[FB] night talk between two sisters to be - helga

« Bien sûr », assura Alana lorsqu’Helga semblait s’étonner à l’idée que son fiancé puisse la trouver magnifique. La fille aînée d’Hotho Harloi était indéniablement belle, et c’était là une chose que le seigneur de Tour des Moires ne manquait pas de vanter, au vu de l’ambition qui était la sienne. Et pourtant, la jeune femme n'avait pas grande confiance en elle. Elle était belle et pourtant, malheureusement, elle pourrait passer inaperçue à côté d’autres femmes, du fait de sa timidité. Il lui faudrait donc s’affirmer si elle voulait vraiment charmer son futur mari...

Alana lui donna donc de petits conseils pour le reste de la soirée, destiné à attirer davantage l’attention de Maron. Mais, la jeune Harloi avait ancré son regard dans le sol, visiblement gênée, et d’une voix hésitante, avoua :
«  Je...je crains de ne pas posséder les mêmes talents que vous, Lady Alana et...j’aurais peur de paraître trop...trop insistante. Et s'il me trouve trop entreprenante ? »

Trop timide. Vraiment trop timide. Outre une loyauté assurée vis-à-vis de son entremetteuse, Helga avait de nombreuses qualités, dont sa volonté ; celle là même qui l’avait poussée à venir lui parler lors du baptême de Qhored et à la convaincre de son désir d’être une bonne épouse pour un homme tel que son frère. Mais, sa timidité restait son plus grand frein. Or, Maron, ayant élevé par sa mère et sa sœur, n’avait point été habituée à cotoyer des femmes timides. Gysla Volmark, leur mère, était née Forgefer. Etant l’une des nombreuses filles de Lord Erik, elle n’était aucunement destinée à épouser un seigneur. C’était à elle, et à elle seule, qu’elle devait son mariage avec Urras. Elle avait su charmer le seigneur de Volmark. Elle avait su se démarquer de sorte à ce qu’il ne pense plus qu’à elle.  Dans son propre mariage, Alana avait su suivre la voie tracée par sa mère, n'ayant à craindre nulle rivale dans le coeur de son époux. Mais, si Helga avait une belle-mère, elle ne semblait pas en être proche... La jeune Harloi avait tout l’air d’avoir cruellement manqué d’un modèle dans ce monde d’hommes qu’étaient les îles de fer. Cela tombait bien ; c’était un rôle qu’Alana pouvait occuper. « Tu offres beaucoup trop d’attention à nos sols infertiles, je trouve. », dit la princesse avec le sourire. C’était une façon plus agréable de lui conseiller de ne pas baisser les yeux si facilement, comme elle semblait avoir l’habitude de le faire, plutôt que lui dire abruptement de cesser d'agir ainsi.

« Ma mère est née Forgefer, tu sais ? », dit-elle ensuite. Helga avait eu l’occasion de rencontrer Gysla lors du banquet, évidemment, et sans doute était-elle au courant de l’ascendance maternelle de son fiancé. Mais, ce n’était pas là où Alana voulait en venir. « Elle a de nombreuses sœurs et demi-sœurs puis des nièces aussi et des cousines… », expliqua Alana. Avec un seigneur de plus de 90 ans à sa tête, la maison Forgefer ne manquait pas de descendants, cela était bien connu. A l'échelle des îles de fer, sans doute pouvait-elle être comparée à la maison Frey du Conflans, dirigée par un certain Lord Walder de la même génération que Lord Erik, le grand père d'Alana. « Elle n’était pas prédestiné à épouser un seigneur. Son père ne comptait pas lui en offrir les moyens. Et pourtant, elle a tout bonnement choisi d’ignorer ce fait. Et ce fait a fini par ne plus exister, quand mon père l’a choisie elle. », conta-t-elle. « Agis comme si tu possédais ces talents, Helga. Agis comme si tu ne doutais pas de les posséder. Et ils finiront par apparaître vraiment. », conclut Alana. Elle aurait pu prendre un exemple la concernant plutôt que d’illustrer ce conseil par l’histoire de sa mère. Mais, l’exemple qui lui était venu à l’esprit lui était trop personnel. Elle avait eu à ignorer beaucoup de faits, au début de son mariage avec Theon...Alana avait fait son devoir, dès le premier jour de leur mariage, et avait toujours soutenu son époux. Pourtant, en vérité, elle faisait  partie de ceux qui avaient vus en lui un loup plutôt qu’un kraken à son retour sur les îles. Et, sa mère et ses frères le savait, elle n’avait été aucunement enchantée à l’idée de l’épouser, le traitant de nordien et s’emportant contre sa mère. Aujourd’hui, elle ne pouvait que ressentir de la honte vis-à-vis de ce jugement passé. Elle avait jugé Theon pour un exil qui n’était pas de son choix, sans le connaître, sans se mettre à sa place. Encore aujourd’hui, c’était une chose dont son époux n’avait pas connaissance. Et cela devait rester ainsi.

« Et pour ce qui est de mon frère ; il ne te trouvera pas trop entreprenante, ne t'en fais pas. », ajouta-t-elle. Elle trouvait d’ailleurs Helga bien naïve de penser que Maron pourrait penser cela. Les garçons devenaient très vite des hommes sur les impitoyables îles de fer, ou en mer ou ailleurs comme lorsqu’ils partaient en raid. Derrière son allure de guerrier, Maron était un jeune homme respectueux des femmes. Il ne les collectionnait pas comme d’autres fer-nés pouvaient le faire. Il ne s’était pas non plus empressé de ramener une femme-sel au teint exotique de ses premiers raids. Toutefois, il n’était pas innocent pour autant. Et s’il était normal pour une noble demoiselle d’en revanche le rester, Alana redoutait qu’Helga soit trop naïve voir ignorante quant à certaines choses du mariage. « Des femmes lui ont offerts déjà bien plus qu’un regard profond ou un toucher délicat », expliqua Alana. Helga devait s’en douter, bien sûr, mais la née-Volmark se voyait bien obligée de secouer un peu sa protégée sur ce point. « Les hommes ne prennent pas pour femme-roc des femmes aux mœurs légères. Pour cela, ils veulent des femmes pures. Mais, cela ne veut pas dire qu’ils attendent de ces femmes qu’elles soient étrangères à l’art de la séduction. », expliqua-t-elle. Bien sûr, elle parlait de manière générale. Certains hommes étaient capables de vouloir épouser des modèles de débauches mais, cela demeurait bien rare...

« Tu es jolie, Helga, et c’est une bonne chose. Mais tous les hommes le voient, que tu es jolie. », expliqua Alana. « Tu dois être unique aux yeux de ton futur mari. Et pour cela, tu dois lui offrir une forme d’attention que tu n’offres pas aux autres. », ajouta-t-elle. Et bien entendu, cela excluait le fait de dépasser la limite qui était celle des nobles demoiselles fer-nées. Sa pureté, Helga devait la conserver jusqu’à sa nuit de noce, bien entendu. Elle ne lui conseillait pas non plus de se comporter comme une débauchée, évidemment. Mais, Helga était encore trop réservée, encore trop timide. Elle avait les formes d’une femme capable d’enfanter mais elle regardait ses pieds comme le ferait un enfant timide.  La princesse devinait que la phrase suivante ferait monter le rose aux joues de la jeune Harloi, mais il fallait bien qu’elle fasse preuve de franchise, comme une grande sœur l’aurait fait. Après tout, elle était celle qui avait encouragé son frère à considérer le parti de la douce Helga. Elle ne voudrait pas qu’il soit déçu d’avoir suivi son conseil.

« S’il te désire, il comptera les jours qui le séparent de votre mariage. », déclara-t-elle. Ainsi les hommes étaient faits, n’est-ce pas ?  « Et crois-moi, il est tout à fait possible d'oeuvrer en ce sens sans franchir les limites de la bienséance. », la rassura-t-elle tout de même.

Le  mariage était pour les seigneurs et les hommes de noble rang une responsabilité et un devoir. Cela pouvait donc être vécu comme une entrave à leur liberté. Jusqu’à il y  a peu, Maron, d’ailleurs, n’était pas des plus pressés à l’idée de se marier. Pourtant, il était seigneur depuis l’âge de cinq ans. Qu’il ait changé d’avis si rapidement pour s’assurer d’obtenir la main, si vantée par Hotho, de la belle Helga, cela surprenait d’ailleurs un peu Alana. Elle était consciente que ses mots avaient eu un impact sur son frère mais ne s’était pas attendue à une décision si rapide pour autant. Et Maron n'était pas Urron. Aujourd’hui, il était impatient de se marier, mais demain, peut-être verrait-il à nouveau le mariage sous un autre jour ; celui de la contrainte. Et au vu des derniers événements, Alana soupçonnait Tyra de vouloir agir en ce sens... Une seule chose pourrait préserver Helga de ce retournement de situation ; le désir. Le désir tuerait la notion de contrainte. Si Maron la désirait, alors comment pourrait-il percevoir son mariage d’une autre manière que comme l’exécution de sa volonté ?...