Encres et plumes s'emmêlent | Correspondance Arya

Lady Arya,

Alors que mon encre trace ces premiers mots, je ne peux m’empêcher de sourire un peu bêtement, je dois bien vous l’avouer. J’ai bien conscience que vous n’appréciez que très peu le mot « lady » accroché ainsi à votre prénom. Je ne me rappelle pas le nombre de fois où je vous ai vue vous agacer lorsque l’on vous appelait ainsi. Si je me permets un tel affront, ce n’est ni plus ni moins que par affection et par taquinerie car j’aime à m’imaginer votre moue boudeuse alors que vous ouvrirez cette lettre.

Vous êtes d’ailleurs la première à qui j’écris en ma qualité de femme mariée. N’est-ce pas étrange de se définir de la sorte ? J’ai l’impression que le regard des gens a changé, aujourd’hui. Je me pose d’ailleurs la question, avec quel nom devrais-je signer ? Mes préoccupations semblent bien futiles ! J’imagine que nous le découvrirons à la fin de cette missive, je vous laisse languir un peu.

Je m’égare. Peut-être l’excitation puérile de mes noces a-t-elle du mal à m’abandonner, même plus d’une lune après celles-ci. Votre présence m’a manquée, lors de la cérémonie. J’ai bien conscience que notre famille, mineure, ne méritait certainement pas votre déplacement ou celui de votre maison. J’avais espéré vous voir, cependant. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai aujourd’hui pris la plume. Loin de moi l’idée de vous blâmer et de vous faire des reproches ! Je m’inquiète, au contraire, de l’absence de nouvelles de votre part. Là encore, nulle réprimande. Considérez ceci comme étant le tracas sincère d’une amie. Vous portez-vous bien ? Quelles nouvelles m’envoyez-vous de Winterfell ? Si mes mots ne trouvent pas de réponse, je me permettrais de me renseigner auprès de votre soeur, en priant les Anciens Dieux pour que ses mots soulage mon coeur de grande soeur trop souvent maltraité par l’imprudence de petites soeurs trop braves.

Nous nous trouvons actuellement dans le convoi gordien en direction de Corneilla. Cette fois encore, votre absence m’a laissée pleine de questions. Je m’imaginais vous trouver aux côtés de lady Sansa… quelle ne fut pas ma surprise lorsque nous rejoignîmes le groupe et que vous n’étiez pas là ! Il est vrai que j’aurais directement pu demander à votre aînée, mais je préférais m’enquérir avec vous avant.

En me relisant, je me rends compte que cette missive est bien lourde d’appréhension. Moi qui voulais prendre de vos nouvelles sur un ton léger… Je crois que les épreuves m’ont fait oublier l’optimisme que tous s’accordait à dire qu’il me venait naturellement.

Dans l’attente de vos nouvelles et d’un regain d’optimisme,
Votre très loyale,

Lyra Mormont

Lady Arya,

Pas de sourire, cette fois-ci, sur mes lèvres alors que ma plume gratte le papier et que mes sourcils, froissés d’inquiétude surplombent des yeux tout aussi inquiets.

Comment allez-vous ? Souffrez-vous beaucoup de vos blessures ?
Je ne vous demanderai pas comment tout ceci est arrivé. Cela s’est passé, c’est tout et il ne faut désormais point revenir là-dessus. Je sais d’expérience que cela agaçait Jorelle et vous lui ressemblez si bien que ressasser un accident ne doit guère vous accommoder. Certains se plaisent à se languir en victime estropiée, mais je vous connais assez pour savoir que vous n’êtes pas de cette trempe. Je préfère donc aujourd’hui m’enquérir de votre santé. A en croire vos mots (à moins qu’ils ne soient ceux du mestre ?), vous semblez à peu près sur pieds. C’est une excellente chose que cette terrible nouvelle ne me soit parvenue que maintenant, alors que le pire a été évité. Si jamais il m’avait été donnée de savoir tout ceci plus tôt, j’aurais accouru à Winterfell pour prêter main forte au mestre.

Mais cessons de parler de mes états d’âme et revenons à vous. Pouvez-vous marcher ? Vous servir de vos membres normalement ? J’ai conscience que votre épaule ne semble guère vous faciliter la tâche, mais est-ce définitif ? Peut-être vous ennuyez-vous, je crois l’avoir compris entre vos lignes, mais persuadez-vous que tout ceci est pour votre bien. Votre nature intrépide vous ferait tort et les plaies risqueraient d’empirer. Si jamais vous vous sentez seule, écrivez-moi.

Vous me me posez des questions sur ma nouvelle vie… Néanmoins, après votre révélation, je me sentirais bien mal d’avoir à vous parler de moi. Je préfère réserver cela pour une autre missive.

Le mestre de Winterfell n’aime pas vous apporter de mauvaises nouvelles. Or, vous m’excuserez auprès de lui et lui donnerez mes respects les plus sincères, je me sens contraintes d’en être aujourd’hui le porte-parole. Brandon et moi avons reçu de son père, lord Norroit, la plus étrange des nouvelles, quelques heures avant que je ne prenne mon encre pour vous écrire. Ici, les informations provenant du Nord sont maigres et le voyage n’arrangent pas la transmission et le bouche à oreille pourrait avoir déformé la réalité. Je prie les Anciens Dieux pour que cela soit le cas.

Un corbeau est parvenu aux Norroit, il y a plusieurs jours. Celui-ci venait de Fort-Levant et affirmait que des morts - des patrouilleurs de la Garde - s’étaient levés après leur trépas avant de saccager l’intérieur du château. Des frères sont décédés après cette attaque et ils ne doivent leur survie que par les flammes qui ont anéanti ces revenants.

Avez-vous reçu les mêmes nouvelles ? Les autres seigneurs nordiens sont-ils au courant ? Avez-vous entendu leurs avis à ce sujet ?

Vous connaissez les sentiments amicaux qui unissent la Garde de Nuit et les Norroit. Depuis le corbeau, Brandon est perplexe. Il compte aller voir ce qu’il se trame à Fort-Levant et je l’accompagnerai. Nous passerons par Winterfell lors de notre retour du Conflans. Me permettrez-vous de vous voir ? Peut-être ai-je quelques tours de passe-passe dans ma besace que votre mestre ignore ? J’en doute, mais j’utiliserais probablement cette excuse pour m’entretenir avec vous.

En vous souhaitant le rétablissement le plus prompt,
Votre très loyale,
Lyra Mormont

Lady Arya,

Vous serez toujours une guerrière.

Voici les premiers mots qui me vinrent à l’esprit lorsque j’ai parcouru votre dernière lettre. Je les ai d’ailleurs écris à peine mes yeux s’étaient-ils posés sur votre dernière phrase. J’ai continué d’écrire quelques jours plus tard, vous le remarquerez peut-être, les encres sont légèrement différentes. Car si je prends toujours un temps de réflexion avant de répondre à une missive, mes idées n’avaient pas besoin d’être claires pour vous écrire ceci.

Votre état m’est encore inconnu et je suis incapable de juger de la gravité de vos blessures alors que nous sommes si loin aussi, je ne peux vous promettre que tout sera comme avant. Néanmoins, je vous connais assez pour savoir que vous n’abandonnerez pas. C’est sûrement cela qui fait de vous la battante que vous êtes et non pas deux genoux s’articulant bien. Votre force, vous la puisez de votre volonté. Aussi, je prie pour que votre moral remontera bien vite et j’espère que, peut-être, nos échanges vous mettent un peu de baume au coeur. Cela serait bien présomptueux de ma part, mais je serai toujours une oreille (ou bien des yeux en l’occurence !) attentive si vous éprouvez le besoin de vous confier.

Voyez votre nouvelle liberté d’écriture et votre intimité retrouvée comme une petite victoire ! Grâce à vos efforts, le mestre n’a plus à surveiller vos courriers et c’est déjà une première étape vers votre rétablissement. Le fait que vous vous activiez également en recherches studieuses prouve également que vous ne vous laissez pas abattre.

Quant au Mur, Brandon a reçu une missive de son père lui indiquant que les Norroit envoyaient des hommes garnir leurs rangs. Les Wull ont fait de même. J’imagine que les autres maisons de notre région les ont imités. Cette menace est donc prise au sérieux… ce qui me laisse à la fois présager du pire et du meilleur. Si nous sommes prêts, le danger aura peut-être des répercussions moins importantes… mais si nous nous mobilisons réellement tous, cela signe son imminence.

Combien donc y a-t-il de pierres sur votre mur ? Ne me dites pas cela dans votre prochaine lettre, attendez que nous nous voyions en chair et en os.
Nous nous reverrons d’ailleurs plus rapidement que prévu. Votre soeur Sansa ou votre frère, lord Stark, vous en a peut-être informé, mais une tragédie a eu lieu à Corneilla, durant les noces. Lord Nerbosc a été empoisonné et tous les regards se tournent aujourd’hui vers Harry Rivers, le bâtard Bracken. Malheureusement, l’événement rappellera autant de bons que de mauvais souvenirs… Lord Bracken est actuellement attendu pour le procès de l’accusé. Nous ne comptons pas demeurer dans le Conflans pour assister au jugement.

J’espère vous répondre de vive voix la prochaine fois.

Avec toute mon affection,
Votre dévouée,

Lyra Mormont