fate is woven together like a cloth (solo)

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Arys Manning

◊ ◊ ◊

« Tu le savais ?! » hurla Arys en brandissant le parchemin à demi froissé par son poing serré. La missive était arrivée un peu plus tôt dans la journée, directement depuis Port-Réal, où la cire portait le sceau du seigneur de Noirport. Il ne s'en était pas inquiété plus que cela: les échanges épistolaires étaient réguliers entre Noirport et la Capitale où Lord Corlys habitait, maintenant, la plupart de l'année. Les décisions importantes provenaient encore du seigneur de Noirport mais cette intendance permettait à Arys de se faire une idée de ce qui l'attendrait lorsque le vieux Manning rendrait l'âme. Il devait jongler entre sa vie familiale avec Jyana et leurs enfants, et celle, plus stricte, de la représentation seigneuriale en recevant les métayers de son père et en prenant quelques décisions pour la bonne marche du domaine. Un entrainement pour l'avenir, songeait l'héritier lorsque, le matin, il venait s'installer dans le bureau de son père pour traiter les affaires courantes. Aussi récalcitrant qu'il l'avait été pour le mariage par le passé, Arys trouvait une forme d'équilibre dans son quotidien regrettant, par moment, ses folles chevauchées à travers Westeros avec son oncle, mais trouvant réconfort dans les étreintes de son épouse et dans le sourire de sa fille. Lyessa avait été sa révélation, sa lumière: elle avait hérité de bien des traits maternelles et tous, à Noirport, savait combien Ser Arys Manning aimait sa femme. Le coeur du chevalier avait été difficile à trouver, mais son amour pour la née Selmy était absolue. Si bien que Godric, comme Zhoe, se plaisaient à le moquer en rappelant qu'il était les muscles, mais que Jyana était, définitivement, la tête.

Pourtant, ce jour là, "la tête" n'était pas présente. Depuis quelques temps, la vie paisible de Noirport était chamboulée par les aménagements que le couple envisageait pour la vie futur de leur fils, Addam, dont le handicap annoncé par le mestre se confirmait de semaines en semaines. Arys, déjà à fleur de peau de savoir son fils infirme et son épouse si triste, se remettait lentement de son séjour horrifique à Winterfell et il fallait peu de chose pour qu'il explose. Ce matin là, il avait fallut une lettre. Une simple lettre portant le sceau de Corlys Manning. Bien sur, Arys s'était demandé pourquoi son père appelait Zhoe à la Capitale, pourquoi, soudainement, il ressentait le besoin d'avoir sa fille auprès de lui alors même que Godric se languissait de revenir à Port-Réal pour y retrouver sa promise. La raison se trouvait dans les quelques mots, inscrit sur le parchemin que l'héritier brandissait devant son jeune frère. Godric, lui, abordait cet air las qu'il avait continuellement lorsqu'il mettait son aîné en rogne, ce qui ne faisait qu'agacer davantage ce dernier. « Pourquoi je suis toujours le dernier au courant dans cette maudite maison ?! » cria le chevalier en tapant dans le premier objet qui se trouvait à sa portée, lequel alla se fracasser contre le sol dans un bruit sourd. « Toi et tes putains de secret, c'est de notre soeur dont il s'agit, Godric, tu aurais du me le dire ! » Le cadet lui lança un regard septique. « As-tu vu ta réaction, mon frère ? Comment Zhoe aurait-elle pu aller à Port-Réal en te voyant si affecté ? » dit-il alors, pointant l'évidence. Zhoe était à l'âge où les femmes se marient, et il n'y avait rien d'étonnant à ce que Corlys Manning profite de sa position à la Cour pour trouver, à sa benjamine, un parti des plus intéressants. Arys avait toujours cru que son père trouverait un époux issus d'une maison majeure, voir suzeraine: Zhoe était sa petite princesse et il n'avait jamais rien su lui refuser. En outre, la jeune femme avait semblé charmé par les beautés du Bief et l'héritier s'était imaginé que le seigneur Manning s'arrangerait pour lui trouver un Tyrell, ou à défaut, un Hightower. Mais c'était un Farring que la jeune Manning s'apprêtait à épouser. Jaremy Farring, jeune seigneur de Castel-Farring, propulsé à ce rang lorsque son père avait trouvé la mort à Winterfell. Un mariage bien intéressant pour Noirport si l'on considérait le lien de parenté du fiancé avec la reine dont il était le neveu. Ainsi, Zhoe deviendrait la nièce de la reine Alyria, une intouchable proche de la Couronne. Un coup de poker magistral pour les ambitions du conseiller royal. Mais pour Arys, l'excellence de cette alliance n'était pas encore perceptible: ce qu'il voyait, c'était un mariage avec un homme qu'il ne connaissait pas et dont il n'était pas certain qu'il mérita sa soeur. « Jyana te dira la même chose que moi, Jaremy Farring est une aubaine pour Zhoe ! Elle sera la maitresse d'un domaine et non une potiche bonne à pondre, elle sera la protégée de la reine, sans doute invitée à la cour plus souvent que nous. Réfléchis deux minutes, Arys, elle n'allait pas éternellement rester ici ! » ajouta Godric en rappelant les avantages que leur jeune soeur tirerait de son mariage prochain: car au delà de l'engagement, l'union était prévu pour la fin d'année, d'après la lettre. En effet, le jeune Lord devait assurer sa descendance et son pouvoir et pour cela, il avait besoin d'un héritier. Un mariage ne saurait trop tarder bien que Corlys ait consentit de le célébrer après celui de son second fils, Godric, dont l'union avait été par deux fois repoussée. « Contente toi de faire des petits Manning à ta femme, Arys. Vous allez avoir besoin d'une descendance vaste pour poursuivre les alliances que Père a pu faire avec les notre. Et Jyana a besoin de penser à autre chose qu'à Addam. » Arys le foudroya du regard: il était bien à même de prendre, seul, ses décisions concernant son couple. Ainsi donc cette année serait sous le signe des mariages pour les Manning ... Arys se retint de dire quoi que ce soit, congédiant froidement son frère. Il devait parler à Jyana, c'était sur. Elle seule parviendrait à apaiser la sourde colère qui naissait au fond de lui.

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Arys Manning

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La nuit tombait sur Noirport. Bien que les journées se rallongent chaque jour davantage, l’astre descendait encore bien tôt mais la perspective d’un printemps prochain apaisait les cœurs et les esprits. L’horreur était derrière eux et ils n’avaient qu’à aller de l’avant à présent. Le temps des batailles n’étaient peut-être pas terminé, mais s’il s’agissait d’un intermède, alors Arys était déterminé à en profiter de chaque instant.

Noirport s’était vidé en ce début d’année. Quelques jours après Zhoe, Godric avait, lui aussi, prit la route vers la Capitale. Arys lui avait donné son autorisation mais il se doutait que son cadet ne l’attendait nullement. Un froid glacial s’était installé entre eux après leur dispute et le départ du puiné n’était que bienvenue pour l’esprit rancunier de l’héritier. Pourtant, son absence et celle de sa sœur, sonnaient étrangement dans son quotidien. De sa jeunesse, seule demeurait sa tante, Wylla, et ses enfants. Moyra semblait plus que jamais désireuse de rejoindre la Foi, quant à Ryman, ils partageaient les mêmes souvenirs de la guerre, de cette bataille acharnée qu’ils avaient fait, côte à côte. Cependant, il n’aurait pu nier que quelque chose avait changé chez son cousin : Ryman semblait plus effacé, plus triste. Il demeurait la plupart du temps auprès de sa mère ou se recueillait devant la tombe, vide, de son père durant des heures. Arys se sentait désolé pour lui. Si lui-même était sujet à quelques cauchemars, il savait être revenu de Winterfell sain et sauf, y compris dans son esprit. Mais il n’était pas certain que ce soit le cas de Ryman. Malgré l’étrangeté de la situation, Arys commençait à comprendre que ce quotidien serait celui qui l’attendrait prochainement. Corlys n’était pas éternel et lorsqu’il aurait rejoint leurs ancêtres, alors Jyana et lui prendraient pleinement les rênes de Noirport. Zhoe ne reviendrait que rarement, sa place d’épouse auprès de son fiancé Farring la garderait à Castel-Farring auprès de la famille qu’ils se construirait prochainement. Quant à Godric, la naissance de Lyessa, puis d’Addam, l’éloignait du siège paternel. S’il gardait des devoirs envers Noirport, rien ne l’obligerait à y demeurer durant les premières lunes de son mariage et le deuil que vivait les Cole laissait Arys penser que ces dernières seraient surement bienvenues à Lestival pour permettre à Lady Lanna de ne pas avoir à pleurer le départ de son unique fille en plus de la mort de son époux. Restait à savoir ce que le Roi ferait du siège de Corlys après sa mort -si celle-ci survenait avant que le seigneur de Noirport n’ait été remercié pour ses services. S’il désirait la laisser aux Manning, Jyana et lui quitterait leur fief pour la Capitale avec les enfants et ce serait à Godric de prendre sa place, ici, en son absence.
Cependant, la confiance émaillée de l’héritier lui faisait souhaiter que leur père vive encore de nombreuses années ou que le Roi se tourne vers un autre. S’il respectait son souverain et serait heureux de l’honneur accordé à son père avant lui, Arys craignait de ce que Godric serait capable de faire. Après lui avoir caché les discussions avec Anton Farring, puis avec la reine elle-même, qu’était-il capable de faire dans son dos ?

Arys soupira et, dans ses bras, Addam s’agita.
Il avait pris son fils avec lui, laissant un peu de temps à Jyana pour demeurer avec leur fille, laquelle avait été quelque peu mise de côté depuis l’annonce du handicap de leur fils. Lyessa n’était qu’une petite fille qui ne comprenait pas ce qu’il se passait, mais il savait que Jyana était plus douée que lui avec les discussions sérieuses et il lui avait laissé cette charge, gardant le petit dernier avec lui pour leur laisser de l’espace. Encore très jeune, Addam dormait énormément ou fixait de son regard sombre le monde qui l’entourait. Son bras semblait déterminé à demeurer rigide et, déjà, il trouvait des parades pour ne pas s’appuyer dessus, cherchant naturellement , aux yeux d’Arys du moins, à se débrouiller seul malgré son infirmité. Cette idée rendait l’héritier fier : son fils n’avait pas été béni d’un corps sain comme son aînée, mais il avait cet esprit combattif que Jyana et lui possédaient. Beau bébé joufflu, cependant, Addam lui inspirait un attachement différent que celui qu’il avait pour Lyessa. S’il ne regrettait sa naissance ou de condamnait l’infirmité, son égo avait du mal à accepter l’idée que son fils ne suivrait pas ses pas. Il n’en disait pas à Jyana, il ne voulait pas l’affecter, mais il culpabilisait à la légère déception que son cœur ressentait en regardant le bébé. Addam était son fils, au même titre que Lyessa, il devenait, par son sexe masculin, son héritier et bien qu’Arys eut nombre de parole rassurante pour son épouse et pour l’avenir de cet enfant, il ne pouvait s’empêcher de songer que la vie serait plus dure pour lui. D’autant plus à une époque où il fallait consolider des alliances, où la confiance était chose rare et précieuse. Et même si son garçon ne présentait nul autre soucis que sa paralysie du bras, même s’il s’avérait brillant dans d’autre domaine … Il resterait toujours un infirme.

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Arys Manning

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Le balai des domestiques rythmait ces derniers jours tandis qu'Arys s'apprêtait à quitter Noirport pour la première fois depuis Winterfell. Le mariage de Jacaerys était une belle occasion de fête avant que Noirport ne soit, à son tour, sujet de réjouissance pour le mariage du second fils du seigneur Corlys. Ils ne seraient pas nombreux à quitter la demeure pour se rendre à l'union de l'hippocampe et de la rose: un séjour serait de courte durée de toute façon, une journée à peine, afin d'avancer sur les préparatifs du mariage Manning qui auraient lieu, quelques jours plus tard. C'était vraiment par amitié que l'héritier avait reçu une invitation et par respect qu'il acceptait de s'y rendre. De plus, cela montrerait la force des alliances amicales de la baie de la Nera, renforçant par la même, l'unité de ces maisons derrière la figure royale. Mais une partie de la Cour, présente aux deux mariages, se devait d'être satisfaite tant par l'union d'un Velaryon et d'une Tyrell que par celui, hypothétiquement plus discret, de la maison mineure de Noirport. Cependant, Arys voyait bien que Corlys avait mis les petits plats dans les grands. Son propre mariage avait été fait en petit comité: Jyana n'avait guère plus que sa famille pour l'accompagner dans son passage de jouvencelle à épouse. Quand à lui ... Se marier durant des funérailles royales intimait à la discrétion. Il ne ressentait cependant aucune jalousie: il n'avait pas de désire de grandeur ou de gloire et avait aimé cette journée où Jyana était devenue sienne. Au contraire, l'héritier était heureux de voir sa maison resplendir grâce au mariage de son cadet: Godric avait tant voulu son jour à lui, il ne doutait pas qu'il se réjouisse des festivités et du monde présent ce jour là. Un nouveau départ, pour tous.

Arys lisait dans le petit salon attenant à sa chambre: ne trouvant le sommeil, il n'avait voulu réveiller Jyana à se retourner encore et encore dans le lit et avait trouvé refuge loin des dormeurs. Il n'y avait rien de passionnant dans l'ouvrage qu'il feuilletait, mais il espérait se fatiguer suffisamment pour retourner auprès de son épouse. Il leva brusquement la tête en entendant un cri à l'extérieur des appartements et, sans un hésitation, Arys s'arracha de son fauteuil, attrapant un chandelier avant de s'aventurer dans le couloir. Des bruits de conversation étouffées lui parvinrent dans le couloir et il toqua à l'une des portes avant de s'inviter à entrer. A l'intérieur, sa tante tentait de calmer Moyra dont le visage encore rouge et transpirant, secouée de tremblement, s'éveillait d'un cauchemar. « Tout va bien ici ? » demanda l'héritier alors que sa cousine se jetait dans ses bras sous le regard dépité, et triste, de sa mère. Il échangea à un regard avec la née-Rambton, caressant la chevelure auburn de Moyra comme il le faisait avec Lyessa. « Moyra est un peu fatiguée ces temps ci ... Elle dort mal. Désolée de t'avoir réveillé Arys.  » expliqua Wylla tout en détachant sa cadette de l'héritier, lui chuchotant de retourner au lit. Moyra hocha la tête. Elle n'était que de quelques lunes plus jeune que Zhoe mais elle possédait cet air juvénile qu'on les âmes innocentes. Tout comme Zhoe, Arys ne parvenait à la voir autrement que comme une enfant. Elle embrassa la joue de son cousin avant de disparaitre dans sa chambre. « Je ne dormais pas ... » assura l'héritier tout en suivant sa cousine du regard. « C'est le changement qui la perturbe ? » demanda-t-il alors en désignant la pièce. Avec l'imminence du mariage de Godric, et la mort de Bowen, Wylla et ses enfants avaient accepté de déménager dans l'aile principale, laissant leurs appartements au futurs mariés et à la famille qu'ils construiraient. Il était de coutume que le frère du seigneur en place hérite des appartements de la seconde aile du château et tant que Godric demeurait célibataire ou juste fiancé, il n'y avait pas d'urgence à déloger Wylla Manning de sa chambre. C'était elle, finalement, qui avait commencé à préparer ses malles, proposant de retourner auprès des Rambton avant qu'Arys ne l'en empêche. L'aile réservé à la branche principale possédait encore des chambres et il avait décidé de donner à la quinquagénaire un endroit où elle pourrait demeurer en paix. Le temps de remettre en état de vieux appartements laissés à l'abandon, Ryman logeait dans la chambre de Godric. Wylla et sa fille, elles, se partageaient les appartements de Zhoe, à Port-Réal avec leur père depuis plusieurs semaines. Mais le chamboulement était grand pour la jeune fille qui n'avait toujours connu que la même chambre. « Je pense. Cela doit lui rappeler la perte de son père.  » expliqua la femme dont la fatigue se lisait également sur les traits marqués par le temps. Arys soupira tandis que Wylla resserrait le noeud du ruban qui maintenait ses cheveux en une nattes brunes parsemée de cheveux gris. « Peut être serait-il temps de songer à son avenir, si Zhoe est assez grande pour prendre époux ... Moyra ... » commença-t-il, s'arrêtant en voyant le regard blessé de sa tante. « Pardonnez moi, chère tante, je ne voulais pas insinuer que... » Il n'eut le temps de finir. « Ce n'est rien Arys. Tu as raison. Moyra est une femme et il est temps pour elle de cesser de veiller sur la vieille femme que je suis. » Son regard fixe laissa Arys penser qu'elle tentait plus de se persuader elle même qu'autre chose. « Peut être a-t-elle juste besoin de savoir que quelqu'un prendra soin de vous jusqu'au bout. Vous savez que je ne vous renverrai jamais chez les Rambton, vous êtes une Manning, autant que moi ou Ryman. Votre place est ici. » expliqua l'héritier sous le regard tendre de sa tante. Wylla avait élevé Zhoe après la mort de Perra Manning, elle s'était occupé de lui, alors adolescent, et de Godric comme s'ils étaient ses propres enfants. Jamais ils ne la ferait partir. « Arys .. » murmura la quinquagénaire en glissant une main sur la rue rugueuse de son neveu. « Cesse donc de jouer les seigneurs petits chenapan ! » finit-elle par dire en lui tirant l'oreille comme elle le faisait quand il était petit, lui arrachant grimace puis rire. Wylla détestait la solennité, la gravité. Sans doute n'était-elle pas à l'aise avec la déclaration de l'héritier, songea-t-il. « Demain, nous pourrons en parler. J'aimerai que vous me disiez ce que vous voulez pour elle, ma tante. Reposez vous. » conclut-t-il avant de lui sourire et de retourner vers le couloir. L'avenir de Moyra ... Que choisirait Wylla ? Accéder au désir de sa fille de devenir septa ou lui trouver un époux ? Les choses changeaient, songea-t-il en revenant dans la chambre, c'était un renouveau pour tous: pour Godric, pour Zhoe, pour lui. Pour Moyra aussi.

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