[FB] L'ultime hommage à la Reine-Mère

Famille Targaryen

Rhaegar n’avait guère d’appétit. Il n’avait faim que de sommeil mais ce dernier aussi semblait l’avoir quitté depuis son retour de Lancehélion. Il s’employa néanmoins à se forcer à avaler ne serait-ce que les quelques légumes et morceaux de viandes dans son assiette, bien que chaque bouchée lui soulevait le coeur. Il posa délicatement ses couverts sur le rebord de son assiette, pris sa serviette pour s’essuyer les contours de ses lèvres puis pris sa coupe de vin et s’adossa contre son siège. Il écouta les avis successifs de sa fille et de son fils sur la demande de Daenerys de rentrer pendant quelques temps à Peyredragon. Il les regarda exposer tour-à-tour leur point de vue, son regard allant de Rhaenys à Aegon puis ses yeux tombèrent sur son frère, dont le nom était sur toutes les lèvres et dans toutes les discussions en ce moment. Tandis qu’il commentait à son tour la demande de leur sœur, il but une gorgée de vin puis une seconde, vidant par là sa coupe. Il la tendit nonchalamment à l’un des serviteurs postés en retrait le long des murs de la pièce. Le plus proche vint immédiatement auprès du Roi-Dragon munit d’une carafe de vin. Et alors qu’il remplissait sa coupe, la voix de la Princesse Argentée s’éleva soudain, volontaire et déterminée. Les yeux améthystes de Rhaegar allèrent doucement de sa coupe de vin pour venir se poser sur la silhouette de sa jeune sœur, à l’autre bout de la table.

La façon dont elle venait de parler était inédite, quoique Rhaegar n’en savait rien étant donné qu’il connaissait à peine celle qui avait les mêmes parents que lui. Cependant, il le devina aux expressions des autres membres de sa famille. Sa coupe à nouveau pleine, il la fit passer de sa main gauche à sa main droite, sans que ses yeux ne quittent sa sœur, elle qui était depuis retombée dans un mutisme total et dont les yeux se posaient sur tous les visages, excepté celui du Roi son frère. Il leva un doigt à l’attention du serviteur qui allait retourner à son poste et, tournant légèrement la tête vers lui sans pour autant en perdre Daenerys du regard, il murmura à son attention :

Que Mestre Pycelle me donne quelque chose de suffisamment fort pour que je retrouve le sommeil.

Le serviteur obtempéra et pris congé. Quant à Rhaegar, il s’avança vers la table, posa sa coupe devant son assiette et se radossa, répondant à sa sœur :

Soit, si tel est ton souhait, ma sœur… dit-il d’un air égal, presque froid, constatant à quel point ce mot semblait étrange dans sa bouche. Je peux bien t’accorder cette liberté puisque dans un avenir proche, c’est sur les terres du Conflans que tu éliras domicile. Cependant, sache que je n’empêcherais ni Rhaenys, ni Aegon, de venir te voir s’ils le désirent. Ils s’inquiètent pour toi et moi aussi. En pareil cas, c’est ce qu’il convient de faire, lorsqu’on est une famille, n’est-ce pas ? Et c’est là également le but de ce dîner ; que nous restions forts et unis. Sache cependant que quand bien même nous n’avons rien en commun, toi et moi, je reste ton frère. Tu peux compter sur moi.

Il fit une pause et conclu sur ces mots, son regard se fit dur et lourd d’un passé difficile :

Mais ne dis plus jamais que nous ignorons tout de ce que tu ressens. Nous avons tous, ici, perdu un être cher auquel nous tenions, que ce soit notre chère mère ou grand-mère...ou quelqu'un d'autre encore...

Puis il grignota un morceau de viande accompagné d’une tranche de pain et écouta l’allusion de Viserys à l’astre rouge flamboyant qui était apparu dans les cieux. Loin d’être foncièrement croyant en les rumeurs sur le retour d’une quelconque magie, Rhaegar y prêtait toutefois attention et la remarque de Viserys lui parut intrigante :

Rien de bon, vraiment ? Aurais-tu quelque mauvais pressentiment mon frère ?

Le Prince garda la tête haute, alors qu'il glissa entre ses lèvres le liquide rouge carmin qu'était le vin de la treille. Il en profitait tant qu'il était à Port Réal. Il ne souhaitait pas boire le vin Bieffois à Dorne, en sachant que cela pourrait être mal interprété.

Il ferma un instant les yeux, suite a la réaction de Rhaegar, avant de prendre la parole, pour venir prendre la défense de Daenerys.

"Et pourtant nous vivons notre douleur tous différemment mon frère, elle n'a pas totalement tors. Tu as eu le temps de te forger de part tes années d'expérience. Pour les enfants plus jeunes, la perte de parents peut être plus marquante et tu le sais au fond de toi, je le pense."

Si la mort de sa mère ne le laissait pas totalement indifférent , elle ne le marquerait pas comme la perte de son père. Cette douleur était là bien encore présente, comme si on l'avait marqué au fer rouge dans son esprit et son âme. Le roi fou... Comme ils le nommaient, était un père modèle pour le Dragon de l'Est. Un pilier fort de sa vie que les rebelles avaient détruit avec leur guerre civile et leurs complots infecte.

Quant à son neveu et sa nièce et il devait se douter que la mort de leur propre mère ne devait pas les laisser indifférent. Même si Rhaenys était forte et qu'elle portait cette douleur avec dignité, le Dragon de L'Est savait qu'elle était là quelque part. Rhaegar ne pouvait pas être aveugle à ce point-là.

Sa main se dirigea sur celle de sa petite sœur, se posant sur le dos de celle-ci, en guise de soutien. Elle était tout ce qu'il y avait de plus précieux pour lui. Elle était sous sa responsabilité depuis sa naissance, depuis que son père était mort. Il n'avait pas besoin de dire qu'il la soutiendrait, elle et lui se comprenait sans avoir a parler.

Il prit un morceau de viande en bouche avant de le mâchonner.

"Les mestres n'en diront rien d'intéressant, ces choses-là les dépassent. Mais quand le ciel verse des larmes de sang, ce n'est jamais anodin."

Des mauvais pressentiments ? Oh que oui, il en avait, il revoyait encore vivement les rêves qu'il avait fait, comment il avait appris l'antique incantation de Valyria, et vu le sacrifice de la femme. Il se rappelait encore nettement les brûlures qu'il avait senties sur son corps. Ce n'était pas des songes normaux, ils étaient spéciaux. Il lui montrait ce qu'il avait besoin de voir. Il détourna un instant le regard, après sa courte phrase. Le regard fuyant, il ne voulait pas en dire plus... nul ne le croirait de toute façon. Il avait tenté de parler de ces rêves à Rhaegar, et il s'était inquiété pour sa santé mentale sans accordé aucun crédit ce qu'il pouvait voir.

️ Feniix

Famille Targaryen

Rhaegar releva le nez de son assiette et daigna bouger son regard de la nourriture quasiment intacte dans son assiette à sa jeune sœur. Stoïque et muet, il la considéra longuement sans le moindre sentiment sur son visage ou dans ses yeux. A côté de la différence d’âge, Daenerys et lui n’avaient jamais rien partagé d’autre que le nom de famille. Vivant principalement à Peyredragon et lui à Port-Réal, Rhaegar n’a pas vu sa sœur grandir autant que son frère Viserys. Peinant déjà à voir ses propres enfants, l’existence de sa sœur est complètement passée au second plan dans la vie de Rhaegar. Aurait-il dû lui écrire si déjà il ne pouvait pas se permettre de lui rendre visite? Peut-être…Se reposait-il uniquement sur Viserys, plus proche en âge, pour jouer le rôle de grand-frère qui aurait dû être le sien et pour eux deux ? Sûrement… Il inspira longuement et profondément tout en la laissant déblatérer à son sujet. Les mots étaient durs et si effectivement, lui comme elle, ne se connaissaient pas, il ne voulait encore que son bien et pensait clairement l’avoir fait comprendre. Tout ce qu’il n’aimait pas, c’était de la savoir seule. Mais visiblement, ou il n’avait pas été clair, ou elle n’avait pas écouté mais le message n’est quoi qu’il en soit pas passé. Il en fut très surpris et la regarda quitter la table puis la pièce en hâte d’un air interrogatif.

Finalement, il expira lentement tout l’air que contenait ses poumons, tendit la main vers sa coupe de vin et la finit d’un trait avant de la reposer assez brutalement sur la table et de se lever, étouffant un rire sarcastique avant de se voir envahi par le chagrin:

Quel monstre je suis. Fils, époux, père et frère indigne… dit-il à voix basse. Je n’ai finalement guère d’appétit. Je me retire pour ce soir. Trouvez le sommeil si vous le pouvez.

Il fit le tour de la table et s’arrêta derrière Rhaenys, posant ses mains sur ses épaules délicates :

Nous nous voyons demain.

Puis, à son tour, il quitta la pièce, fatigué et désespéré.