The Wolf and the Lioness ♛ Ft. Robb Stark

La Lionne aspirait à retrouver un peu de paix parmi toute l’agitation provoquée par le Tournoi de Port-Réal. Sourire et se montrer polie et avenante commençait à devenir une tâche difficile, même pour une femme aussi aguerrie aux mondanités que ne l’est la fille de Lord Tywin Lannister. Obligée néanmoins de se montrer, Cersei décida que, pour une fois, elle changerait de lieu de spectacle. Depuis l’ouverture du tournoi, elle n’avait assisté qu’aux joutes, épreuve la plus célèbre et la plus courue, ainsi qu’à celle de la mêlée. Pour cette dernière, Cersei ne s’était pas longtemps montré, étant donné qu’elle n’y assistait que pour voir ce dont Sacha, déguisée en homme, était capable face à de grands noms de la chevalerie. Sa protégée n’ayant pas brillé longtemps sur le champ de bataille, Cersei s’en était vite retournée aux tribunes d’honneur des joutes, siégeant entre son père et son frère. Comme il n’y avait aujourd’hui aucun duel de prévu sur la lice, c’est vers l’épreuve du tir à l’arc que la Lionne se dirigea, toujours accompagnée de sa petite cour personnelle, à l’exception de Sacha, qui devait se reposer pour soigner ses blessures obtenues des suites de la mêlée, ainsi que de deux gardes portant les couleurs de la Maison Lannister.

La Lionne ouvrait la voie, donnant l’impression de léviter légèrement au-dessus du sol tant sa démarche semblait aérienne. En réalité, elle ne devait cela qu’à sa longue robe qui dissimulait ses pieds, ainsi qu’à la légère brise qui soulevait de temps à autre certaines de ses longues mèches dorées. Elle fut remarquée dès son arrivée sur le lieu de l’épreuve du tir à l’arc, mais elle remarqua en retour que sa venue coïncidait avec le lancement du second tour de l’épreuve. Plusieurs serviteurs et autres garçons d’écurie venus aidant pour l’occasion étaient en train de reculer les cibles à une distance que Cersei et Qyburn évaluèrent à une trentaine de mètres. Félicité, de son côté, les rejoignait en les informant du classement suite à la première épreuve. Lord Patrek Mallister, l’époux de Myrielle, était en tête pour l’instant et Cersei esquissa un petit sourire satisfait, ravie pour sa cousine plus que pour l’aigle de Salvemer. Elle écouta d’une oreille distraite le reste du classement énuméré par Félicité et laissa son regard vagabonder autour d’elle. Il tomba en premier sur la tribune royale, où se trouvait, toujours bien entouré, le jeune Roi. En tant que fille du Régent, sa place devait se trouver sous l’auvent de cette tribune. Pourtant, Cersei n’en ressentait guère l’envie. Hormis sa chère amie la Reine-Mère, dont elle ne se lassait jamais de sa compagnie, il était des jours comme celui-ci où la Lionne préférait de la noblesse - voire sa propre compagnie - plutôt que celle, pleine de codes et d’étiquette, de la royauté.

La présence du Mallister l’incita à chercher plus avant la chevelure blonde de Myrielle, qu’elle n’avait que trop peu revue depuis son arrivée à Port-Réal. « Félicité ? Sois un ange et essaie de trouver Lady Myrielle, veux-tu ? » La jeune fille la quitta afin d’honorer cette mission, laissant Cersei seule avec Qyburn, qui guettait avec attention le début du second tour, et les deux gardes qui l’accompagnaient. Bien qu’ayant confié le soin à Félicité de trouver Myrielle, Cersei continuait de la chercher elle-même lorsque son regard croisa par inadvertance celui d’un jeune homme qu’elle n’avait, pour l’instant, pu observer que de loin. Robb Stark était en effet présent, venu de son lointain Nord pour cette grande occasion et Cersei se rappela soudain qu’il avait grandi ici, auprès de la famille royale, après la défaite de Robert Baratheon. La Lionne rejoignit le Jeune Loup et, tandis qu’elle réduisait la distance entre eux, elle se rendit compte que cela allait être son tout premier véritable échange avec un membre de la Maison Stark. Son Seigneur qui plus est. Certes, Cersei échangeait depuis bientôt quatre années avec son épouse, Kylis Stark, pour tout ce qui concernait le Cercle des Dames. Mais jamais encore ne lui fut donnée l’occasion de discuter avec son époux, que ce soit par écrit ou de vive voix. « Lord Stark », le salua-t-elle en le rejoignant enfin, un sourire mielleux aux lèvres. « Si je ne m’abuse, ne serait-ce pas la première fois que nous nous rencontrons tous deux ? Le tournoi est-il à votre goût ? »

@Robb Stark     | dialogue : gras | pensées : italique

Le suzerain du Nord peinait à se concentrer sur l’épreuve de Tir-à-l’Arc.

C’est que, la veille, son frère avait remporté la Mêlée, non sans gloire et malgré la pluie battante qui avait transformé le sable de l’arène en boue. Jon Snow s’était battu avec férocité, d’abord en un contre un et puis, vaillamment, face à une alliance de trois hommes qui n’étaient toutefois pas parvenus à le vaincre. Tous les frères Stark, ainsi que le jeune Ned Omble, étaient présents dans les gradins de la lice, serrés les uns contre les autres et encerclés par leurs loups. On n’aurait osé leur refuser la présence des bêtes, surtout pour cette épreuve-là, alors qu’un des leurs était dans l’arène. On ne les avait ainsi point trop approchés, mais de toute façon, même pour le Seigneur de la maison, l’heure n’était pas aux mondanités. Il était concentré sur la silhouette alourdie d’une armure de son frère, les yeux rivés sur lui et sur les hommes qui se ruaient vers lui pour l’atteindre. Robb avait crié, il avait juré, engaillardi par ses frères qui n’étaient pas moins timides que lui. Jon avait abattu ses opposants avec honneur, les uns après les autres, jusqu’à se trouver face aux deux derniers, et pas des moindres : Garlan Tyrell et Bertram des Essaims, alliés jusqu’à la fin. Ça n’avait pas été facile, les Bieffois n’avaient pas démérité ni n’avaient-ils offert à Jon une victoire trop facile. D’ailleurs, on avait choisi de leur offrir, à tous les deux, une deuxième place ex-aequo. Finalement, toutefois, Aerion Targaryen avait donné la victoire au bâtard de Winterfell.

Le jeune Roi n’avait pas su, toutefois, pourquoi, quand il l’avait couvert de gloire, il brillait dans le regard de Jon Snow un feu cynique. Le Roi n’était qu’un enfant qui n’avait pas (encore ?) été mis dans la confidence d’un des plus grands secrets de son père. Jon Snow n’était pas le fils bâtard d’Eddard Stark, mais celui de sa sœur, Lyarra. Et celle-ci n’avait pas été engrossée par le premier manant, mais par un homme qui n’était alors encore qu’un Prince, Rhaegar Targaryen. Jon Snow était ainsi le demi-frère du roi Aerion.

C’était ainsi un drôle de moment dont avait été témoin le suzerain du Nord, la veille. Il s’était attendu, pourtant, à ce que Jon remporte cette Mêlée, connaissant sa condition physique. Il n’avait pas songé, toutefois, à ce moment, qui s’était révélé lourd de sens.

Le tournoi de Tir-à-l’Arc, ainsi, semblait à côté bien futile. Les frères Stark s’étaient mis d’accord pour laisser cette fois-ci leur loup au chenil du Donjon Rouge, pour pouvoir se déplacer plus aisément dans la capitale. Robb avait quitté la lice un peu avant la fin du premier tour pour pouvoir visiter les marchés qui pullulaient dans les rues de Port-Réal. Il y avait trouvé un cadeau pour son épouse, une magnifique parure de perles qu’il lui offrirait à son retour à Port-Réal, achetée dans une boutique tenue par une Dame de la Maison Massey. Ça l’avait mis un peu en retard, mais il revenait dans les gradins tout juste pour le début du deuxième tour. Il ne connaissait pas le classement définitif de ce premier tour et cherchait à comprendre, vu la disposition des hommes dans la lice, qui prenait la tête et qui traînait à l’arrière. Il avait vu la performance de Patrek Mallister dont il fallait reconnaître la dextérité, ainsi que celle, misérable, du frère du suzerain de l’Orage, Renly Baratheon. Il se trouvait ainsi, entre deux gradins, non loin toutefois de ses frères et de son pupille, bien installé dans des tribunes d’honneur. Alors qu’il se retournait pour les rejoindre, il aperçut, marchant dans sa direction, une femme à la silhouette encore élégante malgré son âge et ses trois enfants, Lady Cersei Lannister. Il ne s’était jamais présenté à elle officiellement, mais il la reconnut sans mal : on la lui avait suffisamment dépeinte pour qu’il ne puisse la confondre. Ses longs cheveux blonds étaient intriqués d’une façon compliquée qui lui donnait une allure noble et fière, à l’image de l’animal qui représentait sa maison, le Lion. A cette distance, d’ailleurs, elle semblait plus grande que lui, ce qui lui donnait une prestance particulière. Le suzerain du Nord se redressa ainsi un peu, souhaitant faire honneur à la Dame qui se présentait à lui.

Elle l’apostropha par son titre et son nom, sans trop d’autres fioritures révérencielles. Robb en fit ainsi de même, associant toutefois son salut à un geste de la tête vers l’avant : « Lady Lannister, bonjour. » Un fin sourire sur les lèvres, Robb se félicitait intérieurement d’avoir choisi des vêtements à la mode réalaise pour cette journée de tournoi. La veille, il avait porté un apparat de nordien pour honorer son frère, épais, large, fait d’argent, de noir et de fourrures. Si un Stark était dans l’arène, il faudrait qu’hors de celle-ci, dans les gradins, la maison ancestrale du Nord soit bien représentée. Pour le tir à l’arc, toutefois, Robb avait pu laisser de côté les laines bien trop chaudes pour l’été réalais. Il avait plutôt opté pour une tunique en soie brune filée d’or, recouverte d’un veston en laine surpiquée de la même couleur, réhaussé d’un liseré d’hermine. Pour fermer sa veste, il portait une ceinture dont la boucle dévoilait la gueule ouverte d’un loup, seul clin d’œil à sa maison. La Dame de la maison Lannister, manifestement curieuse, entamait une oisive conversation qu’il plaisait au Stark de rejoindre. Elle se demandait s’ils s’étaient croisés par le passé, et sans attendre la réponse, qu’elle devait connaître, elle lui demanda si le tournoi était à son goût. Le sourire du Loup s’écarta un peu plus, laissant apparaître quelques dents, de fierté. « Comment autrement, ma Dame ? Avez-vous vu mon frère, hier, dans la lice ? C’est à vous que je devrais demander comment vous avez trouvé le spectacle…  » L’épreuve allait reprendre, pour son deuxième tour, mais Robb tournait le dos à l’arène. Il ne s’en préoccupait guère, bien plus intéressé par sa nouvelle rencontre. Il avait cru lire, la veille, dans le regard du Régent Tywin Lannister, un air méprisant quand il avait fallu couvrir d’or le vainqueur de la Mêlée, le Bâtard de Winterfell. Robb aimait cette provocation, surtout si elle parvenait à irriter le Vieux Lion de Castral Roc. Robb n’était toutefois pas de nature particulièrement rancunière, et s’il ne comptait pas parmi les plus grands amateurs du Seigneur Lannister, il fallait admettre justement que celui-ci n’avait besoin d’aucun soutien. Il s’était construit une place de choix auprès de la Couronne Targaryen de Port-Réal, laissant ses héritiers gérer d’une main de fer et de feu son Ouest natal. « On ne se connaît pas, ma Dame, mais j’entends parler de vos exploits par mon épouse, qui vous admire beaucoup. Êtes-vous venue jusqu’ici avec votre dragon ? » Robb devait admettre qu’il ne se souvenait plus de son nom.