That Nobility Never came From Chivalry | Pv-Wayra Wyl

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That Nobility
Never came From Chivalry


| Wyl | An 302 Lune 6 |




Ce n'était pourtant qu'un après-midi comme les autres. L'engourdissement du midi avait succédé à la précipitation silencieuse du matin, débarassant les falaises de leurs échos tout en égrainant dans son sillage une pesante sensation  de solitude. Le jeune homme déambulait entre les pics rocheux, méprisant les abris et les astuces héréditaires. Il longeait les gorges et faisait avancer son étalon au centre des chemins de pierre plate, où le passage des imprudents avait attendri la rocaille jusqu'à lui donner l'éclat lisse d'une cambrure de femme. Les routes secrètes le répugnaient. Il dédaignait leur usage, à peine conscient de son caprice.
Le vent venu des sommets hurlait et, fouettant de son haleine chaude son visage, ambitionnait d'extraire de ses volutes tourmentées le peu de larmes que renfermaient ses yeux. Le chemin lui était connu. Pourtant, et en dépit de l'âpreté hautaine de ses traits, ses mains gantées de serpent se resserraient maladivement sur les rênes, pinçant le cuir noir  comme pour tenter d'en presser quelque chose.

Il se tournait à chaque instant, cherchant un reflet de son soleil; il scrutait l'horizon, les yeux fixes. S'il quittait ce reflet, son esprit commençait à se troubler. Dans ces moments de défaillance, il ne serait pas à même de s'exprimer. Gainé de soie, voilé de gazes, empêtré de colliers d'or et de perles, Wasen avançait sur les terres de son Clan, vaste continent inexploré de montagnes accablées, d'inextricable pauvreté et de malice. Son regard semblait un trait d'obscurité liquide. Quelque fois, un élan spontané le prenait tout entier: il faisait volte face; quand il reprenait la route, il ne savait plus où son cheval le faisait courir. Sur ces terres qui l'avaient vu naître, la sensation de s'être évadé d'un bosquet comme un cerf en quête d'eau battant les bois noirs et les plaines brûlantes ne le quittait pas. Transfuge du camp des forts, le Wyl venait risquer ici sa chance d'être autre chose qu'un produit de ces landes infâmes.

Les champs de pierre cédaient désormais sous le pas de sa monture comme le creux mou d'une vague. Un sentiment de pâleur reposait au creux de ses côtes: Il était presque arrivé.
Déjà, la forme humble et ramassée de la masure se faisait reconnaitre dans l'ombre mince des pics. Les relents de moiteur exhalés par la rivière imprimaient l'atmoshpère. Sa longue silhouette noire et humide se tordait au pied des monts, emmélant son corps liquide aux roches découpées par son court à la manière d'une vipère brune, luisante, qui se retourne et présente parfois son ventre trop pâle pour feindre la mort. Des bêtes brunes lapaient ses eaux glacées. C'étaient les chevaux de son père. Des animaux de valeur, une mince gloire, vanité parmi la décadance du Clan. Un linceul de soie sur un squelette, songeait-il.
Bientôt, une jument rousse lui apprit ce qu'il voulait savoir, et il poursuivit plus avant, cherchant encore. Où est ta maîtresse, ma belle?

Sa soeur, qu'il avait quittée tumultueuse et renfermée, lui avait été rendue à son retour dans un état semblable. Elle ne serait pas facile à trouver. L'envie de la débusquer à la manière des siffleurs de serpents, entre insolence et pragmatisme, reposait toujours dans un recoin de ses pensées. Imiter la trille sévère du sifflement, repérer la tanière du reptile, puis lancer  sèchement un galet dans sa direction en espérant lui voir sortir la tête...

"Wayra!" tenta-t-il de l'appeler une première fois qu'il savait déjà vaine. Son regard doux comme une lame caressait les rochers à la recherche d'un mouvement qui lui eut permis de dénicher la chienne.

Le garçon à la taille mince, drapé de soie menthe et ceinturé d'argent sombre jurait terriblement contre l'ocre et la fierté nue des alentours. S'il croyait échapper au fond de cette prison d'apparat aux sollicitations de son clan et de ses victimes, la vie de Wayra n'avait été qu'un long glissement vers le silence ; elle s'abandonnait sans lutter.

"Wayra!"Clama-t-il à nouveau, décidé à aboyer son nom.

Un ordre nouveau grondait à l'horizon. Un objectif supplémentaire pour anesthésier la volonté de son ainée. Définitivement.

Il eut un geste de découragement. Dans cette urgence qu'il imaginait commune,  il se sentait maintenant rattaché par une parenté plus intime et plus mystérieuse à cette soeur qu'il pensait avoir peu aimé, et qui revêtait plus souvent le masque d'une ennemie musclée que celui d'une douce confidente.

"Lâche ce carnet et ramène toi, Wayra!" Son ton était plus mielleux, doucement provocant; il la visualisait, assise sur son fauteuil de pierre et de poussière, se gonflant comme un serpent à l'écoute de ses appels répétés.




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Wyl, an 302, lune 6, semaine 2



Wasen Wyl & Wayra Wyl

Il n’y a pas longtemps, j’ai fait un rêve. Je ne m’en souviens presque plus, aujourd’hui. Pourtant, je ne rêve pas beaucoup, ça aurait peut-être dû me marquer. Ce ne fut pas vraiment le cas. Je me souviens vaguement d’un bébé sans visage. Probablement Wyl. Pas étonnant qu’il n’ait pas de traits, je ne me rappelle plus de ce à quoi il ressemblait. Malgré ça, il était charmant et je pouvais sentir qu’il était de bonne humeur alors que je le berçais.
Puis, je me suis réveillée et je me suis rappelée le crâne de mon fils, écrasé par son père.



*


Les Montagnes Rouges étaient magnifiques. Elles s’étalaient comme une couverture de velours carmine sur les sommets et les arêtes avant de s’arrêter tantôt mollement, pour devenir plages ocres, tantôt abruptement, découpées en falaises surplombant la mer bleue de Dorne. Au loin, les voiles blanches, jaunes, oranges et vertes claquaient sous le vent marin, s’éloignant des côtes pour ne plus être que des points colorés à l’horizon. L’image était belle. Poétique. L’esprit d’un artiste aurait pu se laisser conquérir, écraser même par la simplicité charmante d’un tel décor. L’imagination aurait pris le dessus et peut-être se serait-il laissé entraîner dans un tourbillon de songes chamarrés où s’entremêleraient la mystérieuse Dorne et l’au-delà étrange des flots calmes.

L’âme simple de Wayra la bornait à simplement recopier ce qu’elle voyait dans son petit carnet de cuir qu’elle tenait fermement, comme une enfant qui aurait craint qu’on ne lui dérobe son trésor. Comment aurait-il pu échafauder les rivages d’un autre continent alors qu’elle connaissait à peine le sien ? A quoi cela aurait-il bien pu lui servir ? Ces questions ne l’effleuraient même pas. Elle se contentait de dessiner les courbes sinueuses des chemins de chèvre qui descendaient des pics les plus escarpés jusqu’aux petits ports de pêcheurs invisibles. Parfois, le bois sombre qu’elle utilisait pour ses croquis se laissait aller à quelques phrases lapidaire, description sans charme d’un brouillon gris et noir. Elle avait quelques fois vu, sur les marchés, des saltimbanques s’affairer autour d’une toile colorée, les doigts tâchés de couleurs. C’était joli, mais tellement compliqué. Elle n’avait pas envie de s’embêter la vie à se balader partout avec un sac plus lourd qu’elle, chargée de poudres et d’eau.

Juchée sur une crète, à l’ombre d’un balcon naturel de roche, elle profitait du silence uniquement perturbé par le souffle iodé. La brise, oscillant entre légèreté et moiteur, écartait de son visage ses cheveux noirs et semblait déposé sur sa peau une fine couche de sel humide. Lorsqu’elle sècherait, des éclats blancs cristallins se trouveraient emprisonnés dans ses poils sombres. L’après-midi assommant avait rempli Wyl d’une lourde nonchalance. Un sentiment que la brune ne connaissait pas, toujours habitée par ce quelque chose qui l’empêchait trop souvent de fermer l’œil. Elle avait alors fui la langueur pour les brûlantes montagnes, en quête d’une quiétude qu’elle ne pouvait se représenter.

Pourtant, c’est bien le sommeil qui la saisit alors que ses yeux las observaient, une fois encore, le paysage immuable qu’elle ne finissait jamais d’apprendre. Ses muscles, naturellement crispés, se délaissaient et son menton vint caresser sa poitrine. Elle ne lutta pas et reçu l’obscurité de ses paupières comme une bénédiction, une délivrance attendue depuis si longtemps.

Ce fut l’aboiement d’une voix masculine qui la tira méchamment de sa torpeur. Que disait-il ? Elle ne se fatigua même pas à grimacer. Peut-être l’imbécile finirait-il par disparaître. Un berger perdu, peut-être. Les chacals le mangeront.

Il ne s’avoua pas vaincu, beuglant cette fois son nom. Les yeux mauves s’ouvrirent comme ceux d’un rapace ayant repéré un rongeur. Une humeur mauvaise s’empara derechef de la jeune femme. Elle venait non seulement d’être réveillée, mais par Wasen pour couronner le tout. Sa voix pincée aux accents de nobliau décérébré était reconnaissable entre mille. Une furieuse envie de sortir de sa cachette pour lui torde le cou la fit grincer des dents. Elle ne bougea cependant pas, bien décidée à faire la morte. Elle ne savait pas ce qu’il lui voulait, mais elle ne voulait pas parler. Et encore moins avec lui. Un instant, elle regretta que Yev ne soit pas avec elle. Sur un malentendu, en voyant l’enturbanné approcher, peut-être aurait-il mis fin à ses jours en le prenant pour un agresseur. Difficile de prendre Wasen pour un agresseur, mais enfin, l’aînée ne pouvait s’empêcher de se représenter la scène. Le soldat n’étant pas là, peut-être serait-ce elle qui abrègerait la vie de son cadet. Elle en avait souvent rêvé. Et ce d’autant plus qu’elle se l’imaginait, bien heureux de l’agacement qu’il générait chez elle.

La mention de son carnet finit de l’exaspérer. Le blond se moquait souvent d’elle à ce sujet. Et cela depuis toujours. La fille du Roi Sauvage n’avait pas honte de son petit journal, il était la seule trace de futilité et de philosophie primaire qu’elle se permettait. Mais elle n’aimait pas l’air supérieur que prenait son frère lorsqu’il en parlait.

La jeune femme dut se rendre à l’évidence. Wasen ne partirait pas. Pas avant de lui avoir déclaré ce qu’il souhaitait si ardemment lui dire. Résignée, mauvaise et agacée, elle se redressa avec un soupir où se mêlaient exaspération et lassitude. Elle le vit, non loin, arpenter les bords de la Wyl, tout orné d’argent et de vert, deux couleurs qui juraient vilainement avec le paysage. Une verrue, un crapaud, pensa-t-elle.

« Tu t’es décidé à me gâcher chaque moment de tranquillité, hein ? » grogna-t-elle en s’étirant paresseusement.

Elle glissa sur les rochers jusqu’à lui. Les chevaux qui buvaient là se retournèrent vers elle, mais l’identifiant, ils retournèrent à leur besogne en l’ignorant à nouveau. Même Abeyan, ses grands yeux noirs lourds de sommeil, ne broncha pas à son approche.

« Qu’est-ce que tu me veux ? » demanda-t-elle, naturellement sur la défensive.



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| Wyl | An 302 Lune 6 |





Les écrits des Mestres racontaient en creux l'Histoire de ces Montagnes éternellement figées dans son regard.  L'encre- comme honteuse- se révolterait certainement au contact du papier. Tous les coeurs étrangers le faisaient, une fois guéris de la sidération première qu'infligeaient ces ruines de la nature. C'était la patrie des ombres. Ce n'était pas la sienne. Dans l'immobilité des coulées de terre rouge, sa figure brillait de toutes les transgressions.
Bercé par le pas lent de son cheval, le dornien, silhouette qui revenait de loin, s'abandonnait à l'attente avec une douceur infinie.  Léger, heureux de sa nonchalance, son oeil alangui sourit, vague de souvenirs, lorsque le silence s'ouvrit, enfin crevé par le ton acerbe et reconnu. La moindre approche de son ainée, fut-elle dans de bonnes dispositions, lui faisait l'impression d'une source découverte dans le grès. Nécessaire, fraîche au contact des lèvres. Il n'avait pas suffit d'avoir raclé le sable avec les ongles pour la trouver: elle était insipide. Ce sommet de crâne où s'alanguissait la lourde chevelure noire, qui se soulevait au dessus d'une casse fébrile suffisait à le contenter.

"Jamais un bon mot pour moi! " fit-il mine de se désoler. A nouveau, la pâleur tapie sous son coeur frémit, désagréable. Que de banalités. Cela lui laissait un sentiment nerveux, lourd d'appréhension pesant sur la poitrine. Presque une défaite que, pourtant, il contournait sans un regard pour elle. Comme une truite évite un rocher pour remonter le fleuve, le blond ne s'embarassait pas de ce genre de sentiments. Trente ans n'avaient pas suffit à les lier d'affection. Il avait découvert très tôt, brusquement, que cela ne l'interessait plus. Quelque chose cependant, subsistait entre eux- c'était sa conviction profonde.

Au lieu de rencontrer le regard fraternel, le jeune homme scrutait l'horizon, comme s'il pouvait obliger ses yeux à voir jusqu'à Pentos." Le soleil se couche déjà, c'est affreux. " Soupira-t-il, las. Sa main droite guida le destrier jusqu'à son ainée. Son autre main, nue du gant qu'il venait de retirer, reposait, ouverte, sur la soie de son genou. Régulièrement, cette dernière se levait jusqu'à passer sur le satin vert-d'eau de son turban, sur la ligne duveteuse de sa machoire, sur ses épaules, et la pulpe exercée de ses doigts s'assurait du bon compte de ses perles. Leur éclat crémeux lui était une armure plus digne que les mailles camouflées des voleurs, des serviteurs de leur père.

Un mouvement rond parcourut son épaule; étirement géné qui traduisait le malaise feint, teinté d'une juste hésitation et qui avait moins pour but d'exprimer une maladresse dont Wasen ne se sentait nullement saisi que d'attirer plus près de lui l'attention de Wayra. La vulnérabilité clignait toujours de l'oeil devant la race de Warden."J'étais allé interrogé le Mestre un peu plus tôt dans la journée, et la discussion a dérivé vers un autre sujet auquel je ne m'attendais pas." Wasen, qui jouissait de son entrée dans l'antichambre de l'isolement de Wayra comprenait l'état d'esprit dans lequel elle le recevait par un triste automatisme. L'âme de la fille du Roi Sauvage ne se conformait qu'à sa propre droiture faite de serment, d'aliénation et d'incomplétude. Et de bétise...S'entendit-il siffler au creux de ses pensées. Il brida aussitôt ce cynisme, le retenant prisonnier derrière ses dents. Le sujet qu'il s'apprétait à présenter l'amusait presque autant qu'il le déroutait. Il n'oubliait pas que dans l'ombre toujours secrète de sa soeur, à une époque qui paraissait aujourd'hui lointaine et blanche, au mystère d'être une femme s'était ajouté l'énigme d'être mère.

Sa mine rendue sévère par la gravité des mots qui glissait entre ses lèvres devenait naturellement dédaigneuse en rencontrant l'ombre hautaine que découpait le jour sur son visage."Evidemment père s'est bien gardé de m'en parler; mais je te vois poursuivre tes habitudes, alors je me demandais..." Son menton altier s'était enfin baissé. Exhubérance, hédonisme, opulence; Il aurait voulu d'un monde fait de fêtes perpétuelles dans lequel oublier ces soucis moindres et insupportables. Ce monde cru et vide, écrin de leur discussion, le déstabilisait. Croire poser un pied au dessus du vide ne lui aurait pas fait un effet différent.
"Il va te marier, tu sais?" asséna-t-il soudain. Sa voix était plus sèche qu'il ne l'aurait voulue, résidu de l'intolérance dont il accablait les lacunes de Wayra. Couronnant l'obscurité de son regard jaloux et enjoleur, ses sourcils sables étaient à peine froncés.
Dispersé par la sécheresse et la moiteur de la vallée, l'essence de parfum au creux de son col laissait dans son sillage une odeur de miel chaud, de sel et de résine. Il devinait celui de sa soeur pour l'avoir frolé, parfois avec espoir. Une aura équestre, terrestre. Et peut-être un brin d'humidité craché par la rivière qui se serait déposé dans ses cheveux longs.




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Wyl, an 302, lune 6, semaine 2



Wasen Wyl & Wayra Wyl

Il y avait dans la figure encore juvénile de son frère des expressions, des regards et des éclats qu’elle ne reconnaissait plus. Ces cils clairs laissaient de grandes ombres sur ses tempes, sous le soleil rasant de l’après-midi.
Nés à quelques lunes d’intervalles, presque jumeaux sans se ressembler, il avait été, pendant longtemps, son seul et unique compagnon de jeu. Ce garçon trop maigre et trop grand qui jurait si bien avec le paysage aride des Montagnes Rouges. Un jour, elle avait tout su de lui. Ensemble, ils avaient souffert du poison qui glissait dans leurs veines tous les matins. Ensemble, ils représentaient l’engeance de la branche secondaire des Wyl qui laissait les gens frémissant ou méprisant. Il avait toujours été proche de leur mère, fourré dans ses jupes, alors qu’elle n’avait été et n'était toujours que l’ombre de leur père. S’ils ne s’étaient jamais disputé l’affection de l’un ou de l’autre, les deux enfants avaient coexisté sans partager la tendre affection, le mystère intime liant un frère à une sœur. Peut-être étaient-ils trop différents, de ces différences qui font que la compréhension des actes de l’autre étaient insurmontable. Peut-être les épreuves rencontrées les avaient-ils rendus si durs qu’ils ne se laissaient plus guère qu’aller aux badinages de surface, comme un cygne qui glisse sur l’eau.

Aujourd'hui, il était presque devenu un étranger pour elle. Désormais, il n’était plus rien que celui qui était parti.

Néanmoins, il existait bien entre eux ce lien sacré et fraternel qui faisait qu’en dépit de tout, ils ne pourraient jamais se haïr. Wayra s’était longtemps persuadée du contraire lorsqu’il avait quitté Wyl sans mot dire. Non pas pour son départ en tant que tel, mais parce qu’il avait été capable de s’arracher à l’étreinte des Wyl. Sa sœur, elle, en était incapable. Trop fidèle, trop dévouée, trop aveugle. Elle lui en voulait encore. Ils n’en avaient jamais parlé. D’ailleurs, Wasen ne s’était jamais ouvert à personne. Depuis, le temps avait passé et le sujet était devenu lointain et désagréable si bien que de le rouvrir n’aurait rien fait de mieux que profondément gêner les interlocuteurs. Si la brune n’était pas sensible à ce genre d’impair, une pudeur insoupçonnée l’avait soustraite à la confrontation. Maintenant, il était trop tard et les pots resteraient cassés.

La nouvelle joute entamée par son cadet s’inscrivait dans la tendance. Voilée de non-dits et d’embarras, il n’y avait que l’air revêche de chacun qui subsistait : celui de Wayra, dissimulé par l’agacement et celui de Wasen, mâtiné de nonchalance. Que voulait-il, à la fin ? Comme elle, il ne prenait aucun plaisir à cet entretien familial. Il se forçait, pourtant. Voilà qu’il s’épanchait sur le soleil et la nuit avec cette voix trainante et aux accents superficiels. Pour accentuer ses manières excentriques, il laissait courir ses doigts sur ses bijoux, une marque ostentatoire qui frustrait particulièrement son aînée. Elle aurait voulu les lui arracher, ses perles qui brillaient doucement sous les rayons orangés.

« Et bien, qu’est-ce qu’il y a à tourner autour du pot ? »
le pressa-t-elle en croisant les bras.

Jamais elle ne se ferait à la lenteur calculée de son cadet. Petit à petit, méticuleusement, il distillait les informations, comme s’il dévoilait le plus grand des secrets. Peut-être prenait-il du plaisir à malmener ainsi la fille du Roi Sauvage. Lorsqu’enfin il posa sa question, Wayra darda sur lui un oeil éberlué. Le visage de Wasen frappa désagréablement sa soeur par son expression égarée.

« Eh bien oui, je le sais. »

L’idée même qu’il eut cru être au courant d’une telle nouvelle avant elle l’étonnait si fort qu’elle ne savait plus comment réagir. Elle resta bête, à l’observer, coite. Seuls ses bras devant elle lui donnait l’illusion d’une contenance.
Après la mort de Wyl et de son amant, elle s’était naturellement persuadée qu’elle resterait seule. Sans raison apparente. La naissance de son fils avait semblé être le point culminant de son existence. Une fois le petit corps enterré, il ne restait rien et c’est ce néant qui l’avait agréablement résigné à un sort qu’elle s’était inventée. Les jours et les années passant, elle devenait de plus en plus vieille et les perspectives d’un mariage s’amoindrissait. Inconsciemment, elle était ravie de cette vie qu’elle continuerait à mener sans se poser de questions. C’était plus facile ainsi.
C’était sans compter sur Warden qui s’était soudainement rappelé les bénéfices des unions pacifistes.

« Pourquoi ? Tu as peur d’être le prochain sur la liste ? »

Humour ou réalité, elle n’en savait rien, elle non plus. En dépit de leur proximité, le Roi Sauvage restait un être discret sur le futur qu’il envisageait pour sa famille. J’ai un plan. Ces mots, elle les entendait avec sa voix et jamais elle ne les questionnait. Elle se contentait d’obéir, abandonnant bien volontiers son esprit critique et sa volonté entre les mains de ce géniteur tout-puissant. Parfois, cet abandon de conscience lui laissait commettre d’horribles choses. S’unir à un homme était un moindre mal. Elle ne s’opposerait pas à son mariage puisqu’il l’avait décidé, que celui lui plaise ou non.
L’âme en contradiction de Wasen aurait du mal à accepter une telle éventualité.

« Tu n’as pas l’air ravi. »



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| Wyl | An 302 Lune 6 |





Wayra était un problème. Un serpent noueux, au sifflement trouble, au regard dangereux. Toute cheveux épars de la giffle des vents, une austère robe collant parfois ses flancs minces, du haut de son cheval, elle lui apparraissait ainsi qu'il se l'imaginait toujours: suintante d'une menace qui n'avait pas encore trouvé sa cible. Il devinait son instinct égaré, à la peine, tentant de comprendre ce qu'ils étaient l'un pour l'autre et, jusqu'à un instant récent, ses intentions. C'était ce déséquilibre latant qui la rendait impressionnante à ses yeux; il évitait avec mesure de s'attarder trop longtemps sur la surface lisse de son regard reptile. Face à elle, le comédien se sentait moins que l'ombre d'un vautour sur la roche.
Après tout, la perception sociale que l'on avait d'eux voulait que Wayra sabra systématiquement le souvenir du cadet par sa présence instable, ses attitudes cabrées; et que l'on surveillât toujours ses postures d'un oeil inquiet et soupçonneux puisqu'elle ressemblait trop au père pour  lui être différente en rien. Rien n'était plus vrai! Rien ne saurait, pourtant, se tenir plus éloigné de cette fatalité  que cette douce somnolence qui soutenait péniblement la réponse que sa soeur ne tarda pas à lui faire entendre. Si détachée. Bien sûr que tu le sais, songeait-il.
Comme elle l'interrogeait sur sa réserve- elle était habituée aux éloges du Roi sauvage- Il se laissa glisser jusqu'au sol, ajusta un bracelet à son poignet et lui dit:
"Peut-être. Sans doute. Oui.." Sa voix était plate. Mais mon ordre sur la liste importe peu. C'est simplement d'y figurer qui me chagrine, renifla-t-il avec un dédain qu'il se vouait à lui-même, en silence, haussant à peine un sourcil ironique et stérile. Sa propre  apréhension, réelle, lui était vile.
Son profil extravagant avait fondé en lui une vaste et impalpable notion de bravoure dont il se supposait capable, sa fuite improvisée du giron clanique l'en avait assuré. Mais à la perspective des risques qu'engrengeraient son désaveu d'un ordre paternel, un instinct primaire et bas le repoussait, rampant, jusqu'aux renfoncements confortables de ses espoirs les plus lâches. Tout ce qu'il désirait: que la dame fut empéchée de quitter son domaine. Cela serait son pauvre portail grinçant vers le départ définitif qu'il espérait accomplir. Et ne jamais revoir Wyl.

"Enfin."reprit-il rapidement en s'affalant de moitié contre l'épaule blanche de l'étalon. "Ton inquiétude me touche, Grande-soeur." Siffla sa langue, mutine. Un sourire ingénu dévoilait ses dents.  
De ce sarcasme il ne tirerait sans doute rien de plus qu'un roulement de ses grands yeux opalins: il désespérait d'un jour la voir en prendre le pli, mais elle était aussi intolérante qu'inepte à en gouter la saveur. En cette après-midi que l'Hiver déchirerait bientôt d'obscurité, elle semblait bouder, comme à son habitude. Wasen, lui, s'amusait de ces ridicules. Comment pouvait-il en être autrement? Cette créature, plus impétueuse qu'un fleuve, solide comme l'acier, vrillait comme un drap de soie sous le murmure paternel, toute à une promesse qu'elle tenait déjà - du bout des doigts, certes, mais ce ne serait qu'un cadenas des plus terribles que cette dévotion plate et sans envergure qui ne souffrait pas du jugement des autres ou des caprices du temps.

Ses jambes se décidèrent finalement à le porter à sa rencontre. Le tissus  de sa tunique frémis en se froissant contre sa peau, accompagnant sa démarche retenue du doux cliquetis que produisaient ses bijoux au grès de ses mouvements.
"Parce que toi, tu l'es, peut-être?" l'apostropha-t-il à son tour.  L'arc tranquille de ses sourcils, relevés par l'interrogation, était presque tendre. La remarque sans grande consistance qui semblait vouloir écarter de son ton évasif la curiosité fraternelle éveillait sa vigilance. Le terme Ravi discordait âprement des sentiments que lui inspiraient les arrangements de leur fauve de père. La chienne de Wyl y faisait toujours une bien maigre résistance. Cependant, qu'elle s'inquiéta, ne serait-ce que pour parer à la précarité de leurs échanges, de son avis sur la question relevait de l'inusuel, et ne le laissait pas sans espoir.

Il l'observa un instant, ne sachant s'il devait voir dans la dureté, apprise ou instinctive, du visage de sa soeur un ébahissement borné ou encore un détachement total de ce destin qui se nouait autour de son cou.
Il y avait de l'excès dans la dévotion de la brune; mais l'excès est une vertue à vingt ans. Il s'était demandé parfois, sur quel écueil sombrerait cette vibrante soumission, car on sombrait toujours. Serait-ce un homme trop aimé, le piège légitime où se prennent les âmes habituées au confort de l'idôlatrie; ou une lassitude engendrée, peut-être, par un instinct féroce d'imitation d'aller elle aussi fonder quelque empire de misère semblable à celui du Roi sauvage, mais qui serait sien?
Elle demeurait inchangée pourtant, à bientôt trente ans. Un lévrier qui avait étendu devant lui ses pattes raides pour s'allonger sur la vie de Warden. Et qui avait un frère indifférent et intrusif.

"Tu as donc abandonné tes ambitions de recluse! Ma soeur, une romantique, une fille séduite par l'autel! " L'indolence de sa voix douceâtre s'armait du geste de sa main se levant pour épousseter un peu de poussière rouge prise dans les crins noirs de sa soeur. Une autre insolence de velours. Un peu de trouble dans l'harmonie froide qu'ils entretenaient malgré eux. "Voudras-tu que je t'aide à choisir la dentelle?" enchaina-t-il dans un souffle rieur et mordant.
Et, toujours souriant, sans quitter la jeune femme des yeux, d'un mouvement onduleux qui fit cliqueter son sautoir de perles, il laissa glisser le long de lui  l'ample foulard de soie qui recouvrait son épaule, feignant de vouloir la tenter de ses parrures qu'elle abhorrait. La provocant à coups de ridicule et de finasseries. Son buste, plus libre, palpita; l'échancrure de sa chemise dégageait un cou délié, jeune encore et pour ainsi dire ostentatoire, tant il portait fièrement ses lourds colliers et les boucles d'oreilles tremblotantes contre sa machoire. " Dis-moi, il le sait au moins, ton gars, qu'il va passer la bague à un scorpion? Son front ne se troublait pas, ses paupières demeuraient lisses. Attentif. Etonne-moi. disaient ses yeux trop sombres, presque accusateurs.

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Wyl, an 302, lune 6, semaine 2



Wasen Wyl & Wayra Wyl

Derrière eux, les chevaux s’ébrouaient et laissaient leurs museaux duveteux effleurer la surface de l’eau transparente de la Wyl. Imperturbables, ils n’avaient cure du duel à peine masqué qui se jouait en ce milieu d’après-midi entre le frère et la soeur. Un vautour invisible hurla dans la moiteur. Une dépouille d’animal ou un mulot venait probablement d’être débusqué. Il n’était qu’une question de minute avant que le bec acéré ne s’enfonce dans la chair molle de la proie, que celle-ci ait été vivante l’instant d’avant ou morte depuis des heures.

Sa solitude et les longues heures passées à arpenter les montagnes arides avaient rendu Wayra sensible aux signes de la nature. Son père avait également passé des journées entières d’apprentissage avec elle pour lui faire découvrir tous les mystères qu’offraient la faune, la flore, la quiétude d’un paysage ou la fureur des torrents après l’orage. Des moments précieux, intimes, que la brune chérissait encore aujourd’hui, trop heureuse de se rappeler de son père animé par la passion débordante qu’il avait pour les grands espaces. Des souvenirs que Wasen n’aurait jamais. Et son aînée c’était si bien appliquée toutes ces années à déceler les secrets des monts et des plaines qu’elle avait oublié de s’attarder sur les mystères du genre humain. Et décrypter le premier fils du Roi Sauvage était une mission qu’elle refusait d’office.

Glissant le long du flanc droit de son cheval, il paraissait déçu. De lui-même, principalement. Idiot de n’avoir su deviner qu’elle était au courant et pas lui. Idiot de n’avoir su déceler l’évidence. Idiot d’avoir cru que Warden n’informerait pas sa fille aînée d’un tel tournant. Il dissimula sa gêne derrière un geste anodin. Un bracelet remis en place. Pour la nième fois. Qu’avait-il besoin de se parer ainsi pour venir la voir ! Elle l’avait vu mouiller ses draps, tomber de cheval et dissimuler des boutons étant petit. Le paraître n’avait aucun effet sur elle.

L’inquiétude qu’il laissa transparaître alors qu’il abordait la perspective future de son mariage dessina un sourire sardonique sur les lèvres de la Wyl.

« N’aie pas peur. En te mariant, tu quitteras peut-être enfin Wyl ! N’est-ce pas là ton rêve le plus cher ? »

Quel dommage que ça n’est pas marché la première fois ! songea-t-elle méchamment. S’il était si malheureux ici, pourquoi était-il revenu ? Elle n’en avait aucune idée. Lui qui passait son temps à se plaindre de cet endroit, de sa famille, de leurs moeurs… pourquoi n’était-il pas resté là où il s’était caché ? La question lui brûlait la langue, mais elle ne voulait pas lui faire honneur de son intérêt. Après tout, le sujet était clos.

Le rictus se transforma en roulement d’yeux, une réaction probablement attendue, mais incontrôlable, lorsqu’il l’affubla d’un qualificatif qui sonnait tout sauf juste dans sa bouche. Elle se tendit naturellement à son approche, tout en froissements et en cliquetis. Wayra n’aimait guère que l’on empiète sur son espace à moins qu’elle n’en ait décidé autrement.

« Peut-être. Sans doute. Oui, » rétorqua-t-elle, en singeant sa réplique d’un peu plus tôt, l’accompagnant d’un haussement d’épaule dubitatif.

Une pique puérile cachée derrière un masque de mépris. La vérité était qu’elle ne s’était même pas posée la question de ses envies. La chose avait été décidée. Point à la ligne. Elle ne remettait rien en cause et de s’autorisait même pas le luxe de songer à ce qu’elle désirait. Si son père estimait que son mariage était ce qu’il y avait de mieux pour eux, elle lui faisait confiance. Pourquoi donc revenir sur une telle décision ?
Dans les yeux de Wasen, pourtant, elle sentait qu’il attendait quelque chose d’elle tout en ignorant quoi. Cet espoir, cette appréhension la frustrait. Que voulait-il donc ? Qu’elle se mette à hurler comme une enfant ? À pleurer en se plaignant qu’elle ne voulait pas se marier ? La réalité était bien pire : cette union ne lui inspirait tout simplement rien. Ni haine, ni joie, ni tristesse. Simplement une tâche qu’il fallait accomplir. Son cadet, en revanche, semblait éprouver toutes les émotions qu’elle aurait dû ressentir. Et cette étrange projection plongeait Wayra dans la confusion.

Le blond s’obstinait en provocations à coups de mauvaise ironie, de familiarité feinte et de mouchoir déposé sur son épaule. Elle écarta le membre fraternel d’une frappe dans l’avant-bras, un geste plein de violence pour le corps mou et tendre de Wasen.

« Ne me touche pas, » asséna-t-elle de ses colères froides, bien plus terribles que ses coups de sang.

Si la fille d’Amarei détestait que l’on s’invite trop près d’elle, la toucher sans invitation relevait de l’offense. Elle se braqua immédiatement, se repliant sur elle-même comme un serpent au fond de son trou. La question naïve du ressenti de son frère sur la question s’effaça alors, sans avoir trouvé la moindre réponse, au profit de ce qu’elle connaissait le mieux. Mordre.

« Un scorpion ? » renifla-t-elle dédaigneuse. « Pense de moi ce que tu veux, je ne l’abandonnerai pas un beau jour parce que le vent m’aura donné des envies d’ailleurs. Il nous connaît. Il sait qui je suis. Worian est son écuyer, mais tu l’ignorais peut-être. Je ne devrais même pas avoir à me justifier auprès de toi ! »

Après tout, il ne prêtait guère attention à autre chose qu’à lui-même.
La main plaquée sur sa poitrine décorée de colliers, de broches et de broderies, elle le repoussa sans vergogne, loin d’elle.

« Pourquoi es-tu venu me voir ? Pour te moquer ? Pour t’amuser de mon sort ? Sache qu’il n’y a rien de drôle ! »

Ni de malheureux. Pourquoi donc prenait-il tant les choses à coeur ?
Wayra avait durant un temps été complexée par sa naïveté et son manque d’intelligence face à Wasen qui, lui, semblait si bien comprendre les choses. Puis, elle avait fini par s’accepter comme elle était. Mais voilà que désormais elle croyait percevoir un secret que son frère connaissait et qu’elle ignorait. Un scorpion, se répéta-t-elle. Elle savait qu’elle n’était pas une bonne personne. Elle avait menacé, volé, tué. Mais l’injure pourtant inoffensive de son frère ne la laissait pas de marbre.

« Pourquoi es-tu revenu ? Franchement, je me le demande tous les jours ! »

Finalement, la question avait été posée.



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