-55%
Le deal à ne pas rater :
Coffret d’outils – STANLEY – STMT0-74101 – 38 pièces – ...
21.99 € 49.04 €
Voir le deal


FB - One among hundreds | Rhéa

Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

One among hundreds


« Mer Grelotte | An 302 lune 8, semaine 4 »
La mer d'hiver était grosse et la houle balottait nos navires aux couleurs de La Veuve comme des coquilles de noix. Je n'étais pas inquiet car j'avais confiance en nos équipages, rompus à cet exercice de navigation, sur une mer qu'ils connaissaient bien avec Blancport pour cap. De plus, les lumières du port des Manderly commençaient à poindre à l'horizon lorsqu'il se dégageait. Si tout se passait bien, nous accosterions demain au petit matin. Toutefois, j'étais un peu plus tendu que d'ordinaire, car ils étaient remplis de la plus grande richesse de notre fief: ses hommes.
Tous de fiers Nordiens, prêts à défendre la terre de leurs ancêtres et de leur progéniture, vaillants au combat, forgés par la rigueur de notre terre rude, avec autant de cœur que de tripes... Dont certains n'avaient d'autre choix, justement, que de les répandre sur le pont -leurs tripes- en cette heure où les éléments se déchainaient.
Ayant partagé ma vie entre les bords des Mers du Crépuscule et de la Mer Grelotte, j'avais la chance de faire partie de ceux qui avaient le pied marin. La mer nous était une alliée indispensable, aussi crainte que précieuse, aussi l'apprentissage de la navigation était dans notre famille aussi rigoureux et précoce que celui de monter à cheval.

Toutefois, il n'y avait pas que cette traversée qui occupait mes pensées. Voilà quatre jours que nous étions partis et deux que je ne perdais pas de vue un jeune soldat à bord dont la silhouette, la démarche, l'allure ne m'étaient pas inconnues. S'il n'avait pas été brun, j'aurais volontiers reconnu mon fils Lyam en lui. Hier matin, au réveil d'une nuit agitée de mille questions, la réponse m'était apparue, comme la lumière d'un phare dans la nuit.
Se pouvait-il que...? En était-elle capable?
Bien sûr que oui...

Je m'étais redressé avec colère, prêt à lui réclamer des explications sur le champ et à la renvoyer à La Veuve en chaloupe s'il le fallait. Mais bien sûr, et comme souvent avec moi, la tempête retomba bien vite. Les doutes ne faisaient que se confirmer heure après heure, mais de preuves, je n'en avais aucune et je ne pouvais pas la confronter ainsi sans en avoir, au risque de passer pour un imbécile aux yeux de tous à bord. Je devais au moins lui reconnaitre cela... Elle avait su se faire discrète et tromper ceux qui se trouvaient à bord de manière habile pour que la supercherie n'ait pas été éventée jusque là... Robin devait avoir été son complice... Comment cela aurait-il été possible sinon?
Même si je ne lui niais pas son mérite et même si j'étais prêt à la tempérer, la colère demeurait, car l'affront était double. De transgresser les règles devant nos hommes d'abord, puis de faire insulte à mon intelligence ensuite pour penser que je ne m'en apercevrai pas. Avait-elle seulement idée de ce dans quoi elle s'embarquait? La colère passée, je prenais sur moi de ronger mon frein encore un peu.

Ainsi, elle voulait se faire passer pour un homme, être considérée comme tel? Bien... Qu'il en soit ainsi.

"Hé toi là-bas! Remplis un seau d'eau et lave-moi le pont! "

J'haranguais le jeune homme d'une voix forte et impérieuse mais réprimai un sourire. Il ne serait pas dit que je ne saurais pas me montrer aussi bon acteur... Rhéa avait le cœur accroché, elle ne se laissait pas effrayer par grand chose, mais j'étais curieux de voir comment elle s'en tirerait si je la poussais dans ses retranchements. Et de toute évidence, nettoyer les restes de repas rendus par les hommes sur le pont était une épreuve à laquelle peu de monde était préparé. J'étais curieux de voir jusqu'où elle pourrait pousser la comédie. Ferme et autoritaire, j'achevais d'enfoncer le clou:

"Et frotte si c'est nécessaire!"

Si c'est toi et si tu cherches à me duper, combien de temps tiendras-tu, ma fille?
(c) DΛNDELION
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 
One among hundreds



between being and appearing, the line is very thin



Byron Flint & Rhéa Flint

Voilà quelques jours que je m'étais infiltrée dans un des bateaux de mon père avec l'aide de Lyam. Quatre jours étaient passés depuis notre départ et je m'efforçais de rester la plus calme et neutre possible. Si on me repérait, j'étais littéralement morte, Père ne me le pardonnerait pas. Mais en même temps, s'il m'avait laissée venir avec eux dès le début, je n'en serais pas là, à me travestir et à me cacher pour pouvoir me battre. Le plus dur a caché avait très certainement été mes cheveux. Ils commençaient à être vraiment longs et j'avais refusé que Lyam me les coupe. Nous avions donc dû trouver un stratagème pour les camoufler. Ils étaient nattés et cachés sous une large capuche qui couvrait une bonne partie de mon visage. Une bande serrait ma poitrine et j'étais habillée comme les soldats (sauf que je flottais un peu dans l'armure, mais ce n'était qu'un détail).

Les plus à même de deviner ce que j'avais fait étaient Robin et Père, sauf que pour le moment, aucun des deux ne m'avaient découverte. Si je me débrouillais bien, je resterais avec eux jusqu'à Winterfell, où ils me découvriraient et à ce moment-là, Père n'oserait pas me renvoyer à La Veuve. Mon plan était infaillible, rien ne pouvait aller de travers. Du moins... C'est ce que je pensais.

Assise sur ma couchette, je vérifiais distraitement que mon arc, mes têtes de flèche et ma lame soient bien à leur place et ne soient pas abîmées. Une fois cette tâche réalisée, je me rendis sur le pont et observais les alentours avant de grimacer en voyant l'état du sol. Tous les soldats avaient rendu leurs tripes et l'odeur commençait à être nauséabonde. Je retins un grognement lorsqu'un soldat se mit à vomir à mes côtés et je me décalais d'un geste brusque. Hors de question qu'il me touche.

J'allais partir pour faire semblant de m'occuper, mais la voix de mon père retentit dans le silence, forte, impérieuse, qui n'attendait pas de réponse.

« Hé toi là-bas ! Remplis un seau d'eau et lave-moi le pont ! »

J'haussais un sourcil et me tournais lentement vers Byron. Etait-ce à moi qu'il parlait ? J'en avais bien l'impression. Je penchais légèrement la tête sur le côté avant d'émettre un lourd soupir. Savait-il que c'était moi ? Que je l'avais dupé depuis quatre jours ? Je me mordillais la lèvre, indécise. Je n'avais clairement pas envie de nettoyer le pont du navire, mais j'allais y être obligée. Si je ne voulais pas être découverte (je ne savais pas s'il était au courant après tout), je devais faire ce qu'il me disait.

Et s'il savait que c'était moi, il devait me croire bien faible pour me donner une telle tâche. Savait-il que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour combattre ? Ce n'était pas un pont recouvert de vomi qui allait m'arrêter, certainement pas.

« Et frotte si c'est nécessaire ! »

Je retins un grognement de fureur et je m'emparais d'un seau avant de le remplir. Cette tâche me dégoûtais, mais j'étais franchement prête à tout pour aller à Winterfell. Père ne pourrait pas m'empêcher bien longtemps de faire ce dont j'avais envie !

Je me laissais tomber à genoux et commençais à frotter en retenant ma respiration. J'étais dégoûtée, c'était pire que tout, mais je continuais. Je n'étais pas une Lady peureuse et craintive, je n'avais peur de rien. Je m'arrêtais pour fermer les yeux quelques secondes avant de placer mon poignet devant ma bouche. J'émis un lourd soupir et repris ma tâche en pestant.

« Ce qu'il ne faut pas faire pour aller se battre, grognais-je, sur les nerfs. »

Bon sang, si Père m'avait découverte et avait fait exprès de me donner cette tâche ingrate, je ne lui pardonnerais pas. J'eus un sursaut en voyant Robin passer près de moi et je baissais la tête d'un coup pour qu'il ne me reconnaisse pas.

Mon plan était parfait, mais j'avais peut-être un peu sous-estimé mes adversaires...

DRACARYS
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

One among hundreds


« Mer Grelotte | An 302 lune 8, semaine 4 »
Le garçon semblait surpris par ma requête et je dus me retenir de ne pas sourire devant sa mine défaite au fur et à mesure que se peignait le dégoût face à la tâche que je lui réservais. Malgré tout, il s'exécuta sans qu'il eut été nécessaire de le demander deux fois et tandis que sa brosse frottait énergiquement le pont, je l'observais du coin de l'œil guettant le moindre geste ou l'expression qui pourrait trahir l'identité que je lui prêtais. Je vis ses lèvres se plisser dans une moue révulsée et se mouvoir dans ce que j'imaginais être un grommellement, mais prononcé pas assez fort pour que je puisse le percevoir.
Si c'était elle, je connaissais son entêtement et son obstination, elle ne serait pas facile à démasquer, mais elle devait aussi savoir qu'elle ne devait pas ce trait de caractère au hasard de la nature. Je remarquais son attitude quand Robin passa tout près, je voulais bien croire que tous à bord le respectait comme s'il était déjà leur seigneur mais cette esquive me semblait bien trop rapide pour être honnête.

De nouveau, je sentis l'irritation me piquer les narines comme mes conclusions commençaient à se faire de plus en plus précises et comme je songeais aux conséquences de ses actes. Si les hommes s'en rendaient compte? Et si je ne m'en étais pas rendu compte avant Winterfell? Et tous les nôtres restés à La Veuve qui se trouvaient désormais amputés non pas seulement de deux, mais de trois de leurs membres... J'imaginais sans peine la fureur de Lyessa devant cette disparition soudaine, autant que l'angoisse qui devait lui étreindre le cœur depuis maintenant de longs jours. J'avais hâte de demander des comptes à la coupable.
Je m'avançais d'un pas lent vers le jeune homme qui achevait sa tâche des plus ingrates et grondait, d'un ton plus bas que d'ordinaire avant de détourner les talons:

"Quand tu auras fini, je veux te voir dans ma cabine..."

Là, assis à la table où s'étalaient quantité de cartes et de registre, je ne les regardais plus, mais rongeait mon frein, sondant la porte qui allait s'ouvrir d'une minute à l'autre. Jusqu'au dernier instant, je ne sus ni ce que j'allais faire, ni dire. A présent voilà qu'il se tenait devant moi ce jeune soldat et je le considérais toujours en silence, mine fermée, mes doigts glissant nonchalamment sur le bois chaud de la table. Je me levais finalement, puis, me saisissant d'une coupe, la remplis généreusement de vin avant d'aller me camper juste devant lui. La lui tendant, je l'interrogeais:

"Je ne crois pas t'avoir jamais vu... C'est ta première guerre mon garçon?"

Puis sans attendre sa réponse, je désignais d'un geste sec du menton la coupe entre ses doigts et lui commandais, taciturne:

"Bois."

A présent que nous sommes seuls, les yeux dans les yeux, oseras-tu mentir à ton père, Rhéa?
(c) DΛNDELION
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 
One among hundreds



between being and appearing, the line is very thin



@Byron Flint & Rhéa Flint

La nordienne frottait de plus en plus fort le pont, y mettant toute sa colère et sa frustration. Elle était désormais presque certaine que son père l'avait démasquée et lui faisait faire des tâches ingrates pour vérifier ses soupçons. Que croyait-il ? Qu'elle allait rester bien sagement dans ses appartements à La Veuve tout en les sachant en guerre ? Il se mettait un doigt dans l’œil, jamais elle n'aurait pu se résoudre à rester bien sagement assise alors qu'ils risquaient leur vie. Ses doigts se serrèrent encore un peu plus sur la brosse alors qu'elle grommelait des paroles incompréhensibles.

Elle releva légèrement la tête après que Robin soit passé près d'elle et elle plissa légèrement les yeux avant de se remettre au travail. Si elle continuait de jouer son rôle à la perfection, peut-être pourrait-elle passer inaperçue... Elle avait peu d'espoir. Rhéa savait son père très perspicace et il ne la lâcherait pas tant qu'il ne saurait pas qui elle était. Ses pensées dérivèrent sur ce qu'il lui ferait subir s'il apprenait qu'elle avait déserté La Veuve pour les accompagner combattre. Il serait en colère, très en colère, elle le savait parfaitement. Cependant... Elle n'arrivait pas à savoir ce qu'il ferait d'elle. Serait-il réellement capable de la renvoyer à La Veuve ? Si c'était le cas, des soldats devraient l'accompagner et ils ne pourraient pas combattre.

Elle n'avait pas pensé aux conséquences que son geste aurait. Enfin... pas à toutes. Elle savait que les soldats pouvaient parfois être dans pitié, elle ne se baladait jamais sans un petit couteau dans la poche. Mais concernant les conséquences directes sur ses parents, sa famille... Elle n'avait pas pris le temps d'y réfléchir. Elle avait dû prendre sa décision en quelques heures et sa préparation avait été longue. Penser ne lui avait pas été réellement permis. Elle devrait chaudement remercier Lyam lorsqu'elle reviendrait à La Veuve. C'était grâce à lui qu'elle était ici après tout.

La tâche s'avérait plus facile que ce qu'elle pensait. Ce n'était finalement pas très long de nettoyer le pont, mais l'odeur et la vision lui retournaient le ventre sans ménagement. Des bruits de pas s'approchèrent d'elle et la nordienne reconnut la lourde démarche de son paternel. Elle serra les dents et garda la tête basse alors qu'il s'arrêtait devant elle. Son ton bas et vibrant la fit frissonner, mais elle continua tant bien que mal sa tâche.

« Quand tu auras fini, je veux te voir dans ma cabine... »

Rhéa resta silencieuse et se contenta d'hocher la tête tout en frottant le pont de toutes ses forces. Il l'avait démasquée, elle en était sûre. Clairement, elle était morte, il allait se mettre dans une colère noire. Elle continua donc sa tâche et s'attarda même quelques minutes de plus, espérant que cette rencontre dans la cabine de son père ne soit qu'une mauvaise blague. Malheureusement, elle savait que ce n'était pas le cas et au bout d'un moment, elle se redressa, se rinça les mains et s'épousseta avant de se diriger vers la cabine de Byron en silence.

La jeune brune toqua à la porte et entra lorsqu'il lui en donna l'autorisation. Elle referma soigneusement la porte derrière elle et riva son regard sur le mur en face d'elle en silence, mettant toute sa volonté à ignorer du mieux qu'elle le pouvait son père. Ses doigts tremblaient légèrement, elle cacha donc ses mains derrière son dos. Cependant, Byron ne lui laissa aucun répit et lui tendit une coupe de vin qu'elle dut saisir entre ses doigts fins. Son visage resta plus neutre que jamais et elle se demanda comment elle pouvait faire preuve d'autant de self-contrôle. Elle bouillonnait à l'intérieur, mais restait impassible à l'extérieur.

« Je ne crois pas t'avoir jamais vu... C'est ta première guerre mon garçon ? »

Rhéa resta silencieusement quelques instants et se racla la gorge avant de parler. Si elle faisait le moindre faux pas, elle était morte, il la reconnaîtrait. De toute façon, c'était déjà foutu, il reconnaîtrait sa voix, il la connaissait par cœur. Il n'était pas son père pour rien. Elle tenta cependant de donner le change ; après tout, elle n'avait plus rien à perdre.

« En effet monseigneur, je ne suis pas soldat depuis très longtemps, mentit-elle en rendant sa voix la plus naturelle possible. »

Ses yeux se posèrent finalement sur le visage furieux de son père lorsqu'il lui ordonna de boire. Elle prit une grande inspiration, approcha la coupe de ses lèvres et en but une longue gorgée avant le regarder à nouveau, toujours aussi neutre. Cependant, dans ses yeux miroitait une colère sourde qu'elle contenait tant bien que mal. Se croyait-il drôle, à la tester de la sorte ?

DRACARYS
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

One among hundreds


« Mer Grelotte | An 302 lune 8, semaine 4 »
La coupe désormais entre les mains du jeune garçon, je le détaillais en le scrutant de plus près. Le déguisement était habile, il fallait bien lui accorder ce crédit. Mais à présent qu'elle était là, elle ne pouvait pas ne pas avoir compris que sa couverture venait de tomber. Je me retournais pour me servir une coupe à mon tour, m'attendant à recevoir ses confessions et ses excuses bien que ne sachant pas encore comment j'y répondrais.
Mais cette voix transformée, cette réponse ambigüe, cela ne sonnait pas comme de la repentance mais bien comme un affront supplémentaire. En pleine face. C'en était trop. Je reposais la cruche avec véhémence et le fracas de la terre cuite sur le bois emplit la cabine comme un coup de tonnerre, annonçant la tempête montante. Celle qui allait s'abattre sur Rhéa de la maison Flint.

"Assez!"

Cette voix, elle ne me l'avait que rarement connu. Ce n'était pas pour rien que je lui avais commandé de venir ici, dans ma cabine, à l'abri des regards de nos soldats. Je savais bien que je ne pourrais pas contenir publiquement le courroux qui m'animait et j'avais à cœur que nos affaires de famille n'explosent pas au grand jour au vu et au su de toutes nos troupes. Que dirait-on, alors, de Lord Flint qui ne savait pas tenir sa fille? Faisant volte-face, c'est un visage d'une rare dureté que je lui offrais ainsi qu'un doigt accusateur directement pointé vers elle:

"Me pensais-tu stupide au point de croire que je ne m'en apercevrais pas? Et tu oses encore te présenter devant moi et me mentir effrontément, sans ciller, ni rougir? C'est donc cela, l'éducation que je t'ai donné, ma fille? Le mensonge et l'irrespect? Mais qu'est ce qu'il t'a pris? As-tu perdu l'esprit?"

Cette comédie n'avait que trop duré. D'autorité et d'un geste sec, j'abaissais la large capuche qui dissimulait sa chevelure et en partie son visage. Et elle m'apparut, dans toute sa colère farouche, miroir de la mienne. Je la toisais ainsi, mon regard d'acier chevillé au sien tout en me maudissant, au moins autant que je la maudissais, de n'avoir rien vu avant, alors que nous passions les troupes en revue juste avant d'embarquer à La Veuve. En d'autres circonstances, je me serais sûrement laissé attendrir par les traits fins de mon aînée. Mais aujourd'hui, l'affront était tel que même mes sentiments la plus tendres se terraient face à la fureur qui grondait dans mes entrailles. Je desserrai à peine les dents:

"Et Robin était au courant depuis le début, je suppose?"

Je me souviens encore des cris d'extase des matrones qui avaient accouché Lyessa. Des jumeaux! Quelle bénédiction pour notre jeune couple! Comme c'était signe de bonne fortune sur notre foyer! Peste soit de ces bonnes femmes... Rhéa et Robin avec leurs caractères pourtant bien dissemblables, comme deux facettes d'une même médaille, ont eût tôt fait de se révéler aussi unis dans la vie qu'ils l'avaient été dans le ventre de leur mère. La violence de leurs disputes n'avaient d'égal que la profondeur de leur complicité et rien ne semblait pouvoir se mettre en eux deux. Pour moi, cela ne faisait aucun doute, son frère savait. Si j'étais profondément atterré par l'attitude de Rhéa, je n'en étais qu'à moitié surpris, mais de la part de Robin, en revanche, cette fourberie me décevait au plus haut point. En voilà un qui ne perdait rien pour attendre lui non plus.
(c) DΛNDELION
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 
One among hundreds



between being and appearing, the line is very thin



@Byron Flint & Rhéa Flint

Le regard de son père ne la lâchait pas alors qu'elle buvait une gorgée de la coupe qu'il venait de lui tendre après qu'elle lui ait menti effrontément. Lorsqu'il reposa, presque violemment, la cruche de vin sur son bureau, Rhéa sut immédiatement que son plan venait de tomber à l'eau. Elle recula d'un pas et fronça ses sourcils en entendant la voix dure de son père. Elle planta son regard assassin dans celui de son paternel même s'il ne pouvait pas vraiment le voir et elle resta silencieuse, attendant patiemment que la tempête passe.

« Assez ! »

Jamais il ne lui avait parlé de cette façon, même lorsqu'il était furieux contre elle, jamais il n'avait eu le ton aussi dur et froid. La nordienne resta cependant d'un calme exemplaire, toujours cachée sous la capuche qui lui mangeait la moitié du visage. Lorsqu'il pointa un doigt accusateur sur elle, elle gronda légèrement.

« Me pensais-tu stupide au point de croire que je ne m'en apercevrais pas ? Et tu oses encore te présenter devant moi et me mentir effrontément, sans ciller, ni rougir ? C'est donc cela, l'éducation que je t'ai donné, ma fille ? Le mensonge et l'irrespect ? Mais qu'est ce qu'il t'a pris ? As-tu perdu l'esprit ? »

Sa capuche vola en arrière et son magnifique plan vola en éclat. La colère de son père faisait miroir à la sienne et d'un geste brusque, trahissant sa haine et sa frustration, elle balança la coupe, désormais vide, sur le sol. Ses cheveux bruns retombèrent en cascade sur ses épaules tandis qu'elle retirait le bandeau qui les maintenait, furieuse.

« Vous moquez-vous de moi ? siffla-t-elle, les poings si serrés que ses jointures commençaient à blanchir. C'était le seul moyen pour combattre avec vous ! Pour Robin, vous n'avez pas eu la moindre hésitation à l'emmener et moi, sous prétexte que je suis une fille, je dois rester bien sagement à La Veuve ? Le ton montait de plus en plus et elle se mit à hurler sa haine. C'est injuste ! Vous êtes injuste ! Mère m'a entraînée et alors que c'est le bon moment pour me battre, vous me le refusez ! Et par pitié, cela n'a rien à voir avec de l'irrespect ou une perte d'esprit. C'est de votre faute si on en est là ! rugit-elle, les joues rouges de colère. Vous êtes furieux, mais imaginez MON état ! Me cacher, me réduire à l'état de soldat et dormir avec DES HOMMES ! Croyez-vous que cette situation m'amuse ? Voilà quatre jours que je suis cachée parmi eux, et tout ce que vous trouvez à faire, c'est me hurler dessus ! Si je suis venue, c'est pour me battre, il est hors de question que vous, mon père surprotecteur, m'en empêche ! »

Ses lèvres se plissèrent en une grimace de dégoût et de colère alors qu'elle avançait d'un pas, relevant le menton devant son paternel, plus farouche que jamais. Ses propos étaient venimeux, plein d'une rage incontrôlée et ses mains tremblaient de rage. Lorsqu'il mentionna son jumeau, les yeux de la jeune fille étincelèrent de plus belle.

« Et Robin était au courant depuis le début, je suppose ? »

« Par pitié, ne me parlez pas de ce traître, gronda-t-elle, la voix tremblante de colère et, bien cachée au fond de toute cette haine, de tristesse. Je me suis débrouillée seule pour venir sur ce bateau, avec vous, alors n'allez pas accuser à tout va. »

Trois coups furent toqués à la porte de la cabine de Byron et Rhéa se tourna d'un coup avant d'ouvrir de mauvaise grâce, se doutant bien que derrière le battant en bois se trouvait son frère. Sa prévision fut juste et dès lors qu'elle le vit, elle le repoussa pour qu'il n'entre pas.

« Dégage ! grinça-t-elle, le foudroyant littéralement du regard. »

Rhéa referma la porte d'un geste sec avant de se tourner, de plus en plus furieuse, vers son père. Elle reprit sa posture défiante, le regard ancré dans celui de son paternel, les bras croisés sur sa poitrine.

DRACARYS
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

One among hundreds


« Mer Grelotte | An 302 lune 8, semaine 4 »
Jamais elle ne s'était avisée de nous parler sur ce ton, ni à sa mère, ni à moi. Nous ne l'aurions jamais toléré. Cela donnait sûrement la mesure de sa déception mais je n'étais pas en état de la mesurer, ni même de la comprendre. Tout ce que je voyais, tout ce que j'entendais, c'était cette fille qui avait franchi la limite de trop et qui ne recherchait ni le pardon, ni à comprendre la portée de ses actes, mais qui affichait au contraire une effronterie intolérable. Comme si elle voulait me faire baisser le regard. A moi. Son père.
Mes yeux se durcirent encore davantage et mes lèvres se pincèrent. La gifle qui vint cingler sa joue claqua comme un coup de fouet tandis que je la dominais de toute ma hauteur paternelle. Peut-être était-ce ce qu'il fallait pour lui faire comprendre la gravité de ses manigances et la force de son affront. La violence de mon geste faisant écho à la fureur qui bouillait dans ma poitrine, je grondais avec indignation:

"Petite sotte. Je t'entends réclamer à corps et à cris la reconnaissance que l'on doit à une adulte et pourtant sais-tu ce que je vois, moi? Une enfant. Une enfant gâtée. Qui crie à l'injustice lorsqu'on lui refuse un caprice. Qui ne se soucie que d'elle et de ses désirs égoïstes plutôt que de savoir où se situe son devoir!"

J'avais rugi de nouveau en prononçant ce dernier mot. Le devoir n'était pas un vain mot, pas pour moi. Le mien se trouvait sur ce bateau parmi ces hommes et, dans quelques semaines, au combat pour la sauvegarde de nos terres face aux hordes de sauvageons qui affluaient d'au-delà du Mur. Celui de Robin était ici également parce qu'il serait un jour seigneur en titre et amené à diriger ses propres troupes. Celui de Lyessa était dans la forteresse ancestrale à veiller sur sa terre et ceux qui la travaillaient pour elle. Celui de Rhéa était de seconder sa mère, de veiller sur ses cadets et de protéger notre fief, peut-être, en ultime recours. Par sa défection, tout le fragile équilibre s'était écroulé.
Comprenait-elle? Comprenait-elle qu'elle n'était plus une enfant et que ses actes avaient désormais des conséquences, peut-être graves? Comme le visage de sa mère s'imposa à mon souvenir et comme j'imaginais sa détresse face à l'absence de sa fille, je saisis celle-ci par les bras et resserrait ma poigne autour d'eux. Je ne me souciais guère que cela puisse lui être inconfortable ou douloureux. Elle devait bien s'être préparée à les embrasser de concert, la douleur et l'inconfort, en voulant partir guerroyer avec nous!

"Où crois-tu que nous partons? Hein? Qu'est ce que tu sais de la guerre, Rhéa? La vraie! Pas celle des livres et des épopées! Sais-tu ce qu'il arrive à des jeunes filles telles que toi partout où des armées passent?"

M'obligeras-tu à te faire le récit par le menu des atrocités dont elles sont victimes? Leur dignité, leur honneur, leur humanité même, bafoués et foulés au pied? A qui la vie sauve semble être un châtiment pire encore si bien qu'elles préfèrent elles-mêmes se donner cette mort qu'on leur a dénié comme une ultime grâce? Beaucoup d'entre elles savent se défendre pourtant. Mais que peut-on, même avec tout le courage et la détermination du monde, face à deux, trois, quatre ou même dix soudards? Je voulais qu'elle comprenne. Il fallait qu'elle comprenne.

"Quel père peut-il souhaiter cela pour la sienne?"

Peut-être aurais-je dû le faire avant? J'avais voulu la protéger mais en lui épargnant autant que possible les horreurs du monde, je l'avais moi-même conduit sur un mauvais chemin. Et même en lui apprenant l'art de combattre, je ne l'avais pas pour autant armée.
(c) DΛNDELION
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 
One among hundreds



between being and appearing, the line is very thin



@Byron Flint & Rhéa Flint

Son père était furieux, elle le voyait bien. Elle l'était tout autant et sa rage la faisait dérailler. Elle allait trop loin et ses mots dépassaient sa pensée. Elle n'arrivait cependant pas à se contrôler et elle ne cherchait pas à le faire. Il était furieux ? Il n'avait qu'à comprendre qu'il n'était pas le seul dans cet état. Les mains de Rhéa tremblaient sans qu'elle n'arrive à le contrôler et elle défiait ouvertement son père du regard, sans même chercher à s'en cacher. Que pouvait-il bien lui faire de toute façon ? Ses doigts se serrèrent compulsivement alors qu'elle cherchait à en cacher les tremblements, son regard furieux ancré droit dans celui de son paternel. Elle attendait un mot, une phrase, une réaction. Cela ne se fit pas attendre.

La gifle partit d'un coup et la main de Byron atterrit pile dans la joue de la Flint. Sa tête dévia sur le côté après le claquement sec qui en résulta et elle resta un instant immobile, pantoise. Jamais avant ce jour il n'avait levé la main sur elle et elle se promettait de toujours s'en souvenir. La rage se transforma en amer déception et en une rancune à toute épreuve. Il verrait ce qu'il lui en coûterait de l'avoir giflé. Elle était certes sa fille, mais si elle décidait de ne plus jamais lui parler, elle le ferait. Elle était plus têtue que n'importe quel autre membre de sa famille.

Lentement, Rhéa ancra de nouveau son regard dans celui de son père, mais à la place de la colère, ce fut une intense déception qui y brillait, ainsi qu'un fort sentiment de vengeance qu'elle faisait taire du mieux qu'elle le pouvait malgré le grondement dans ses entrailles. Elle lui ferait regretter ce geste, elle se le promettait. Elle pouvait être aussi venimeuse qu'un serpent et en cet instant, elle se promit de ne pas lui pardonner de sitôt.

« Petite sotte. Je t'entends réclamer à corps et à cris la reconnaissance que l'on doit à une adulte et pourtant sais-tu ce que je vois, moi ? Une enfant. Une enfant gâtée. Qui crie à l'injustice lorsqu'on lui refuse un caprice. Qui ne se soucie que d'elle et de ses désirs égoïstes plutôt que de savoir où se situe son devoir ! »

Les paroles de son père, froide, venimeuses, dénuée de toute tendresse, heurtèrent de plein fouet la Flint qui resta immobile, le regard toujours planté dans celui de Byron. Hors de question qu'elle baisse les yeux maintenant, il était trop tard pour le faire.
Il avait osé lui parler de devoir. Mais quel était son devoir à elle ? Jouer les petites filles éduquées qui écoutent les paroles de ses géniteurs comme si elles étaient des bénédictions divines ? Jamais elle ne le ferait, il pouvait se mettre un doigt dans l’œil. Rhéa n'avait jamais réellement su quel était son devoir et qu'il lui en parle en cet instant, énonçant presque qu'elle devait rester sagement à La Veuve et prier pour qu'ils rentrent sains et saufs, la mettait hors d'elle. Elle préféra cependant rester parfaitement calme et immobile, du moins, en apparence. La brûlure que lui provoquait sa joue lui donnait l'envie farouche de se défendre et d'exposer son point de vue, mais elle savait que c'était trop tard, il ne l'écouterait pas alors à quoi bon tenter de parler ?

La main de son père saisit son bras avant tant de force qu'elle manqua de basculer en avant. Elle se rattrapa miraculeusement et esquissa une grimace de douleur en le sentant serrer sa prise sur elle. Qu'essayait-il de faire ? La soumettre par la douleur ? Il aurait pourtant dut savoir qu'elle ne se laisserait pas faire, pas après la gifle qu'il venait de lui mettre.

« Où crois-tu que nous partons ? Hein ? Qu'est ce que tu sais de la guerre, Rhéa ? La vraie ! Pas celle des livres et des épopées ! Sais-tu ce qu'il arrive à des jeunes filles telles que toi partout où des armées passent ? »

La fine main de la Flint se posa brusquement sur le poignet de son père et elle la serra à son tour avant de s'échapper de son emprise, blême. Elle avait envie de parler, de hurler, de crier sa colère, sa déception, les raisons qui l'avaient poussées à faire une telle chose. A foncer tête baissée au-devant du danger, à faire une chose qui paraîtrait insensée pour beaucoup. Mais les mots ne passaient plus la barrière de ses lèvres serrées. Elle voulait parler, mais elle n'en avait aucune envie. Pourquoi s'épuiser à s'expliquer alors qu'il ne chercherait même pas à comprendre ? Il ne savait pas ce que c'était, d'être une femme dans ce monde d'hommes. Elle aurait tellement voulu qu'il se mette à sa place, même juste un instant. Peut-être aurait-il alors compris ce qu'elle ressentait.

« Quel père peut-il souhaiter cela pour la sienne ? »

Les lèvres de Rhéa se mirent à trembler de façon incontrôlable alors qu'elle tentait de refouler ses sanglots. Hors de question qu'elle pleure, pas ici, pas maintenant. Elle était pourtant tellement déçue, tellement frustrée, tellement en colère !

Une larme dégoulina le long de sa joue endolorie, vite suivie par d'autres et bientôt, c'est son visage entier qui se retrouva baigné de larmes de colère et de frustration. Ce n'était pas de la tristesse, loin de là. Il ne cherchait et ne voulait pas comprendre son point de vue, et la rage ainsi que la rancœur avaient gagné sur sa fierté. Elle pleurait devant lui, parce qu'elle n'irait pas au combat, qu'elle ne prouverait pas qui elle était, ni ce qu'elle valait. Elle recula d'un pas, refusant tout contact avec son géniteur, une fine grimace de dégoût aux lèvres alors qu'elle continuait de le fixer.

« Vous ne voulez pas comprendre... souffla-t-elle d'une voix morne, comme si elle était harassée par la fatigue, tout d'un coup. Vous ne savez pas ce que c'est d'être une femme, dans ce monde. Malgré tous vos efforts, jamais vous ne pourrez comprendre ce que je ressens. Ni vous, ni Robin, ni mère, ni personne. Personne ne comprend ou ne cherche à comprendre. Vous dites que je suis égoïste, mais vous l'êtes aussi, enfermé dans vos petits problèmes sans importance sans chercher à voir plus loin que le bout de votre nez. Vous n'arrivez même pas à voir que votre propre fille est mal dans sa peau et que les murs de La Veuve sont une prison. Cette vie a beau être la vôtre et celle de mère, elle n'est pas la mienne. Je n'arriverais jamais à me complaire de cette manière. Vous vouliez faire de moi une dame, une jeune fille bien éduquée, je suis désolée de vous dire que vous avez échoué. Je ne le suis pas et je ne le serais jamais. Ce n'est pas moi. J'ai essayé de l'être, mais je suis lasse de jouer ce rôle qui ne me convient pas. Un silence glacial s'installa et Rhéa ravala un énième sanglot, incapable de se contrôler. Si je voulais venir, c'était pour voir autre chose, sortir de cette cage dorée que vous avez fabriqué autour de ma personne. Et si je mourrais et bien.. je serais morte en étant sur le devant de la scène, en faisant ce que j'aimais. Je ne pourrais me contenter d'être cachée derrière un homme, de ne pouvoir agir sur ma destinée. Je veux être maîtresse de ma vie et tout ce que vous avez fait jusqu'ici, c'est me surprotéger et m'empêcher de vivre, murmura-t-elle en laissant ses bras retomber mollement le long de son corps. Pour la première fois, elle abandonnait, elle lâchait prise et cessait de se battre. Je comprends votre désir de me protéger et de me mettre en sûreté et il faut que vous sachiez que cela me touche, mais il faut également que vous compreniez  qu'il est vain. Vous n'avez fait qu'une erreur en tentant de me couper du monde extérieur. Je suis adulte, j'ai 18 ans et j'estime avoir le droit de choisir ce que je veux faire de ma vie, mais ce n'est visiblement pas votre avis. Cela me désole mais qu'y puis-je ? Après tout, je ne suis pas à ma place sur ce navire. Je devrais être là où se trouve ma place, là où je vis depuis que je suis enfant et là où je ne fais que tourner en rond en attendant votre décision concernant mon futur et la vie que je mènerais. C'est ce que vous avez dit, c'est ce que je ferais, j'ai bien saisi le message et je ferais en sorte de vous faire plaisir et de satisfaire votre désir. »

La jeune Flint finit par se taire et elle baissa la tête, bien lasse tout à coup. Elle venait de lâcher tout ce qu'elle avait sur le cœur tout ce qu'elle rêvait de dire depuis des mois et si elle avait cru que cela la libérerait d'un poids, elle s'était bien trompée. Son cœur et son âme lui semblaient plus lourds que jamais. D'un geste lent, fatiguée, elle vint essuyer les larmes qui coulaient sans discontinuer sur son visage pâle et elle releva la tête vers son père, attendant la suite de la tempête.

DRACARYS
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

One among hundreds


« Mer Grelotte | An 302 lune 8, semaine 4 »
Lorsque son visage se décomposa, que sa colère se transforma en larmes de dépit, je me sentis me fissurer à mon tour. Rhéa pleurait rarement, même lorsqu'elle était toute petite. Lorsque ses pas hésitants la faisaient trébucher, elle se contentait de grimacer, de dépoussiérer ses genoux endoloris et de se remettre sur ses deux jambes pour continuer à avancer. Le père de la petite fille voulait les effacer de ses joues et de ses yeux, mais le père de la jeune femme gardait sa résolution intacte tandis qu'elle déversait toute son amertume.

Je l'avais déjà vu cette fureur m'être toute entière destinée. Dans les yeux de sa mère, aux premiers temps de notre mariage. Je me souvenais avec clarté de cette rage, pas pour quelque chose que j'avais fait, ni pour ce que j'avais dit, mais d'être seulement. Tout comme j'avais représenté pour Lyessa un destin qu'elle rejetait, j'incarnais pour Rhéa quelque chose auquel elle ne pouvait ni se soumettre ni se résoudre. Cette haine était difficile à affronter, d'autant plus pour un père. Mais je la recevais, stoïque, inébranlable, comme les rochers sur lesquels viennent se briser les lames furieuses et écumantes de La Veuve.

Peu à peu, son ton s'était cassé et, sa superbe ravalée, elle me laissait à voir une facette d'elle que je n'avais plus vu depuis longtemps. De mauvaise grâce et à son âme défendant, elle rendait les armes. Des armes trop grandes pour elle. Le mal-être de ma propre fille, profond et douloureux, m'explosait au visage et je ne pouvais plus faire semblant de l'ignorer. Derrière sa bravade, derrière sa colère, il y avait de la souffrance dont je mesurais pour la première fois l'abîme. Je ne voulais pas que la vie lui soit si difficile, je la lui souhaitais belle au contraire. Mais il y avait les aspirations de Rhéa, et puis il y avait la réalité de ce monde. Dur, cruel, dangereux, ou les erreurs étaient chèrement payées, d'autant plus pour une femme. Pourquoi ne pouvait-elle s'y conformer? Tout serait plus simple si seulement...

Je secouais la tête en l'entendant égrainer la liste de nos torts. Son injustice à notre égard était dure, à l'écouter elle était l'être le plus malheureux de cette Terre. Je savais que c'était là un travers qui se retrouvait souvent à son âge, mais je n'étais pas disposé à m'apitoyer sur son sort, en cet instant encore moins qu'à un autre. Pourtant, elle avait tort, d'une certaine manière je pouvais la comprendre... Je profitais d'un sanglot pour rétorquer, avec une dureté que je ne me connaissais pas:

"Crois-tu que je l'ai choisi ma vie? Ou ta mère? Si nous l'avions fait, ni toi, ni tes frères, ni ta sœur ne seraient de ce monde."

C'était un fait. Nous avions été unis par la seule volonté de notre clan, aucun de nous deux n'avait eu son mot à dire. Le regrettais-je? Non. Pour rien au monde. L'amour et l'affection peuvent naître dans les situations les moins propices, Lyessa et moi en étions la preuve. Elle devait bien le savoir, pourtant, que nous n'agirions pas contre elle, que quelque soit l'alliance qui serait conclue, nous serions scrupuleux et ne la livrerions pas en pâture à un homme indigne.
Ma colère était retombée également, car je n'aurais pas su rester indifférent et insensible à ses larmes, mais je lui gardais rancune. Une rancune sourde et froide. Elle avait outrepassé toutes les limites de l'obéissance et de la raison et si elle se montrait désormais docile, ses reproches ne passaient pas. Comment pouvait-elle me parler de la mort ainsi alors qu'elle n'avait que dix-huit ans? Que savait-elle de la vie? Que savait-elle de la mort? Elle, qui avait encore tout à découvrir.

"Arrête, Rhéa. Que connais-tu du malheur au juste? Toi qui est née dans une famille aimante, toi qui n'as jamais manqué de rien et surtout pas d'affection?"

Mais il ne servait à rien de chercher à la convaincre, je savais comme elle était. Même le nez dans ses torts, elle ne les verra pas. Pas alors que sa fierté et son orgueil venaient d'être aussi durement atteints. Et je n'avais nulle intention de me justifier en tant que père.

"Il te reste encore bien d'autres raisons de mourir. Et plus encore de vivre, Rhéa." tranchais-je, laconique.

Elle ne comprendrait pas aujourd'hui. Demain peut-être, dans un mois ou dans un an. Mais elle comprendrait. Le jour où elle tiendrait son premier né dans ses bras, alors elle saurait ce que j'avais voulu faire depuis le tout premier jour de sa vie. Qu'importe qu'elle me haïsse, qu'elle me maudisse. J'avais un devoir envers elle et j'entendais le mener à bien, quoi qu'il m'en coûte. Me détournant de Rhéa, je m'avançais vers la couchette, saisissait une couverture que je lui jetais sans ménagement dans les bras.

"Tu dormiras ici ce soir. Demain matin, lorsque nous arriverons à Blancport, tu resteras à bord et feras le trajet inverse. Cela te laissera tout le loisir de songer aux excuses que tu présenteras à ta mère et de prier pour qu'elle les accepte. La discussion est close."

Même animé de rancœur, je n'en oubliais pas mes manières et lui cédait la couchette sans desserrer les lèvres. Le trajet hivernal de plusieurs lieues dans lequel nous allions nous engager serait bien plus rude que le plancher de cette cabine et il me fallait d'ors et déjà m'y préparer.

Je ne parvins pas à trouver le sommeil ce soir-là, et pas seulement à cause de l'inconfort. Alors que la dernière chandelle avait été soufflée et que la nuit rendait silencieux le navire, excepté les craquements du bois sous la houle, j'étais assailli de pensées. De remords aussi. Etait-ce là notre dernier échange? Si je ne revenais pas, serait-ce nos dernières paroles l'un envers l'autre? Serait-ce le dernier souvenir de moi que je lui laisserais? Dans mon dos, j'entendais son souffle régulier mais je savais qu'elle ne dormais pas non plus. J'aurais pu me relever, rallumer une chandelle pour la serrer dans mes bras. Lui dire combien je l'aimais et toutes ces choses pour lesquelles il ne semble jamais y avoir de bon moment.

Mais si Rhéa était fière, je l'étais aussi. Demain, je partirais à la guerre pour lui assurer cet avenir dont elle ne voulait pas. Parce que c'était mon devoir de Nordien, mais plus encore parce que c'était mon devoir de père.
(c) DΛNDELION
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 
One among hundreds



between being and appearing, the line is very thin



@Byron Flint & Rhéa Flint

Une lassitude telle qu'elle n'en avait jamais connu prit le pas sur sa fierté, sur sa rage, sur sa rancœur. Rhéa se sentait juste vide, épuisée mentalement, et vide. Comme si les larmes qui venaient de couler le long de son visage encore enfantin avaient nettoyé tous ses sentiments, négatifs comme positifs. Il ne restait de la farouche guerrière que la carcasse. Même son regard était vide. Son paternel était trop obstiné pour comprendre son point de vue, et peut-être l'était-elle trop elle aussi. Le dicton disait bien tel père telle fille ou encore, les chiens ne font pas des chats. Elle commençait à y croire. Elle savait qu'elle lui ressemblait sur beaucoup de points et ce n'était un secret pour personne. Les dernières larmes coulèrent le long de ses joues et elle les essuya d'un geste lent. Elle n'avait pas l'habitude de pleurer. Petite, il lui en fallait pour ne lâcher ne serait-ce qu'une larme, et en général, elle s'arrangeait pour le faire lorsqu'elle était sûre d'être totalement seule. Seulement aujourd'hui, elle avait pleuré devant lui, sans se cacher, vaincue par ses ressentiments. Et il ne semblait même par réagir, alors que lui même savait qu'elle venait de mettre toute sa fierté et tout son ego à ses pieds en pleurant aussi ouvertement devant lui. Son manque de réaction ne la fit même pas ciller. Elle était fatiguée de se battre alors qu'il ne comprenait rien, et le voir si stoïque devant ses propos, alors qu'ils étaient censés le faire réagir, ne la fit qu'être encore un peu plus triste. Voilà le seul sentiment qu'elle percevait encore, une tristesse sans nom ni bornes.

« Crois-tu que je l'ai choisi ma vie ? Ou ta mère ? Si nous l'avions fait, ni toi, ni tes frères, ni ta sœur ne seraient de ce monde. »

Elle avait envie de lui hurler dessus, de rétorquer, mais la seule qu'elle trouva à faire, c'est de soutenir son regard en silence, les yeux légèrement dans le vague. Qu'il parle : elle ferait comme il faisait depuis si longtemps, elle l'écouterait sans réellement entendre ses propos. Ainsi, peut-être comprendrait-il le mal être qu'elle ressentait, et qu'elle avait si bien caché sous son caractère brûlant et ses longs entraînements aux armes. La jeune fille vit la colère de son père diminuer progressivement. La tempête était passée mais la colère grondait toujours. Le tsunami viendrait plus tard, l'heure était à la guerre désormais.

« Arrête, Rhéa. Que connais-tu du malheur au juste ? Toi qui est née dans une famille aimante, toi qui n'as jamais manqué de rien et surtout pas d'affection ? Il te reste encore bien d'autres raisons de mourir. Et plus encore de vivre, Rhéa. »

Silence. C'est tout ce qu'il recueillit et aux yeux de sa fille, tout ce qu'il méritait. Il n'aurait droit qu'au silence, jusqu'à ce que la pilule passe. Et nul doute que Rhéa mettrait un long moment à se remettre de cette conversation. Son regard, qui s'était baissé, se redressa et elle se contenta de le foudroyer du regard. Peut-être avait-elle baissé les armes en se taisant, mais la mélasse qui hurlait dans son ventre ne tarderait pas à revenir. Sa lassitude commençait déjà à se dissiper alors qu'elle était révoltée par le discours de son père. Mais elle n'ajouta rien de plus, lui faisant ainsi comprendre qu'elle ne lui pardonnerait pas facilement la gifle et les lourdes paroles qu'il avait eu. Rhéa récupéra la couverture qu'il lui lança et partit s'asseoir sur la couchette de son père sans plus de cérémonies, se doutant bien de ce qu'il allait lui dire.

« Tu dormiras ici ce soir. Demain matin, lorsque nous arriverons à Blancport, tu resteras à bord et feras le trajet inverse. Cela te laissera tout le loisir de songer aux excuses que tu présenteras à ta mère et de prier pour qu'elle les accepte. La discussion est close. »

Les lèvres de la Flint se tinrent closes et la seule chose qu'elle fit pour bien montrer sa rancœur, c'est de ne plus parler de la journée et de lui tourner le dos aussi souvent que possible.

Et cette nuit-là, tout comme son père, elle ne parvint pas à trouver le sommeil, mais pas pour les mêmes raisons. Si elle resta éveillée, c'était à cause de cette bouillie de rage et de rancœur dans son ventre, qui ne parvenait pas à se calmer. Lorsqu'il rentrerait, parce qu'elle ne doutait pas que ce serait le cas, il verrait qu'il ne fallait pas se la mettre à dos, surtout sur des sujets aussi importants. La jeune fille était persuadée qu'il était le seul en tord, et cette pensée l'accompagna aussi bien lors du voyage retour que dans les lunes qui suivirent alors qu'elle se faisait de plus en plus venimeuse et mauvaise envers son entourage.

End FB - One among hundreds | Rhéa  2414428499

DRACARYS
Contenu sponsorisé


Informations
Personnage
Badges


   
#