Be curious, not judgmental ♕ Ft. Rhoane Tarly

Depuis le début du Grand Tournoi de Port-Réal, c’était la première fois que la Lionne allait assister à l’une des épreuves vêtue de sa tenue de dragonnière. D’ordinaire parée des plus belles robes, des éclats d'or pendant autour de son cou et à ses oreilles, coiffée d’élégantes tresses ou laissant simplement ses cheveux cascader librement dans son dos, la Lannister ne passait jamais inaperçue. Elle désirait se faire voir et être admirée, mais elle aimait aussi afficher sa richesse et sa supériorité, ne reconnaissant de supériorité sur elle qu’en la famille royale que sa famille - elle y compris - servait au plus près; son père en tant que Régent et son frère en tant que Grand Argentier. Sa servitude à elle résidait dans son dragon, qu’elle irait voir et qu’elle chevaucherait une fois qu’elle se serait montrée suffisamment longtemps à l’épreuve du tir à l’arc. Ayant pour l’heure surtout assisté aux joutes et, brièvement, à la mêlée jusqu’à ce que Sacha ne lui fasse défaut dès le début de l’épreuve, il ne lui restait plus que cette épreuve demandant adresse, doigtée et contrôle de soi, à laquelle elle n’avait pas encore pris part.

Escortée de Qyburn et de deux gardes portant la longue cape rouge des Lannister, elle s’y rendit et arriva sur place tandis que des serviteurs reculaient les cibles de plusieurs mètres par rapport à l’emplacement des participants. Son regard se posa en premier sur eux. Le Bief était bien représenté, de même que la Couronne et l’Orage. Elle regrettait néanmoins qu’aucun Ouestrien n’ait jugé digne de s’inscrire à cette épreuve. « On raconte que Lord Patrek est en bonne voie pour remporter cette épreuve, ma Dame », l’en informa Qyburn et la Lionne eut un sourire en coin empli de satisfaction. Elle ne connaissait guère le Seigneur de Salvemer qu’à travers ce que lui en a raconté Myrielle. Mais l’Aigle semblait être un homme bien, avec des valeurs et de l’honneur. Cersei détourna ensuite son regard des participants et observa cette fois les spectateurs sur sa droite et sur sa gauche. Sa tenue de cuir rouge foncée et noire, incrustée du Lion d’Or Lannister au niveau des épaules ne passait pas inaperçue. Et avec la longue natte qu’elle arborait toujours lorsqu’elle chevauchait son dragon, afin que ces cheveux ne la gêne pas, elle donnait l’impression de partir en guerre incessamment sous peu. « Trouvons un endroit pour nous asseoir », déclara-t-elle, estimant avoir suffisamment attirer l’attention pour le moment.

Toujours accompagnée de sa petite garde personnelle, Cersei se dirigea vers les tribunes et, plutôt que de se rapprocher de celle de la famille royale et des invités de marque, elle préféra rester en retrait et jeta son dévolu sur les tribunes hautes, desquelles elle jouissait d’une excellente vue sur le champ de tir. Qyburn et les deux gardes restèrent debout derrière elle lorsqu’elle aperçut une jeune demoiselle l’observer, quelques rangées en contrebas. D’abord, Cersei ne prit pas attention à elle et se contenta de lui rendre son regard, sans un sourire ni même un signe de tête poli en guise de salutations. Elle ne la connaissait pas; pourquoi la saluerait-elle? D’autant plus qu’elle semblait très jeune, de l’âge de Félicité peut-être. Pourtant, la jeune fille ne détourna pas longtemps le regard avant de reprendre sa curieuse observation. Intriguée, Cersei se pencha en arrière: « Vous voyez cette jeune fille trois rangées plus bas? », fit-elle en l’a désignant d’un léger signe de la tête. « Amenez-la moi. » L’un des gardes obtempéra et Cersei le suivit des yeux, guettant la réaction de la jeune fille. Cette dernière finit par se lever et par le suivre. Ce n’est qu’une fois qu’elle lui fit face que Cersei comprit à qui elle avait affaire. « Voilà des couleurs et un motif que je connais bien », déclara-t-elle sans plus de forme de politesse. « Le Chasseur de la Maison Tarly. Vous devez être une des filles de Lord Randyll? Bien que je n’ai guère eu l’occasion d’échanger avec votre père, même lorsque je vivais à Hautjardin. »

@Rhoane Tarly   | dialogue : gras | pensées : italique

De toutes les épreuves du tournoi, le tir à l’arc était sans doute celle qui piquait le plus l’intérêt de la Chasseresse. Une histoire de sang, peut-être, et de fierté enfouie, probablement. Bien qu’elle eût passé plus de temps à haïr le nom Tarly qu’à l’honorer véritablement, elle avait toujours trouvé en ses armoiries familiales une certaine adéquation avec sa propre nature. Et si elle s’était principalement attelée à la discipline pour donner tort à son père, la Bieffoise avait finalement pris plaisir à sentir les flèches s’échapper au vent du bout de ses doigts. En vérité, il lui semblait que le renard et le chasseur se mariaient parfaitement pour façonner la Rhoane qu’elle était. Ne manquait plus que le dragon qui rugissait en son sein.
Elle s’était par ailleurs vêtue d’une robe digne de l’occasion, ni trop simple ni trop ostentatoire – après tout, elle avait déjà été naturellement bénie par les dieux – qui lui donnait l’impression d’être une nymphe au milieu de nobles grossiers. Le tissu, d’un rouge sombre presque brun, tombait et glissait, léger sur ses épaules, retenu ça et là par des bordures de cuir tressé qui venaient entourer son buste, tandis qu’une courte cape en mousseline encadrait ses bras fins. *Le tout venant simplement sublimer son visage, ainsi que le bijou qui ornait le creux de sa poitrine. Ses cheveux, remontés en un chignon élégant, laissaient ainsi pleinement place au pendentif, le chasseur de Corcolline bondissant au centre d’un cercle en or rosé. Une apparence méticuleusement calculée pour que son portrait soit à jamais associé à son nom dans l’esprit des nobles de Port-Réal. À cette pensée, sa main se porta au bout de métal entre ses doigts. Encore un énième signe qui la reliait à son père, qui, malgré elle, l’emplissait d’une légère indécision. Il était étrange, comme un objet si insignifiant pouvait retenir en lui-même tant de pouvoir sur sa psyché. Une part d’elle aurait voulu l’arracher de son col, le jeter à quelque mendiant de Port-Réal, en espérant ne plus jamais avoir à poser ses yeux sur lui, tandis qu’une autre part ne pouvait s’empêcher de se délecter des regards qu’ils attiraient sur eux, tous les deux. Finalement, elle l’avait tant poli et lissé, dans un amour-haine presque compulsif, qu’il brillait plus qu’aucun autre bijou de son coffret. *

Le regard rivé sur le jeune Hereward, observant sa posture étonnamment bien ancrée, elle se dit qu’il était bien dommage que son époux, en plus de s’être coltiné une épaule luxée durant les joutes, ne se soit pas proposé pour le tir à l’arc - qui était, pourtant, son épreuve de prédilection, si tant soit peu elle connaissait son homme. Quand brusquement des murmures excités lui parvinrent aux oreilles, se répandant comme un incendie autour d'elle. « Dame Cersei. Dame Cersei Lannister ! » Lady Cersei Lannister… Quelle bonté de leur accordé sa présence. Un petit sourire de malice vint étirer son minois, une pointe d’excitation se frayant un chemin dans son cœur. Une occasion, peut-être ?
Et pourtant, elle patienta bien quelques secondes avant de se retourner, planifiant exactement, d’après les coups d’œil de moineaux agités lancés autour d’elle, où devrait se poser son regard. Puis, les chuchotements se turent, et, lentement, Rhoane pivota, une once de sourire au coin des lèvres, plantant enfin ses prunelles sombres sur la Lionne. La surprise de la voir habillée ainsi en tenue de dragonnière manqua de déborder sur son visage, pourtant, la jeune bieffoise parvint tout juste de se recentrer lorsque des iris vertes croisèrent finalement les siennes. Le bruit étouffé des flèches s’enfonçant dans la paille attira à nouveau son attention sur la piste de tir, pourtant, son esprit était ailleurs. Sur l’apparence peut conventionnelle de cette guerrière de l’Ouest. Celle qui avait su apprivoiser, non pas un lion, mais un dragon. Un véritable dragon. La bête rouge. Cette fois-ci, la réalisation lui vint comme une évidence. Il lui fallait la rencontrer.
Et son vœu fut exaucé bien vite. Que ce soit par son insolence, son assurance, par son nom ou son apparence, elle avait marqué les esprits. La curiosité de Cersei Lannister semblait piquée. Et tout ce que cela lui avait coûté, n’était qu’une poignée de regards.
Sentant les yeux de la fille de Lord Tywin brûler sur elle, Rhoane s’arma de son audace habituelle, ne laissant aucune intimidation ne transparaître de sa démarche - si ce n’était une once de pudeur, pour ne pas paraître irrespectueuse.

« Lady Cersei Lannister, vous m’honorez. En effet, ma Dame, mais permettez-moi de me présenter en bonne et due forme. Je me nomme Rhoane Tarly, fille de Randyll Tarly et héritière de Corcolline. » Sa révérence fut amplement humble, pourtant, lorsque la jeune femme redressa le regard, celui-ci luisait toujours d’un certain aplomb. Si elle ne semblait pas encore mériter quelconque forme de politesse de la part de la fille du Régent, Rhoane était déterminée à lui faire changer d’avis.
Jetant un coup d’œil vers l’action en contre-bas, elle aperçut un autre jeunot prometteur du Bief, un Des Essaims, à en croire son blason. Néanmoins, sa concentration se reporta aussitôt sur la Lannister, son sourire se faisant éclatant.
« Vous avez œil, Dame Cersei, voici un excellent point de repère. Ce tournoi a-t-il donc déjà réussi à éveiller votre intérêt de quelconque façon ? », son expression se fit plus douce, une touche enjôleuse se mêlant à sa voix. « On peut de tout évidence dire que la maison Lannister ont encore une fois brillé. Votre cousin a été impeccable aux joutes. » Ponctuant ses mots d’un léger signe de la tête, Rhoane décida d’omettre les scandales qui étaient venus perturber les combats de coqs des plus braves et étincelants chevaliers de Westeros - ou plutôt, de ce qui restait des Sept Royaumes. *Ce qui importait, était sans doute que les Lions de l’Ouest étaient toujours aussi flamboyants que leur or.* Relevant légèrement son port de tête, elle esquissa ensuite une mine légèrement moins artificieuse, les mots suivants glissant avec honnêteté sur sa langue.
« Pardonnez-moi mon regard peut-être trop insistant, mais je vous trouve resplendissante dans cette tenue, milady. Vous êtes la preuve vivante que l’élégance et le charme d’une femme peut également résider dans sa force. Parmi tous les hommes que j’ai vu se disputer leur honneur, ici, sur ce sol, je doute que la plupart se sentiraient aujourd’hui bien petits à vos côtés. Après tout, qui pourrait rivaliser avec une dragonnière. » Peut-être l’abordait-elle avec trop de flatteries, mais pour une fois, Rhoane était sincère. Devant elle se tenait une femme qu’elle admirait, véritablement. Et puis…elle avait un dragon.