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Partie de chasse (pv Oberyn Martell)

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Partie de chasse

An 300, lune 7, matin du Banquet
Terres de la Maison Darry



Oberyn & Daemon


Devant l'auberge encore embrassée par la chape nocturne, les ombres grises de trois hommes se détachaient. L'un était à pied et portait un tablier, les deux autres étaient vêtus de brocard et juchés sur des montures plus superbes encore que ne l'était leur mise.  La voix grasse du tenancier de l'établissement transperçait la brume matinale. Malgré toute la déférence dont il essayait  de faire preuve au devant de son illustre client, ses intonations étaient abruptes et il roulait les "r", n'arrivant guère à masquer le fort accent de paysan qui perturbait ses propos.
"Prenez le chemin des chênes, M'lord. Vous trouverez un champs just'après la rivière. C'est grand comme plaine v'pouvez pas le manquez! C'est là qu'ils sont." Les chevaux piaffaient. Claquant leurs sabots sur le sol figé par le froid, les bêtes s'agitaient, rendues nerveuses par la meute de mâtins qui leur courait entre les pattes. Le bâtard avait bien du mal à contenir son étalon et tentait d'écouter distraitement ce que l'homme rougeaud indiquait au Prince.
Si Daemon fronçait des sourcils perplexes et jetait un coup d'oeil quelque peu hautain sur le propriétaire de l'auberge, le cadet de Doran, lui, semblait comprendre parfaitement ce que leur baragouinait le roturier. Le Sand n'arrivait à saisir qu'un mot sur deux -voire sur trois- et encore, il n'était pas sûr d'avoir  déchiffré correctement ce que son oreille avait entendu.
" Ils z'y viennent tous les matins, à l'aube pour retourner le terrain. Vous verrez!" Esquissant une révérence grossière, le tavernier s'écarta de la route du Martell et de sa suite."Bonn'chasse M'lord!"

Faisant tourner bride à son cheval, il prit la route indiquée et les deux cavaliers s'éloignèrent dans le petit matin, suivis par le tambourinement du galop de leurs accompagnateurs.
La végétation autour d'eux oscillait entre le vert pâle et le gris, alors que la rosée de l'aube était aussitôt saisie par le givre. D'ailleurs, quelle aube étrange. Loin des roses lumineux qui se levaient sur le désert, ici elle était pourpre et tirait sur le bleu alors que les rayons du soleil s'annonçaient d'une blancheur livide. Les dorniens n'étaient guère accoutumés à la lumière rasante et morte de l'Hiver, née d'un soleil froid et qui ne réchauffait rien ni personne.
L'humidité quant à elle, amplifiait les senteurs de la forêt dans laquelle ils pénétrèrent tous deux rapidement, accompagnés de leur escorte et devancés par les bruyants limiers. Les bêtes et les maîtres-chien qui les suivaient à pied provenaient tous des chenils de la maison Darry, qui les leur avait généreusement cédé le temps de cette chasse. Le Ser n'avait pas pu participer, et avait poliment décliné l'invitation ne faisant acte de présence que par le biais de son fils, Lyman, à peine agé de neuf ans, ainsi que sa suite de nobliaux.
Sous eux, les sabots de leurs montures faisaient craquer le sol boueux et glacé. Le brun s'était engagé sur la route en veillant à demeurer à hauteur du Prince, qui avait renoncé à son pur-sang pour une bête plus accoutumée au climat qu'il se préparait à affronter au Val. Les rumeurs rapportaient que là-bas la neige recouvrait déjà tout.
La monture dont il était dotée, pour sa part, ne lui rendait pas la tâche facile. L'étalon des sables trépignait, hésitait, et tentait à chaque minute qui passait de prendre le mors aux dents. Afet n'était pas la monture de prédilection de Daemon. C'était celle de Cletus, et, avant cela, celle de leur père. Farouche et manifestement indisposé à l'idée de répondre à un étranger, le noir animal agitait sa tête fine et fouaillait l'air de sa queue comme pour communiquer au mieux sa contrariété.

Plus d'une heure après leur départ, il apparut bien vite aux chasseurs que se tenait entre eux et les sangliers qu'ils souhaitaient saigner une rivière grosse des pluies diluviennes qui avaient récemment touché la région. Talonnant le noiraud, Daemon se détacha du groupe pour longer seul la rive, et trouver peut-être un moyen de la traverser. La hâte crispait ses mains gantées sur les rênes et enflammait son esprit déjà exulté par la présence du Prince qui manquait tant à Dorne. Et maintenant qu'il connaissait ses origines, une boule nerveuse s'était formée dans sa poitrine, faisant osciller son excitation entre le ravissement d'être lié par le sang à la famille de la Vipère Rouge et l'appréhension que ce sentiment ne fut pas partagé. Aussi, se résignait-il à taire le sujet de peur, sans doute, de paraître trop ardent dans l'enthousiasme qui le portait lorsqu'il était question du père de Nyméria et donc de se ridiculiser quelque peu. Cette réflexion étira ses lèvres en un sourire amusé. Quel âge avait-il pour être si impressionnable encore? C'était affligeant. Seuls deux hommes pouvaient prétendre à faire douter l’orgueilleux bâtard de la Grâcedieu et -comme à ce moment précis- mettre à mal cette  assurance  dont il ne se défaisait jamais. Le Prince avait été le premier à désarçonner l'insolence et l'insoumission de son écuyer, que l'on disait alors indomptable. La spontanéité de l'enfance lui était pourtant restée, et elle surgissait encore régulièrement.
"je l'ai trouvé! Suivez moi, là-bas nous aurons un guet pour traverser."Surgissant d'un bosquet, il se présenta devant Oberyn avant de faire volter sa monture pour guider le groupe, filant dans les sous-bois.  Les chiens aussi suivirent, et l'un d'eux, plus téméraire que les autres, plongea presque sous les antérieurs de son étalon qui feinta aussitôt en roulant ses grands yeux noirs. Le Sand sourit, approchant à nouveau sa monture de celle du Martell."Les chiens de ser Raymun ont l'air affamés. Nous ne rentrerons pas bredouille!" Un reniflement dédaigneux derrière eux lui fit tourner la tête. Le jeune homme le dévisagea avec mépris. Daemon lui rendit un regard sévère. Il ignorait le nom du garçon, qui devait sensiblement avoir le même âge que lui, mais avait remarqué que bien qu'ils ne se connaissaient guère l'autre avait d'ors et déjà décidé qu'il ne l'apprécierait pas. Ce n'était pas étonnant. Les Darry étaient de farouches défenseurs de la cause Targaryen, ce qui n'était pas vraiment le cas du bâtard.

Son regard revint sur la chevelure sombre du dornien avant de s'épanouir devant lui. Chevaucher aux côtés de celui qui l'avait fait chevalier le rendait suffisamment heureux pour qu'il oublia cette envie soudaine de faire tomber l'impertinent de son cheval.
Cependant, il avait beau adorer le Prince, une rancoeur déposait une certaine amertume sur l'air content qu'il s'efforçait d'afficher.  C'était cette même amertume qui l'avait rendu invivable sur le chemin depuis Dorne. Bien qu'il en voulu moins à Oberyn qu'à Doran, ou encore à cette satanée Rhaenys pour son apathie suite à la mort de Ryon-le Prince était, après tout, en exil-  il ne lui en tenait pas moins rigueur de n'avoir toujours pas formulé le quart du commencement de ses condoléances. Cela ne changerait rien, sans doute, mais le bâtard n'était pas connu pour sa capacité à prendre du recul sur les aléas de la vie. Si peu de réaction avait succédé à la mort du Soleil Noir que la moindre marque de respect était plus précieuse pour son fils ainé que toutes les excuses que pourraient trouver  la Reine du Sud ou le Prince de Dorne.
Des excuses, il ignorait même si la Targaryen avait seulement pris la peine d'en présenter à sa soeur puisqu'il ignorait tout des affaires menées par Valené -qui l'en tenait soigneusement à l'écart. Mais il avait largement dépassé ce stade. L'assurer que celui qui avait commis ce crime avait été châtié ne lui suffisait pas. Daemon était un homme jeune. Il avait un grand appétit pour la guerre et, en cette circonstance, il ne serait guère facile à apaiser. Après tout, n'avait-il pas construit sa gloire d'autrefois sur son goût prononcé pour les combats à outrance?

Aussi, lorsqu'il parlait, son sourire masquait très mal sa contrariété. Le bâtard n'avait jamais eu le moindre talent pour l'hypocrisie. Ses yeux avaient quelque chose d'aussi glacé que le paysage qui les entourait. Rapidement l'éclat argenté de l'eau apparu devant eux.  Les dorniens avaient devancé leur suite qui, de toutes manières, leur laissait préséance sur tous chemins puisque le Prince avait, de part son rang, autorité sur la chasse et sur les bêtes qui se montreraient ce jour.
"Ne craignez-vous pas de laisser votre famille derrière vous?" Se rendant compte de la brusquerie de sa question, ses lèvres se pincèrent. Il s'expliqua tandis que sa monture plongeait ses antérieurs dans l'eau glacée:"J'avoue avoir été surpris d'apprendre que vous souhaitiez vous rendre seul, au Nord.Une fois qu'il aurait atteint le Val, l'Hiver se refermerait sur lui ce qui ne présageait guère de retour prompt auprès des siens. Et puis après tout, qu'allait donc faire le Prince aux Eyriés? "Ellaria ne vous reprochera-t-elle pas une si longue absence?" Le hennissement strident et soudain de son cheval menaça d'obstruer sa question. Les animaux avançaient lentement dans les eaux claires. Précautionneuse, leur marche qui soulevait des gerbes d'eau travaillait le lit de la rivière, salissant l'onde d'une traînée de boue emportée par le courant.
Ses reproches visaient moins son éloignement que la proximité avec la Reine à laquelle il exposait son amante ainsi que ses filles. De part son expérience, les dorniens ne faisaient pas long feu à la cour du Royaume du Sud.

© DRACARYS