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La prière est un oiseau curieux qui vole murmurer à l’oreille des Dieux. (FB / Solo.)

Talya de Tyrosh
Le Soleil de Tyrosh

Talya de Tyrosh

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La prière est un oiseau curieux qui vole murmurer à l’oreille des Dieux. (FB / Solo.) 4
Ft : Adria Arjona.
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La prière est un oiseau curieux qui vole murmurer à l’oreille des Dieux.

 
An 295, lune 7.

 


 
Talya de Tyrosh.


La nuit ne lui avait jamais semblé si froide. Si froid était son cœur, si froide était son âme. Si secs étaient ses yeux après avoir tant pleuré, si douloureuse était sa gorge après avoir tant sangloté. Aujourd’hui, son monde s’était comme effondré. Effondré que ses jambes s’étaient dérobées sous son poids lorsque la terrible nouvelle lui avait été annoncée. Et dire qu’elle devrait faire bonne figure lorsque le soleil se serait à nouveau levé. Lorsque cet atroce fait serait connu de tous et de toutes. Comment pourrait-elle sourire alors que son propre astre venait de s’éteindre ? Comment ?

Allongée parmi les étoffes colorées de sa couche, Talya luttait contre ses noires pensées, luttait contre ce sommeil cauchemardesque qui l’attendait. Elle savait ce qu’il se passerait lorsqu’elle fermerait les yeux à nouveau. Les mêmes images d’enfer, encore et toujours. Celles de ces esprits volages et vagabonds qui lui faisaient revivre encore et encore les derniers instants de cette femme qu’elle avait chéri plus que tout autre personne en ce bas monde. Pourquoi était-elle partie ? Pourquoi maintenant ? Et dire qu’il y a encore quelques lunes, la situation était idéale. Elles souriaient, riaient, dansaient ensemble et discutaient paresseusement, comme si rien ne pouvait leur arriver, comme si rien ni personne ne pourrait les assassiner

Et maintenant, plus rien. Plus de rires, plus de voix. Le vide. Rien de plus que cette obscurité oppressante, effrayante. Cette solitude comme la jeune femme n’en avait encore jamais ressentie dans son cœur. Tout lui semblait si froid. Glacial même. Talya s’enroula dans ses draps, s’y recroquevillant, tentant vainement de se réchauffer, de chasser ses tremblements. Hélas, rien n’y faisait. Le froid était toujours là. Sans doute redoublait-il, même. Et que dire de cette troupe de questions qui affluaient toujours dans son esprit, sans jamais connaître le moindre repos ?

Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi elle ? Pourquoi ? Pourquoi… Tant de questions et si peu de réponses… Tant de peine et si peu de réconfort. La peine était trop grande dans cette demeure pour que ses habitants puissent la combattre ensemble à cet instant. Chacun ruminait sa tristesse et ses doutes que la lune se plaisait à exacerber. Jusqu’au lever du soleil, du moins. Pour le moment, l’ancienne reine des lieux avait été détrônée par la solitude la plus dure qui soit… Serrant les dents pour empêcher ses larmes de couler à nouveau, si ce fait-là était bien sûr encore possible, la jeune femme chassa ses draps d’un coup, se redressant dans sa couche. Plaquant ses mains sur son visage défait, Talya tenta de retrouver pleinement ses esprits. Elle ne pouvait pas rester ici à ressasser parmi les ombres. Elle finirait par leur ressembler, si elle restait ici…

Posant délicatement ses pieds sur le sol, la jeune femme se redressa difficilement. C’est pieds nus qu’elle se dirigea jusqu’à la porte de ses appartements, ses sandales à la main. Mieux valait ne pas réveiller cette bonne Calla, qui dormait dans la petite pièce adjacente. Le poids des années commençaient à peser sur ses épaules et Talya ne voulait point la faire sortir d’un sommeil des plus réparateurs pour elle. Pas alors qu’elle avait sans doute veillé sur elle pendant sa première absence… Lors de son premier réveil, la jeune Tyroshi n’avait pu que remarquer le grand bol d’eau qui reposait sur sa table de chevet, ainsi que le tissu humide qui avait été posé sur son front par la soin de la servante. Cette dernière s’apprêtait d’ailleurs à le changer lorsqu’elle avait ouvert les yeux.

Depuis entrebâillement de la porte, Talya jeta un regard sur ce qu’il se passait dans le couloir. Sur les murs, des torches rompaient l’obscurité. La jeune femme cligna des yeux, s’habituant à leur lumière. Les alentours semblaient plongés dans le plus absolu des silences, ultime preuve s’il en eu besoin d’une de l’état des occupants des lieux. Deux gardes armés de lance se trouvaient de part et d’autres de la porte. Talya ne fut point surprise de ce fait. Cependant, leur regard lui était égal. Totalement égal. Chaussant ses sandales, la jeune femme quitta ses appartements vêtue de cette tunique blanche qu’elle portait habituellement uniquement dans ses appartements lorsque venait le temps pour elle de dormir. Si l’un des gardes la suivi, la jeune femme n’y prêta aucune attention.

Son regard était tourné vers cette collection de portraits, de tableaux et d’objets que les siens avaient ramenés de leurs nombreux voyages sur les mers et les océans ou encore qui leurs avaient été offerts par quelques dignitaires venus passer quelques jours en leur compagnie. Aussi, les tableaux cohabitaient avec des cornes d’animaux exotiques, quelques vases finement travaillés et bien d’autres choses encore. Si en temps normal Talya avait toujours pris beaucoup de plaisir à les observer, il n’en était rien à l’heure actuelle. Toutes ces choses lui semblaient si fades à cet instant.

Instinctivement, ses pas la menèrent jusqu’à la chapelle que comportait leur demeure. Au vu de la situation particulière, une lueur orangée se dégageait de la pièce, preuve que des bougies y étaient restées allumées. S’arrêtant quelques instants sur le seuil de la chapelle, Talya jeta un regard implorant derrière elle à l’attention du garde, le priant de rester ici. L’homme accepta sa requête, se plaçant à droite de la porte. La jeune Tyroshi ne put que lui offrir un pauvre sourire en guise de remerciement. Puis, elle pénétra dans la chapelle, pour s’arrêter à quelques mètres de son seuil.

Une forte odeur mêlant celle de l’encens, d’herbes diverses et de cire imprégnait l’air. Le regard de la jeune femme embrassa la pièce. Sur les murs, de grandes scènes mythologiques avaient été peintes il y a de cela de nombreuses générations. D’aussi loin que les souvenirs de Talya pouvaient remonter, elle avait toujours vu ces fresques où Trios affrontaient des monstres marins avec le soutien du Dieu Ivre, ou encore ce dernier en train de festoyer en compagnie d’un grand nombre de marins et de guerriers. Il y avait également bien d’autres scènes, séparées ici et là par de grands cadres peints en bleu ou encore en noir. Vagues et animaux marins étaient également représenté en grand nombre, aussi bien sur les murs que sur le sol, sur lequel la peinture laissait sa place à des mosaïques finement exécutées.

Dans ce lieu, tout respirait le calme. Un calme doux, bien plus doux que la lourdeur des ombres que la jeune femme avait tant souhaité fuir. Prenant une grande inspiration aussi bien pour reprendre ses esprits que pour tâcher de retenir à nouveau ses larmes, Talya ôta ensuite ses sandales.  Non loin de l’entrée se trouvait une alcôve à la base de laquelle, creusée dans le mur-même, on trouvait une petite cavité. De l’eau salée. Se saisissant du bout des doigts d’une petite coupelle en forme de coquillage, Talya la plongea dans la cavité, tapotant le coquillage par la suite pour en retirer le surplus de liquide. La coquille remplie, la jeune femme s’avança la tête humblement inclinée jusqu’à l’autel. Elle ne s’arrêta qu’une fois arrivée au pied de ce dernier, avant de s’y agenouiller.

Posant la coquille juste avant elle, Talya leva les yeux en direction des deux statues qui reposaient derrière l’autel. Celle de Trios était sans aucun doute la plus imposante des deux. Avec les flammes des bougies déposées non loin, la statue du Dieu semblait douée d’une vie qui lui était propre, prête à quitter son socle de marbre pour avancer jusqu’à elle. La jeune femme avala difficilement sa salive, tandis que son regard se portait désormais sur la plus petite statuette. Le Dieu Ivre, cornu, tenait entre ses mains une grande conques. Sur sa tête, un oiseau marin et messager du Dieu était représenté comme s’il s’apprêtait à prendre son envol. La jeune femme poussa un soupir, se recroquevillant sur elle-même.

« Grand Dieu de ce monde et de l’autre… Toi qui contrôle au Soleil et à la Lune, pourquoi l’as-tu rappelée à toi ? Pourquoi si tôt ? Qu’avons-nous fait pour mériter ton courroux ? »

Les yeux de la jeune femme étaient à nouveau emplis de larmes. Il y a encore quelques jours, sa mère était là. Il y a encore quelques jours, elles discutaient de ce qu’elles feraient ensemble lorsque sa mère serait à nouveau capable de tenir debout. Et ce soir… Ce soir il n’y avait plus rien… Absolument plus rien… Si ce n’est les sanglots d’une jeune femme seule, prostrée, devenus complainte pour ce Dieu qui lui semblait si lointain à cet instant…

DRACARYS




L’éternité, c’est la Mer mêlée au Soleil.

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Talya de Tyrosh.


« Talya, quand daigneras-tu me répondre ? » s’enquit Aryos, sur un ton las.

Le regard plongé sur ce bol qu’elle tenait mais ne regardait même pas en réalité, Talya n’ouvrit pas la bouche. Aryos ne put que pousser un soupir à cette vision. Cela faisait maintenant une semaine. Une semaine que sa sœur se murait ainsi dans le silence, n’échangeant pas plus de quelques mots par jour avec ceux et celles qu’elle pouvait bien croiser. Une semaine que leur mère était retournée aux flots. Une semaine… Une semaine qu’il s’évertuait à ce que sa sœur retrouve un peu d’appétit, qu’elle daigne à prendre l’air et le soleil afin de ne pas totalement dépérir. Sans doute cela lui permettait-il d’oublier sa propre peine ? Aryos serra les dents à cette pensée. Se levant de son siège, le jeune homme se dirigea jusqu’à sa sœur, s’agenouillant à ses côtés.

Après avoir déposé le récipient sur la table toute proche, Aryos prit délicatement les mains de sa cadette dans les siennes. Prises de tremblements, elles étaient également froides. Comment était-ce possible alors que le bol lui-même était tiède ? Le jeune homme leva les yeux vers sa cadette, qui persistait à garder la tête basse, les yeux presque clos. Frictionnant doucement ses mains et ses doigts pour les réchauffer, espérant sans doute obtenir une réaction également, Aryos reprit, sur un ton bas :

« Il faut que tu manges, Talya. Juste une gorgée et je te laisserai tranquille, tu as ma parole. Mais il faut que tu manges. Tu ne peux pas rester allongée ici le ventre vide, tu le sais aussi bien que moi…
- Parfois, j’ai l’impression qu’elle est toujours là... » bredouilla la jeune femme, les yeux toujours mi-clos.

Son odeur était toujours là, aux endroits de leur demeure qu’elle préférait. Talya avait même l’impression que sa mère allait parfois surgir derrière elle, l’étreignant, lui assurant que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Que tout allait redevenir comme avant. Peut-être avait-elle commis une erreur en se rendant dans ses appartements la dernière fois. Pourquoi y était-elle allée, par ailleurs ? Cela n’avait en rien assassiné ses peines, au contraire. Se mettre dans une telle situation était loin d’être l'idéal, c’était un fait. La jeune Tyroshi ne savait plus. Peut-être cherchait-elle quelque chose ? Cela n’avait que peu d’importance. Son odeur était présente dans chaque recoins. Talya s’était même surprise à fouiner dans sa garde-robe. A mère et elles étaient proches, c’était un fait indéniable. Combien de fois lui avait-elle emprunté quelques affaires pour son propre compte ? Si seulement tout cela pouvait recommencer… Si seulement…

« Talya… chuchota Aryos. Mère est toujours là. Si son corps n’est plus, elle est toujours avec nous, tu le sais. Il faut juste lui laisser le temps de revenir. Laisse donc Trios faire son œuvre.
- Nous avions encore tant de choses à faire… Pourquoi devait-il la rappeler à lui maintenant ? »

Talya avait porté son regard sur son frère. Elle était épuisée par cet enfer qu’était devenue son existence depuis ce jour fatidique. Épuisée par ces messagers qui leur portaient missives de condoléances sur missives de condoléances. Épuisée par le chagrin et par le manque de sommeil. Comment pourraient-ils reprendre leurs vies là où la sienne s’était arrêtée ? Comment ne pas craindre que Trios ne décide également de les rappeler alors qu’ils avaient encore une troupe de choses à faire et à vivre ? Une collection de lieux à visiter, de personnes à rencontrer ? Tout lui semblait si fragile à présent que cette femme qu’elle pensait invincible et éternelle s’était éteinte ainsi.

« … Je veux aller prier pour elle, Aryos… finit par avouer Talya, dans un soupir.
- Tu y es déjà allée ce matin. lui fit remarquer son frère, sur un ton doux. Pourquoi ne pas attendre encore un peu ? Shaïra se plaint de ne plus te voir. Et il en va de même pour Père et nos frères. Et je ne pense pas qu’Oncle Naero sera contre le fait de te voir sur le pont de son navire.
- Plus tard. répliqua la jeune femme.
- … Si tu manges, je t’accompagne prier. proposa finalement Aryos, après quelques instants de réflexion. Si tu ne manges pas ne serait-ce qu’une bouchée, tu resteras ici. »

Talya redressa plus vivement la tête, adressant un regard noir à son frère comme s’il venait de commettre la pire des trahisons à son égard. Aryos prit le parti de l’ignorer, se contentant de lui tendre à nouveau le bol qu’elle avait abandonné quelques instants auparavant. La jeune femme le dévisagea encore quelques secondes, avant de récupérer le récipient. Il s’agissait sans doute d’une sorte de potage dans lequel de nombreuses herbes et aromates flottaient. Il y avait également quelques morceaux de viande, que la jeune femme savait épicés. En temps normal, ce plat lui aurait sans doute beaucoup plu. Manger cette viande et boire le breuvage fut cependant une tâche des plus harassantes pour elle, plus encore avec Aryos qui semblait bien décidé à l’observer jusqu’à temps qu’elle eut terminé de se nourrir.

« … N’as-tu rien de mieux à faire, paresseux que tu es ? lança Talya, acerbe.
- Veiller sur ma petite sœur n’est donc pas une raison suffisante pour justifier ma présence en ces lieux ? » rétorqua Aryos, nullement atteint par le ton employé par sa cadette.

Talya ne répondit pas, reposant le bol après l’avoir en grande partie vidé de son contenu. Aryos ne put cependant s’empêcher de jeter un regard dans la direction du récipient, comme pour s’assurer que sa sœur n’avait pas essayé de se jouer de lui. Ce geste ne put que déplaire d’avantage encore à Talya. Tapotant sur sa cuisse du bout de ses doigts, la jeune Tyroshi attendait que son frère daigne lui donner son accord. Finalement, le jeune homme se redressa de toute sa hauteur. Après s’être étiré, Aryos tendit sa main à sa sœur. Étudiant l’offre qui lui était faite, Talya finit cependant par l’accepter, non sans un soupir. Glissant sa main dans celle de son frère comme ils avaient si souvent pu le faire lorsqu’ils étaient enfants, la jeune Tyroshi se surpris à apprécier le contact de sa peau contre la corne qui couvrait la paume de son frère, trace du temps qu’il pouvait passer en mer et des activités qu’il devait assurer. A moins que cela ne soit dut à sa pratique régulière des armes ? Peut-être les deux…

« … Je dois être de bien méchante compagnie… finit par avouer la jeune femme, alors qu’ils jouaient les vagabonds dans les couloirs, non sans un soupir.
- Et personne ne te le reprochera. se contenta de répondre son frère. Surtout pas moi. »

Talya leva à nouveau les yeux vers son frère. Était-ce des larmes qui perlaient au coin de ses prunelles ? La jeune femme ne put que se sentir coupable à cette vue. Comment avait-elle pu l’oublier ? Kaerys n’était pas seulement sa mère. Elle était aussi celle de Lyarn, d’Oryas et d’Aryos. Son chagrin n’en était pas un. Il s’agissait de leur chagrin, à eux trois, à eux quatre. Dans quel état pouvait bien être leur père, à cet instant précis ? Ce que le deuil avait pu la rendre égoïste...

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Talya de Tyrosh.


Tentant d’oublier les tremblements qui envahissaient ses mains, Talya passait ses doigts dans sa dense chevelure, l’imprégnant de ces huiles et des produits à l’odeur capiteuse afin de l’entretenir. Malgré les soins de Calla et les lavages successifs, la jeune femme s’était cependant retrouvée dans l’incapacité de chasser toute la teinture rouge qui couvrait auparavant sa chevelure. Il était vrai qu’elle avait toujours eu la main lourde, à ce sujet. Contrairement à Shaïra, la jeune Tyroshi était née avec une chevelure des plus sombres. Aussi, pour que les artifices propres à sa Cité puissent lui être accessibles, Talya avait toujours du augmenter les doses de pigments. Un acte qu’elle ne pouvait que regretter à l’heure actuelle, bien que ses cheveux aient désormais une teinte légèrement plus naturelle…

Plongeant à nouveau ses doigts dans le bol qui se trouvait devant elle, Talya les passa ensuite à nouveau entre ses mèches. Bien sûr Calla aurait pu l’aider. Sans doute se serait-elle même fait un plaisir de le faire. Cette femme était décidément une servante idéale, en plus d’être d’une douceur à toute épreuve. Mais la jeune femme avait besoin d’être seule. D’être seule pour revêtir ses vêtements de deuil. A Tyrosh, comme ailleurs sans doute, le deuil se vivait de bien des manières. Prières, interdits alimentaires, couleurs ternes… Tel serait le quotidien de la famille de l’archonte pendant trois mois. Trois long mois durant lesquels Trios veillerait sur l’âme de sa mère et réfléchirait à sa destinée. Trois mois durant lesquels les vivants qui lui étaient liés se devaient de respecter des règles strictes pour qu’elle connaisse un sort enviable.

Après s’être essuyé les mains, Talya se leva, défroissant de quelques mouvements de mains sa longue tunique d’un bleu sombre comme la nuit. La jeune femme se dirigea ensuite instinctivement jusqu’au mannequin de bois qui trônait dans l’un des coins de la pièce. A défaut de pouvoir ôter toutes les traces de teintures de sa chevelure, elle pouvait toujours les dissimuler à l’aide de ce voile aussi sombre que le reste de sa tenue. Calla avait veillé à le disposer ici la veille, afin qu’il ne se couvre pas de plis. Caressant l’étoffe du bout des doigts quelques instants, Talya s’en saisit finalement. Comment une si belle pièce, bien que simple, pouvait-elle être le synonyme de l’enfer qu’elle vivait ?

S’en retournant auprès de sa coiffeuse non sans un soupir, il fallut plusieurs minutes à la jeune femme pour l’ajuster sur son crâne. La longue pièce de tissu devait en effet masquer sa chevelure, mais également retomber convenablement dans le dos de sa propriétaire. De loin, l’étoffe ressemblait à une réelle rivière sombre. Une rivière qui coulait à même le dos de la jeune Tyroshi, alourdissant sa chevelure et masquant en partie sa silhouette. Pour être certaine que son voile resterait en place, Talya glissa l’une de ses mains dans la boîte qui contenait une partie de sa collection de parures. Il ne lui fallut que quelques instants pour trouver ce qu’elle recherchait. Il s’agissait d’un peigne sculpté dans ce qui avait été un morceau de corne de gazelle ou d’antilope, aussi était-il légèrement spiralé. Cette forme particulière, rappelant déjà le tourbillon des vagues, avait été agrémenté d’une troupe d’animaux marins et de coquillages finement esquissés dans la matière.

Après avoir glissé le peigne dans sa chevelure, Talya esquissa quelques mouvements de tête, s’assurant qu’il restait bien en place tout comme le voile. Cessant son étrange cirque, la jeune Tyroshi risqua un regard dans la direction du miroir. Avec ses traits tirés, son teint presque cireux et les marques noires sous ses yeux, quelle image pouvait-elle bien donner d’elle ? La voilà. La fille de l’archonte de Tyrosh, magistrat parmi les magistrats de cette Cité, descendante de quelques Seigneurs Dragons et fantôme de cette demeure… Un fantôme parmi tant d’autres...

Fermant les yeux quelques instants, Talya tâcha d’oublier cette vision. Et si elle ne pouvait point l’assassiner, au moins l’atténuer. Ses sombres pensées ne manquaient pas pour la remplacer. Reprenant pieds dans la réalité, la jeune femme se leva finalement du siège qu’elle occupait jusqu’alors. Au vu de la course du soleil derrière les rideaux qui masquaient l’accès au balcon tout proche, la jeune Tyroshi jugea qu’elle avait encore le temps de se rendre à la chapelle avant le repas. Et quand bien même ses prières se prolongeraient, sa famille saurait où la trouver.

Tel un sombre esprit vagabond, la jeune Tyroshi se rendit donc jusqu’à la chapelle. Si elle croisa des serviteurs ou le regard des gardes dans les couloirs, Talya ne leur prêta que peu d’attention, faisant de même avec les propos qu’ils pourraient avoir à son égard, gardant la tête baissée. Qui pourrait croire qu’elle courait dans ces couloirs, semant volontiers ses gardes ou encore Aryos, il y a encore si peu de temps ? Cette simple idée lui semblait impensable aujourd’hui. Tout simplement impensable. De temps à autre, il arrivait à la jeune femme de s’arrêter, regardant tout autour d’elle comme si elle avait entendu quelque chose. Une voix à laquelle se raccrocher. Cette voix qu’elle entendait parfois encore en rêve, ces seules rêves qui lui permettaient de trouver le sommeil quelques heures. Mais sans doute ne s’agissait-il que du fruit de son imagination, ou encore du jeu du vent dans les murs et les pièces restées ouvertes… Le simple fruit de son esprit affaibli...

Croisant ses bras sous sa poitrine comme pour se réchauffer, Talya poussa un soupir. Quel triste spectacle pouvait-elle donner… Une pauvre folle qui entendait des voix inexistantes mais qui semblait avoir perdu la sienne. Sans doute était-ce le manque de sommeil qui lui causait de pareils maux, en plus de cette absence qui la rongeait. Il devait s’en murmurer des choses dans ces couloirs, et que dire de l’extérieur ? Elle n’était point sortie dans les rues de Tyrosh depuis que sa mère s’en était retournée aux flots.

Arrivée à la chapelle, Talya fut accueillie par cette odeur si caractéristique d’herbes et de cire. Une odeur que la jeune femme trouvait curieusement rassurante, apaisante dans son cas. Machinalement, Talya ôta ses sandales, les laissant non loin de l’entrée. Sans doute était-elle absorbée par ses propres pensées, étant donné qu’elle ne remarqua même pas qu’une autre personne avait déjà fait de même. Entrant la tête toujours baissée, la jeune femme entreprit de prendre un peu d’eau salée dans l’une des coquilles prévues à cet effet. Alors qu’elle tapotait délicatement le bord de la coupelle pour en ôter le surplus de liquide, un chant grave retentit derrière elle, messager d’une autre présence en ces lieux. Surprise, la jeune femme en lâcha le petit récipient qui tomba sur le sol, éclaboussant ses pieds et brisant l’harmonie qui animait ce lieu sacré parmi tous.

« Talya ? Je ne pensais pas te trouver ici à cette heure…
- Père… Je… Je reviendrai plus tard. Je m’excuse pour ce bruit que j’ai pu faire... »

Tout en bredouillant ces quelques excuses et de nouvelles, Talya s’était baissée, accroupie même, récupérant la coupelle mais ne pouvant chasser l’eau qui s’était écoulée et qui était en partie absorbée par l’étoffe de ses vêtements. Tout en tentant d’arranger les dégâts, la jeune femme ne pouvait que se maudire pour son esprit si paresseux. Comment avait-elle pu ne pas remarquer sa présence ? L’archonte n’était pourtant pas un homme qu’il était aisé d’oublier ou de ne point discerner ! Mais qu’est-ce qui pouvait bien lui prendre ? Pourquoi ses mains tremblaient-elles à ce point ?! Que lui arrivait-il ?!

« Talya, relève-toi et laisse donc tout cela. Nos Dieux n’en prendront point ombrage. »

Alors que la jeune femme s’échinait encore et toujours à nettoyer les dégâts dont elle était responsable, son père cessa net son geste, posant ses imposantes mains sur ses épaules. Ne sachant que faire, comme souvent depuis ces derniers jours, Talya se contenta de garder la tête basse, se recroquevillant légèrement sur elle-même. Tremblante, elle ne savait plus que faire. Son esprit était trouble, bien trop trouble. Et pourtant, sans doute donnerait-elle tout pour qu’il lui redevienne clair et que cesse cette macabre voix.

« Père… Aidez-moi à me relever, je vous en supplie… » bredouilla la jeune femme, bien que ne sachant pas elle-même si ses jambes seraient à même de supporter son poids.

Sans doute eut-elle une courte absence car la jeune femme n’eut aucun souvenir de la manière dont elle se retrouva debout, son père la maintenant désormais sur ses jambes tremblantes en gardant ses mains sur ses épaules. Sans doute échangèrent-ils quelques mots, leur première conversation depuis un long moment déjà. Sans doute laissèrent-ils tomber les artifices propres à leur rang pour n’être plus qu’un père et sa fille réunis dans la même peine, priant ensemble ce Dieu qui devait veiller sur cet être qui leur était si cher.

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