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Si la vie doit continuer, les leçons aussi [Marthe & Mestre Ormund]

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Si la vie doit continuer, les leçons aussi [Marthe & Mestre Ormund] Marthe11Si la vie doit continuer, les leçons aussi [Marthe & Mestre Ormund] Ormund11SI LA VIE DOIT CONTINUER, LES LEÇONS AUSSI
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Seul le Nord pouvait offrir le spectacle qui s'offrait au regard du Mestre, quant à lui plongé dans ses réflexions. Une lumière éclatante traversait la fenêtre à meneaux, s'étendant du sol jusqu'au bureau. Cette lumière avait la particularité d'être froide, ce que le vieil homme appréciait tout particulièrement. Avec le temps, il s'était habilité à cette région et avait appris à en aimer ses particularités ainsi que sa population. Les Mormont était une famille formidable et qui représentait en ce jour bien plus que sa propre famille dont il avait renoncé au nom. Bien qu'il ne portait pas le nom de Mormont, il se considérait comme l'un d'eux. Il avait assisté à bon nombre des naissances de cette maison et avait vu grandir chacun d'entre-eux. Depuis bien longtemps maintenant, il vivait à leur rythme. C'est pour cette raison qu'il était tout autant affecté par la mort de Maege.

Sa douleur était grande et une rage ne cessait de le consumer de l'intérieur. Il avait toutefois conscience que son rôle n'était pas de s'apitoyer sur son sort. La famille Mormont souffrait peut-être davantage que lui et il était de son devoir de garder la tête froide pour mettre de l'ordre en l'esprit de chacun. Il se devait de rester imperturbable. Il avait bien failli perdre la raison, il devait l'admettre. Après tout, il n'était qu'un homme et âgé qui plus est. Mais il se savait fort, cela avait toujours été. Il était leur mestre, mais son engagement allait bien au-delà. Par amour qu'il leur portait, il souhaitait plus que tout être leur soutien d'autant plus qu'il leur fallait avoir à leurs côtés un homme aux sages conseils.
Ses décisions n'étaient jamais prises à la légère. Il prenait soin de toujours réfléchir avant de parler et notamment aux conséquences que pouvaient avoir ses mots et ses faits. C'est pour cette raison qu'il pouvait parfois paraître dur, mais ses intentions étaient toujours bonnes. Peu lui importait que cela se sache, peu lui importait de paraître gentil et bon du moment que ses intentions fructifiaient.

Et ce matin là, Mestre Ormund avait la ferme intention de venir en aide à la petite Marthe. Celle-ci semblait tout particulièrement affectée par les tragiques évènements ayant marqués la famille Mormont. La mort de Maege était un coup, très dur et personne n'avait été épargné par la douleur de sa disparition. Mais la petite Marthe avait également vu son père, Edrick gravement blessé et cela avait été une blessure supplémentaire pour elle.
Elle n'était qu'une enfant et il était par conséquent tout naturel pour elle d'être en colère. La mort ne pouvait pas faire partie du monde conçu par un enfant pour qui la mort n'avait pas sa place. Et lorsque celle-ci survenait, cela allait à l'encontre de la nature et de la logique.
Le vieil homme souffrait déjà à l'idée de soigner Marthe d'une telle vision du monde et ainsi de l'arracher à sa profonde innocence. Mais cela était un service incontestable qu'il lui rendait. Elle ne pouvait grandir avec l'illusion que ce qu'elle aimait était hors de portée du danger.

Mestre Ormund se décida à sortir de sa chambre dont les éclats de lumière s'étendaient désormais jusqu'à sa tête de lit. Il passa sa chaîne autour du cou et partit en quête de la jeune fille. Elle avait beaucoup fait parlé d'elle ces derniers temps. Il l'avait surpris en pleine bagarre et en temps normal il l'aurait probablement grondé. Mais était-ce une période normale pour un enfant ? Bien-évidemment que non et c'est la raison pour laquelle il l'avait réconforté. Elle n'était pas responsable de ses actes, seule sa douleur l'était. Son entraînement avec Lyanna avait également mal tourné. La colère l'avait tout d'abord saisi quand il avait vu les deux jeunes filles se battre. Elles souffraient autant l'une que l'autre, elles étaient du même sang et voir une telle dispute entre elles l'avaient mis en colère. En réalité, cette colère était plus de la panique qu'une réelle colère. Il voyait les évènements lui échapper mais surtout sa propre impuissance. Il refusait de les voir souffrir et de voir éclater ainsi la famille Mormont. Mais ce n'était que des enfants. Il avait suffisamment réfléchi à la manière de leur venir en aide et il se pouvait que cela déplaise à une certaine petite dame.

Mestre Ormund se rendait donc sur le terrain d'entraînement, là où il avait le plus de chance de trouver Marthe. Il était fort peu probable qu'il la trouve à coudre ou bien à lire sagement. Il lui devait faire prendre conscience que la vie continuait, que le soleil continuerait également de se lever. Ce n'était pas une chose que l'on pouvait faire aisément comprendre à une enfant. Ainsi, il avait pris la décision de lui donner une leçon d'écriture. En effet, reprendre ses activités habituelles l'aiderait à réaliser que dans le fond, rien n'avait changé. Reprendre le cours normal de sa vie suffirait peut-être à lui faire prendre conscience que la mort était normale et tout à fait naturelle.
Toutefois, Mestre Ormund n'était pas dupe et se doutait bien qu'elle allait probablement s'insurger. Déjà qu'habituellement elle était peu prédisposée à ces activités, le vieil homme risquait de se confronter à un mur. Mais jamais un mur n'avait ni arrêté ni même résisté au mestre. Il était lui-même déterminé et cela suffisait amplement. Et au-delà de cette leçon personnelle, il comptait bien lui apprendre -enfin- à écrire correctement et ne pas jeter sur sa famille le déshonneur d'une mauvaise éducation, dont il était responsable.
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Mestre
Ormund

Marthe
Mormont

Si la vie doit continuer, les leçons aussi
   Il existe des règles très simples pour réduire au minimum les interactions avec un Mestre. La première, la plus importante, consiste à ne jamais commettre une erreur qui peut se propager jusqu'à ses oreilles. Il faut toujours respecter les règles et ne pas se faire remarquer. Et lorsque l'on décide de franchir la frontière qui sépare l'obéissance de la liberté, il convient alors de le faire à l'abris des regards curieux. La seconde, tout aussi importante, se résume à éviter de croiser le chemin de l'érudit. S'il ne vous voit pas, il ne peut pas vous attraper et vous imposer l'un de ses cours. C'est une règle de survie élémentaire que les petits animaux emploient pour échapper à leurs prédateurs. Il existe plusieurs manières d'échapper à la vigilance du vieil homme. La plus simple consiste évidemment à se cacher. Mais pour cela, il faut que l'environnement se prête à une partie de cache-cache. C'est que l'homme est malin. Et il arpente l'île depuis bien longtemps maintenant. Il connait la plupart des cachettes et Marthe s'en est bien rendue compte. Et à moins de se jeter au fond d'un puits, il vaut mieux partir du principe qu'il arrivera toujours à vous mettre la main dessus. La troisième règle consiste à trouver une excuse sincère pour échapper aux connaissances que les Mestres adorent vous enfoncer dans le crâne. C'est une technique qui ne peut être employée qu'en dernier recours et uniquement lorsqu'elle n'impose pas un quelconque mensonge. Car si Marthe est une rebelle, ce n'est pas une menteuse. Pas vraiment. Il lui arrive de déformer quelque peu la vérité mais jamais de l'occulter. C'est son point faible. Et le monstre sait très bien comment l'exploiter. La quatrième règle, elle, n'est plus d'actualité. Elle consistait à prier les Anciens Dieux pour que ces derniers acceptent d'écarter Ormund de son chemin. Mais les dieux n'existent pas. Et ils n'ont jamais été très efficaces pour la préserver de l'intelligence du Mestre. Ou alors, c'est qu'ils étaient de son côté...

   Mais depuis le jour où les Mormont ont appris la mort de Maege, le vieil homme n'est plus la principale crainte de l'Oursonne. Tout son dégoût s'est reporté sur Ramsay Bolton. Elle le hait tellement fort qu'elle ne peut plus accorder la moindre once d'antipathie à Ormund. Elle n'a plus vraiment envie de le faire. L'érudit a été une source certaine de réconfort et il semble qu'il ait oublié l'idée de l'enfermer dans une pièce pour lui apprendre la géographie, le nom et les blasons de Maisons dont elle ne croisera jamais les représentants ou encore toute autre chose inutile. Il a peut-être compris qu'elle sait déjà tout ce qu'elle a à savoir pour évoluer sereinement sur l'Ile aux Ours. Marthe ne voit plus en lui le monstre qu'il était avant depuis qu'il a sauvé la vie de son père et qu'il l'a épaulée quand Lyanna lui tournait le dos et qu'Alysane la fuyait. Il a gagné une certaine estime et la gamine s'est presque confortée dans l'idée que, désormais, elle n'aurait plus à subir le passe-temps favori du vieil homme : la chasse à la Marthe ! Aussi, lorsque Tom lâche un « Oh oh ! » au ton significatif, elle se rappelle aussitôt d'un temps où la principale menace dont il fallait se méfier n'était pas un écorcheur sanguinaire mais bien un vieillard affublé d'une chaîne. La gamine relâche aussitôt la pression qu'elle exerçait sur le coude de son ami et se retourne pour chercher la source du danger. Elle reconnaît trop bien la silhouette qui s'approche. Le regard de l'Oursonne dévie très vite sur les potentielles cachettes à sa portée. Il n'y en a aucune. Elle ne va pas quand même pas se cacher derrière l'un des pantins d'entraînement. C'est trop tard ! Mais peut-être qu'il ne l'a pas encore aperçue. Les ancêtres n'ont pas toujours une très bonne vue. Il se peut que celle du Mestre ait décliné au cours des dernières semaines. « Surtout, n'bouge pas ! Si on reste imm'biles y'a d'chances qu'y nous voit pas ! » Elle sent Tom frisonner. Il ne connaît pas particulièrement l'érudit mais il a souvent entendu Marthe se plaindre des sévices qu'il lui faisait régulièrement subir. Il a sûrement affilié les leçons distillées de par le vieil homme à de véritables séances de torture. Et il n'est pas très loin de la vérité. « J'viens d'me rapp'ler qu'j'dois aller aider mon père à trier l'poisson ! » Il détale aussi vite qu'un lapin, laissant l'Oursonne béate, sur place, avec un regard sévère tourné en direction du fuyard. Le lâche ! Mais elle ne peut pas vraiment lui en vouloir. Si leurs rôles étaient inversés, cela ferait déjà longtemps qu'elle aurait détalé.

   La gamine se rassure en se disant que, peut-être, Ormund n'est pas venue sur le terrain d'entraînement pour elle. Cet espoir s'envole au moment où elle constate qu'elle est la seule personne, dans les environs, qui soit susceptible de l'intéresser. Elle se mordille les lèvres puis fait un pas dans le direction du monstre avec la ferme intention de l'affronter comme une véritable Mormont. Et pourtant, lorsqu'elle arrive face à lui, elle n'arrive pas à prononcer autre chose qu'une phrase forgée par l'habitude. « J'suis innc'tente ! » Elle ne sait pas de quel crime il est venu l'accuser cette fois-ci mais elle est pratiquement certaine qu'elle n'a rien à se reprocher. À part, peut-être, le fait de ne pas l'avoir salué correctement. Elle corrige alors bien vite son erreur en lâchant un « Mais b'jour quand même ! » qui, elle l'espère, pourra très vite effacer la moindre trace de suspicion de l'esprit machiavélique dont est doté son aîné. Au final elle abandonne bien vite l'idée de livrer cette bataille qu'elle ne pourra  de toute façon pas remporter. Alors elle tente de continuer sa route comme si de rien n'était. Elle fait de son mieux pour ne courir tandis qu'elle le gratifie d'un « J'dois aller au v'llage pour m'ter la garde ! V'savez, au cas où les B'lton viendraient ! » Ce n'est pas tout à fait exact. Sa prochaine garde n'est pas avant des heures mais rien ne l'empêche de faire preuve d'un peu de zèle et de veiller davantage sur les villageois. Elle voit au loin Emeryck qui s'approche et elle lui décoche un sourire qui ressemble presque à un appel à l'aide. Il va sûrement pouvoir confirmer sa version en cas de besoin. Elle est sauvée. Mais le garde perçoit le duo et tourne aussitôt les talons. Le fourbe ! Il connaît assez Marthe pour savoir qu'elle aurait requis son soutien. L'Oursonne fait une grimace et continue de s'éloigner. Elle est foutue, c'est sûr ! Elle n'arrivera pas à échapper à l'érudit. Elle le sait déjà ! Mais sa candeur la pousse encore à croire qu'elle a une chance de s'extirper du piège qui s'est déjà refermé sur elle.
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Quelle satisfaction que de voir qu'il ne s'était pas trompé quand il avait pensé trouver la jeune fille sur le terrain d'entraînement. C'était là encore une preuve que la connaissance était supérieure, car elle seule permettait de parvenir à ses fins, comme il venait de le faire. Lorsqu'il était arrivé, il lui avait toutefois cru voir un enfant s'enfuir et avait craint un instant que ce soit celle qu'il recherchait. Mais Marthe était bien là, sur place et semblait ne pas savoir quoi faire comme paralysée par le doute. Intérieurement, il sourit de la voir ainsi. Il la connaissait suffisamment pour se douter qu'elle cherchait une solution pour se sortir d'une situation dont elle ignorait tout.

Avec contentement il l'écouta tout d'abord s'excuser avant de lui dire bonjour. Encore une fois il ne s'était pas trompé, il craignait ses remontrances qui pourtant n'avaient pas lieu d'être. A la voir ainsi sur la défensif, il pensa un instant qu'elle avait peut-être quelque chose à se faire pardonner. Mais c'était bien là une réaction peu surprenante de sa part. Elle le craignait tellement qu'elle anticipait des conflits inexistants.

« Bonjour jeune fille, dit-il en lui adressant un sourire. Dites-moi... pourquoi soulignez-vous votre innocence ? Il ne me semblait pas que la raison de ma visite était de vous réprimander, auriez-vous quelque chose à me dire que j'ignore ? »

Il gardait un air calme tout en continuant de sourire. La réaction de la jeune Marthe l'amusait vraiment et il éprouvait un certain réconfortant de la voir garder son naturel. Peut-être était-ce là le signe d'un bon état. Il venait en quelques mots d'obtenir en partie ce pour quoi il la recherchait, à savoir si elle se sentait bien. Néanmoins, il ne comptait pas en rester là, il avait également anticipé une probable tentative d'esquive, ce qu'elle fit sur le champ. Ainsi, elle se devait de monter la garde dans l'éventualité où Ramsay viendrait. Elle ne manquait vraiment pas d'imagination en plus d'être consciente des événements. C'était un excellent point, elle ne semblait pas plongée dans une illusion bien que cela signifiait une certaine perte de son innocence.

« Voilà une mission bien périlleuse pour une jeune femme telle que vous, mais je suis certain que vous la réaliserez avec succès ! » Il plia douloureusement les genoux qui craquèrent sous l'effort. Maintenant qu'ils étaient à hauteur égale, il plongea son regard dans le sien et décida de jouer un peu avec elle à son tour. « Puis-je me permettre de vous confier quelque ? Demanda-t-il sur le ton de la confidence. Je suis venu jusqu'à vous avec l'idée de faire de vous une vraie adulte. Mais... je comprends tout à fait que vous ayiez des priorités et je manquerais à ma fonction de vous en arracher, bien évidemment. »

Il se releva alors, faisant de nouveau craquer ses genoux sans toutefois témoigner le signe d'une quelconque gêne. Il espérait bien que Marthe soit poussée par sa curiosité et revienne jusqu'à lui de son plein gré. Après tout, elle n'était qu'une enfant et ce qui lui faisait grandement défaut, comme à tout enfant, était sa curiosité. Certains y verraient peut-être du vice dans sa manière de faire, mais lui ne voyait qu'un stratagème lui permettant d'obtenir ce qu'il voulait.

Le terrain d'entraînement était toujours vide. A deux reprises, un enfant était venu (peut-être pour jouer avec Marthe), mais la voyant en la compagnie du vieil homme, il avait préféré repartir. C'était très bien ainsi, le plan du mestre ne tenait qu'à la curiosité de Marthe et si quiconque venait détourner son attention, tout cela n'aurait alors servi à rien. Il commença donc à repartir, quittant peu à peu le terrain d'entraînement.

« Je vous laisse, sachez toutefois que je reste à votre disposition pour... quoique ce soit ! » Il marchait lentement, déjà parce que son corps ne lui permettait pas de courir mais aussi parce qu'il voulait être sûr de laisser suffisamment de temps à Marthe de revenir vers lui. En attendant sa réaction, il plongea la main dans l'une de ses profondes poches et en saisit un parchemin qu'il avait pris sur son bureau avant de venir la rejoindre. Rien ne pouvait assurer qu'il en ferait usage, mais il avait malgré tout l'intuition que ça lui serait utile d'ici peu de temps. Très exactement, le temps pour Marthe de réfléchir et prendre une décision.
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Mestre
Ormund

Marthe
Mormont

Si la vie doit continuer, les leçons aussi
   La gamine racle la terre du bout de sa botte lorsque le Mestre lui demande pourquoi elle précise qu'elle est innocente. C'est vrai que les personnes qui ne font pas de bêtises ne se sentent pas obliger de prononcer ce genre de phrases. Une jolie teinte cramoisie commence à envahir ses joues tandis qu'elle baisse le regard pour apporter une soudaine attention à l'un des cailloux qui jonchent le sol. « J'pensais qu'vous v'liez m'ccuser d'un truc alors j'ai p'sé qu'fallait mieux v'dire qu'j'ai rien fait ! » Il est vrai qu'elle est passée aux cuisines, un peu plus tôt, pour soulager le garde-manger de quelques tartelettes. Mais elle ne croit pas que ce soit véritablement un crime. Quelque part la nourriture stockée dans le donjon familiale lui appartient aussi un peu. Mais on ne peut être sûre de rien avec un Mestre. Ces gens-là voient des délits un petit peu partout. Ils s'offusquent pour des choses étranges. Marthe suppose que c'est parce qu'ils ont été traumatisés à la Citadelle. Peut-être qu'ils étaient punis pour un rien, là-bas. Un jour, elle le questionnera sur le sujet. Mais pour l'instant elle entend surtout le fuir comme la peste en espérant qu'il ne se mettra pas en tête de la courser à travers toute l'île. Pour une personne d'un âge vénérable, force est de constater qu'Ormund est sacrément résistant. C'est sûrement parce que le rude climat du Nord forge les corps pour les rendre plus résistants !

   En tout cas le vieux Mestre parvient à obtenir encore un peu de son attention lorsqu'il la qualifie de jeune femme. Le regard de l'Oursonne se teinte d'une certaine fierté. D'ordinaire on lui rappelle qu'elle est toujours une enfant alors que l'intéressée, elle, sait bien que ce n'est pas le cas. Un peu surprise par une telle considération, la gamine décide donc de marquer un temps d'arrêt dans sa tentative de fuite. Il vient quand même de lui accorder sa confiance quant à sa capacité à protéger l'île. Ce n'est pas rien ! Et puis lorsque l'érudit lui demande s'il peut lui confier quelque chose, Marthe lui accorde définitivement son intérêt. Il va lui dire un secret, c'est certain ! Elle adore ça, les secrets ! Ils se résument souvent à des histoires amusantes ou honteuses. « En fait c'vous qu'avez fait une b'tises, c'ça ? » Elle espère tellement qu'il lui réponde par l'affirmative. De mémoire, le Mestre n'a jamais commis le moindre impair. Il est juste parfait. Trop parfait ! Marthe soupçonne bien l'existence de choses peu glorieuses à son sujet mais elle n'a jamais eut la preuve que sa défiance était justifiée. Peut-être que c'est le grand moment ! Le regard avide de curiosité, elle se rapproche du vieillard en espérant que ses efforts seront largement récompensés. Elle n'ira pas jusqu'à le faire chanter mais peut-être qu'en échange de son silence, elle pourra exiger qu'il abandonne l'idée de lui apprendre des choses. Ce serait si... plaisant ! Et sûrement trop beau, aussi ! Elle obtient très vite la confirmation que ses espoirs étaient bien déraisonnables et qu'il ne lui avouera pas ses crimes. Il conserve toutefois son intérêt. Vient-il de lui dire qu'il avait en tête une idée pour faire d'elle une vraie adulte ? L'idée est parfaitement séduisante. Toutefois son ego décide de compliquer un peu les choses. La gamine croise les bras et jette un regard équivoque à son aîné. « J'vous f'rais r'marquer qu'j'suis d'jà une vraie adulte, d'bord ! » Elle le défie presque d'arguer le contraire quand bien même elle reste consciente que c'est lui qui a raison et qu'elle est encore une enfant. Du moins, que les autres la considèrent comme telle. Mais Ormund semble se satisfaire de sa réponse puisqu'il commence à s'en aller. L'Oursonne le regarde faire tandis qu'un violent dilemme se manifeste dans ses pensées. Qu'est-ce qu'il comptait lui faire faire ?

   Marthe observe l'entrée du mur d'enceinte puis l'érudit qui s'éloigne lentement. Son regard oscille entre ce qui symbolise la liberté et ce qui incarne désormais l'objet de sa curiosité. Elle soupçonne l'existence d'un piège. L'homme a abandonné la partie bien trop vite. C'est parfaitement louche ! De longues secondes s'égrainent puis Marthe lâche un long soupir qui mêle agacement et résignation. Elle se met alors à trottiner en direction du Mestre avec l'étrange impression de se jeter volontairement dans la gueule du loup. Du Mestre, en l'occurrence. « Eh ! Mestre 'rmund ! 'ttendez ! » Elle le rejoint aisément et se plante devant lui pour l'empêcher d'aller plus loin. Elle essaie de deviner une quelconque trace de duplicité sur le visage ridé mais n'y parvient pas. Soit il est très fort - et elle sait qu'il l'est - soit il est parfaitement sincère. « J'tiens à dire qu'j'reste une vraie 'dulte mais par c'riosité, j'me d'mandais... V's'avez quoi d'rrière la tête ? » C'est bien là tout le coeur du problème : il est très difficile de savoir quel genre d'idée tordue peut bien prendre place derrière ces yeux chargés de ce truc que l'on appelle la sagesse.
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Plus il marchait et plus il craignait que son stratagème n'échoua. Il continua néanmoins à avancer, toujours aussi lentement tout en tripotant le morceau de parchemin qu'il tenait dans l'une de ses mains. Il était pourtant convaincu que cela allait fonctionner car Marthe allait nécessairement céder face à la curiosité. Ce n'était qu'une enfant ! En attendant que cela produise, car ça allait se produire il se mit à rire en pensant à sa réaction qu'il n'avait pas anticipé. Cela démontrait encore une fois que l'esprit était faillible et que le doute n'était jamais à exclure. Etait dans l'erreur celui qui ne doutait pas. Peut-être était-ce une bonne chose finalement qu'il douta de son stratagème.

Mais la jeune Marthe l'appela et c'est à ce moment qu'il sut qu'il avait remporté la victoire. Car maintenant qu'elle était tombée dans le piège elle ne pourrait plus en sortir bien qu'il allait lui laisser encore un moment croire le contraire. C'était là son unique moyen de parvenir à ses fins tout en incitant Marthe a assumer ses responsabilités. Il avait bien souvent contraint la jeune fille à se mettre à ses leçons. Toutefois, il était conscient qu'en agissant ainsi c'est-à-dire sous la contrainte, il avait peu de chance de transmettre des connaissances à Marthe.
C'est pour cette raison qu'il lui réservait encore une petite surprise.
Entendant Marthe courir vers lui, il arrêta sa marche et patienta tout en continuant de lui tourner le dos. Elle vint se placer face à lui et le dévisagea. Il ne laissa toutefois rien paraître, outre de la surprise qu'il simula pour jouer son rôle jusqu'au bout.

« Être curieuse ne fait pas de vous une enfant. » Lui expliqua-t-il. Marthe semblait croire que la curiosité était exclusivement réservée à l'enfant. Il comprenait bien qu'elle imaginait qu'un adulte ne devait pas se montrer aussi curieux. La leçon allait pouvoir commencer dès maintenant. « Au contraire, la curiosité est une qualité qu'il vous faut préserver. Elle est mère de l'interrogation ! Et il se trouve, par chance que c'est en s'interrogeant que l'on obtient des réponses et qu'on peut trouver la vérité. » Il s'interrompit car il connaissait suffisamment Marthe pour se douter qu'elle allait finir par se lasser de ses grands discours. Il devait y aller plus subtilement et ne pas l'assommer d'un discours trop long. La seule façon qu'il avait de la maintenir attentive était de la faire parler. « Dîtes-moi, pensez-vous que celui qui ne s'interroge pas peut connaître ? »

Sur ces mots, il s'autorisa enfin à faire demi-tour. Il n'avait plus aucune raison de feindre de partir. Il sortit alors le morceau de parchemin qu'il tenait toujours à la main et le déroula pour le lui montrer. Celui-ci était vierge. Il le déposa sur un rebord de muret à hauteur de Marthe et y déposa également une plume ainsi qu'un encrier. Tout était désormais en place et il ne lui restait plus qu'à lui expliquer ce qu'il attendait d'elle.

« Installez-vous si vous le voulez bien et prenez cette plume. J'ai fait la promesse de faire de vous un adulte, n'est-ce pas ? » Il s'interrompit le temps de préserver la curiosité de Marthe qu'il pouvait perdre à tout instant. Bien évidemment, il en avait conscience. Il ne fallait pas précipiter les choses sans quoi le piège n'allait pas prendre, mais il ne fallait pas faire durer trop longtemps sans quoi elle se lasserait et décamperait sans la moindre hésitation. Ce qui lui était autorisé du fait qu'elle était là de son propre gré. Mais c'était justement parce qu'elle était là de sa propre volonté que ça pouvait fonctionner.

« Ma proposition est la suivante. Comme une adulte, vous allez avoir des responsabilités. Je sais que vous êtes une enfant intelligente et que vous n'ignorez pas que les adultes ont des responsabilités. » Il lui lança un regard interrogateur, l'incitant à approuver mais avant tout à prendre conscience que si elle voulait être traitée comme une adulte, elle allait devoir assumer ses responsabilités. « Je vous laisse la liberté de me rédiger une phrase. Celle de votre choix, bien entendu. Si celle-ci est correcte et ne comporte pas de faute, vous serez libre de vous passer de votre leçon du jour. Toutefois, si vous faîtes la moindre faute, vous assumerez la responsabilité de remédier à cela en m'accompagnant pour votre leçon... »

Désormais il avait joué toutes les cartes qu'il avait en main. Marthe allait tout de suite comprendre où était le piège, du moins le pensait-il. Pour achever de la persuader, il ajouta donc d'un sourire comme pour se défendre. « Je n'ai jamais vu un adulte responsable et indépendant faire des fautes ! »
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Mestre
Ormund

Marthe
Mormont

Si la vie doit continuer, les leçons aussi
   Elle est bien d'accord avec lui lorsqu'il argue que la curiosité ne fait pas d'elle une enfant. Elle trouve même que son intérêt pour les choses de la vraie vie, celle qui ne se trouve pas résumée dans les livres poussiéreux du vieil homme, est une force. L'Oursonne espère qu'elle parviendra à sauvegarder son émerveillement pour le monde qui l'entoure. Ou, du moins, elle l'espérait. Il semble maintenant évident que le monde a perdu de sa saveur et que ses secrets ne sont plus aussi attrayants qu'ils l'étaient par le passé. La mort de la Mère des Ourses a terni l'idyllique tableau de son existence, c'est un fait. L'enfant est moins pressée d'arpenter la forêt de l'île pour y faire des découvertes. Et lorsque ces dernière s'imposent à elle, elle ne les accueille plus avec le même enthousiasme qu'autrefois. Elle sait qu'elle ne pourra plus retrouver l'innocence emportée par le chagrin ou la vérité. Toutefois, maintenant, elle se sent prête, suffisamment forte, pour tenter de préserver la part d'enfance qui lui reste. Elle va s'y accrocher de toutes ses forces. Comme un dornien à une maison close ! Et elle est bien contente que le Mestre approuve cette façon de faire. Il l'encourage, même. Marthe plisse les yeux et garde le silence en attendant que le piège se referme sur elle. Mais... rien. Est-ce qu'ils sont vraiment du même avis ? La gamine est décontenancée. Et davantage encore lorsqu'il lui pose une question assez complexe. Il la considère vraiment comme une adulte, alors, s'il l'interroge de cette manière. Elle bombe la poitrine et s'accorde un instant de réflexion. Oui, elle est d'accord avec Ormund. Mais par principe, elle va tenter de lui donner tort. L'habitude, l'habitude...  « J'pense pas qu'on ait très b'soin d's'int'rroger sur l'choses pour p'voir c'onnaître, comme v'dites ! » La formulation de sa phrase lui semble étrange et elle n'est pas certaine que cette dernière soit bien compréhensible. Parler le Mestre n'est pas une mince affaire. Marthe parle avant tout le gueux ! C'est plus simple et quand même plus sympathique dans la mesure où l'on a pas besoin de prononcer toutes les lettres. La plupart semblent bien inutiles d'ailleurs puisque, en général, les gens comprennent ce qu'elle essaie de dire. « J'me suis j'mais vr'ment d'mandée c'que ça f'sait d'perdre quelqu'un qu'j'aime et... » Elle s'interrompt quand une boule se forme dans sa gorge. Parler du décès de sa grand-maman reste une épreuve difficile. À chaque fois qu'elle prononce son nom, à chaque fois qu'elle évoque son absence, la douleur se ravive et un puissant sentiment d'injustice surgit pour l'engloutir dans des pensées moroses. « J'ai appris d'choses qu'j'ai j'mais cherché à c'nnaître quand Maege est morte ! Alors non, j'pense pas qu'on ait b'soin d'c'riosité pour apprendre. Faut juste... vivre ? » résume-t-elle avec simplicité. Le temps est un professeur encore plus cruel que les Mestres qui hantent le Nord. Il sape les sourires et les espoirs avec une bien étrange indifférence. Marthe hausse les épaules et baisse les yeux. « Ou alors faut un Mestre ! Parc'que même si on est pas c'rieux, on peut t'jours c'pter sur votre secte pour  nous enf'cer plein d'trucs dans l'crâne ! » À quoi sert la curiosité quand un vieil homme passe son temps à vous pourchasser pour vous montrer des choses ? Et en toute légalité s'il-vous-plaît...!

   L'Oursonne s'interroge encore un instant sur le véritable sens des paroles de l'aîné puis le voit sortir un morceau de parchemin vierge ainsi qu'une plume et un encrier. Elle l'observe, interdite, poser le tout sur le rebord d'un petit muret. L'appréhension la gagne et elle recule d'un pas. « J's'vais qu'y'avait un piège ! J'le s'vais ! » gémit-elle tandis que son regard alarmé se pose sur les environs. Vite, un échappatoire ! Il faut qu'elle quitte les lieux avant que le vieil homme ait pu lui ordonner de s'asseoir bien sagement et de commencer à noter des foules de mots complexes. Elle recule d'un autre pas. Mais lorsque le Mestre lui offre ce qui semble être une opportunité plutôt qu'une punition, elle se ravise et lui accorde à nouveau une attention à peu près correcte. Il vient de la complimenter. C'est la première fois qu'il lui dit qu'elle est intelligente. La mort de Maege l'a sûrement tout retourné lui aussi. Il oublie d'être pénible. Mais qu'est-ce qu'il se passe ? « Eh l'Mestre ?! V's'êtes sûr qu'vous allez bien ? » l'interroge-t-elle tandis que son visage se nappe du voile de l'inquiétude. Est-ce que la mort va venir le prendre lui aussi ? Il sent peut-être ses derniers instants arriver et il a décidé de se montrer aimable dans l'espoir que cela rachètera ses erreurs passés. Elle savait que ce jour viendrait. Et elle se rend maintenant compte que le trépas du vieil homme laisserait un grand vide sur l'île, oui, mais également dans son coeur. Marthe s'approche de ce monstre qui a su devenir attachant et l'observe avec plus d'attention, cherchant avec application les traces d'une maladie ou d'une fatigue excessive. Vient-il de lui exposer ses dernières volontés ? La gamine observe le morceau de parchemin et hésite encore un instant avant de s'installer à peu près confortablement sur le muret. Elle veut bien exaucer son souhait. Surtout que si elle réussi cette épreuve amusante, elle sera dispensée de cours pour le reste de la journée. Elle n'est pas du genre à ignorer les carottes qu'on agite sous son nez ! « J'peux écrire c'que j'veux hein ! Pour de vrai ! » s'assure-t-elle avant de griffonner quelques mots. Elle s'applique et la langue qui apparaît très vite sur le rebord de ses lèvres vient très vite témoigner de sa bonne volonté. « J'suis sûre qu'ça 'xiste les 'dultes resp'sables qu'font d'fautes, moi ! J'suis qu'même pas l'seule femme d'monde qu'écrit mal ! » murmure-t-elle à son interlocuteur. Davantage pour se rassurer elle-même que pour donner tort à Ormund, d'ailleurs. « Puis d'bord c'qui qui a dit qu'f'llait s'voir écrire pour être une vrai 'dulte, hein ? » C'est encore un coup de ces gens qui transforment les mâles en monstres dans les tréfonds de cette fameuse Citadelle. Elle ne sait pas ce qu'ils font à tous ces innocents pour en faire des érudits mais elle est certaine d'une chose : ce doit être très douloureux ! Une nouvelle bouffée de compassion vient assaillir l'enfant tandis qu'elle relève le regard vers le vieil homme. « P'rquoi vous avez v'lu faire la C'tadelle, Mestre, en fait ? J'veux dire... Vous avez fait ça v'lontair'ment ? » Elle peine encore à imaginer comment des garçons peuvent décider d'aller s'enfermer avec une bande de petits vieux machiavéliques. Ce ne peut pas être le salaire, ça c'est sûr ! Peut-être une propension au masochisme ? « V'saviez pas qu'la Garde d'Nuit existait, c'ça ? » Oui, ça semble évident. Sans quoi il serait sur le Mur en cet instant et pas en train de la torturer avec autant de gentillesse. En attendant la réponse, Marthe relit vite fait sa phrase et tend le morceau de parchemin au Mestre avec l'espoir d'être libérée. « C'bon, j'suis gr'ciée ? » demande-t-elle avec espoir tandis qu'il contemple son oeuvre.  



Le mo courrt est plut lont que le mo lont !


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Ormund trouvait la situation assez drôle. La jeune Marthe semblait assaillie par l'incertitude tout en étant tiraillé par la curiosité et la méfiance. Or, c'était précisément sur ce détail là qu'il avait misé. Comme tous les enfants, elle faisait preuve généralement d'insouciance et celle-ci aidait tout particulièrement à céder à sa curiosité. Il fallait avouer que c'était un avantage dans ce cas précis et Ormund en tirait profit. Il avait toutefois conscience qu'il allait lui falloir aider Marthe à se montrer moins insouciante à l'avenir. Plus elle grandirait et plus il lui faudrait se montrer plus réfléchie. Ce monde dictait des lois dures et des plus primitives. C'était une bien triste réalité que penser que seule la loi du plus fort vous permettez de survivre. Que la famille Mormont survive était justement une de ses priorités premières.

La mort de Maege avait ébranlée l'insouciance de Marthe, mais étant encore trop jeune elle ne pouvait en tirer par elle-même les conclusions de ce monde. C'est alors que le Mestre intervenait, car certaines leçons à elles-seules ne suffisaient pas. La jeune et innocente Marthe évoqua ce fait-là, surprenant ainsi Ormund quand elle expliqua qu'il suffisait de vivre pour apprendre. Elle avait beau être désinvolte, elle prenait malgré tout le temps de réfléchir.

« Vous êtes décidément très intelligente, Marthe. Car vous avez entièrement raison lorsque vous disiez que s'interroger ne permet pas de connaître les choses. » Il s'interrompit, souriant distraitement. « Vous devez penser que je me contredis moi-même et que ce que je dis est totalement incohérent, n'est-ce pas ? Je pense sincèrement que vous êtes assez grande pour comprendre ce que je vais vous expliquer. Un mestre ne peut vous apprendre quoique ce soit, les livres non plus d'ailleurs. »

Marthe semblait désormais plus sensible aux discussions notamment depuis la mort de Maege, ce qui révélait une véritable incompréhension et même de la colère en elle. Une leçon sur la vie et sur la mort ne pouvait avoir de sens que lorsque cela se produisait, malheureusement. Mais cela allait arriver indéniablement, qu'elle le veuille ou non. Contrairement à ce que l'on croyait, la mort n'avait rien d'accidentelle. Bien au contraire, la mort n'avait rien de plus naturelle, bien que celle-ci pouvait être provoquée par des causes extérieures à la nature.
Bien évidemment, Ormund n'allait pas expliquer de la sorte à la jeune Marthe. Il allait lui falloir trouver les mots justes, ceux qui résonneront dans son esprit et auront avant tout du sens. Il poursuivit donc.

« Comme vous l'avez remarqué par vous-même, c'est en vivant que vous apprenez les choses. Vivre vous plonge dans la réalité, mais celle-ci est parfois incompréhensible et sombre. » Il s'adoucit évoquant ainsi la disparition de Maege, aussi bien pour Marthe que pour lui-même. Il mettait un point d'honneur à respecter sa mémoire. « Savez-vous ce que représentent livres et mestres ? Ils sont la lumière. Quand vivre vous plonge dans l'obscurité où rien n'a de sens, les connaissances vous permettront de donner du sens aux évènements. Ils vous aideront à mieux les comprendre et ainsi repousser l'obscurité. Voilà pourquoi je m'applique à vous enfoncer des trucs dans le crâne, comme vous le dîtes si bien. »

Tout cela avait pour finalité de l'inciter à jouer le jeu mais aussi de l'aider à mieux comprendre quel était son rôle. Ormund avait déjà fait cette expérience avec ses tantes pour qui il passait constamment pour le mestre rude et indigeste. Elle s'indigna, probablement pour la forme ne serait-ce parce qu'elle était toujours là pour prouver le contraire. Il devait avouer que cela l'arrangeait bien car il n'avait plus vraiment l'âge pour lui courir après. Pourtant il en avait des courses poursuites à son actif ! Il se délectait ainsi de ce moment avec Marthe à la fois heureux et soulagé d'être en mesure de lui apporter réconfort encore une fois.

Elle sembla enfin se décider à passer à l'acte. Il était temps se dit-il. Elle avait véritablement l'art et la manière d'éviter le coeur même du problème. Mais juste avant d'écrire, elle lui posa une question qui le laissa sans voix. Il ne s'y était absolument pas attendu car il ne parlait de lui et de son passé que très rarement. Il vivait principalement dans le présent et se projetait vers l'avenir afin d'être le plus utile dans le présent. Autant dire qu'il pensait qu'exceptionnellement au passé, voire jamais. Profitant alors de ce mutisme soudain de la part du mestre, Marthe se mit à écrire sans même qu'il ne jeta un coup d'oeil.
Que pouvait-il lui dire, lui expliquer ? Ne venait-il pas de lui expliquer que son rôle était de mettre en lumière et autrement dit de lui fournir des réponses ? Cela remontait si loin que depuis bien longtemps déjà son esprit n'était plus obstrué par ces évènements passés. D'autant plus qu'il avait également pris conscience que tout ce qu'il avait perçu à l'époque comme affligeant et amertume était devenu salutaire pour lui.
Il fut tiré de ses réflexions par Marthe qui lui tendait son mot le regard plein d'espoir. Il le prit alors sans même le regarder, destinant la jeune fille à souffrir de l'attente. C'était une maladresse de sa part qu'il n'envisagea toutefois pas.

« Pour répondre dans l'ordre, je n'ai pas été à la citadelle de mon propre gré tout en sachant que la garde de nuit existait... » Pauvre Marthe, elle s'attendait certainement à ce qu'il lui dise ou non si elle était dispensée des leçons du jour. Après tout, cette question suivait les deux précédentes. Malheureusement pour elle, Ormund avait jugé que le moment n'était pas encore venu d'annoncer la sentence. Comme un vieil homme prit dans les souvenirs du passé sa présence devint évasive. Finalement il chercha à conclure la discussion assez rapidement. Marthe avait suffisamment à entendre de lui. Il ne voulait pas qu'elle ne se disperse par la faute des histoires de son propre passé. Peut-être était-ce là une erreur de sa part que de ne pas se confier à elle, ne pensant pas qu'elle pourrait mal le prendre ou voir là une barrière les séparant tous deux.

« Je ne voulais pas aller à la Citadelle, non... Mais à cette époque-là, comme je vous expliquais tout à l'heure, j'étais incapable de réellement comprendre. J'ai simplement... vécu et j'ai trouvé la lumière. Un peu comme vous, c'est en vivant que j'ai appris. En vivant à la Citadelle, j'ai appris que ma place était là-bas, et ce même si au départ je ne le voulais pas. »

Il regarda alors le parchemin qu'il tenait toujours entre les mains. Sans surprise et s'abstenant de sourire devant les innocentes fautes, il lui tendit à nouveau le parchemin.

« Tout comme moi, je crois qu'il va vous falloir faire ce que vous ne voulez pas ! » Cette fois-ci, il se mit à sourire et ajouta. « C'est la vie ! »
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Mestre
Ormund

Marthe
Mormont

Si la vie doit continuer, les leçons aussi
   La gamine fronce les sourcils et exprime sa méfiance lorsque le Mestre lui annonce qu'elle est décidément très intelligente. Elle soupçonne évidemment la présence d'un piège. Cette flatterie est sûrement destinée à l'apprivoiser encore un peu plus et à lui faire baisser sa garde. Et, forcément, en bonne rebelle qu'elle est, l'Oursonne fait preuve de prudence en présence de ce chantre de la connaissance. Mais lorsque le vieil homme poursuit et lui explique que les Mestres et les livres ne peuvent rien lui apprendre, Marthe est certaine que quelque chose ne tourne pas rond. Elle croise les bras sur sa poitrine pour se donner une contenance et appuyer encore davantage sa perplexité tandis qu'elle scrute son aîné à la recherche d'une quelconque faille dans son regard. « J'pense pas qu'c'est inco'rent mais j'crois carr'ment qu'c'est pas n'rmal ! Y'a que'qu'chose qui tourne pas rond, c'sûr ! » Et même si la méfiance domine dans son regard, c'est à présent de l'inquiétude qui prime dans ses pensées alors qu'elle dévisage avec plus d'attention l'érudit. Ses traits portent les stigmates du temps mais elle semble les découvrir pour la première fois. La douleur liée à la mort d'un être cher se ravive et le spectre des futurs adieux lui succèdent. L'enfant fait de son mieux pour garder pied et se rattacher à l'instant présent plutôt que de se projeter parmi les ombres de l'avenir mais l'exercice se révèle délicat. Elle aimerait pouvoir détester cet homme autant qu'elle le prétend. Ce serait plus simple de lui dire au revoir. Au final Marthe se rend bien compte que les liens affectifs sont autant d'histoires qui finiront mal. Elle refuse pourtant de croire que le malheur frappera à nouveau et aussi vite sa famille. Mestre Ormund ne peut pas mourir. Pas maintenant ! Elle s'accroche à cet espoir et fournit enfin les éléments de compréhensions qui devaient inévitablement succéder à sa première remarque. « C'fait des annése qu'j'vous fuis parc'que vous v'lez m'pprendre des trucs et maint'nant vous m'dites qu'vos livres et vous, vous êtes in'tiles ? » Il y a quand même de quoi se poser des questions. Pourquoi lui courrait-il après ? Et puis pourquoi veut-il lui apprendre des choses qui, selon son propre aveux, il ne peut pas lui enseigner. Mais l'enfant, en plus de vivre dans le Nord, a développé la pratique habitude de ne pas le perdre lorsque les circonstances évoluent. « C'veut dire qu'à partir de maint'nant, v's'allez plus m'donner de l'çons et qu'j'rai plus b'soin d'me c'cher ? » Le regard luisant d'espoir, elle continue de l'observer.

   Mais les explications qui viennent balayer ses hypothèses optimistes ne tardent pas à apporter un peu plus de clarté dans cet océan d'incompréhension. Ainsi les connaissances sont un support vital. Ou, plutôt, l'expérience. Marthe parvient plus ou moins à distinguer ces deux choses et à leur attribuer une fonction. Mais pour comprendre la vie il semble maintenant évident qu'il faut posséder les deux. Elle oublie donc très vite l'idée de n'avoir plus à suivre les leçons du Mestre. Ses épaules s'affaissent presque aussitôt. « J'savais qu'c'tait trop beau pour être vrai ! Y'a t'jours un piège avec vous ! » gémit-elle avant de lever le doigt, l'air grave. « T'jours ! » Et elle se fait pourtant toujours surprendre par l'ingéniosité du Mestre quand il est question de l'appâter. Il est tenace. Ca, personne ne pourra le lui enlever ! L'enfant met de côté sa légitime mais prévisible déception et se concentre sur le sens du message que le vieillard tente de lui délivrer. Il lui faut quelques instants pour évaluer son postulat et s'en faire un avis. « J'sais bien qu'ça vous f'rait pl'sir d'être la l'mière mais j'suis d'solée, c'pas l'cas ! L'Mestres, c'bien pour 'crire d'missives quand on est f'tigué ou qu'on a juste pas envie d'manier l'plume ! Pis pour la m'd'cine, aussi ! Mais c'juste un m'tier b'zarre ! On a b'soin d'vous autant qu'des c'siniers et qu'les ch'sseurs ! » explique-t-elle en faisant de son mieux pour choisir ses mots et épargner au mieux l'ego de l'érudit. L'Oursonne suppose que lui donner un exemple favoriserait grandement la compréhension de son interlocuteur car les idées qu'elle essaie de mettre sous forme de mots lui semblent un peu compliquées. « J'c'nnais d'gens qu'ont j'mais r'çu d'leçons d'un Mestre et qu'savent pas lire ou 'crire mais ça les empêche pas d'être d'gens comme y faut ! Y ont aussi p'rdu des gens qu'y aimaient et y ont tr'vé eux-même un sens à t'ça ! C'comme Tom ! Il a p'rdu s'mère quand il était p'tit mais y s'en s'vient ! Et la l'mière, il l'a tr'vé t'seul ! » Elle ne sait pas si sa remarque est très pertinente ou même si elle parviendra à convaincre le vieil Ormund mais elle n'entend pas vraiment changer d'avis sur la question. « J'veux dire... S'vous êtes cette f'meuse l'mière, c'est qu'vous êtes vieux ! T'jousr sans v'loir vous off'ser bien sûr ! Mais c'pas grave parc'que comme ça, v's'avez plein d'choses qu'les jeunes comme moi savent pas ! C'pareil pour l'livres ! Y parlent comme l'vieux eux aussi vu qu'souvent, y r'content c'qui s'est p'ssé y'a l'gtemps ! V'pensez pas ? » Marthe se demande si elle parviendra à le rallier à sa cause. Ce serait bien la première fois qu'elle parviendrait à lui enseigner quelque chose ! Elle aimerait tant aller raconter une telle chose à Lyanna. Mais Lyanna n'est pas là ! Lyanna souffre dans sa chambre. Et elle y boude, aussi. « C'la dit, c'est à quel âge qu'on sait assez d'choses pour d'nner un sens à l'vie et arr'ter d'souffrir ? » Sa curiosité est réellement motivée par le désir d'apprendre, cette fois. Contrairement à ce que certains peuvent penser, Marthe n'est pas réfractaire à l'apprentissage. Elle a juste besoin que ce dernier ait un sens pour lui accorder son attention.

   Sa curiosité s'acharne également sur le bout de parchemin que son interlocuteur tient entre ses mains. Il continue de l'ignorer et fait durer le suspens jusqu'au bout. L'Oursonne se met à tapoter du pied s'en réellement s'en rendre compte et marque ainsi son impatience. Pourtant l'homme continue à lui répondre et à détailler ses dires. Peut-être qu'il a oublié les mots qu'elle vient d'écrire ? La gamine décide donc d'alimenter la discussion en retour. Elle n'a guère besoin d'élaborer un stratagème avisé puisque les questions se pressent naturellement sur le seuil de ses lèvres tandis que l'homme lui parle de la Citadelle et de la prise de conscience qui s'y est opérée. « Vous vous s'riez pas pl'tôt c'vaincu qu'votre place était là-bas ? Just'ment, parc'que vous v'liez pas y être et qu'ça r'dait l'choses plus f'cile ? » Elle a doté sa question d'une intonation accusatrice et, il faut le dire, un brin moqueuse. « Moi j'pense qu's'avez pr'féré 'couter votre tête plutôt qu'votre instinct ! C'pas vr'ment un r'proche parce que d'fois, l'instinct, y s'trompe aussi ! Mais seul'ment une fois sur deux ! Alors p't-être qu'il avait raison c'te fois-là et qu'votre tête, elle a inv'té une 'xcuse pour rendre l'choses plus simple pour vous ? L'tête, d'fois, elle fait d'trucs b'zarres pour nous pr'téger ! » Elle serait pourtant bien incapable d'expliquer comment une personne parvient à se tromper elle-même. Mais elle sait qu'une telle possibilité existe car elle l'a déjà expérimentée. Quoi qu'il en soit l'Oursonne perd très vite goût à la discussion lorsqu'il s'avère que le verdict n'est pas en sa faveur. Elle recommence à chercher un échappatoire par réflexe puis se rappelle qu'elle a donné sa parole et qu'elle a accepté les règles du jeu. L'honneur lui dicte d'assumer le jugement et donc, la punition qui l'accompagne. « V's'êtes sûr qu'j'me suis tr'pée ? Vous v'lez pas v'rifier qu'même ? On sait j'mais ! » Sa tentative est d'ors et déjà vouée à l'échec et ils le savent tous les deux. Mais il y a toujours de l'espoir. Même quand les temps sont sombres et qu'une grand-mère est enlevée à votre affection. Il faut juste parvenir à le trouver. « Bon, d'ccord... » gémit-elle en tentant malgré tout de faire bonne figure. Il n'y a plus qu'à subir le courroux de la connaissance même si, semble-t-il, cela pourrait l'aider un jour à comprendre plus aisément les subtilités de la vie. « Mais avant qu'vous m'tort'riez, j'deux trucs à d'clarer ! » ajoute-t-elle solennellement. « Un des deux, c'est un ordre, d'bord ! Z'allez arr'ter d'me vouv'yer ! J'suis pas une vieille et j'suis pas une noble qu'aime l'trucs conv'nants ! D'ccord ? C'ma c'dition pour être plus 'ttentive à v'l'çons ! » Et elle ne plaisante pas ! Son air parfaitement sérieux quoique toujours emprunt de candeur en témoigne. L'Oursonne lève un deuxième doigt tandis que son assurance s'envole. « L'aut' chose, c'est plus une d'mande ! Une d'mande un peu... p'rtic'lière ! Mais j'aim'rais bien qu'vous m'rriez pas tout d'suite si c'p'ssible ? Parc'que... Ben... J'vous aime qu'même un peu m'lgré vos p'chants eruditaires ! » Elle rougit presque immédiatement. C'est une constante lorsqu'il s'agit, pour elle, d'évoquer ses sentiments en présence d'une personne qui n'appartient pas à son cercle le plus intime. Il n'y a qu'à ses frères, sa soeur ou à ses parents qu'elle ose avouer son amour. Même ses tantes doivent se contenter de gestes affectueux. Parce que les Mormont ne sont définitivement pas à l'aise lorsqu'il s'agit de parler de telles choses. « Mais l'dites à p'rsonne s'rtout ! C'est un peu s'cret... » Elle suppose qu'il ne pourra pas ignorer la dernière requête d'une condamnée... L'enfant affiche l'un de ses plus beaux sourires même s'il n'est pas particulièrement sincère. Elle préfère faire comme si les dernières tranches de leur discussion n'avait jamais existé. La gêne s'envole aussi vite qu'elle était venue tandis qu'elle récupère le parchemin et observe les mots qu'elle y a apposés. « Faudra qu'même m'expl'quer c'que j'ai fait d'faux dans c'te phrase ! » Elle arque l'un de ses sourcils en relevant le regard vers l'érudit. « V'l'avez c'prise, au moins ? »
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Le mestre avait obtenu toute l'attention souhaité de la part de sa jeune élève. Son comportement avait changé et en cela, il estima que c'était là une réussite. Avec le temps, il avait appris la patience, ce qui manquait cruellement aux jeunes générations. L'expérience lui avait également démontré qu'il ne servait à rien de précipiter les choses. Quand on cherchait à obtenir une chose, il fallait être en mesure de mettre toutes ses chances de son côté et pour ce faire, seul le temps le permettait. Marthe en était la preuve, il n'y avait qu'à la regarder avec ses yeux emplis de curiosité.
Qui plus est, elle se questionnait déjà ce qui était un bon point. Ormund ne souhaitait pas qu'elle absorbe ses paroles sans une once de réflexion pour les accompagner. Il avait attendu d'elle qu'elle s'interroge et remette en question l'ordre des choses qui lui paraissait naturel. C'est pour cela qu'il sourit distraitement lorsqu'elle douta de son utilité. Il fut un temps où il aurait été vexé par cela, mais en ce jour il souriait trop heureux des progrès marquants de la jeune demoiselle.

« Cela veut dire que vous aurez toujours des leçons, mais que dorénavant il vous faudra les penser par vous-même pour leur donner du sens. » Dit-il lorsqu'elle émit l'espoir que les leçons seraient peut-être terminées pour elle.
A bien des égards elle comprenait beaucoup de choses, mais il ne fallait pas s'attendre à ce qu'une enfant de son âge saisisse dans l'immédiat l'essence même de l'enseignement. Il n'allait pas l'en blâmer, loin de là même. Sa perception des choses s'étendaient bien plus qu'auparavant et cela au prix de nombreux années. Marthe ne pouvait le comprendre aussi vite. Comme elle le disait elle-même, il allait lui falloir vivre par elle-même pour le comprendre. Et c'était là une preuve de grande sagesse de sa part que de se construire par ses expériences. Il poursuivit donc.
« Par conséquent, il vous faudra continuer à vous cacher ! Il y a des choses qui ne changent pas, du moins aussi vite que nous le souhaiterions. »

Marthe partagea ses réflexions. Très bien pensait le mestre, car peut-être sans le savoir elle s'impliquait plus qu'il ne l'espérait dans la leçon du jour. Car en effet, elle avait déjà commencé depuis le moment où il l'avait trouvé. Comme il venait de le lui dire, bien de choses ne changeaient pas et l'impatience qu'il éprouva à l'idée de la voir réaliser que sa leçon n'était pas comme de coutume le démontrait.
Elle prouva également par son discours qu'elle n'avait pas saisi l'entièreté de son discours. Depuis toujours elle avait eu une mauvaise image d'un mestre, ne le percevant que comme un vieil homme. Plus précisément comme un vieil homme qui semblait prendre un malin plaisir à la persécuter et la priver de loisirs. Mais ce n'était pas une surprise, ses tantes bien avant elle avaient eu le même regard sur lui. Ce n'était qu'une enfant, il ne devait pas l'oublier et n'était pas prêt de le faire et c'est la raison pour laquelle il prenait son temps et ne cherchait pas à précipiter les choses.

« Vous avez bien raison de comparer un mestre à un cuisinier. Ils sont tous deux semblables l'un à l'autre. Croyez-vous que nous pourrions nous passer d'un cuisinier ? Sa fonction est essentielle pour nous nourrir et ainsi survivre. D'une certaine façon, nous pouvons dire que sa fonction nous est vitale et force est de le reconnaître. Comme vous le disiez vous-même, nous avons autant besoin d'un cuisinier qu'un mestre, car voyez-vous le mestre est à sa manière tout aussi essentiel qu'un cuisinier. La nourriture est vitale au corps pour survivre et le cuisinier nous apporte cette nourriture. Le mestre est aussi cuisinier à sa manière, il apporte la nourriture non pas au corps mais à l'esprit et cette nourriture est tout aussi vitale. Toutefois, il est plus difficile de le voir car l'esprit semble s'effacer derrière les besoins du corps qui nous semblent quant à eux plus importants. »

Il s'interrompit dès lors, attentif à la réaction de Marthe. Il ne voulait pas la noyer sous un long discours et c'est pourquoi il prenait soin de ne pas précipiter les choses. Il ne pouvait toutefois pas dissimuler la fierté qu'il éprouvait pour elle en cet instant. Sa vision était limitée, mais Ormund voyait bien qu'elle percevait en partie ce qu'il lui transmettait. Comparer le mestre à un cuisinier en était l'exemple ! Il lui suffisait dès lors de reprendre cet exemple pour lui élargir son champ de perception.
Il n'était qu'un guide, que sa lumière comme il avait dit précédemment. Il ne lui apprenait rien. La seule chose qu'il faisait était de guider son esprit vers ce qui lui semblait être la vérité. C'est ainsi qu'elle parvenait par elle-même à ces déductions.

« Je pense comme toi... » Lui dit-il lorsqu'elle lui demanda son avis. « Les livres s'expriment comme les vieilles personnes, c'est bien vrai. L'avantage d'un mestre, c'est que vous pouvez parler avec lui et il vous reformulera ce que dit un livre de façon à vous préparer à saisir les leçons d'un livre par vous-même. Ce jour-là, vous n'aurez plus besoin de moi. » Il finit sa phrase en lui souriant, quelque peu attristé à l'idée qu'elle puisse un jour se passer de lui. Marthe comme tous les ours sur cette île d'ailleurs. Cela le peinait mais le réjouissait tout autant. Le jour où il serait inutile, cela serait le signe que sa mission sera réussie.

Marthe lui demanda si avec l'âge, la souffrance se dissipait. Cette question lui fit comme un pincement au coeur. Elle souffrait indéniablement et son impuissance face à cela le faisait souffrir davantage. Il commença par soupirer et fixer le ciel, lui laissant ainsi le temps de réfléchir à une réponse qui pourrait satisfaire la jeune Marthe. Elle parvenait à associer ses leçons à la vie pratique. Elle cherchait à utiliser la connaissance pour servir son quotidien. C'était une parfaite utilisation de toutes ces leçons. A la souffrance se mêla une affection sans nom.

« Il n'y a malheureusement pas d'âge pour souffrir. » Commença-t-il en reportant son regard fatigué sur elle. « Il m'arrive, comme vous, de souffrir aussi. » En disant cela il craignait qu'elle juge que la connaissance était finalement belle et bien inutile. Car il ne pouvait la tromper en lui faisant croire qu'arrivé un certain âge, nous étions immunisés à la souffrance. Non, il ne voulait pas lui mentir. Toutefois, il ne voulait pas lui dire ce qu'il pensait être toute la vérité. Car, plus on vieillissait et plus la souffrance s'éprenait de vous. La mort de Maege en était la preuve. Plus il vieillissait et plus sa souffrance grandissait, jamais il n'aurait du vivre sa disparition, jamais...
« Comme nous le disions tout à l'heure, c'est en vivant que nous apprenons des choses. Mais la connaissance n'est pas toujours douce, au contraire. En vivant, tu découvriras tellement de choses que tu en souffriras. » Tenant toujours le morceau de parchemin, il croisa les mains sur ses genoux, comme pour contrôler un tremblement qu'il aurait aimé justifier par son vieil âge. « Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas vivre, ni même apprendre. Car même sans la connaissance tu souffriras. Nul n'a besoin de lire toute une vie aussi bien pour souffrir que pour s'épargner la douleur. Par contre, seule la connaissance vous permettra d'apprendre à gérer la douleur et à ne pas commettre d'erreurs qui pourraient accentuer la souffrance. »

Elle finit par se résigner et accepta finalement leur compromis. Elle insista toutefois sur quelques conditions que le mestre ne manquerait pas d'étudier et d'accepter. Elle souhaitait pour commencer qu'il cesse de la vouvoyer. C'était une requête qui lui convenait bien que celle-ci serait un véritable défi pour lui. Il devait bien reconnaître qu'elle était la première à lui faire cette requête-là. S'y habituer serait une difficulté. Mais après tout, si cela était le prix à payer, ainsi soit-il ! Il reconnut volontiers que Marthe ne devait pas être la seule à faire des compromis.

« J'accepte ta requête, si cela te permet d'être attentive ! » A ces mots, il lui accorda un sourire complice.

Son sourire s'effaça à sa deuxième déclaration, comme elle le précisa elle-même. Quelle ne fut pas sa surprise ! Marthe, aussi têtu et revêche qu'un petit ourson s'ouvrait à lui. Cela pourrait paraître tout à fait anodin de la part d'une petite fille qui souffrait de la mort de sa grand-mère. Pourtant Ormund ne resta pas insensible à cela. Il la couvrit de son regard, à défaut d'être incapable de la prendre dans ses bras pour communiquer toute l'affection qu'il portait à son égard.
Peu importait ! Elle venait de lui demander de cesser de la vouvoyer et lui déclarait son amour. Pourquoi se priverait-il de l'embrasser tendrement ? Il n'y voyait aucune raison à cela. La perte de Maege aidant certainement, il s'octroya l'autorisation de se pencher vers et de l'enlacer de ses bras. Il ne dit rien et ne fit pas durer cet instant trop longtemps. C'est pour cette raison qu'il la libéra après quelques brèves secondes. Secondes qui furent amplement suffisantes malgré tout.
A cela, il n'ajouta rien car comme Marthe l'avait presque supplié, c'était un secret. Et c'est pour cela qu'il retrouva une attitude habituelle, comme si rien de tout ceci ne s'était produit. Il toussa néanmoins à plusieurs reprises, quelque peu intimidé par cet élan d'affection malgré tout. Dépliant une nouvelle fois le morceau de parchemin, il relut pour la forme les quelques mots qui y étaient inscrits et affirma catégoriquement.

« Certain ! » Il lui prit alors la plume des mains et inscrivit juste en dessous la correction qu'il lui montra comme pour prouver sa bonne foi. Il ajouta toutefois, appréciant l'investissement de Marthe : « J'accepte volontiers que v... tu me l'expliques cela dit ! »
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