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❝All will be revealed on the trail we blaze.❞ ♆ Euron&Garrel&Elyane |[Flashback]|

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An 300 - lune 5
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Elyane était assise à la place du seigneur. Droite comme un i, elle s'était composé un visage impassible tandis que les pensées se bousculaient dans son esprit. Le navire avait été aperçu au large des côtes de l'île de la Sorcière le matin-même et sans doute la jeune femme n'y aurait-elle pas accordé beaucoup d'attention si l'alerte n'avait pas été donnée une fois le pavillon bien en vue. A présent, les navigateurs devaient être en train d'accoster et, bientôt, un petit groupe débarquerait dans la grande salle. Elle les y attendait justement, flanquée de ses deux plus fidèles alliés : mestre Bryce se trouvait à sa gauche, affichant son habituel air renfrogné tandis qu'il croisait les bras dans une attitude réprobatrice, et Garrel Stone se tenait à la droite du seigneur Descarpe. Jon, le capitaine des gardes du domaine, se chargeait de la protection de la salle avec une poignée d'autres hommes. Une certaine tension envahissait l'atmosphère silencieuse des lieux. La jeune veuve avait failli se rendre à l'embarcadère pour y attendre les visiteurs impromptus et retarder ainsi leur débarquement avant de savoir ce qu'il les amenait sur ses terres, comme l'aurait souhaité mestre Bryce mais, finalement, elle s'était rangée à l'avis de Garrel. Il lui avait conseillé de ne pas froisser les visiteurs jusqu'à ce qu'ils fussent certains de leurs intensions en les accueillant ici. Elyane avait jugé cette décision plus prudente, étant donné le pavillon qui flottait en haut du mât du bateau étranger. En revanche, elle n'avait pas lésiné sur la sécurité et ne comptait pas ramper aux pieds des intrus, c'est pourquoi elle s'était parée de ses plus beaux atours et tendait de renvoyer une image forte et pleine de prestance.

Mestre Bryce faisait tout son possible pour signifier son désaccord, vexé de voir que le seigneur avait privilégié les conseils du bâtard aux siens. Elyane avait beaucoup d'estime pour le vieil homme qui lui rendait bien : totalement dévoué à son seigneur, il n'avait jamais failli à sa tâche. La jeune femme poussa un soupir préoccupé, elle espérait que l'ancêtre se montrerait avisé et ne provoquerait pas la colère de leurs visiteurs si jamais l'entrevue tournait mal. Quant à Garrel, elle ne se faisait pas de soucis pour l'ancien mercenaire. Elle se recentra sur les questions qui assaillaient son esprit. Qu'est-ce qui pouvait amener un homme pareil sur les rivages de son île après des lunes et des lunes d'absence ? Elle avait beau chercher dans sa mémoire, toutes les rumeurs et les faits dont elle avait connaissance à son sujet ne laissait rien présager de bon. Cela lui demandait un effort considérable de garder contenance en sachant que celui qui s'était présenté aussi cavalièrement à sa porte était dangereux et jouissait d'une réputation des plus compromettantes... Et puis, il y avait aussi ce qu'il avait fait à Lyra Mormont, avec qui Elyane s'était liée d'amitié depuis l'enfance ! L'appréhension se mêlait à l'indignation lorsqu'elle pensait à la situation dans laquelle elle se trouvait et ce qu'elle s'apprêtait à faire. Non, il fallait qu'elle se ressaisît : ce n'était pas par lâcheté qu'elle allait se montrer courtoise, mais dans l'intérêt de ses gens. Rien ne servait de provoquer un affrontement si les motifs de cette visite étaient acceptables, il fallait qu'elle les entendît avant de statuer sur la meilleure attitude à adopter. La jeune femme prit une profonde inspiration et se mit à calculer ses options. Se composer un masque, dissimuler ses émotions et mentir, c'était ce qu'elle savait faire de mieux. La duperie et la flatterie constituaient ses armes favorites, et elle était en train d'affûter ses arguments lorsque des voix la ramenèrent à la réalité. L'espace d'un instant, elle crut qu'on venait d'annoncer l'arrivée de leur visiteur et son cœur bondit dans sa poitrine mais, rapidement, elle s'aperçut qu'il s'agissait simplement des chuchotements animés que s'échangeaient Garrel et mestre Bryce. Elyane leva les yeux au ciel, consternée. A voix basse, le vieil homme était en train de reprocher au bâtard leur situation. ❝Il suffit !❞ siffla-t-elle sèchement alors que l'érudit s'emportait et répétait pour la troisième fois qu'ils n'auraient jamais du laisser l'occasion à l'intrus de poser le pied sur l'île. ❝Si vous ne souhaitez pas assister à cette entrevue, je vous autorise à vous retirer, mestre. Cependant, si vous restez, je vous somme de vous calmer. Il est trop tard pour revenir en arrière, et je suis déçue de vous voir remettre en cause mes décisions. Nos invités doivent constater que nous sommes unis si nous voulons être pris au sérieux, alors ressaisissez-vous.❞ Ce discours sembla faire son effet sur le vieux mestre. Baissant les yeux, il bredouilla des excuses qu'Elyane ne saisit pas mais la jeune femme ne douta pas du contenu de ses propos. Elle savait parfaitement quels stratagèmes employer avec l'érudit : évoquer le fait qu'il lui manquait de respect ou de déférence horrifiait au plus haut point le mestre qui s'empressait aussitôt de lui assurer sa dévotion sans bornes. La petite querelle ainsi achevée, elle tourna la tête vers Garrel pour lui lancer un regard éloquent. Il fallait en rester là et passer outre les reproches de mestre Bryce à son égard. Ces deux-là auraient bien le temps de se chamailler plus tard !

L'attente qui suivit cet incident fut de courte durée. Quelques minutes s'étaient écoulées lorsqu'un domestique fit son entrée pour annoncer le visiteur. Elyane retint son souffle et se redressa sur son siège avant d'esquisser un bref mouvement de la tête pour autoriser la venue de l'intrus dans la salle. Alors, elle le vit passer la grande porte. Euron Greyjoy venait de faire son entrée. Mais qu'est-ce que l'œil de Choucas pouvait bien vouloir à la sorcière du Val ?


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❝All will be revealed on the trail we blaze.❞

Euron Greyjoy & Elyane Descarpes & Garrel Stone



An 300 Lune 5

"On peut vêtir un Fer-né de velours et de soie, lui apprendre à lire, à écrire, lui donner des livres, lui enseigner la chevalerie, la courtoisie, les mystères de la Foi. Mais si on regarde dans ses yeux, toujours la mer est là, froide, grise et cruelle." Tels étaient les mots écrits par la main fatiguée de l'Archimestre Haereg quelques décennies auparavant, témoins d'encre et de papier de la méfiance naturelle, presque viscérale, qui opposait les continentaux aux peuple des îles. Mais cet homme, aussi érudit eut-il été en son temps, n'avait jamais croisé l’œil solitaire qui caressait en ce moment même les côtes du Val. Cela lui aurait fait revoir son jugement, sans doute, Si tant était qu'il fut capable de soutenir le regard de l'homme qui s'avançait sur la grève. Car il n'y avait pas dans tous les enfants qu'avaient jamais engendré les îles de Fer, de regard qui fut plus à même de fausser ce que tout le monde prenait pour acquis.  
Froid et rasant, le soleil pâle de l'Hiver perçait la pupille d'azur d'échardes turquoises à l'éclat précieux, bien loin des iris grisées et austères des frères de son porteur. La lueur qui habitait le maelstrom de bleu qui courrait dans l’œil unique était d'autant plus éclatante qu'elle semblait briller d'une lumière intérieure froide et avide, et qui parcourait de son regard les échafaudages avec une douceur presque sensuelle. Etrangement concentrés, les ouvriers se butaient à ne pas croiser les regards du pirate ni ceux de ces hommes qui l'accompagnaient vers la demeure de pierre. Le pas calme du Choucas foulait le sol de l'île pour la première fois. Son attitude paisible, loin de rassurer ceux qui avaient craints qu'il ne soit venu piller ce bout de terre qui avait jusque là échappé à son attention, semblait avoir glacé le sang des insulaires qui lui jetaient des coups d'oeil effarouchés.
Euron avait annoncé son arrivée en grande pompe, laissant son nouveau pavillon flotter librement au dessus des eaux glacées. Les ailes des corbeaux noirs claquaient dans le vent, déployées au dessus d'un oeil rougeoyant alors que les serres des oiseaux étaient fermés sur une couronne froissée par la brise. C'était la première fois que ce nouveau pavillon était hissé et pourtant il n'avait fallu que quelques instants avant que les sentinelles n'annoncèrent l'arrivée du tristement célèbre pirate. Le Kraken avait été relégué au passé, car il y avait bien longtemps qu'il n'avait plus besoin d'afficher les armoiries de sa famille pour qu'on le reconnu. Aujourd'hui, il était moins le fils de Quellon Greyjoy ou le frère de Balon qu'il n'était l'Oeil-de-Choucas. Si outrepasser l'aura de sa propre famille était du style de ce que l'on attendait du capitaine, il en allait autrement de cette visite impromptue dont il gratifiait l'île de la Sorcière. Les légendes qui courraient à son propos étaient si communément admises qu'on oubliait le premier trait qui l'avait jamais caractérisé au sein des fer-nés: il était imprévisible.

Cela, le jeune serviteur qui marchait à ses côtés semblait en être tout à fait alerte. "Par ici, Mon seign..."marmonna-t-il d'une voix si éteinte que ses derniers mots disparurent dans son souffle avant de se tourner pour guider le Prince pirate. La tête basse, ses mèches brunes masquaient ses yeux alors qu'il osait à peine devancer l'"invité" de Lady Descarpe. Malgré le pas lourd des marins qui les suivaient et qui résonnaient dans les couloirs, les déglutitions difficiles du garçon rythmaient le silence lugubre qui entourait le Greyjoy et ses hommes. Les soldats, nombreux, qu'ils croisèrent, postés le long des murs, confirmèrent au borgne qu'ils étaient attendus. De pied ferme, visiblement. Quelques soldats froncèrent le nez sur leur passage, à cause de l'odeur de l'Océan qui suivait l'équipage ou d'un quelconque mépris que l'on souhaitait leur signifier, Euron n'en savait rien. Derrière eux, il pouvait sentir dans son dos les regards des soldats qui rechignaient visiblement à le laisser avancer ainsi, s'approchant inexorablement de la salle qui abritait la maîtresse des lieux. Ils seraient bien fous de tenter de l'arrêter.
Aussi, son entrée dans la grande salle du domaine des Descarpe fut-elle saluée par un silence austère puant de méfiance. Aussitôt, les hommes qui flanquaient le Choucas jetèrent des regards agressifs aux soldats postés dans la salle. Ils formaient une escorte bigarrée et étrange, avec leurs peaux noires, brunes comme le teck, dorées ou pâles comme du lait. Leurs allures contrastaient, et leur seul point commun demeurait caché derrière leurs dents, là où ils possédaient autrefois une langue que l'homme qui s'avançait si nonchalamment devant eux leur avait arraché. Si les muets fusillaient du regard les gardes, leur capitaine avait fixé sa pupille turquoise sur la tablée qui lui faisait face. Il traversa la salle d'un pas félin, observant ceux qui étaient assis. Les rumeurs courraient sur la jeune femme qui était déjà dotée d'une méchante réputation malgré son jeune âge. On la disait sorcière, cette fille dont il détaillait sans gène le visage avenant et le corps apprêté qu'elle affichait. Son regard lorgna un instant le mestre qui se tenait à ses côtés, et auquel il adressa un sourire espiègle tandis qu'il se souvenait du raid qu'il avait mené à la Citadelle. Un jeune homme se tenait là, lui aussi. Le détachement de marins qui le suivait comme une ombre s'arréta à la simple indication d'un signe de sa main alors que lui même poursuivait son avancée vers la Lady aux cheveux de cuivre. Il ne s'arrêta pas à la petite estrade sur laquelle étaient installés ses hôtes, et grimpa dessus, ne stoppant sa marche que lorsqu'il n'y eut plus que la largeur de la table de bois pour le séparer de la Descarpe et de ses conseillers. L’œil d'azur continua de jauger la jeune femme quelques instants avant que sa voix grave et suave ne finisse enfin par briser le silence de plomb qui s'était installé.
"Ainsi donc voici la Sorcière...Un surnom qui n'a pas vraiment réussi à ton aïeule, jeune fille." Sourit-il, une lueur malicieuse brillant dans sa pupille qui n'était pas cachée par son cache oeil de cuir noir. Puisqu'elle était assise et lui debout, il la regardait de haut, autant par sa  position que par sentiment. Un souffle rieur  s'échappa d'entre ses lèvres bleuies. Il inclina légèrement sa tête sur le côté. A son oreille, un pendentif de jade brilla en s'appuyant contre son cou. La lueur dans son regard se fit plus sombre.
"J'espère que je n'aurais pas à arracher ta tête de tes épaules aujourd'hui..." Sa plaisanterie avait des accents lugubres de vérité. Le Choucas était un homme qui ne souffrait pas d'être contrarié, et son sourire était autant une invitation que le plus cruel des avertissements.

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Euron Greyjoy & Elyane Descarpes & Garrel Stone



An 300 Lune 5

Lorsque la cloche de signalement avait retenti ce matin-là, Garrel s'était précipité hors de sa chambre, son précieux oeil-de-Myr en main, les cheveux en bataille et à moitié vêtu, afin d'escalader les remparts et d'observer la côte. Les guetteurs ne s'étaient pas trompés, l'ennemi rôdait trop prés de l'île de la Sorcière pour que le doute puisse être permis quant à son intention. Le bâtard Descarpe ne connaissait pas le pavillon que le navire battait, non pas qu'il fut un expert en la matière, cependant, il reconnu parfaitement la forme particulière du Snekkar si cher aux Fer-nés. Mestre Bryce confirma ses soupçons peu de temps après. Selon lui, il s'agissait du sinistrement célèbre Euron Greyjoy, enterré trop vite par bon nombre de ses détracteurs. Il n'en fallut pas plus pour qu'un vent de panique souffle sur l'île. Sur les conseils de Garrel Stone, lady Descarpe joua la carte des négociations et invita ses visiteurs à débarquer pour se rendre dans la grande salle du domaine où elle les attendrait de pieds fermes. C'était la meilleure chose à faire ! Malgré les solides gaillards qui protégeaient l'île, malgré la bravoure et l'honneur dont ils étaient dotés, ils n'étaient en aucun cas préparés à combattre ces pillards de la pire espèce qui constituaient très certainement le gros de l'équipage du Choucas. Garrel connaissait ce genre d'individus, ces créatures dénuées de toute conscience morale, guidées uniquement par leur soif de sang et d'argent, les provoquer n'aurait été que pure folie tant que les fortifications de l'île n'étaient pas achevées. Ainsi, le bâtard Descarpe comptait sur l'esprit vif et sournois de son seigneur pour mener aux mieux ces tractations, il en valait de la vie de ses gens.

De ce fait, Garrel Stone, en tant que conseiller non officiel, prit place à la droite d'Elyane, pour l'épauler au mieux dans ce face à face organisé. Dans la grande salle du fief Descarpe, la tension était palpable, elle rendait les soldats nerveux, durcissait leurs traits et agitait le vieux mestre Bryce assis à gauche de la maîtresse des lieux. Ce dernier remettait en cause la décision de la jeune femme en critiquant les conseils stratégiques de son bras droit et même si Garrel s'amusait souvent de cette rivalité qui existait entre l'érudit et lui-même à grand renfort de sarcasme et d'ironie, l'heure n'était pas à l'agitation dans les rangs, et ça, Elyane l'avait bien compris !

❝Si vous ne souhaitez pas assister à cette entrevue, je vous autorise à vous retirer, mestre. Cependant, si vous restez, je vous somme de vous calmer. Il est trop tard pour revenir en arrière, et je suis déçue de vous voir remettre en cause mes décisions. Nos invités doivent constater que nous sommes unis si nous voulons être pris au sérieux, alors ressaisissez-vous.❞

Le bâtard n'émit aucun commentaire quant à l'intervention de son seigneur mais savoura sa petite victoire en se parant d'un léger sourire en coin avant de se laisser tomber paresseusement en arrière, avachi contre le dossier de son fauteuil. Les minutes passèrent en silence, entre appréhension et lassitude. Les marques sombres sous les yeux noirs du bâtisseur témoignaient des longues nuits d'insomnies qui ponctuaient son quotidien. Ses habits n'étaient pas aussi pimpants que ceux d'Elyane, ni aussi austères que ceux du mestre, il avait dut rester lui-même puisqu'aucun masque ne lui seyait: débraillé, indomptable, impertinent. Il n'attendait pas grand chose de cette confrontation, l'île de la Sorcière possédait trop peu de richesses pour attiser la convoitise, peut-être les pirates avaient-ils tout simplement besoin de vivres, peut-être demanderaient-ils quelques matériaux pour effectuer des réparations sommaires sur leur bâtiment, néanmoins, une autre idée ne l'avait pas quitté depuis que le navire Fer nés avait été aperçu au large, et si Euron Greyjoy venait pour un tout autre trésor ? Et si son véritable but n'était autre que Rougeoyante ? Les rumeurs allaient bon train, il n'était pas impossible que l’existence du dragon ait été rapportée dans tout Westeros. Garrel n'avait pas osé partager son inquiétude avec Elyane, il ne savait pas comment la jeune Lady allait réagir face aux bandits qui se présenteraient bientôt devant eux.

Ses doigts d'artiste dansaient sur le bois de la table face à lui, voilà qu'il mourrait d'impatience d'en finir ! Les Anciens exaucèrent son souhait puisque les portes de la grande salle s'ouvrirent enfin. Un petit groupe de crapules mal assorties vint occuper l'espace et à sa tête, un homme portant le cache-oeil mieux que personne. Insolent, charismatique, l'homme ne prit pas la peine d'interrompre son avancée jusqu'aux marches de l'estrade, comme la bienséance l'aurait exigée et continua sa progression, obligeant ainsi Garrel à se redresser dans son fauteuil à chaque pas, jusqu'à se poster devant la table qui le séparait de ses hôtes.

"Ainsi donc voici la Sorcière...Un surnom qui n'a pas vraiment réussi à ton aïeule, jeune fille."

Garrel fronça un sourcil perplexe face à cette entrée en matière et se contenta d'observer dans les moindres détails l'homme à l'oeil turquoise qui toisait son seigneur de haut tel un aigle survolant sa proie. L'individu empestait la malice et le danger, et d’après son comportement et la façon dont il ridiculisait déjà le pouvoir d'Elyane dans son propre fief, il se fichait royalement des conventions. Une pointe d'admiration malsaine anima le regard méfiant de l'artiste, c'était un conquérant !

"J'espère que je n'aurais pas à arracher ta tête de tes épaules aujourd'hui..." Ajouta l'homme sombrement non sans perdre son sourire, anéantissant par la même les espoirs de l'assemblée d'obtenir une discussion sereine et cordiale. Immédiatement, le silence glacial qui régnait depuis l'entrée de l'escouade fut brisé par les grognements sourds des soldats qui, à fleur de peau, positionnaient déjà leurs mains sur leurs pommeaux, prêts à dégainer leurs épées au moindre geste hostile. Les Valois était un peuple chevaleresque et fier, pour qui les paroles valaient autant que les actes et bientôt ils nageraient tous dans un bain de sang si personne ne calmait le jeu du pirate. Sentant la situation s'envenimait au fur et à fur que les secondes passaient, Garrel jeta un regard inquiet à Elyane afin qu'elle apaise les tensions. Cette dernière semblait abasourdie par les propos du Fer nés, ne réagissant pas aussi vite que le bâtard l'aurait espéré, se faisant malheureusement devancer par la voix rauque et haineuse du vieux mestre.

- Comment osez-vous espèc... Le feulement de mestre Bryce fut brusquement interrompu par un éclat de rire de la part de l'architecte. C'était l'unique parade, la seule qu'il ait trouvé spontanément. Garrel attira l'attention en se laissant tomber nonchalamment en arrière contre le dossier de son fauteuil, le sourire aux lèvres, relevant la plaisanterie plutôt que la menace de leur interlocuteur.

- Hé bien hé bien ! Ajouta-t'il avec bonne humeur. On peut dire que vous savez soigner vos entrées ! Il feignit la décontraction, s'amusa de sa position, se réduisant à l'état de simple spectateur venu se divertir. Au regard du Choucas il ne serait qu'un conseiller farfelu, un bâtard arriviste sans aucune importance. Malheureusement, Lord Greyjoy, vous apprendrez que les gens de cette île ne sont pas friands de ce genre d'humour et croyez-moi, j'en suis le premier désolé ! Son regard pétillant d'intelligence n'osa pas se confronter directement à l'oeil perçant de l'ancien roi pirate. Non, pas encore ! Il préféra adresser ses satires à mestre Bryce qui affichait un air courroucé aux côté de Lady Descarpe. "Idiot d'ancêtre trop zélé." Tenta-t'il de lui transmettre par la pensée.

- Quoiqu'il en soit, reprit le bâtard plus sérieusement en se détournant du mestre, nous sommes tous curieux de connaitre la raison de votre venue ! Aurons-nous la chance de l'obtenir avant que vous ne commenciez à démembrer notre Seigneur ? Garrel joua lui aussi la carte de l'humour, le ton se voulait désinvolte, impétueux mais l'inquiétude demeurait. Son palpitant résonnait fort dans sa poitrine tandis qu'il affichait cet air amusé et innocent dont il savait si bien se doter. A vrai dire, ces questions c'était à Elyane de les poser, et pas à lui, il était temps que la rouquine reprenne ses esprits et sa place, par la même occasion.



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LLe seigneur de l'île de la Sorcière n'en revenait pas. Partagée entre l'effroi et la colère, elle n'avait pas trouvé d'autre solution pour masquer ses émotions que l'absence totale de réaction face à l'attitude de leur invité surprise. Ainsi, elle demeurait droite comme un i, et la tension qui parcourait ses muscles lui donnait l'impression d'être prise dans un étau.Même sa mâchoire était crispée, résolument fermée pour éviter qu'un quelconque gémissement de peur ne trahît ce qu'elle ressentait actuellement. Seuls ses yeux, qui suivaient chacun des mouvements du Choucas, prouvaient qu'il ne s'agissait pas d'une statue. L'homme se tenait debout face à elle, il avait fi des convenances et avait franchi les limites qu'imposaient la bienséance en grimpant sur l'estrade. À présent, il la dominait de toute sa hauteur, et tous ces éléments mis bout à bout donnaient le ton quant au genre d'entrevue qu'il fallait présager. Elyane sentit une sueur froide couler le long de son dos mais elle ne broncha pas. Elle avait à la fois envie de hurler de colère et de disparaître sous la table, des émotions contradictoires qu'elle devait s'efforcer de contenir et de réprimer pour ne pas perdre le peu de crédibilité que devait lui concéder Euron Greyjoy. ❝Ainsi donc voici la Sorcière...Un surnom qui n'a pas vraiment réussi à ton aïeule, jeune fille.❞ Elyane s'empêcha de froncer les sourcils, consciente que ce simple geste pourrait suffire à envenimer la situation. En un sens, cette entrée en matière lui était familière : ce n'était pas la première fois qu'on la gratifiait de ce surnom, ni qu'on faisait l'amalgame entre l'ancêtre de son défunt mari Valois et elle-même qui n'avait aucune racine dans la région. Le fait de mettre en relief sa jeunesse se voulait également insultant, à n'en pas douter. En général, elle ne se privait pas pour remettre en place celui qui osait lui faire l'affront de l'appeler ainsi en face mais, dans la situation actuelle, elle en était incapable. C'était beaucoup trop tôt pour qu'elle pût se risquer à parler sans se trahir, elle ne lui ferait certainement pas le plaisir de se montrer faillible dès ses premiers mots. ❝J'espère que je n'aurais pas à arracher ta tête de tes épaules aujourd'hui...❞ renchérit le Choucas dans un sourire qui n'avait rien d'anodin. Ce fut cet instant que choisit Mestre Bryce pour intervenir, détournant ainsi l'attention générale de la jeune veuve qui faisait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas blêmir sous la menace du fer-né.

Le vieil érudit possédait une forme de courage, ou était-ce de la stupidité, qu'Elyane ne lui connaissait pas. Sa dévotion sans borne la toucha et sans doute fut-ce l'élément qui lui manquait pour parvenir à reprendre ses esprits. Ainsi, tandis que Garrel tentait de sauver la peau du Mestre à grand coup d'éclat de rire, la native du Nord prit une profonde inspiration et mit de l'ordre dans ses idées jusqu'ici paralysé par l'entrée fracassante du Choucas. ❝Hé bien hé bien ! On peut dire que vous savez soigner vos entrées ! Malheureusement, Lord Greyjoy, vous apprendrez que les gens de cette île ne sont pas friands de ce genre d'humour et croyez-moi, j'en suis le premier désolé !❞ Son plus proche conseiller faisait son petit numéro, comme à son habitude. Elyane était habituée à la personnalité imprévisible du génie mais cela ne l'empêcha pas de se trouver quelque peu surprise par le parti qu'il venait de prendre en se comportant de la sorte, aussi désinvolte et décontracté. C'était à son tour d'attirer l'attention et, en un sens, il lui faisait gagner un temps précieux. ❝Quoiqu'il en soit, nous sommes tous curieux de connaitre la raison de votre venue ! Aurons-nous la chance de l'obtenir avant que vous ne commenciez à démembrer notre Seigneur ?❞ renchérit-il, s'octroyant ainsi une place qui n'était pas la sienne. La rousse incendiaire aurait pourtant été mal avisée de lui en vouloir alors qu'elle s'était elle-même montrée incapable d'agir jusqu'à présent. A nouveau, elle prit une inspiration et, sans adresser un regard à ses deux conseillers, elle repoussa sa chaise et se leva. Elle était parvenue à repousser ses instincts pour arborer son éternel masque d'impassibilité. Désormais à hauteur de son invité, elle se tenait droite et majestueuse comme si rien ne pouvait l'ébranler. ❝Bienvenue dans le Val, mon cher Euron !❞
Sa voix était posée et elle était même parvenue à laisser transparaître une pointe de chaleur dans ses propos, comme si le fer-né était attendu depuis des jours à sa table et qu'elle était ravie de le voir. ❝J'espère que le voyage n'a pas été trop pénible...❞ ajouta-t-elle alors. Elle pouvait sentir certains regards étonnés émaner de ses gardes. En effet, comment pouvait-elle passer outre les insultes et la tension ? Pourquoi se montrer si aimable ? Elle avait fait le calcul : provoquer le Choucas ne servirait qu'à la mener elle et les siens à la mort, ils n'étaient pas de taille et elle le savait. Dès lors, à quoi bon demeurer dans un climat hostile et tendu lorsqu'il existait d'autres moyens de mener à bien cette entrevue et de découvrir les intensions du fer-né ? Sans doute serait-il plus enclin à se dévoiler si les menaces laissaient place à une réelle conversation, cela ferait économiser du temps et de l'énergie à tout le monde... Et puis, si son but était de les massacrer tous, ce n'était certainement pas leur attitude fermée qui allait l'arrêter. Le Choucas s'attendait-il à recevoir un tel accueil ? Prenait-il le seigneur et son conseiller pour des fous de réagir aussi légèrement sa présence ? Elle ne pouvait pas le savoir. Peut-être cela l'agaçait-il et elle venait ainsi de signer leur arrêt de mort, elle était bien incapable de l'affirmer mais, quoi qu'il en fût, elle devait désormais continuer sur la voie qu'elle venait d'emprunter. ❝Je n'ai pas eu le temps de préparer un accueil plus fastueux, vous m'en voyez navrée... Combien de temps au juste comptez-vous rester parmi nous ? Sans doute aurais-je l'occasion d'organiser des réjouissances dignes de ce nom d'ici votre départ.❞ ajouta-t-elle en souriant. Elle avait bien pris soin de ne pas répéter les questions de Garrel afin de ne pas décrédibiliser son conseiller, sans compter sur le fait que cela leur donnait également l'air de s'être mis d'accord en amont sur le rôle de chacun, comme si le génie avait eu pour mission de demander cela au Choucas dès le départ.


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Euron Greyjoy & Elyane Descarpes & Garrel Stone



An 300 Lune 5


Dans son dos se glissèrent doucement les grognement rauques des chevaliers de la Dame, aussitôt suivis par le frottement des mains sur les pommeaux des armes portées aux ceintures. Froide et figée, la lumière de l'hiver vint déposer son éclat sur quelques lames que l'on découvrait en partie seulement, menaçantes et pudiques tout à la fois.
C'était une rumeur effacée et sourde qui n'était pas sans rappeler celle des vagues sur la grève. Une rumeur mille fois entendue par les oreilles d'Euron qui, malgré la grogne des soldats, ne se départi pas de sa nonchalance car lui seul connaissait les règles du jeu qu'il imposait. Et sans doute les hommes d'armes les avait devinées un peu, eux aussi. Si cette même vague venait à frôler sa botte  ce ne serait plus un hall qu'il quitterait dans les minutes qui suivraient, mais un charnier. Un mausolée pour rappeler ce qui arrivait à ceux qui refusaient de l'écouter.

"Comment osez-vous espèc... "Le maelstrom glacé de son regard n'eut guère le temps de glisser de la Lady jusqu'au coupable de cette esquisse d'insulte puisqu'un éclat de rire attira sans retard l'oeil du Choucas. " Hé bien hé bien !On peut dire que vous savez soigner vos entrées ! "Son oeil unique se ficha donc sur le visage à l'expression mutine qui avait osé prendre la parole. C'était le genre d'audace que le Greyjoy aimait à voir chez les autres mais qu'il aurait remercié dans ses propres rangs par une ablation pure et simple de cette langue un peu trop aventureuse." Malheureusement, Lord Greyjoy, vous apprendrez que les gens de cette île ne sont pas friands de ce genre d'humour et croyez-moi, j'en suis le premier désolé !" Immuable et austère, le capitaine jaugeait le garçon. Sa verve était habile et son comportement lui dépeignit aussitôt le portrait d'une personne qui avait vécu parmi les hommes de sa race, et qui avait acquis cette faculté à tourner en dérision sa propre impuissance pour mieux survivre parmi eux.  Il devinait dans les yeux clairs du bruns qui refusaient de le confronter directement que ce dernier savait que les menaces proférées plus tôt n'avaient, contrairement à ce qu'il affirmait, rien d'une blague.
"Quoiqu'il en soit,nous sommes tous curieux de connaitre la raison de votre venue !"L'espace d'un battement de cils, son attention retourna au Mestre qui n'avait de cesse de le baptiser du'n regard courroucé."Tous, hum. Vraiment?" sourit-il paisiblement. Dans son oeil se reflétait déjà l'ombre menaçante qui promettait à tous ceux qui s'en voyait honoré un châtiment prochain. " Aurons-nous la chance de l'obtenir avant que vous ne commenciez à démembrer notre Seigneur ?" Il regarda à nouveau le malicieux garçon au regard pétillant. La chance qu'il réclamait presque sans trop y croire, les excuses qu'il avait formulé plus tôt, ses plaisanteries désespérées et entrainées, tout cela combiné sembla flatter l'ego du pirate dont le sourire s'affirma sur son visage taillé à la serpe. Le jeune homme semblait savoir comment jouer sa partie face aux funestes bandits qui pullulaient dans les recoins malfamés des grandes cités et il devait reconnaitre qu'il maîtrisait son art. Il ne doutait pas pour ainsi dire que la plupart des capitaines qui avaient répondu à son appel aux Degrès de Pierre se serait aussitôt laissé entrainé dans ce jeu de dupe avec la satisfaction sereine d'avoir déjà gagné. Mais Euron n'était pas ces hommes. Son menton se releva tandis que sa main ornée de bagues allait trouver  sa place sur sa hanche.

"Cela t'amuse, n'est-ce pas?"susurra-t-il d'un ton sombre, calme et omnipotent, sans réellement attendre de réponse à son rabrouement. Même le regard qu'il reporta sur la rousse se voulait ainsi. Une lueur souriante l'animait, attendant dans une patience feinte qu'elle lui présenta à son tour ses hommages. Ce qu'elle fit. Debout. Droite et fière.
❝Bienvenue dans le Val, mon cher Euron !J'espère que le voyage n'a pas été trop pénible...❞A ce moment précis, un spasme narquois vint crisper le coin de ses lèvres sans défaire son expression sereine. Des voyages, il en avait accompli des plus redoutables que celui, balisé et reconnu, qui l'avait mené jusqu'à cette île à l'apparence misérable. L'instant qui suivit vit son regard se porter, indolent, autour de lui. Bien que son oeil se baladait avec lenteur sur les murs, son oreille était toujours attentive aux propos de celle qu'il ne gratifiait pas d'une attention apparente, moins par provocation pure que par l'habitude qu'il avait de se laisser agir ainsi qu'il l'entendait toujours: sans jamais attendre la permission d'aucune convenance, ni de personne.
Ainsi donc, la jeune femme semblait avoir pris la décision d'aligner son comportement sur celui de son conseiller. Feindre que tout était prévu, que la surprise n'était que plaisante, et par dessus-tout, prétendre que rien ne viendrait troubler cette banalité acquise et incongrue.❝Je n'ai pas eu le temps de préparer un accueil plus fastueux, vous m'en voyez navrée... Combien de temps au juste comptez-vous rester parmi nous ? Sans doute aurais-je l'occasion d'organiser des réjouissances dignes de ce nom d'ici votre départ.❞ Sous les mèches cendrées, l'oeil solitaire était d'une fixité impressionnante, fiché dans l'éclat farouche de ceux de la Descarpes. Sa jeunesse flamboyante ne pouvait que contraster avec l'élégance rude des années que portait fièrement le Choucas, portant leur conversation dans une confrontation d'orgueil silencieuse. Pourtant, une clarté déconcertante s'épanouissait dans l'iris cerclé d'azur, reflet de ses pensées qui demeuraient dissimulées derrière les fenêtres de son oeil. L'héritage Greyjoy avait doté la fratrie de Balon de ce même regard pareil aux eaux sombres de l'Océan qui montrait tout et ne révélait rien. Sordide pour certain, emprunt de folie pour d'autres, dangereux pour tous.

"Je n'en doute pas."La pardonna-t-il des manquements dont elle s'excusait. Sa voix grave vibrait de la plénitude grisante et satisfaite de ceux qui avaient le pouvoir d'épargner.  "Je partirais avant la nuit. Les vents de l'Est se lèvent et je veux pouvoir faire voile loin des côtes. Ah! Les marins du Nord pensent connaitre l'Hiver, et pourtant tous se réfugient près du littoral s'agglutinant comme des enfants autour d'une bonne femme à la moindre brise qui se lève." Sa réflexion dessina quelques sourires malsains sur les bouches muettes des fer-nés qui se trouvaient derrière lui. Leurs yeux nerveux brillaient avec un air mauvais. Les vents de la saison blanche soulevait des tempêtes qui n'avaient pas leur pareil sur le Detroit, et il n'en fallait guère plus pour convaincre les capitaines westerosi de toujours se tenir à portée de navigation des ports... Sacrifiant bien souvent leurs navires aux rochers des côtes quand ils oubliaient que le vent ne soufflait pas moins fort près du rivage. C'était une plaisanterie populaire au sein du peuple des fer-nés, mais qui échappait bien souvent à ceux qui vivaient avec leurs deux pieds enfoncés dans la terre. " Ne te soucie donc pas de remplir les panses de mes hommes. C'est autre chose qu'un buffet qui m'a convaincu de jeter mon ancre dans tes eaux, Elyane. " Son menton désigna l'une des fenêtres."Les échafaudages, dehors. Qui les a construit? Présente moi l'homme qui les a dessiné. Ce soir, il part avec moi sur mon navire. "


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Euron Greyjoy & Elyane Descarpes & Garrel Stone



An 300 Lune 5

Le temps semblait s'être figé depuis l'arrivée du fer-né et de ses sbirs, comme si l'île de la sorcière évoluait à un autre rythme, plus lent, coupée du reste du monde. Les soldats échangeaient des regards méfiants, détaillant ces invités dérangeants en leur criant intérieurement qu'ils n'étaient pas les bienvenues en ces lieux. Les mots qu’employa le bâtard Descarpe eurent l'effet escompté et permirent de détendre l'atmosphère particulièrement pénible qui régnait dans la grande salle. L'ancien roi pirate sembla intéressé par le ton ironique qu'il avait employé pour le distraire. Garrel cru naïvement, l'espace d'une seconde, qu'Euron Greyjoy s'apparentait aux bandits de grand chemin qu'il avait côtoyé par le passé, à ces meneurs charismatiques à qui il suffisait de flatter l'égo pour obtenir leur confiance et survivre auprès d'eux jusqu'à ce que le vent tourne. C'était une erreur ! Le ton sur lequel le Choucas lui répondit glaça le sang du génie, et s'il conserva son air amusé c'était avant tout pour ne pas perdre la face. L'oeil rieur d'Euron Greyjoy ne faisait que les embobiner, derrière la théâtralité et la vulgarité qu'il imposait se cachaient un homme bien plus intelligent qu'il ne le laissait croire et qui n'avait toujours pas révélé le but de sa visite laissant planer le doute pour mieux déstabiliser ses hôtes. Le petit numéro peu convainquant de Garrel eu tout de même le mérite de faire gagner du temps à son Seigneur et de sauver la tête du sanguin mestre Bryce par la même occasion. Ainsi, comme si tout semblait naturel et bien orchestré, Elyane entra en action. La belle rousse se leva calmement et accueillit à son tour les brigands, avec respect et dignité comme elle aurait traité n'importe quelle maison voisine en visite sur l'île. Sa frêle silhouette distinguée contrastait présomptueusement avec celle du Greyjoy, arnaché de ses habits de voyage souillés par les vents et le sel. Les mains de Garrel se crispèrent malgré lui sur le bois de la table, il était difficile de voir Elyane affronter seule cet homme. Fidèle à elle-même, la rouquine ne cilla pas, droite et fière, seule la blancheur plus prononcée de son visage exprimait l'effroi qu'elle pouvait ressentir à cet instant. Une pointe d'admiration brilla dans le regard du bâtard, il oubliait parfois à quel point Elyane était devenue maitresse en matière d'hypocrisie et de manipulation ! Leur illustre invité, cependant, semblait bien plus captivé par ce qu'il se passait autour de lui que par le petit discours que lui tenait Lady Descarpe. Décidément, il était bien difficile de cerner la bête !


"Je partirais avant la nuit." Déclara leur invité indésirable.
"Les vents de l'Est se lèvent et je veux pouvoir faire voile loin des côtes. Ah! Les marins du Nord pensent connaitre l'Hiver, et pourtant tous se réfugient près du littoral s'agglutinant comme des enfants autour d'une bonne femme à la moindre brise qui se lève."

Il cru entendre des soupirs de soulagement émanant des soldats devant lui. Alors comme ça le forban ne souhaitait pas demeurer longtemps parmi eux ? Contrairement à l'avis de ses compatriotes, cette annonce n'augura rien de bon pour Garrel. Anxieux, ses doigts tapèrent à nouveau sur le bois de la table en un rythme régulier, une manie qui lui permettait de canaliser ses idées. Que voulaient-ils ? Que cherchaient-ils ? Des vivres ? Il existait bien d'autres fiefs prés des côtes mieux dotés que leur île, des producteurs, avec des terres qui avaient été labourées tout le long été, tandis qu'eux, pauvres pêcheurs, allaient passer un hiver difficile. Son regard passa du Greyjoy à ses hommes. Leurs petits yeux noirs, porcins, n'exprimaient que violence et cruauté, un mode de vie qu'ils avaient sans doute toujours connu. Ils échangèrent quelques grognements jouissifs avec leur chef. Pour s'entourer de telles créatures, il fallait être fou...et extrêmement puissant. La puissance...Les doigts de l'artiste continuèrent leur danse perpétuelle sur la table, accélérant la cadence à mesure que ses pensées fusaient. La puissance. Ce terme renvoya l'image de Rougeoyante dans l'esprit de l'artiste et la peur que ces barbares soient venus dans le seul but d'en faire un esclave de plus le tétanisa. La dragonne était devenue la préoccupation majeur d'Elyane et Garrel, ils ne passaient pas une journée sans parler d'elle, sans s'émerveiller devant sa beauté, sa croissance et ses nouvelles aptitudes tel des parents devant leur incroyable progéniture. Ils n'imaginaient pas être privés de sa présence, de sa protection et des enchantements qu'elle leur faisait vivre. Rougeoyante était leur atout, leur nouvelle force et leur faiblesse. Non, il était certain que son seigneur et lui-même se battraient bec et ongle pour conserver la créature.

"Ne te soucie donc pas de remplir les panses de mes hommes." Reprit le Choucas en narguant son auditoire.
"C'est autre chose qu'un buffet qui m'a convaincu de jeter mon ancre dans tes eaux, Elyane." L'architecte retint son souffle, convaincu d'avoir vu juste dans le jeu du fer-né, sa seconde main inoccupée à battre le tempo vint se poser discrètement sur le manche en bois clouté du poignard qu'il portait à la ceinture. Son regard, quant à lui, fixa résolument Elyane, prêt à porter un coup au moindre signe de sa part.

"Les échafaudages, dehors. Qui les a construit? Présente moi l'homme qui les a dessiné. Ce soir, il part avec moi sur mon navire. "

Son coeur manqua un battement. Ses doigts cessèrent de s'agiter. Ses yeux fixaient toujours la belle rousse sans la voir. La surprise était telle qu'il resta figé. Les secondes passèrent, peut-être même des minutes, il perdit toute notion du temps, retranché au fin fond de son esprit dérangé. Nom d'un chien ! C'était lui ! La raison de leur présence ici ! C'était lui et non la dragonne ! Combien de temps lui resterait-il avant que les soldats ne le dénoncent ? Et le mestre ? Et Elyane ? Allaient-ils le vendre pour sauver leur peau ? Arf...bien sur, c'est ce qu'il aurait fait à leur place ! Que valait la tête d'un bâtard comparé à une population entière de braves insulaires ? Lentement, Garrel baissa la tête et tenta de reprendre un air naturel et serein, tandis que son coeur martelait sa poitrine à tel point qu'il semblait sur le point de la quitter pour venir jouer sa symphonie au milieu de la salle.
Ne sachant pas trop à quelle sauce il allait être mangé, ni quelle stratégie adopter, le bâtisseur risqua un nouveau regard vers Elyane, stoïque puis vers le mestre, en quête d'une idée ou d'un quelconque ressenti. Allait-on plaider sa cause ou simplement le pointer du doigt ? Mestre Bryce le fixa sombrement, mi-amusé, mi-contrarié, avant de prendre la parole d'une voix forte, inébranlable :

"Comme vous avez pu le constater par vous-même, les constructions ne sont pas achevées, Lord Greyjoy ! Notre bâtisseur nous est utile pour le moment ! "

Garrel fronça les sourcils, l'air renfrogné. Même s'il appréciait le geste, les derniers mots du vieil homme n'excluaient pas la possibilité d'être abandonné à ces pirates dans un avenir proche. Enfoiré d'érudit ! L'architecte n'exprima cependant pas le fond de sa pensée et resta muet, attendant nerveusement que l'on décide de son sort le temps de chercher une parade pour se sortir de ce guêpier. Il ne savait pas pourquoi Euron Greyjoy le voulait sur son navire et lui en demander la raison reviendrait à révéler son identité. Avait-il besoin de nouveaux navires ? D'aprés ce qu'il savait, il existait pourtant de bons maitres bâtisseurs parmi les fer-nés et les bateaux qu'ils ne construisaient pas ils pouvaient toujours les voler. Tsss...Garrel ferma les yeux et se traita mentalement d'idiot. Le Greyjoy avait vu ses échafaudages, ceux qui aidaient à construire les plus hautes tours au Sud de l'île, il ignorait donc tout des talents du bâtard en matière de construction navale. C'était pour ses constructions terrestres qu'il s'était arrêté. Le Choucas mettait en place...

"Un chantier...." Murmura l'architecte en rouvrant les yeux. Son regard inquisiteur détailla le fer-né comme s'il venait de le remarquer. Que souhait-il construire ? Où construisait-il ? Était-ce la particularité de son architecture qui intéressait tant l'écumeur ? La hauteur de ses oeuvres ? Les techniques utilisées ? L'artiste oubliait petit à petit le danger qui l'entourait et semblait gagné par le plus consternant et abominable des défauts : la curiosité !



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Hs : Mille pardons pour ce retard éhonté !! Je me rattraperai en répondant plus vite que la vitesse de la lumière à mon prochain tour ❝All will be revealed on the trail we blaze.❞  ♆ Euron&Garrel&Elyane |[Flashback]| 3663664295
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