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Post-scriptum, Post-mortem

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Post-scriptum, Post-mortem

   

   


   
Anya Vanbois

   
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À Marsella,

Je ne t’ai pas écrit depuis longtemps, je le crains. Tu sais que cela n’a jamais été mon fort. À toi non plus, d’ailleurs.
Crois moi, la vie ne m’épargne guère ces dernières années. Cela ne veut pas dire que je ne pense pas à toi. Au contraire. Tu apparais au fil de mes journées, au gré de tes humeurs. Un peu comme lorsque tu étais en vie. Tu apparais et je me sens amère, je me sens ravie et je me sens vide. Toujours vide. Le bonheur est devenu une denrée rare depuis que tu es partie. Ce n’est pas comme si j’y avais renoncé. Mais aujourd’hui encore, il semble se refuser à moi.

Depuis combien de temps ne t’ai-je pas vue ? Des années. Des années de vies, de morts, de petites joies et de grands malheurs. Le sais-tu ? Je ne sais même pas à quoi tu ressemblais, lorsque tu nous as quittés. Je ne me rappelle que de ton air juvénile, de tes cheveux blonds que, pour une raison qui t’appartenais, tu avais coupés courts. Après tout, tu as toujours été la plus aventureuse de nous deux. L’es-tu restée, fougueuse ? As-tu pris des rides, comme moi ? En as-tu seulement eu le temps ? Tes cheveux sont-ils devenus blancs ? T’es-tu agacée de ta vue qui baissait ? As-tu su garder ton sourire confiant ?
Je ne suis jamais venue te voir, aux Jumeaux. Quel endroit sordide fut celui où tu as expiré ton dernier soupir. Je ne le regrette pas, malgré tout. Je n’aurais pu souffrir de te voir trôner au milieu de cette cour de vagabonds miteux. Pouvais-tu seulement te vêtir correctement ? Je te le demande car, par le Sept, tu aurais dû voir l’état de ta petite nièce et de ton petit neveu lorsqu’ils sont arrivés chez nous… Et je ne parle même pas de Carolei.
Tu le sais, je suis égoïste. Mais cela aurait été trop pour moi. Je te préfère dans mes souvenirs.

Tout comme je préfère ainsi mes petits-fils.

Chaque matin depuis l’annonce de la nouvelle, je me réveille et pendant une seconde, j’oublie que cela ait jamais survenu. Mais dès que j’ouvre les yeux, les sentiments m’enterrent comme une coulée de roches tranchantes de tristesse.
Je n’ai pas pleuré. Tu me connais. Mon visage ne s’est même pas fissuré. Cela ne veut pas dire que je ne souffre pas. Au contraire. Trouves-tu cela normal qu’une vieille comme moi traverse les années alors que deux garçons, deux bons garçons, trouvent la mort dans la neige ? Suis-je condamnée à m'imaginer leur visage chéri, figé par la peur et la douleur ? Le sais-tu, ma fille ne pourra pas enterrer leurs corps. Ils ne sont plus que de la cendre. De la cendre perdue dans le blanc et le noir.
Je le sais depuis longtemps, le monde est injuste. Mes robes ne quittent pas l’obscurité, comme pour me le rappeler. Pourtant, cela ne cesse de me surprendre. Ne s’y habitue-t-on jamais ?

Il n'y a qu'à toi que je peux dire ça. Il n'y a qu'à toi que je peux me montrer ainsi. Car tu ne diras jamais rien.

Tu as accueilli ma fille auprès de toi, il y a de cela quelques années. Occupe-toi désormais de mes petits-fils, veux-tu. Tu les garderas mieux que je ne l’ai fait.

La journée qui débute m’arrache à la plume. Je brûlerai cette lettre, comme les autres. C’est un petit réconfort que j’ai, de penser que tu me lis, même si nous sommes séparées. Les Sept seuls savent si nous nous reverrons un jour, mais je m’en remets à eux.

Veille sur nous,
Ta soeur,
Anya
   

   
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