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Clarysse avait entendu les festivités de sa chambre. Rires, silences et doutes, ce mariage aurait procuré bien des états. Pour la jeune Bieffoise, il s’agissait de l’anéantissement.
Son propre mariage, elle l’avait vécu comme dans un rêve ; une forme irréelle de son mode de pensée. Elle avait récité ses vœux machinalement, comme un geste mécanique et vain. Jamais, elle n’aurait pu s’imaginer la Mère observant cette mascarade. Tout avait été trop grand : son nouveau château de Midburg, l’assemblée, où même la suzeraine avait été présente, les célébrations et le comble avait été son époux. La blonde s’était sentie telle une poupée vide, un pantin avec lequel on jouait. La cape protectrice qu’Ethan Varnier avait posé sur ses épaules avait été bien trop lourde et trop riche, de par cette hermine qui la fourrait. Tout ce faste pour quelque chose qui demeurait un non-lieu dans l’esprit de la jeune Bieffoise.

Clarysse avait souvent rêvé à la vie qu’elle désirait embrasser. Très pieuse, jamais elle n’avait imaginé s’éloigner de cet idéal « d’épouse ». Sa famille et ses frères représentaient tout pour elle qui vivait dans son monde imaginaire, au milieu des fleurs d’Herbeval. Son malheur aurait été d’avoir été si heureuse durant les années de son enfance, que la réalité l’avait rattrapée tel un choc thermique qu’on ne pouvait vivre qu’une fois ; un traumatisme sans nom qui change à jamais le regard sur le monde. On dit que lorsqu’on connaît un malheur, on ne peut plus être heureux comme à la première fois : la grande désillusion.
Quitter Herbeval lui avait semblait impossible après la mort de ses parents. Elle avait voyagé dans le Bief, mais elle savait que sa place était dans son fief ; un fief qui même en hiver arrivait à avoir des fleurs du froid. Alors, si elle devait quitter l’âge de l’enfance, qu’elle avait fait durer jusqu’au-delà de sa vingtième année, elle se voyait le faire avec un bout de ce bonheur perdu. Il existait en la personne de Tavish Cafferen.
Comment s’imaginer passer le restant de ses jours dans un endroit qu’on n’aime pas, recluse dans la plus terrible des solitudes ? Comment laisser un inconnu avoir accès à son corps qui avait tant servi à jouer, danser ou courir, dans la plus tendre des innocences ? Comment envisager que Tavish Cafferen ne serait jamais le compagnon de toujours de sa vie et que le destin était désormais scellé ?

Bourgfaon n’avait plus la même saveur que durant ses jeunes années. Elle ne reconnaissait plus cet endroit où les de la Nouë et les Cafferen liaient leur amitié. Elle voyait ces appartements dans un château qu’elle connaissait bien avec un regard étranger. La Bieffoise se sentit de nouveau désemparée. On ne pouvait pas revenir en arrière et cela lui serrait le cœur.
Les rêves étaient brisés.
Clarysse avait envie de partir, mais rien ne suscitait chez elle l’apaisement. Plus rien ne lui donnait une impression de refuge. Son sentiment de solitude s’exacerba. Elle se tourna dans la couche, dans laquelle elle s’était réfugiée. Son visage strié par les larmes regardait le plafond nu sans le voir. Qu’allait-elle devenir si elle ne pouvait même pas espérer une étreinte de celui qu’elle avait toujours désiré d’embrasser en secret. Qu’est-ce qu’il l’en avait empêché ? Son statut… Bien entendu, Clarysse en avait conscience. Elle restait en partie fautive dans cette histoire. Son rêve d’épouser le compagnon de jeu de son grand-frère s’était formé au gré d’une correspondance. Auparavant, conditionnée par ses cousines d’Hautjardin et son éducation, elle répétait qu’elle espérait un mariage avec un preux chevalier ou un riche héritier. Quelle futilité ! Elle s’en mordait encore les doigts et se recroquevilla dans sa couche. Un sanglot fit trembler son corps. Des rires avinés parvinrent jusqu’à ses oreilles.
Puis Elbois… Même lui l’avait trahi dans cette entreprise, alors que Tavish portait désormais un nom, il avait préféré précipiter le mariage de la fille aînée des de la Nouë. Pourtant, Clarysse n’était pas dupe, elle savait qu’elle était restée longtemps célibataire pour que son frère puisse faire croire quelques espoirs à des jeunes nobles. Espérer un mariage avec la sœur du seigneur d’Herbeval rendait plus doux en affaire, surtout qu’Elbois n’en avait qu’une. Alors, pourquoi tant de précipitation et la marier à un Varnier de Midburg… Le pouvoir ? Encore ? Les dieux étaient si cruels.

Elle entendit tout d’abord Mia, la femme d’Elbois, rentrer dans la chambre. Puis, se fut le tour de ses frères. Les de la Nouë étaient réputés pour leur droiture et leurs convenances, Clarysse était persuadée qu’aucun de ses frères n’avaient abusé du vin et que cela expliquait qu’il rentrait également avant la fin de la fête. Ou était-ce cette gêne par rapport à la religion des Cafferen ? Les limites de la tolérance de ses fraternels, la nouvellement Varnier la connaissait bien. Même elle, malgré son amour pour le preux Tavish, avait trouvé quelque chose d’effroyable dans cette cérémonie païenne. Cependant, elle se trouvait trop chagrinée pour penser à cette réalité. L’antagonisme entre les de la Nouë et les Cafferen se creusaient davantage chaque jour et cela rendait mélancolique la Bieffoise.
Elle dormit peu. Enfin, elle ne le savait même pas. Cela faisait tant de jours que les pensées ne se taisaient plus.

***


Le jour se levait clair. Comme si le feu avait chassé la brume hivernale et offrait aux nouveaux mari et femme la vision d’un renouveau. Cernée, Clarysse ne releva pas la remarque de sa belle-sœur, Mia, anciennement Mullendore. Elle resta de marbre, dans sa pâleur fantomatique. Comme à son habitude depuis quelques temps, elle refusa le déjeuner et demeura dans la chambre qui leur avait été assignée. Elle regardait de temps à autre le cadavre qui lui servait de reflet. D’ici peu de temps, elle devrait rentrer à Midburg. Qu’allait-elle pouvoir dire à son époux qui l’avait envoyé à Herbeval se faire une santé ? Clarysse sentait encore cette boule au ventre qui la pesait. Elle craignait tant l’avenir ; même le proche.
Quand sa famille remonta et s’afféra à plier bagage, la Bieffoise ne supporta plus le monde autour d’elle et l’agitation. Tout cela lui faisait tourner la tête. Elle se saisit du manteau blanc, fourré d’hermine, signe de sa provenance de Midburg, et prétexta un malaise pour sortir. Elle vit le regard de Mia de la Nouë suivre ce manteau qui semblait trop riche pour le corps squelettique de la blonde. Clarysse avait franchi un autre monde, -ou milieu, - qui ne lui collait pas à la peau.

Dans les couloirs du château, elle réajusta avec négligence une broche qui remontait une partie de ses boucles blondes. Son visage pâle et creusé n’enlevait rien à la beauté candide qui hantait la de la Nouë, marque du fief complaisant dans lequel elle avait grandi. Sans artifice, mais bien couverte par ce manteau immaculé, elle prit la direction du septuaire. Elle se dit que c’était le seul endroit où elle trouverait le calme qu’elle recherchait. Une envie misanthrope l’habitait. Peut-être que si elle poursuivait ses prières, elle pourrait trouver une réponse à l’étrange journée du mariage de son amour de jeunesse ?

Fort heureusement, l’heure des de la Nouë restant matinale, malgré l’hiver et les festivités de la veille, elle se retrouvait seule dans le septuaire des Cafferen. Elle le connaissait bien et se dirigea donc machinalement vers la Mère. Elle n’avait d’yeux que pour la statuette modeste, mais réaliste, qui représentait la facette de la divinité que Clarysse avait tant espéré.
Un peu brusquement, comme si ce moment était tout ce qu’elle attendait depuis son réveil, elle s’agenouilla en position de prière. Des larmes s’abattirent contre les joux de la Bieffoise, silencieusement, alors que ses lèvres se mirent à remuer frénétiquement. Le cerveau épuisé, la blonde ne faisait plus attention aux alentours ni aux convenances. Elle agissait mécaniquement et dans le silence le plus complet. Elle avait clos ses yeux et semblait en parfaite communion.
« Ô Mère, aidez-moi à surmonter cette épreuve. Montrez-moi la voie pour abandonner ces sentiments pêcheurs et pour donner le bonheur à mon époux… » pensa-t-elle de toutes ses forces. Même si, entre ses paupières closes, le visage de Tavish se dessinait sans qu’elle ne puisse rien y faire.
Codage par Libella sur Graphiorum


@Shoren Cafferen
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« And if the birds are just all the words flying along, singing a song, what would they do ? If they just knew what they could do.  »
Mourantes, elles dansent, les flammes, et se reflètent dans les iris de la chevêchette perchée près de la chevêchette. Les bras enroulés autour de ses genoux, elle se tient là, immobile, observant ce dernier ballet des flammes. Bientôt, les serviteurs viendraient réanimer la braise. Bientôt, le château se réveillerait. Bientôt, il lui faudra affronter le premier jour du reste de sa vie, l'affronter lui, ce faon dont elle a fuit les draps il y a quelques heures déjà. Toute cette longue nuit durant, a-t-elle été incapable de trouver sommeil, si ce n'est quelques courtes somnolences. Pas en sa compagnie du moins. Pourtant, le faon n'a-t-il point été violent à son égard, bien loin de là même, s'est-il montré patient et sans doute également doux à son égard: car malgré toutes ces appréhensions et craintes qui avaient agitées son esprit et agités ses membres, n'a-t-elle point été aveugle aux effort qu'a fait le faon dans l'espoir de parvenir à l'apaiser. Certes, ces efforts n'ont-ils point été couronnés de succès, la crainte de l'inconnue ayant accompagnée la chevêchette à chaque instant, et pourtant... pourtant, elle lui est reconnaissante d'avoir du moins cherché à lui rendre cette étape plus facile. Et peut-être est-ce grâce à ces intentions du faon que cela a été moins horrible qu'elle ne l'a imaginé. Du moins, cela a-t-il été bien moins douloureux qu'elle se l'est imaginée après avoir reçu les confidences des femmes-chouettes. Non, la douleur, elle pourrait vivre avec, n'est-elle point si forte. Mais bien plus difficile à accepter pour la fière fille des chouettes est ce sentiment d'être salie, utilisée, en entendant le Cafferen aux armes récemment ressoudées visiblement apprécier cette étreinte! Cela a été si... rabaissant. Au point qu'elle n'a point pu le regarder de nouveau dans les yeux une fois la besogne effectuée, se contentant une fois le faon décollé d'elle de remonter ses draps pour voiler sa nudité. Et une fois le faon endormi, s'est elle faufilé du lit pour se vêtir en silence - et depuis, est-elle assise ici, ne pouvant se convaincre de retourner sur cette couche qu'elle doit désormais partager avec le faon. Pas tant que la preuve de son pêché teinte encore les draps de rouge. Car plus encore que la perte de son pucelage, c'est cette unique question qui la peine: les Sept se montreront-ils magnanimes à son égard, ou devra-t-elle sentir leur colère pour s'être ainsi adonnée à un homme ? Un homme dont, aux yeux du monde peut-être, elle porte le nom depuis quelques heures, mais qui, aux yeux des Dieux, n'est point son époux ? Et comment pourrait-il l'être, après cette dégradante facétie qu'a été la soit-disant cérémonie scellant leur union ? Cela a été si humiliant que de se tenir là et de devoir écouter le charabia d'un charlatan de rouge vêtue -  devant sa famille de plus est. Et si cela n'a point été assez humiliant déjà, il a également fallu qu'il y ait dans l'assemblée sans doute un des plus influents hommes du Royaume, ou du moins un qui un jour le deviendrait. Plus humiliante peut-être même que cette seconde partie, plus intime, de la cérémonie qui a suivie plus tard, une fois la lourde porte de bois menant à la chambre conjugale fermée derrière le si récent couple. Et à cette pensée, une fois de plus, la chevêchette mords sa lèvre, tentant ainsi de contrôler déception et honte qui menace de lui faire monter les larmes aux yeux. Mais elle refuse de pleurer. Pas ici. Pas maintenant. Pas pour quelque chose que tant d'autres femmes ont déjà traversé. Elle est plus forte que cela. Elle est une chouette de Bosquebrume, et elle compte bien faire honneur à ce nom qu'a été le sien depuis sa naissance - bien que la journée de hier l'a privé également de ce dernier. Et face à ces réalités qui la heurtent de plein fouet, face à toutes ces craintes de devoir désormais partager une vie avec une homme qu'elle ne connait point, mais au sujet duquel elle a entendu des paroles si peu flatteuses, elle a l'impression d'étouffer, la chevêchette. Elle a besoin de sortir de cette pièce. Avant que le faon ne se réveille et qu'elle doit lui faire face. Avant que des domestiques ne soient envoyés avec pour humiliante tache de recueillir les draps pour preuve de la consommation de ce mariage.

Délicatement, la cadette des chouettes se redresse et entreprend d'enfiler une de ses plus simples robes, une des rares qu'elle est en mesure de fermer elle-même. Mais à peine attrape-t-elle la cape épaissement fourrée pour se protéger du froid hivernal l'attendant dehors, un bruit provenant de la couche commune la fait sursauter. Inquiète, c'est au-dessus de son épaule qu'elle regarde, la chevêchette, alors que sur la pointe des pieds perchée, elle quitte cette chambre qu'elle devra apprendre à appeler sienne, laissant derrière elle le faon au sommeil agité.

Bientôt, le neige crispe sous ses pieds et le glacial vent hivernal caresse son visage marqué par le manque de sommeil, et pourtant, continue-t-elle à marcher dans la cour, dans but visible. Encore et encore tourne-t-elle en rond, ralentissant, hésitant... uniquement pour entamer un autre tour. Elle sait où elle veut aller. Elle sait ce dont plus que jamais, elle a besoin à ce moment précis. Et pourtant, à chaque fois qu'elle s'approche de son but, ses pas ralentissent jusqu'à arrêter. Y a-t-elle encore le droit de s'y rendre? Elle qui a pêché en s'allongeant avec un homme qui n'est point son époux aux yeux des maîtres de ces lieux, comment peut-elle espérer être la bienvenue ici ? Et à chaque fois que ses pas la ramène à cette petite septe, une voix semble lui souffler comment elle pouvait avoir l'audace de venir ici, alors qu'à ce moment précis, elle pourrait déjà porter en elle l'enfant du faon. L'enfant d'un adorateur des flammes. L'enfant d'un homme à double face...

Elle déglutit, la chevêchette, tentant de bien rapidement chasser cette idée de son esprit, alors que ses mains resserrent d'avantage les fourrures autour de ses frêles épaules. A ce futur, elle n'a nullement envie de penser. Elle veut juste oublier. Oublier cette réalité qui, pour l'instant encore, ressemble à un mauvais rêve duquel elle ne peut se réveiller. Frottant de ses mains ses yeux fatigués, profondément elle inspire, la chevêchette... avant de finalement rassembler son courage. Lentement, elle s'ouvre, la lourde porte de la septe, grinçant, protestant bruyamment contre le manque de fréquentation qu'elle a pu depuis que la folie rouge ne sévisse à Bourgfaon. Ou proteste-t-elle contre la présence d'elle, la chevêchette? Non, ce serait folie que de croire cela, n'est-ce pas ? Lentement, elle avance, la chevêchette, hésitante. Vers quel visage des Sept peut-elle se tourner désormais ? Toujours, ses prières se sont adressées à la Jouvencelle... mais comment peut-elle espérer être assez méritante pour s'adresser au plus pur des visages divins ? Mais alors que la petite chouette se tient toujours là, hésitante, un courant d'air met à mal les quelques bougies éclairant ces lieux. Sous les flammes vascillantes, la si jeune mariée rapidement referme la lourde porte derrière elle - et ce n'est qu'une fois que cette dernière une fois de plus ne rompe le silence de part son grincement que son regard ne tombe sur une silhouette pourtant uniquement à quelques pas d'elle.

« Je... je suis désolée. Je ne voulais pas interrompre votre prière - je ne vous avais pas vu. » murmure-t-elle à voix basse, ne souhaitant point interrompre d'avantage la prière de cette inconnue qui, pour l'instant encore, lui tourne le dos. « Cela vous gênerait-il si je me joins à vous ? » demande-t-elle, d'une voix hésitante, alors que son regard fatigué se perd sur l'effigie de la mère. N'est-ce point là la déesse à laquelle elle est désormais censée adresser ses prières ? Et pourtant, pour la première fois de sa vie, semble-t-elle incapable de prier: comment peut-elle demander courage aux Sept, alors qu'au fond de son cœur, elle sait qu'elle ne mérite point leur bénédiction ? Et pourtant, s'agenouille-t-elle, espérant  dans la présence de cette étrangère trouver réassurance et courage pour oser s'adresser aux Sept, elle qui est si peu méritante de leur attention.
(c) DΛNDELION