en une douce colère, une révolte qui ne s’exprimait plus par des mots.

« Tu n’es pas devenu plus intelligent en ces quelques lunes, pas vrai ? J’avais espéré que ces semaines de retraite spirituelle t’auraient fait réfléchir, » lui dis-je avec un pauvre sourire.

Mes doigts traçaient sans que je ne m’en rende vraiment compte les bords de son carcan d’acier.

« Ce ne sera pas toi à mes côtés, mais moi à tes côtés, Daemon. »

Je restais un moment silencieuse, appréciant l’étrange mutisme de la pièce qui semblait, elle aussi, retenir son souffle. Je ne détournais pas des yeux. J’avais forcé mon frère à regarder la réalité en face et désormais, il me fallait faire de même. Depuis l’accident, j’avais refusé d’admettre son état de santé, refusé d’envisager son avenir autrement que comme étant celui d’un fier combattant, élève d’Oberyn Martell et promis à des choses qui le dépassaient. Mais voilà qu’il me fallait à mon tour me plier à la vérité.

« Et je peux t’assurer que tu vas vivre. Même si je dois t’apprendre comment. »


 

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Le Sang du Désert


Daemon Sand & Valena Allyrion



An 299, Lune 9

Son regard ne quittait pas sa soeur et l'accablement affalait ses épaules qu'il tenait autrefois droites et fières. Il lui semblait presque rêver cet échange si différent des innombrables discussions qu'ils avaient partagé depuis l'enfance, et c'était à peine s'il était conscient des mots qui s'étaient échappés d'entre ses lèvres brulées. Le désespoir les avait laissé partir, ces mots dont il ignorait le poids, et ce ne fut qu'un instant après les avoir dit qu'il se mit à redouter la réaction de celle qui le regardait, coite. Dans la chambre où la brise du soir soulevait doucement les voiles qui ornaient les murs, un dernier silence sépara le frère et la soeur.
Lorsqu'elle afficha son trouble et que sa main se porta jusqu'à sa bouche, son dos se redressa légèrement, comme s'il était saisi de la crainte de représailles quelconques. Dans un froissement des tissus flottants de sa robe, elle se mut soudain. En quelques pas rapides, elle s'approcha de lui et il se raidit tandis qu'un éclair mauvais éclairait son regard pour avertir celle qui osait venir trop près de lui et dont il craignait, d'une façon quelque peu ridicule, qu'elle ne se soit mis en tête de le corriger. Mais à quoi pouvait-il s'attendre d'autre? Les rares contacts qu'ils avaient consentis à échanger n'avaient jamais été que des coups. Des coups pour rire, des coups pour camoufler la méfiance farouche qui s'était enraciné dans leurs coeurs si prompts à défendre ce qu'ils estimaient leur. Mais tous deux avaient, malgré leur tempéraments de feu, hérité de la pudeur qui venait à leur père quand il leur fallait parler de leurs sentiments. Ils étaient devenus maîtres dans l'art de prétendre, et se dévoiler l'un à l'autre relevait presque de l'aberration pour leurs âmes si fières.

Il s'était drapé dans un profond sentiment de défiance, lui qui pouvait à peine bouger et qui attendait, résigné, le coup qu'il imaginait tomber bientôt. Mais le choc ne vint jamais, du moins, pas celui auquel il s'attendait. Elle l'enveloppa de ses bras. Elle le serra si fort qu'il en trembla, alors que ses mains fines s'agrippaient à son vêtement, appuyant douloureusement sur les plaies qui couvraient son dos. Logé contre son cou, le visage  de l'héritière s'enfonçait dans son épaule et il sentit qu'elle y étouffait des larmes.  Ses larmes...il eut du mal à comprendre que c'était pour lui qu'elle les versait. Posé sur son genou, son poing se desserra lentement tandis que ses yeux s'écarquillaient. L'étreinte était brutale, mais elle l'était moins physiquement qu'elle ne l'était pour le coeur de Daemon qui resta figé. Abasourdi, c'était à peine s'il osait respirait tandis que ses narines découvraient pour la première fois le parfum des cheveux de sa soeur. A la rudesse de l'étreinte pourtant si douce, succéda une délicatesse qu'il ne reconnaissait pas dans les gestes de Valena alors qu'elle s'éloignait de lui, qui était trop surpris pour regretter que cette tendresse qu'ils s'étaient jusque là refusé ne dura quelques instants de plus.

Elle entoura le masque qui couvrait sa peau brulée de ses mains et le força à lever les yeux vers son visage. Daemon, qui avait docilement suivit le geste de sa soeur et posé  son regard sur elle, savait en l'écoutant qu'il se souviendrait de ses mots jusqu'à son dernier souffle. Implacable, elle lui imposait la réalité qu'il avait jusque là refuser de regarder en face. Elle paraissait si sûre d'elle, si sûre de lui. Il l'observait, une lueur d'incompréhension dans l'aigue-marine de ses yeux.
Le bâtard déglutit, désolé de ne pas trouver dans son coeur la foi qu'il voyait dans l'embrasement des yeux noirs de Valena. Las et honteux, il ne chercha pas bien longtemps cette petite flamme en lui même et à laquelle il ne croyait pas; et si son corps vibrait encore de l'étreinte, il pouvait sentir le voile de l'affliction venir se poser à nouveau sur ses épaules. C'était une chape qui ne le quitterait sans doute plus jamais, quand bien même un peu de légèreté serait insufflée à sa vie.
A la pique qu'elle lui lança, un sourire triste fit soudain briller ses yeux. Il baissa un instant le regard, dans un souffle rieur et misérable, avant de le relever vers elle. C'était là une pauvre tentative de retrouver ce langage qu'ils avaient appris à s'adresser à la moindre occasion, mais c'était d'une grande justesse malgré la maladresse de la jeune femme. Un effort précieux, cependant, qui réchauffa malgré lui le coeur mélancolique de Daemon. Mais ce furent ses dernières paroles qui finirent de faire monter jusqu'à ses yeux la boule d'émotion restée jusque là coincée dans sa gorge douloureuse. Des larmes ne tardèrent pas à apparaître aux coins de son regard rougi. Des larmes de gratitude, de peur, d'un amour profond et qu'il avait tant de fois bafoué, oublié sur l'autel de son ambition. C'était elle la soeur qu'il avait maudit tous ces jours, dans cette chambre? C'était elle qu'il imaginait réjouie du sort de son aîné, satisfaite et contente?  La vérité était qu'elle lui avait tant manqué qu'il ne trouverait sans doute jamais les mots pour le lui exprimer.
De ses mains qui entouraient son visage de métal, elle semblait avoir réussi à lui faire sortir la tête de toute la noirceur qu'il ruminait jusque là et dans laquelle il menaçait de se noyer. Il avait peur que, si elle venait à lacher son visage, les ténèbres ne revinrent l'engloutir et percer son esprit de pensées empoisonnées et morbides. D'un mouvement instinctif, sa main gantée se porta jusqu'au poignet de sa soeur et l'entoura doucement, l'implorant par ce geste de ne pas le laisser seul. Il garda le silence un moment, observant paisiblement la brune de ses yeux humides.

"Quel travail t'attend encore, ma chère soeur, avec un élève tel que moi...Je suis désolé." souffla-t-il enfin, lentement. Sa voix plaintive était partiellement étouffée par le masque, feutrant le ton de sa voix au souffle pénible et ses doigts se serrèrent imperceptiblement sur la main de l'héritière. Désolé, il l'était jusque dans la moelle de ses os. Mais toute sa repentance n'allait pas à la tâche difficile dans laquelle sa sœur s'était engagée par ses promesses. Avec ces quelques mots, il s'était libéré d'une infime partie du poids de la culpabilité qui pesait sur son coeur, celle qui l'habitait depuis toujours. Réprimée en tant normal, sa faute avait soudain resurgit au devant de la noblesse et de la compassion de celle qu'il tentait d'évincer depuis tant d'années. Il se haïssait à ce moment précis de penser à quel point tout aurait été plus simple si sa sœur avait été le monstre qu'il s'était plu à imaginer pendant sa convalescence. Il se détestait, alors qu'il la regardait avec tendresse, de savoir que la seule chose qu'il avait jamais voulu lui appartenait de droit. Et il avait passé tant de temps à lui vouloir du mal, à tout faire pour le lui voler...Son regard navré se baissa et il ferma les yeux, appuyant son visage contre la paume à la peau cuivrée. De son étreinte, elle l'avait ramené à cette réalité qu'il avait fui si longtemps tout en lui démontrant sans le vouloir à quel point elle méritait ce qu'il avait si longtemps convoité.



   
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Daemon & Valena



An 299, lune 9, La Grâcedieu.


J’avais l’impression de le voir pour la première fois. J’avais pourtant observé son corps brulé, à vif, brisé et pantelant lors de son arrivée à la Grâcedieu en compagnie d’une Nymeria enceinte et d’un dragon aux abois. Mes yeux terrorisés avaient eu tout le loisir de regarder les cloques rougeoyantes et le sang brillant qui suintait de ses plaies à vif. J’en avais eu conscience, sur le moment. Pourtant, de tout cela, je ne m’en étais souvenais que dans un vague souvenir que mon cerveau s’était décidé à effacé. J’avais une mémoire sélective, après tout. De cette scène, je ne me remémorais qu’un flou artistique étrange, mélange d’ombres et de lumières, de cris et de terreur, de colère et d’angoisse. J’avais voulu l’oublier. L’enterrer à tout jamais dans les méandres de ma cervelle. Mais pour cela, il m’aurait fallu ne plus jamais recroiser Daemon. Et c’était probablement cette réalité qui m’avait inconsciemment poussée à aller le voir. Nous étions les deux faces d’une même pièce. Proches et éloignés. Similaires et opposés. Comment aurais-je pu survivre, simple pile, sans ma face ? Impossible. Il avait bien fallu que je me rende à l’évidence : il y avait bien longtemps que je ne pouvais plus me passer de mon demi-frère. Malgré nos querelles et nos caractères respectifs ne s’accordant pas forcément, sa présence à mes côtés était devenue familière, habituelle.

Je mirais enfin ce que la vie avait fait de lui. Nouvelle-née, j’ouvrais les yeux. Il avait minci. Je pouvais voir sa silhouette malingre à travers la tunique qu’il avait enfilé. Si je ne pouvais pas distinguer son visage derrière son carcan de fer, j’aurais mis ma main au feu qu’il devait être émacié, que ses joues s’étaient creusées pour laisser ressortir ses pommettes saillantes. Ses doigts encore bandés par endroit étaient fins. Lui qui avait été si élancé et si robuste, voilà qu’il m’apparaissait aussi fragile qu’un papillon perdu dans le désert. Le moindre coyote, le moindre corbeau devenait un danger mortel. Comment pouvait-il vivre sans protection, désormais ? Pour quelques temps, du moins. Il aurait besoin de tout réapprendre. De A à Z. Pouvait-il seulement marcher ? Je ne l’avais pas vu faire. J’avais tenu mes oreilles loin des discussions des mestres par pur égoïsme. Pour ne pas me troubler. Pour que je reste concentrée sur mon travail. Je ne l’avais pas relégué au second plan. Non, je l’avais carrément rayé de mon existence durant les précédentes semaines. Avait-il fait des progrès ? Allait-il en faire ? Des améliorations récentes laissaient-elles présager le meilleur ? Finalement, je ne savais rien. D’ailleurs, peut-être que lui non plus. Nous nous étions mutuellement voilés la face. Quels imbéciles nous faisions ! Nous jouions aux adultes responsables, aux grandes personnes sensées, mais au final, nous n’étions que deux enfants se complaisant dans leurs illusions, aussi éphémères soient-elles. Et de tout briser ainsi nous laissait hébétés, pantois et déstabilisés.

Et malgré tout cela, Daemon ne m’avait jamais paru être plus lui même qu’en cet instant précis. Il avait peut-être changé, mais il restait l’être le plus courageux et fier que je connaisse. Si, comme il s’était plu à le prétexter, il n’avait été qu’un corps vide, une carcasse blessée à mort sur la pente glissante du désespoir, m’aurait-il repoussée de la sorte ? Aurait-il montré les crocs alors que je tentais de m’approcher de lui ? Un homme qui avait déjà jeté ses rêves et ses ambitions aux orties n’auraient montré aucune résistance. Et ses yeux bleus, baignés de larmes, en étaient ses plus fidèles témoins. Je me mordis l’intérieure des lèvres, luttant contre mes propres émotions. S’il voulait que je sois le pilier, je le serais. Jusqu’au bout.

Sa main vint serrer mon poignet et je restais immobile, tenant toujours son visage entre mes doigts, mes yeux toujours rivés dans les siens. Même s’il paraissait abattu, il n’y avait qu’un aveugle et un sourd pour ne pas voir et entendre cette flamme qui parcourait à nouveau son corps et sa voix. Je m’agenouillais tandis que mes paumes glissaient le long du masque, se dégageant de son étreinte, avant de se poser doucement sur ses genoux. J’y appuyais mon menton, le regardant d’en bas. Tout son cou était recouvert de bandages. Je me fis violence pour ne pas serrer le poing. Ces adorateurs du Dieu Rouge… Ces Baratheon… Ils allaient le payer. Je le jurais sur mon sang et sur mon nom.

« Tu n’as pas non plus hérité de la meilleure professeure… Je ne serais pas tendre ! Mais je t'apprendrai encore et encore s'il le faut. Jusqu'à ce que nous soyons prêts à nous tenir côte à côté, » le prévins-je dans un sourire.

En revanche ses derniers mots me laissèrent perplexe. Je fronçais les sourcils et inclinais la tête, intriguée. Que voulait-il dire par là ?

« Désolé ? » lui demandais-je. « Désolé de quoi ? De ne pas avoir suivi les ordres et de n’avoir écouté que ton impétuosité à foncer la tête baissée ? »

J’avais déjà exprimé mon plus profond mécontentement à ce propos à Nymeria lors de son court séjour entre les murs de la Grâcedieu. Tous deux en avaient pris pour leur grade.

« Je ne peux pas t’en vouloir pour ça… » soufflais-je. « J’aurais même été déçue si tu étais sagement resté là. »

La vérité était, qu’au fond, peut-être aurais-je réagi de la même manière que lui. Peut-être aurais-je moins aussi attaqué sans réfléchir. Je n’en savais rien et n’en saurais probablement jamais plus. Mais maintenant que j’avais déversé mon fuel sur l’aspic, qui étais-je pour les juger ? Je me laissais souvent emportée, mais je prenais toujours le temps de me repencher dessus, même si je détestais admettre avoir eu tord.

« Tu n’as pas à être désolé de quoique ce soit, » repris-je. « Les seuls à être désolés seront les Baratheon lorsque les Allyrion leur présenteront l’ampleur de leur courroux. »

Je n’avais pas pu m’en empêcher. La colère s’était infiltrée à travers mon apparente douceur et la soif de vengeance qui m’écorchait la trachée aurait pu me faire hurler. Je voulais leur sang sur mes mains comme ils avaient celui de Daemon sur les leurs.


 

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Le Sang du Désert


Daemon Sand & Valena Allyrion



An 299, Lune 9

Combien de temps, combien de lunes, pour apprivoiser cette laideur nouvelle et qu'il voyait briller, habilement cachée par les iris ténébreux de sa soeur? La laideur de ce corps décharné, de toute cette faiblesse. Il ne pouvait se voir lui-même, mais dans le regard de sa mère quelques jours auparavant il avait pu se confronter au reflet pâle de la créature qu'il était devenu. Comme les mort-nés, il n'était pas destiné à résister au poids de la vie. Mais puisque les portes de la mort lui restaient closes, il devait maintenant se résigner. Cette existence, il la supporterait et il affronterait la honte de devoir léguer une part de ce fardeau à Valena, puisqu'il ne pouvait y arriver seul.
Alors qu'il posait ses yeux pâles et fatigués sur son visage à la peau de cuivre, il se demandait pourquoi ce qui lui aurait tant couté en honneur, en orgueil et en gloire autrefois lui paraissait si facile aujourd'hui; si naturel. C'était pourtant si simple d'accepter enfin ce qu'ils avaient toujours refusé de voir; accepter d'être frère et soeur. Muselés et aveuglés par leur pudeur et leur fierté, il avait fallu que le tragique frappa leur maison pour qu'ils acceptèrent  d'être l'un pour l'autre ce qu'ils étaient vraiment; bien avant leurs ambitions propres, leur méfiance partagée et la défiance mutuelle que les années et les on-dit avaient installé entre eux comme un mur qui leur paraissait infranchissable. Enfin.
Un sentiment étrange grandissait dans le cœur meurtri du bâtard, tandis qu'il pouvait sentir les mains de sa soeur glisser du masque et qu'elle s'agenouillait devant lui, posant son menton finement dessiné sur ses genoux, les exposant tous deux à une proximité physique innocente et qu'ils n'avaient pourtant jamais partagé durant toutes ces années. Ses yeux ne quittèrent pas le regard de la jeune femme et il inclina son visage de fer vers elle. Daemon gardait sa main droite, non plus refermée sur le poignet de sa soeur, mais posée délicatement sur celle de l'héritière. Au travers des gants de soie il ne pouvait guère sentir que la chaleur de la peau brune et, malgré la frustration de cette barrière de tissus, il refusa de renoncer à ce simple contact qui le rassurait plus que toutes les paroles que les mestres lui avaient assénées ces dernières semaines. De toutes les lunes qu'il avait passé dans la bulle irréelle de sa convalescence, il était désorienté par cette intimité qui lui semblait être le premier pas qu'il posait sur la terre aride de la réalité.

Il baissa cependant le regard, et le détourna. Il lui faudrait encore quelques temps avant d'être pleinement habitué à se confronter ainsi à sa soeur, d'une manière si familière et si pure. Comme leur père, il n'était pas aisé pour le bâtard de se dévoiler ainsi et s'il avait toujours eu le courage de jeter son corps dans le danger, c'était une toute autre histoire lorsqu'il s'agissait de ses sentiments. Et il était d'autant plus maladroit lorsqu'il s'agissait de les exprimer, n'en fallait-il pour preuve que la mauvaise interprétation que Valena avait fait de ses timides excuses. Mais peut-être était-ce mieux ainsi. Peut-être que les mots ne correspondaient pas vraiment à la nature sauvage et farouche des enfants Allyrion, et qu'il leur faudrait trouver d'autres moyens afin de communiquer. Si un jour il en avait la force, il se promit silencieusement de lui prouver qu'il renonçait à se construire contre elle et qu'il espérait trouver un jour le moyen de la soutenir comme elle le soutenait à cet instant précis, par sa simple présence.
Le reproche déguisé de sa soeur qui ne lui exprimait que trop bien la rancoeur qui habitait le coeur de la jeune femme se transforma pourtant en une appréciation complice. Il releva vers elle son regard bleu, encore brillant de larmes, et où perçait désormais une lueur chaleureuse comme si l'approbation de sa cadette, qu'il n'attendait pas, lui était finalement essentielle. Bien qu'il douta encore lui même du bien fondé de cette impulsion qui l'avait poussé à partir, et qu'il se réveilla encore  chaque nuit en souhaitant n'être jamais parti, il se rendit soudain compte que sans cela il n'aurait sans doute jamais découvert cet instant de complicité fraternelle. Peut-être même se seraient-ils tous deux enfoncé dans leur orgueil jusqu'à se perdre totalement de vue, empoisonnés par leur fierté.  S'il aurait pu autrefois se convaincre que cela lui importait peu, cette perspective qu'il espérait oubliée le terrifiait en cette douce soirée. Mais ce temps de l'adversité semblait désormais bel et bien derrière eux, alors que Valena se faisait vengeresse sous son regard. Dans sa voix jusque là chaleureuse il reconnu la sincérité calme et terrible propre à leur père, le Lord. Ses intonations vibraient de colère alors qu'elle prononçait le nom du clan au Cerf. Si les Martell décidaient de passer outre cette attaque afin de s'inquiéter des autres affaires qui importunaient leur nom, les Allyrions n'oublieraient pas. Ils n'étaient peut etre pas aussi flamboyants que la famille au Soleil et à la lance, mais ils avaient dans leurs veines le sang des nomades et leur coeur était le coeur implacable des hommes du désert.  Ses doigts gantés se resserrèrent doucement sur la main de Valena.  

"Aucun ennemi ne passera" murmura sa voix faiblarde derrière les lèvres du masque. Sa reconnaissance perçait dans son souffle. Si le Soleil pouvait briller haut dans le ciel et se cacher dans l'ombre tour à tour, oubliant pour mieux conquérir le lendemain, le désert, lui, demeurait, et il ne pardonnait jamais.


   
base cracles bones, modification lawina

   
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